Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mardi 1 novembre 2022

Solitude 1 (portrait)

 

Il me raconte sa solitude depuis 10 ans. Dix années que sa femme est morte, dix années qu'il est tout seul dans cette grande maison, ce grand jardin. 

Dix ans que tout est trop grand pour lui : La maison, le jardin mais surtout le temps dont il ne sait plus que faire.
Son unique enfant est loin, il vient de voir chaque mois, passe quelques jours auprès de lui.
La semaine ça va à peu près, mais le "dimanche madame, le week-end c'est dur" 
Plus personne ne vient le voir. Ses voisins tout près lui disent qu'il ne fait que se plaindre, qu'il devrait être content, il va bien, est en bonne santé, s'occupe bien de tout, et tout est en ordre, propre, arrangé, la pelouse tondue, les haies taillées. Qu'il a une bonne retraite, pas de soucis d'argent.


"Mais comment pourraient-ils comprendre eux, puisqu'ils sont deux"
En effet que peut-on comprendre à la solitude quand on est deux ? 

Il maintient tout de même sa vie, se lève, "les matins sont durs, il faut encore faire une journée". Pourtant il se fait à manger. "mais c'est bien triste de manger seul"
Il m'explique que tout est triste, manger, regarder la télé, aller faire les courses, le marché.

Il y va de moins en moins, pourquoi faire ? Avant il aimait aller au restaurant, "je n'y vais plus, tout seul au restaurant ? Ca ne ressemble à rien, tout le monde vous regarde... alors je reste chez moi.". Il ne va plus nulle part ou presque.

Je passe presque chaque jour devant chez lui lorsque je promène mon petit chien, parfois il est dans son jardin et nous bavardons. L'autre jour il me dit tristement qu'il envisage de partir, bientôt, qu'il devient vieux même s'il est encore valide il pense" qu'il est temps ". Tout en disant ces mots, il caresse mon petit chien qui lui fait la fête. Il ajoute que son chien est mort lui aussi, et qu'il n'a pas repris de chiot car il va 'mourir bientôt un jour proche" et qu'il ne veut pas le laisser tout seul".


Je ne dis rien je l'écoute, et je dois retenir mes larmes.

Nous nous disons aurevoir et à demain ou à bientôt. Ces rencontres, ces paroles et ces mots sont précieuses.

"La solitude, c'est ça Madame, c'est manger seul, dormir seul, se lever et se coucher sans qu'il n'y ait personne dans la maison".

Il reste digne.

Je sais, je partage, je comprends, je la vis chaque jour. La solitude est cruelle, terrible et terrifiante. L'autre nous manque, et nous attendons ? Mais quoi ?
Longue et interminable attente.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch


dimanche 30 octobre 2022

Lettre à Gerd



Mein Lieber Gerd,

Cette lettre tu ne la liras pas puisque toi aussi tu es mort, mais qui sait ? Peut-être m'entendras-tu du Paradis ou de l'Enfer toi qui ne croyais ni à l'un ni à l'autre. Il ne me reste plus que toi à qui dire tout ça... C'est ce qui était convenu, peut-être te souviens-tu ?

Tu m'as tout enseigné, tu m'as transmis ton savoir, ton expérience, tu m'as appris à tout supporter, j'ai été ton élève, une des meilleures disais-tu, la meilleure quand tu étais de bonne humeur... Tu m'a tout donné j'ai tout pris, j'étais un bon petit soldat, discipliné, rigoureux, endurant et souvent j'ai retenu mes larmes, mes émotions, mes peurs et mes désirs...  
Tu m'a tout donné... ou presque.

Et tu n'es même plus là pour m'aider, me dire ce que je dois faire, tu es parti, tu m'as abandonnée toi aussi. 
Ils sont tous morts, Gerd, ou presque tous, j'ai vu tomber mes Kamarades un par un, pas même au combat, mais ils sont presque tous morts de ne pas avoir pu vivre.
C'est trop, beaucoup.. beaucoup trop !

Un des nôtres est parti, encore, je n'en peux plus de les pleurer.

Je n'ai pas su, je n'ai pas pu le ramener de tout ça, de ces horreurs, de toute cette merde qui nous a dévastée, tous sans exception. Lui n'était pas plus faible que nous, pas plus fragile, il a enduré, autant, nous avons tous encaissé, pris. Nous avons tous tenu.
Mais lui n'en pouvait plus, cela faisait longtemps déjà. Quelque chose s'était cassé, brisé, il avait laissé ça là bas, sur le champ de sa dernière bataille, son ultime combat où il s'était porté volontaire.

Dis moi ce que je n'ai pas su ; faire, dire ?  Comment aurais-je pu aller le chercher encore au fond de l'Enfer sans savoir qu'il avait encore franchi la frontière si frêle ? Combien de fois ? Combien de fois suis-je retournée là bas. Toi tu le sais, combien de fois lui ais-je demandé, supplié de ne pas mourir, de tenir encore, que la vie valait bien ça. 

Il en a fallu, des palabres et des promesses, des menaces parfois, des injonctions Je me souviens de tout, je n'oublie rien, ni les mots, ni les cris, ni les larmes.
Combien de fois ? Je l'ai ramené sur la rive, tant bien que mal, à contre courant, contre les vents et la tempête, mais je l'ai ramené.

Je l'ai porté à bout de bras, écouté, séché ses larmes, mais il est reparti, et cette fois s'est noyé. Gerd, je n'étais pas là, je ne savais pas. Je n'ai rien pu faire. Je ne te dirai pas que je suis désolée. Je suis effondrée, désemparée. Je suis amputée d'un de mes membres, d'une partie de moi. Il me manque un frère.


J'ai perdu, un frère, un Kamarade, un frère d'armes, un frère d'âme. Tu nous a appris qu'il pouvait y avoir des liens plus forts que ceux du sang, des liens indestructibles. Ils
 étaient tellement forts, nous n'avions pas besoin de mots. La dernière fois que je l'ai serré dans mes bras si fort, je savais que tout ne tenait qu'à un fil, mince tenu, fragile, si mince, un rien, un tout petit rien, et ce fil est coupé. Pour toujours, à jamais, et cette fois je n'ai plus de torrents, de vallées de larmes et de sang pour aller le chercher. Pourtant.


Gerd, je n'y arrive pas, tu ne m'avais pas dit que je pouvais souffrir autant, tu ne m'avais pas dit que je devrais leur dire adieu, comme ça.


Combien des nôtres ? Encore ? Combien sont encore debout ? Toi qui nous a quitté parmi les premiers.

Tout est loin maintenant, une autre vie, un autre monde, il n'existe plus et nous n'existons plus, nous sommes des morts vivants dans un ailleurs qui ne veut plus de nous. Nous n'avons pas de place et nous diluons dans les abysses afin que plus personne ne sache qui nous étions.

Du warst ein alter Fuchs Gerd, wir waren deine Füchse. Du hast uns großgezogen, ernährt und uns unser Leben leben lassen. Ich bin allein. Sehr einsam, sehr traurig, verzweifelt, halbtot vor Kummer und Einsamkeit. 

Ich kann ihn immer noch sehen, so stark und groß in seiner Soldatentracht. Und Ich lächle und weine.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch


vendredi 16 septembre 2022

L'amour manqué




Il est tard et la nuit tombe Elle n'a pas envie que je parte, me retient, voudrait que je reste.
Elle veut me dire, mettre des mots, raconter, se raconter.


Sie Sagt... Ich höre

"Il y a bien longtemps je suis partie, j'ai quitté mon pays et ma vie, je n'avais je crois pas le choix. Mais on a toujours le choix....
"Il n'y a pas un seul jour où je ne pense à lui
Pas un seul où il ne peuple mes nuits
Et j'ai passé mes jours à y penser....

"Bien sûr j'ai reconstruit ma vie, sur des ruines, mes ruines et ma peine, mes regrets et mon chagrin. J'ai construit une vie....
Je me suis menti, j'ai tenté de me convaincre
J'ai fui, la vérité, la réalité

"Pas un seul jour où je n'ai pensé...
J'ai attendu; un mot, un signe, une lettre

Un mot, un seul de lui et je m'en serai allée
Je serais partie, aurait tout laissé, tout quitté, sans aucun regret...

Rien...
Mais que pouvait-on faire ? 
J'ai vécu au ralenti, dans le silence absolu, une autre vie, et une autre moi qui n'a jamais été moi.

Rien n'a vraiment eu d'importance, et plus rien aujourd'hui n'a plus d'importance. 
Je n'ai jamais vraiment vécu cette vie
Elle s'est vécue toute seule et je me suis laissée porter par un courant sans savoir nager, j'ai souvent pensé couler et me suis laisser emportée, hélas les vagues m'ont ramenée et m'ont laissée encore plus désemparée..


Il est tard et il fait presque nuit
"Ma vie n'est pas la mienne, mais celle d'une autre, moi je suis restée là bas, dans mon rêve et mon passé...
Pas un jour sans imaginer cette autre vie avec lui... lui que j'ai quitté.

Je n'ai jamais vraiment aimé cet autre homme avec qui j'ai vécu toutes ces années...
"Je n'ai jamais été capable d'aimer depuis...
Le temps s''est écoulé, sans moi et avec moi... 
Je n'ai aucun regret. Je vais bientôt mourir et en suis soulagée
Mais quand même passer une vie une vie entière à côté de soi, de son désir, de son amour, de ses projets et d'une vie qui aurait du............être.
La guerre... 

Il est tard... la nuit est tombée, une larme coule sur sa joue, elle me prend la main et me dit. 

"merci"

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

jeudi 23 juin 2022

Le deuil.



Je ne peux me résoudre à ce qu'il ne soit plus là
J'attends
j'attends qu'il revienne

Je guette le bruit de la voiture, celui d'une porte et j'attends des pas
J'attends
Je me dis que l'absence est courte, qu'il me faut de la patience, que parfois

Je ne peux me résoudre à ce qu'il ne soit plus là.
C'est comme si après tout ce temps
Je réalisais le vide, la béance de l'absence
De voix, de son, de rire, de larmes, de plaintes, de joie
Je n'entends plus rien
Que le chant des oiseaux dans le jardin 
Le miaulement du chat
les glapissement du petit chien
Le crissement des pneus de voitures au loin
Je n'entends que ça
Pas le son d'une voix
La solitude c'est ça
Au début on parle au chat, au chien, aux fleurs et aux abeilles
Puis on se parle à soi
Enfin on parle au mur
Qui ne nous répond pas
La solitude c'est ça
Quand il n'y a plus de voix
Que parfois même on ne parle pas, on ne dit rien pas un seul mot pendant une heure puis des heures puis un temps qu'on ne compte plus

Car le temps se perd, se dilue dans le chagrin et la peine
Le temps n'existe plus et n'a plus de sens
Plus rien n'a des sens ni soi ni son existence

Ce temps de l'attente n'est qu'une illusion, dans ce monde il n'existe plus que le vide et le néant
L'envie s'en est allée. 
Si d'autres mondes existent peut-être ? On ne sait jamais !

Je ne peux me résoudre à ce qu'il ne soit plus là, que je n'entendrai plus ses pas, ses rires et sa voix
Tout cela se perd au fond de ma mémoire confuse, qui ne peur ramener sur la rive quelques bribes de souvenirs
Tout s'en est allé

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch


lundi 30 mai 2022

L'entourage toxique 1 Lucinda


Ils sont partout, et surtout prés de nous. On ne les voit pas, ils distillent leur venin la plupart du temps sous couvert de bienveillance, pour rendre service, aider ou conseiller.

Qui sont-ils ?

Le plus souvent ce sont nos proches, ils ne nous veulent pas vraiment du mal, mais l'enfer est pavé de bonnes intentions. Les sujets anxieux, stressés, angoissés sont une proie aisée tant ils sont vulnérables, perdus, pas sûrs d'eux, submergés et parfois effondrés
.

Il n'y a pas en première instance d'intention de nuire, mais plutôt celle d'aider ce qui dans ce cas s'avère pire. L'anxiété et le stress empêchent le sujet de se concentrer, de voir les choses de manière neutres, justes, de prendre une décision. Le stress génère des troubles cognitifs qui ne lui permettent pas de raisonner de manière raisonnable. Mais comme nous l'avons par ailleurs souligné il est parfaitement conscient de ce qu'il vit, il sait aussi que son trouble anxieux potentialise non seulement la situation mais aussi la réponse qu'il pourra y apporter. Ainsi un problème banal de la vie quotidienne va lui paraître insurmontable. Il se sent dépassé, à besoin d'aide et s'adresse d'abord aux proches, familles, amis, bonnes copines ou bons copains, dans l'attente d'entrevoir une éclaircie dans cette nébuleuse.

Lucinda* vient de vivre un deuil douloureux et depuis six mois depuis les difficultés ne cessent de pleuvoir. Elle a tenté par tous les moyens de tenir la barre, de nager un peu au dessus de la vague. "A chaque fois que je sortais un peu la tête de l'eau, boum un autre truc me tombait dessus, financier, démarches, tout, j'avais l'impression d'être maudite et que le sort s'acharnait"

La jeune femme a fait ce qu'elle a pu, continué de travailler "sinon je n'aurai pu ni payer le loyer ni faire face à toutes les dépenses". Elle n'a pas "eu le temps de faire son deuil ni de pleurer les morts " dit-elle, submergée par les démarches, car l'administration, la vie courante n'a rien à faire avec le chagrin. Il y a des délais à respecter, dura lex sed lex ; "je n'en dormais pas, j'avais peur d'oublier, de mal faire".

Elle raconte des mois d'insomnies, de calvaire, de stress, au point qu'elle ne pouvait plus ni manger, ni dormir, ni même penser. 'je n'arrivais plus à rien, je ne savais même plus si j'avais dormi, j'étais en pilote automatique". 

Elle s'en ouvre à son entourage qui la plaint, "ma pauvre tu n'y arriveras pas, tu ne peux pas rester là" "tu ne t'en sortiras pas" "c'est trop difficile pour toi, tu vas faire des bêtises" ponctué d'injonctions "il faut, tu dois".

Lucinda se sent perdue, encore plus perdue, "ça ne me remontait pas le moral tout ça, je doutais de moi, de mes capacités, on me prenait pour une idiote, une pauvre fille"

Elle expose sa souffrance, sa colère aussi. Je lui fais remarquer que compte tenu de ce qui arrive dans sa vie, aussi brutalement et douloureusement, son état, sa fatigue sont compréhensibles. Nous parlons du deuil, du temps, de son "droit à être mal, fatiguée, en colère et se sentir dépassée, et de demander de l'aide aux personnes qualifiées pour lui répondre, elle aura ainsi une réponse "d'expert".

Persévérante elle poursuit la route, trouve les bons interlocuteurs, explique, obtient l'aide et ressens de la satisfaction. enfin elle "en voit le bout". Heureuse d'avoir pu avancer, Lucinda éprouve une certaine fierté "ouf, j'y suis arrivée, j'ai eu raison de ne rien lâcher... je vais pouvoir enfin penser à moi, me reposer".

Elle informe son entourage que les soucis et les problèmes rencontrés sont en passe d'être résolus et s'attend à ce que ces "amis" et parents soit heureux pour elle. Hélas tout ne se passe pas comme prévu !
"J'étais enfin détendue, bien, je décide d'appeler M pour lui dire, je lui avais tellement parlé de ces papiers, de mes insomnies, de ma peur de ne pas savoir faire, alors toute contente je lui raconte...." Mais M par je ne sais quel tour de magie, réussit à mettre le doute dans l'esprit de son amie :
- " Tu es sûre, moi je n'ai pas fait comme ça, tu te trompes, tu n'as pas su lire, tu vas avoir des soucis"... Et autres phrases aux conséquences assassines

S'engage un dialogue où personne n'entend l'autre, peu à peu Lucinda qui est sûre d'elle 'puisque tout a été fait avec la personne compétente" perd  pied malgré tout. Un monologue fait de ruminations l'envahit et elle s'effondre, dépitée, remettant en cause les rendez vous avec les agents, les documents remplis, ne trouve pas, ne comprend pas...


Finalement très en colère elle raccroche le téléphone et tombe en larmes. 
Lucinda allait mieux, elle commençait à reprendre un peu confiance en elle, à s'affirmer, à éprouver le bien être d'avoir su faire, et bien. Alors comment le doute peut-il s'installer ? Comment les mots de l'autre ont-ils pu être des obus destructeurs ? Pourquoi cet autre a t'-il éprouvé ce besoin de contredire une vérité ? "vous vous rendez compte elle savait mieux que cette personne dont c'est le métier"
Après une nuit d'insomnie et "une journée pourrie" elle reprend toute la situation et applique la méthode enseignée lors des séances. Raisonne, dissèque, classe... voit les choses telles qu'elles sont, les faits, rien que les faits.
Puis peu à peu dit-elle tout effectivement est clair.

Mais il lui reste cette amertume, celle de ce dialogue qu'elle dit fou avec M qui lui a reproché de ne pas lui faire confiance "à elle qui a toujours été là pour l'entendre pleurnicher" induisant chez la jeune femme une grande tristesse mais surtout culpabilité

Lucinda reconnait que cette scène est d'une violence inouïe, que son amie l'a maltraitée, et qu'elle ne mérite pas ça. Elle décide alors de le lui dire, et d'interrompre une relation qui était toxique, ce qu'elle n'avait pas réalisé jusque là. Car "c'était en fait tout le temps comme ça avec elle, ce n'était jamais bien, elle me disait "tu as pris ce pull vert : tu es bien sûre, car le jaune t'allait mieux " M. a t'elle vraiment écouté son amie, ses besoins, ses désirs ? L'a t-elle considérée comme une amie ?
 

C'est en effet une bonne question dont la réponse appartient à Lucinda. Mais cet exemple montre comment et combien les personnes proches peuvent faire mal, faire douter de soi et instiller le doute dans nos décisions, nos démarches et nos choix. Cette proximité, amitié, sentiment nous rend forcément encore plus mal à l'aise et nous font douter de nos capacité. "C'est pour notre bien" ? C'est ce que nous croyons tous. 
J'insiste tout particulièrement dans le cadre de l'anxiété, car le sujet stressé ou angoissé multiplie les démarches, les plaintes, pour chercher de l'aide et apaiser son mal être. Au lieu de le rassurer ces réponses augmentent son stress et lui font ressentir des émotions désagréables au point qu'il se sent davantage perdu.

L'entourage fort heureusement n'est pas forcément toxique, mais on ne se méfie pas, du moins on baisse la garde, ce qui est heureux. L'anxiété, une difficultés une épreuve nous tourne naturellement vers la famille et les proches. Pourtant ! Cet exemple n'est pas le seul et montre combien le sujet anxieux est fragile et vulnérable et qu'il peut facilement perdre le contrôle.

L'anxiété est une souffrance qu'il ne faut pas prendre à la légère, elle ne peut être que passagère lors d'un évènement de vie, mais peut s'installer au point d'envahir le sujet. C'est pourquoi il importe de arrêter pour tenter d'y remédier pour retrouver rapidement le plaisir de vivre.


* Le prénom a été modifié


Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch



mercredi 4 mai 2022

Anxiété



Il convient de distinguer le stress, l'anxiété et l'angoisse. Nous parlerons ici de l'anxiété.
Le sujet anxieux souvent ne consulte pas pour "ca" dans le cadre d'une prise en charge psychologique et psychothérapeutique, il faut que les troubles ressentis durent et surtout persistent et lui font craindre un problème de santé pour qu'il s'en ouvre à son médecin. 
L'anxiété est une émotion, quelque chose qui est ressentie, et cette sensation n'est pas particulièrement agréable, parfois elle est désagréable, gênante. 

Cette sensation est identifiée mais le sujet est plus ou moins  conscient de ce qui lui arrive, mais il ne comprend pas ,il est dans une attente de quelque chose qui pourrait survenir, lui arriver, il ne sait pas quoi, ce n'est pas très clair, mais un danger, une situation, un problème qu'il ne pourra pas résoudre, et ça l'inquiète. 


L'anxiété (qu'il ne peut pas nommer) se manifeste par un sentiment diffus d’inquiétude qui a des répercussions délétères sur le quotidien. La personne anxieuse devient irritable, se met facilement en colère, a du mal à se concentrer et à apporter une réponse aux situations de sa vie courante. Son entourage ne "le reconnait pas", car "ça ne lui ressemble pas", c'est d'ailleurs ce constat, ces difficultés dans sa vie de tout les jours qui le mène à "faire quelque chose"

Si elle bouleverse notre psyché, l'anxiété se manifeste aussi bruyamment dans notre corps par des troubles physiques souvent bien éprouvants

Ainsi il ne se sent pas bien et le malaise s'étend à tout son corps, il décrit la plupart du temps, une fatigue qui dure, dés le matin, il ne comprend pas, il n'a rien fait de particulier et n'en voit pas vraiment la cause, il se sent en dessous de sa forme. Puis il a du mal à dormir, s'endormir, ces insomnies sont souvent dues à des pensées en boucle, des ruminations qui arrivent et qu'il ne peut pas contrôler. Il se plaint de céphalées, des maux de têtes sans raison particulière, une tension des muscles du cou, des épaules occasionnant des douleurs diffuses, sans qu'il n'ai fait d'efforts. Dans la journée il a des vertiges, la tête qui tourne, la sensation qu'il va tomber, faire un malaise, se trouver mal dans la rue, n'importe où et qu'il ne peut rien faire. Il a des tremblements des mains,  ses jambes se dérobent, tout son corps est en mouvement et il ne contrôle pas et c'est désagréable. Il sent son coeur qui bat, des palpitations une accélération du rythme cardiaque, du  mal à respirer, un essoufflement, une sensation d'étranglement, un étouffement, la gorge le serre, "une boule dans la gorge, ou dans l'estomac"  il a mal il ne peut plus parler. Parfois des bouffées de chaleur ou de froid, des sueurs, une envie d'uriner. Parfois il a des nausées, mal au ventre, des troubles gastriques et intestinaux sans raisons particulières.
Et surtout il ne se sent pas bien ne comprend pas l'origine de tout ce qui lui arrive, surtout que le médecin n'a rien trouvé d'anormal lors de l'examen clinique et des bilans sanguins.
Que se passe t-il alors
" C"est donc que je suis fou ?"

L'anxiété si elle est normale chez chacun de nous peut si elle est ressentie de manière inadaptée et sur adaptée représente un handicap au quotidien et une souffrance pour celui qui la ressent. En effet être anxieux nous permet de nous protéger dans un contexte hostile. Mais lorsqu'on ressent une anxiété intense et surtout intense sans qu'il y ait un danger ou une situation réelle qui nous  mettent en péril, on parle alors de troubles anxieux, rapidement incompatibles avec la vie quotidienne. 

Eprouver un trouble anxieux ne fait pas de nous un "fou" si tant ce mot ait un sens. C'est une souffrance réelle dont il faut tenir compte car elle empêche celui qui le vit, le ressent de vivre "normalement" d'être avec les autres, lui même et d'apprécier les moments même les plus agréables. 
Il est parasité, envahi par cette attente possible, ce "ça" qui peut arriver, et si ce n'est pas ce "ça" c'en est un autre. L'anxieux trouve toujours une bonne raison de l'être. Cette raison si elle est réelle prend cependant un caractère déraisonnable et suradapté.

Le travail thérapeutique repose d'abord sur cette prise de conscience. Ensemble nous examinons les situations anxiogènes afin de leur donner un sens. Comprendre ce qui fait sens, ou ce qui le pourrait. 
Comprendre l'ici et maintenant, mais aussi, l'avant, ce qui est à l'origine de cette anxiété qui n'a pas raison d'être. Et lier, relier, donner du sens encore
Ainsi on peut commencer à mettre en places des solutions, proposer des outils, mettre en place des situations, tenir un carnet de bord.

Il n'y a pas de protocole à proprement parler, ce dernier ne peut être que singulier, car chacun est différent, chaque anxiété est singulière, chaque thérapie est adaptée à la personne, sa structure et ses objectifs. Ce dernier étant de lui apporter les moyens de s'apaiser, de recouvrer un peu plus de liberté et d'apprécier les moments de la vie, les accueillir et les vivre pleinement au présent, sans se laisser parasiter par des pensées d'un possible futur qui n'arrivera peut-être jamais et qu'il ne peut à l'instant même de sa pensée y apporter une réponse. 
C'est un travail certes,  un entrainement de longue haleine parfois, il faut persévérer, mais le résultat est là, toujours. Il faut prendre le temps de s'arrêter, de regarder et de comparer, de se féliciter aussi pour le petit pas qui a été fait. Cette victoire si infime soit elle. S'appuyer dessus et continuer le chemin. Se libérer pour vivre et ne plus se sentir étouffé.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch


mercredi 20 avril 2022

"J'ai peur d'avoir peur"



J'ai peur ! J'ai peur d'avoir peur, j'ai peur de tout, peur de tout ce qui pourrait arriver, qui pourrait m'arriver et qui n'arrivent pas mais qui pourrait peut-être arriver demain, tout à l'heure, bientôt, un jour. 

Et je suis fatigué d'avoir peur. 

Mon cerveau toute ma tête est envahie, mangée, rongée par la peur, une peur que je ne peux pas vraiment définir. 

Mais quand je n'ai plus peur d'une chose j'ai peur d'une autre, ça ne s'arrête jamais. Je ne sais pas pourquoi. 

Avant ce n'était pas comme ça, j'étais plutôt insouciant, mais maintenant la moindre petite contrariété, le moindre petit imprévu dans ma vie me met mal à l'aise. J'ai peur de ne pas y arriver, de ne pas savoir, de ne pas être à la hauteur. Et c'est vrai, je ne le suis pas, j'ai tellement peur que je perds tous mes moyens, déjà que j'en ai peu.  

Stress, anxiété, angoisse, peur, souffrance, douleur, fatigue, mal, céphalées, migraines, courbatures, insomnie, confusion, perte de mémoire, d'appétit, d'envie, de tout.
C'est un tout, et surtout un trop plein de mal être et de mal aise. 
La vie au quotidien devient parfois un enfer et les nuits donnent lieu à des réveils et des cauchemars. C'est un cercle vicieux qui s'installe, l'anxiété et la peur qui alimente l'insomnie et le manque de sommeil qui ne permet pas de voir clair. De voir vraiment ce qui se passe, comment est l'événement, la situation. La réalité.

Cette réalité que le sujet fait sienne, qu'il déforme sans le vouloir et s'en rendre compte car tout est vu, perçu, entendu au prisme déformant de la peur et s'enchaînent alors les scénarii douloureux, des histoires qui ne vont pas bien qui se distordent où rien de bon ne peut arriver
Parfois se mêle la fatalité, le manque de chance "il n'y a qu'à moi que ça arrive'
Pourtant.

Il faut alors du temps pour comprendre que le hasard n'y est pour rien et que l'anxiété que le sujet génère est à l'origine de tous ce qui fait symptôme. Une visite médicale et des examens complémentaires qu'il convient néanmoins de pratiquer révèlent la plupart du temps que "tout va bien". Donc si ce n'est pas le corps, c'est dans la tête.
Ce constat inquiète souvent le sujet anxieux qui se dit qu'il n'y a pas de remède, qu'il ne veut pas d'anxiolitiques de toutes ces drogues qui lui feront perdre repères et capacités, qu'il ne veut pas être un zombie.
Pourtant.

Si la thérapie est nécessaire, si mettre des mots sur "tout ça" et tenter de trouver du sens, parler des soi, de son enfance, de ses parents, de sa vie. Raconter les situation ou "tout ça" surgit et fait mal, l'envahit et lui fait perdre tous ces moyens, un traitement s'avère parfois utile et lève l'angoisse. "Grâce à ça je ne ressens plus ces sensations de tensions, de douleurs " disent parfois les patients. 
Nous pouvons alors mettre en place les "outils" pour apaiser, calmer, et changer la manière d'appréhender la situation. Il n'y a pas une seule réponse, il peut y en avoir d'autres, et c'est le travail qui se met en place lors de l'alliance thérapeutique qui se noue entre le sujet et son thérapeute. L'un se connait, sait ce qui lui arrive, ce qui lui fait mal, l'autre l'entend et lui propose des solutions qui peuvent l'apaiser.

Avoir peur d'avoir peur n'est pas une fatalité, encore moins une malediction. Cette souffrance peut ne pas devenir douleur et empoisonner le quotidien. On peut en venir à bout et retrouver une vie plus apaisée et sereine. Etre acteur de sa vie, ne pas se laisser entrainer et mener par le cours du fleuve jusqu'à s'y noyer.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo : @brigittedusch



dimanche 10 avril 2022

Il y a... Les insomnies




Sommeil cassé, brisé, en morceaux, nuit blanche, grise, nuit sans repos.


Il y a des nuits qui ressemblent à des jours, à des jours gris, des jours mornes, des jours d'ennuis
Il y a des nuits où le sommeil n'est pas au rendez-vous, des nuits où on ne dort pas, ou peu, ou pas beaucoup, des nuits où on a beau faire, le sommeil ne vient pas, ne viendra pas. Le sommeil a foutu le camp.


On reste là, au fond du lit, dans l'attente. Longtemps ! On se dit que ça va venir, enfin, qu'il suffit d'être patient, on se tourne, se retourne, on se lève, on boit une gorgée d'eau, on se recouche, on s'allonge, on fond du lit, on se dit que ça va venir, on baille, on se dit que ça vient, c'est bon, pour bientôt, on se tourne, on ferme les yeux, on attend ! Et ça ne vient toujours pas.

Il y a des nuits qui ressemblent à l'Enfer, une répétition permanente, un scénario connu, qui revient sans cesse malgré soi. Rien/

Pourtant on a tout essayé, la méditation, le yoga, la respiration, prier et compter des moutons, mais on en devient fou.
On a essayé, les plantes, l'homéo, les huiles essentielles, et tout ce qui vous promet un sommeil de bébé.
Il reste les somnifères, peu importe, ils vont nous plonger dans une sorte de torpeur, un coma artificiel mais au moins on dormira
Ces nuits sans sommeil, ces nuits où l'on dort en plusieurs fois, ces nuits qui ne nous réparent pas, ces nuits qui nous font peur.
Tellement peur que la nuit est redoutée, épuisé de fatigue, on recule l'heure du coucher, l'heure de la torture, la première d'une longue suite jusqu'au lendemain matin
Insomnie quand tu nous tiens tu ne nous lâches pas. 

Rien pourtant ne s'oppose au sommeil, pas plus de tracas que d'ordinaire, pas de soucis particulier, si on ne peut pas dire que tout va bien, on peut affirmer que rien ne va vraiment mal. Donc pourquoi ? On a réduit sa consommation de café, de thé, pas fait de sport au moins trois heures avant l'heure fatidique, pourtant ce sacré sommeil, s'est encore fait la malle.

Sommeil cassé, journée saccagée, humeur instable, colère, fatigue, envie d'envoyer tout balader, on ne se reconnait pas. On tient sur les nerfs, on se demande bien comment on arrive au bout, et on espère… Dormir enfin ! Et ça recommence. On se demande comment demain sera si on ne parvient pas enfin à fermer l'œil, on sait qu'il ne faut pas mais c'est plus fort que soi… 


L'insomnie ou plutôt les insomnies sont un fléau, qui, s'il, n'est pas nouveau devient quand même une plainte de plus en plus récurrente. Car il y a la pression, celle qu'on se met à dormir et à se réveiller
Pendant la journée prépare ta nuit ! prépare ta journée pendant la nuit
Refrain cynique qui tourne en boucle à en devenir fou. Dormir est une attente, un espoir, un désir, une supplique, un désespoir.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo, @brigittedusch

vendredi 11 mars 2022

Les blessures invisibles.



Les blessures invisibles

Le temps du chagrin...
Un chagrin qui s'estompe..
L'espoir mais pas l'oubli. Toujours dans nos coeurs. A jamais, car comment oublier. Vivre avec encore, mais vivre quand même, blessures et cicatrices, plaies ouvertes et béantes, qui se ferment et s'ouvrent à chaque souffle, à chaque larme, traces ineffaçables, présentes à la mémoire.
Mais un jour on se tient debout, un jour on fait face à ses fantômes, sans bruit, sans heurts et sans pleurs, un jour on affronte ce moment là sans trop de terreurs, sans trop de peur.
Alors on retourne, on fait le voyage à l'envers
On retourne dans sa mémoire
Et là on regarde
On voit tout en face encore,
Comme une rafale
Mais cette fois c'est toi, c'est moi qui décide
De revivre, de revoir, de ne pas fuir.
Ce jour là arrive, il faut du temps, de la patience, des larmes, de la peur et des pleurs
Il faut attendre longtemps et parfois même cesser d'y croire
Se dire que c'est fichu, que c'est perdu
Se demander aussi pourquoi on est là ?
Mais on y est.
C'est le plus important.
On est arrivé là, alors il faut avancer, encore
Juste encore un peu.
Pour vivre encore, espérer encore...
Avec ça, peut-être, mais avec et ce n’est pas rien.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne Crédit photo, @brigittedusch

jeudi 3 mars 2022

l'emprise

  Le salut de l’homme est dans le choix » Freud (mars-avril 1923)


L’emprise

On parle plus couramment de pervers, des pervers narcissiques, on en parle tant que le terme en est devenu quasiment banal, comme le mal, qu’il fait et qu’il est.

J’ai donc choisi de parler « d’emprise » pour reprendre le concept freudien de « pulsion d’emprise ».

La pulsion (Trieb) caractérise l’humain, elle lui est propre et singulière. Freud en donne la définition suivante (elle) nous apparait comme un concept limite entre le psychique et le somatique, comme le représentant psychique des excitations issues de l’intérieur du corps et parvenant au psychisme, comme mesure de l’exigence de travail qui est imposé au psychique en conséquence de sa liaison au corporel »[1], il la distingue de l’instinct (lnstinkt). C’est une manière d’investir le monde. Il s’agit d’une force inconsciente entre le psychisme et le corps qui oriente le sujet vers un objet qui va lui apporter satisfaction, mais pas seulement, car elle vise toujours au-delà de l’objet. Freud la situe dans le registre du mythe. « Les pulsions sont des êtres mythiques, grandioses dans leur indétermination »

Et l’emprise ? Qu’est ce que ce « mal » là, cette orientation vers laquelle le sujet tend et se tend, pour tordre, se tordre et distordre les liens mis en place avec l’autre ; sa proie, sa victime, son objet.

Avant de faire la une des magazines, le méchant ou/et pervers narcissique est une notion développée par Racamier et Eiguer. « lnstrumentalisation”,” ustensilisation” sont des néologismes pour expliquer, représenter et mettre des mots sur des actes, ceux d’hommes pourtant advenus à la civilisation, à l’humanité qui comme l’a souligné à moultes reprise le père de la psychanalyse « ne va pas de soi ». Cette pulsion est originaire nous explique t-il, ‘la pulsion des pulsions… Une pulsionnalité, une pulsion de pouvoir » une racine du comportement humain en quelque sorte. Un sentiment de toute puissance.

L’emprise de l’autre, la main mise sur l’autre qui de sujet devient objet. En est réduit à cette condition d’instrument pour mieux être utilisé par son « agresseur ».
Deux personnes, un lien qui se tisse et qui au fil du temps se tord. Un lien tordu qui s’impose et qui enferme le sujet/objet au cœur d’une immense toile d’araignée, un labyrinthe sans issue, une prison dont on a jeté la clé.
Un espace qui se réduit de jour en jour telle une peau de chagrin. L’un domine et l’autre se laisse dominer, utilisé, maltraité, réduit en esclavage mental par son ‘agresseur ». lsolement, maitrise, humiliation, violences sous toutes ses formes, rien est épargné à un sujet qui se laisse entrainer dans cette spirale infernale, dans ce cocon dont il ne sortira, s’il peut le faire pas indemne.

On s’attache beaucoup à décrire le méchant, le pervers, celui qui use de tous ces/ses artifices y compris les plus séduisants pour arriver à ses fins, au mécanismes, aux symptômes, à tous ces items qui font tirer la sonnette d’alarmes aux proches, inquiets, terrifiés par l’attitude d’un père, frère, fils, fille, amie qu’il ne reconnaissent plus depuis un certain temps, depuis que ce proche a rencontré untel ou unetelle. Il ou elle n’est plus le même, ils ne comprennent pas. Ce ll ou elle n’entendent pas, ne veulent, ne peuvent rien entendre, car le mécanisme s’est instauré, subrépticement, doucement, par des petits riens, des remarques, conseils au début, flatteuses parfois qui deviennent rapidement des injonctions, des menaces ! ll est trop tard, la toile est tissé le piège refermé, les proches dangereux car pas dupes écartés, le jeu pervers peut commencer.

On s’attache souvent moins à la personnalité de la victime ou plutôt de l’instrumentalisé. Comment en est-il arrivé à tomber dans un panneau aussi grossier. Car il est souvent intelligent, doté d’un bon sens critique (du moins le pense t-on), issu d’un milieu et d’une éducation favorisée, indépendant… Alors quelle est la faille ?
Ce n’est hélas (ou pas ) pas aussi simple que ça, car il ne s’agit pas seulement d’individu, de sujets humains, mais d’une relation , un lien entre deux personnes (dans le cas qui nous intéresse, mais le cas s’applique aussi à l’emprise sectaire) qui devient malade, pathologique et pervers. C’est de ce lien qu’il s’agit, de cette rencontre là, de ce rendez vous qui ne pouvait pas se rater, qui a bien eu lieu pour jouer ça, cette mise en actes et en scène

Je vous proposerai lors de prochains articles plusieurs « vignettes cliniques » issues d’observations de ces liens singuliers, de rencontres diverses depuis une bonne vingtaine d’années, afin d’illustrer et de tenter de comprendre ce mal.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne Crédit photo @brigittedusch

mardi 8 février 2022

Aprés l'orage


Il est arrivé d'un coup
Prévisible mais imprévu
Attendu, espéré et redouté
Il est arrivé d'un coup
Et m'a trouvé là, sans voix
je n'ai pas eu le temps de m'abriter, 
La foudre est tombée
L'orage
Violent, déchirant, tonnant,
Au milieu je me débats mais je ne peux rien faire, il me prend, il m'emporte, il me porte vers les abysses, et je pense que je vais mourir
Je ne peux que mourir

Il arrive d'un coup, attendu mais redouté, prévu mais imprévisible, il surprend, prend là où ne l'attend pas ce qu'on ne veut pas abandonner
Il déleste de tout, de l'autre et de soi
L'orage

Puis il s'en va, s'en repart d'où il est venu et le monde continue de tourner comme s'il n'était jamais venu
Il disparait n'existe plus
Et me dépose là comme ça, désespérée sans voix apeurée, il me laisse là et je n'arrive pas à me relever
Tout est en ruine
Il me laisse là dans ce chaos inconnu et terrifiant
L'orage est parti, il ne reviendra pas. 

Il me faut me relever, être debout, tenter de marcher, faire quelques pas et avancer, trouver un refuge pour sécher mes larmes et apprivoiser ma peur. Regarder ce paysage désolé, ravagé par ses fureurs. 
Et moi, je suis là au milieu de tout ça
Juste après l'orage.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

vendredi 21 janvier 2022

Laisser aller le long du fleuve




Il m'en a fallu du temps pour mettre des mots, les assembler pour dire, nommer et tenter de transmettre, de prendre le recul pour me dire, me rassurer, me parler, me faire confiance de pouvoir entendre ce que j'ai à me dire


Je ne suis pas certaine encore que tous ces mots soient justes, et au rendez vous de mon désir

Ils sont restés si longtemps enfouis au fond d'un tiroir de ma mémoire dont j'avais caché la clé. Ils ont été verrouillés de peur que lâchés je ne puisse retenir les larmes et le chagrin tant l'émotion est puissant. La peur de me faire mal
Se faire mal ? 
Une vie à se faire mal, à éviter de tomber dans les écueils de la douleur pour tenter de rester debout malgré tout. Mais l'est-on vraiment ?
Courbés sous le poids de la peine on essaie d'avancer sur les chemins tortueux de la vie qui s'effrite et à laquelle on ne donne plus vraiment de sens
Peut-on être seul sur le chemin ?
Pourtant il le faut bien, sinon il faut mourir mais nous sommes également seuls sur ce chemin là. Eternelle solitude ?

Le chemin parfois s'arrête, mais pas le temps. Alors on reste là à regarder, à penser, à tenter de ne pas souffrir et à retenir les mots et les maux afin de ne pas ouvrir la porte à la douleur.

De peur qu'elle ne s'échappe et nous envahisse.

Il faut arrêter le temps, son temps. Se mettre entre parenthèses afin de reprendre son souffle. De re prendre, de ré apprendre à vivre : à être.

Etre ? Que signifie être après le drame, la tragédie, le traumatisme ? Est-on encore ? Pouvons nous être encore ?

Nous sommes au monde certes, mais qui sommes nous et dans quel monde vivons nous alors ?
Notre monde s'est effondré, son souvenir douloureux se dilue au fil de ce temps qui passe et nous dépasse, ce temps qui nous emporte malgré nous de creux en creux dans le tourbillon de ses vagues. C'est plus fort que nous. Nous ne pouvons résister. A moins de mourir ?

Lâcher prise et se laisser porter par le courant : Aucune autre solution si tu ne veux pas couler m'a t-on enseigné.
Il m'a fallu cette voix, cette petite voix qui de toutes ses forces est sortie de moi.
Lâche !
Laisse... Couler tes larmes, ta colère, ta peine, ta violence mais pas toi, laisse toi porter par tout ça, tu n'as pas d'autre choix. 
Laisse aller ; laisse toi porter par le courant
N'ai plus peur.
Le mot est lâché :PEUR

Quatre lettres qui nous mettent à mort, qui nous conduisent au fond du vide et du Néant. Un combat inutile ? Je ne saurai savoir, mais la peur est puissante, une arme de guerre redoutable
Ne plus avoir peur est une folie, elle peut nous garder en vie, elle peut aussi nous faire mourir
Je ne veux pas mourir car je suis en vie, je veux rester en vie mais ne plus avoir peur ? Mais quelle est donc cette peur qui m'empêche de vivre ? 
Que de questions auxquelles je dois répondre ; mais dois-je y répondre ? Le prix de la vie est-il celui ci ?
Vivre demande donc tant d'efforts ? Se laisser aller à vivre ?
Il me faut donc me laisser aller à vivre.
Me laisser aller au fil de l'eau, suivre le courant de la rivière et en aucun cas ne chercher à le remonter.
Et puis ? Après ? 
Il faut pour cela qu'il y ait un après
C'est à moi de le décider. A moi seule. 

A moi de ne pas donner le pouvoir à l'autre, à un évènement une situation de prendre ma joie, mon envie d'être et de vivre.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...

Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

Vous étes venus

compteur visite blog

map