Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 2 août 2008

sympathie

Au cours de mes études, durant les séminaires où d'éminents professeurs, spécialistes de telles ou telles thérapies ou spécialités nous transmettaient leur savoir, leur expérience....Un conseil revenait souvent afin de mener à bien le travail thérapeutique, presque une injonction :
"Trouver (ez) le patient sympathique"

Cette petite phrase est la clé de l'alliance thérapeutique chère aux cognitivistes !

Trouvez le patient sympathique ! La belle affaire ! A faire ? Ou à ne pas faire ?
Et comment faire ?
Trouver...é....ez...Trouvons nous le patient ? Ou celui ci nous trouve t-il ? Où le trouve t-on ? Où nous trouve t-il ?
Trouve t-on ? Se trouve t-on ?
Qui choisit qui ?
Et pourquoi ?
Le patient doit il aussi trouver le thérapeute sympatique ?
Celui ci doit -il nécessairement être sympathique ?
la sympathie est-elle essentiellement nécessaire à la relation d'aide ? A la mise en place de cette relation ? D'une relation thérapeutique ?

Est elle au centre, au coeur même de la thérapie ?
Je ne dirai pas de la cure....Car ici, elle n'a pas à faire. Elle n'a surtout rien à faire !

Restons donc à la relation simple, à la relation thérapeutique, celle qui met en présence deux personnes, l'une s'adressant à l'autre pour mettre du sens, faire des liens, comprendre ce qui lui arrive à un moment donné...
Parfois ce n'est pas aussi simple, l'un ne s'adresse pas vraiment à l'autre...Un autre autre lui demande, lui conseille, lui ordonne de rencontrer un thérapeute, pour "mettre de l'ordre dans sa vie" (sic)
Un autre autre, qui ne comprend rien, ou pas grand chose à ce qui se passe, et demande au thérapeute de rencontrer la personne qui le laisse perplexe... Qui lui semble avoir besoin, d'être aidée, accompagnée, épaulée, conseillée.. Bref, qui ne peut s'en sortir seule, selon lui !

Drôles de rencontres que celles ci, pas vraiment programmées, encore moins désirées, pas sollicitées... Pas de désir du sujet...
Pas de désir, vraiment... Quid de ce désir là ? Et de quel désir peut-il s'agir, agir ?
Du désir ?

"Il faut, ce serait bien, il me semble que, il faudrait que vous passiez, que vous voyez..." Autant de petits mots, laissés, au hasard d'une réunion de service, d'un staff médical, sur le répondeur du téléphone, avec un nom d'un patient, un numéro de chambre....
A voir donc ! Voir ? Comme s'il y avait à voir, ou avoir, là où il n'y a peut-être simplement qu'à entendre..
Mais il s'agit là d'un autre propos.
A voir...Ce qu'il y a à voir, sans se faire avoir, sans avoir.
Avoir d'envie, de désir, à voir, pour que le patient soit vu !
A voir pourquoi ? Mais c'est à vous de voir !
Rares sont en milieu hospitalier les patients qui demandent à être vus ! Qui demandent à voir... Qui demandent à entendre d'être un peu entendus...

Et la sympathie là dedans ?
Doit-on "trouver le patient sympathique" pour le voir, surtout continuer à le voir, et mettre en place une relation thérapeutique ?
Et si on ne trouve pas le patient sympathique ?
Si ce patient, le thérapeute ne le trouve pas sympathique ? Peut-il alors simplement ne pas le voir ?
Bonne et interressante question, en effet, qui se pose ou ne se pose pas....

Sympathique...Le Robert parle de "relation entre des personnes qui ayant des affinités se conviennent, se plaisent spontanément.."

Tout serait alors question de sympathie...Pour pouvoir être vu, entendu...
Il y a de nombreuses années, je reçois en urgence un homme qui après les salutations d'usage, me déclare sortir tout juste de prison, puis de décrire la longue liste des ses méfaits et délits et conclure "je comprendrai que vous me mettiez dehors... car je ne dois pas vous paraitre bien sympathique"
La question ne s'était pas posée.... Elle n'avait rien à faire là. De sympathie il n'était pas question, mais de sa souffrance oui..... De demande : oui, d'appel : oui, de besoin de mettre des mots : oui, de mettre en mots..
Celle ci ne serait-elle alors que l'apanage des personnes sympathiques, du moins que le thérapeute trouverait sympathique...?
Alors quid de ces '"agresseurs" qui au demeurant présentent un passé lourd, condamnable, répréhensibles aux yeux de la loi ?
De la loi, justement, de la loi des hommes, d'une loi faite pour ceux qui enfreignent les codes et les règles, et qui paient pour cela...
C'est la régle ! La transgresser entraine des sanctions.
C'est la règle du jeu.... Il n'y a rien à dire, rien à commenter, rien à faire....
De sympathie, il n'est question.
Mais quid alors de la relation thérapeutique qui est sollicitée ?
Il ne s'agit en aucun cas d'excuser les faits, de trouver des excuses, d'arguer une enfance malheureuse, une succession de traumatismes pour expliquer et excuser un crime, des violences, un viol ou autre délits...
Là n'est pas le rôle du thérapeute, même si l'histoire douloureuse du sujet permet parfois de comprendre que les actes posés ont pu l'être justement à cause de ce passé terrible, mais cela n'explique pas tout....
Mais la sympathie a t-elle à faire ici ? Et si justement elle n'est pas au rendez-vous ? Comment peut se faire le travail thérapeutique avec ces "patients là" ? Agresseurs et condamnés par la loi de la société. Par la loi des hommes....Injonction de soins, qui laisse penser que peut-être il pourrait y avoir une amélioration, au mieux, une prise de conscience des actes posés..Une forme aussi de mise en mots, une mise en mots des actes pulsés avant d'être pensés, ou fort longuement pensés avant d'être actés. Une possibilité, l'ultime possibilité, comme si le possible était encore possible, possiblement pensable pour être possiblement possible.
Quid de la sympathie ? Ici ?

Trouver le patient sympathique, ou antipathique, c'est dejà ne plus être neutre, c'est déjà, aborder la relation thérapeutique avec "un a priori" celui de la sympathie ou non..
Ce n'est plus être dans la neutralité nécessaire, ce recul, cette sorte de détachement qui permet justement la relation autre que celle de la simple relation de voisinage, familiale, amicale..Où dans ce cas, la sympathie semble de mise, peut -être, est parfois sollicitée, est parfois nécessaire.

La relation thérapeutique faut-il le souligner et le rappeler encore n'a rien à voir avec l'amitié, la cordialité et als. Non ! En aucun cas.
Dans cette relation duelle qui met en présence un sujet et un thérapeute, s' introduit une notion essentielle : l'argent. Le moyen de paiement qui vient justement mettre un terme à l'embryon d'une pensée qui pourrait être : "je lui dois tant, je lui dois quelque chose..Il me doit, il m'est redevable de"
Le sujet, patient, analysant ne doit rien au thérapeute, si ce n'est que la somme prévue et convenue au départ. Somme qui règle la transaction. Régle et réglement.
Personne ne se sent et ne doit se sentir redevable de qui que se soit, de quoi que ce soit.
En contrepartie d'un espace temps, réservé et consacré à cette relation, à la rencontre dans un espace convenu et prévu pour ce faire, une somme d'argent est donnée par le sujet, qui rend ainsi les deux parties quittes....Il ne s'agit ni de don, ni de cadeau.
La relation thérapeutique ne s'effectue aucunement dans le cadre du bénévolat, de la gentillesse ou autre, elle s'effectue et ne peut se faire que dans un cadre préalablement établi, celui de la thérapie justement.
Un cadre qui se veut et qui se doit professionnel.
Etre thérapeute n'est pas une vocation, un art, une passion, un désir comme ça, même s'il y a de tout cela. Etre thérapeute, est un métier. Un métier avec son éthique, ses règles, qui doivent être posées clairement pour être efficace...
Donc la sympathie ?
Fait-elle partie de ce cadre ?
A t-elle à faire ici ?
Il me semble qu'il n'est pas question de sympathie en thérapie, ce mot ici n'a pour moi, pas vraiment de sens...Peut-être même pas de sens du tout.
La relation établie va bien au delà de ce simple mot.
L'analyse met en relation, en communication les inconscients, la thérapie aussi dans la plupart des cas, peut-être de manière différente, mais pour que la relation thérapeutique à proprement parler puisse vraiment se mettre en place, il faut dépasser ce simple cadre, de sympathie ou d'antipathie, qui ne peut avoir cours ici, dans ce cas précis.
Alors peut-être pour les cognitivistes, qui n'ont pas la même définition de l'inconscient, qui arguent qu'il faut être deux pour qu'il y ait véritable travail, que le thérapeute doit "donner" de sa personne.... Mais lors de l'analyse, alors ? Il ne se passe rien, l'analysant et l'analyste ne sont-ils pas deux ? Ne donne t-il pas chacun, l'un à l'autre ? L'un de l'autre.
Est-ce une méconnaissance du fonctionnement de la cure ou simplement de la thérapie analytique ? Les cognitivistes parlent de l'alliance thérapeutique, arguant aussi que chacun est expert, le sujet de sa souffrance, le thérapeute de sa méthode, que chacun est sur le même pied d'égalité...Qu'il n'y a pas de supposé savoir.
Je n'entrerai pas dans cette querelle, que je pense stérile, qui ne contribue en rien à l'approche de la souffrance de celui qui demande une thérapie, ni de l'aider à y mettre du sens, à défaut de l'en soulager, mais c'est cette notion de "besoin de trouver le sujet sympathique", qui me heurte, me dérange, me questionne et m'interpelle à ce point...

Le débat reste entièrement ouvert.
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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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