Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mercredi 13 décembre 2023

Ecrire le Bonheur




Ecrire le bonheur avec des majuscules et des lettres en couleur : une utopie, un pari, une réalité ?

Il est infiniment plus simple d'écrire la tristesse et le malheur que de dire, décrire la joie et les petits bonheurs du jour, de la nuit, de la vie
Il y a une sorte de pensée magique, ne pas oser les dire, les nommer, d'en parler de peur qu'ils ne s'échappent et qu'ils ne fuient et ne reviennent jamais.
Ouvrir la boite à bonheurs.
Quel est le risque ? 
Dire je t'aime, je m'aime, je vais bien, je suis heureuse, je suis bien..
Et puis ?
Peur que toutes ces joies, ces petites choses qui nous font vibrer, sourire et rire se sauvent et ne reviennent plus, s'en aillent dans le trou noir de l'oubli ? Qu'elles nous soient ôtées par une méchante fée, une vilaine sorcière ? 
Peur de ne pas les avoir mérité ? Mérite t-on le bonheur ? La joie ? Est-ce un don ou faut-il les construire, les mettre en place, les mettre au jour ?

Certes le bonheur, les bonheurs ne durent pas, mais rien ne dure éternellement, la vie est faite d'allée et venues, de surprises et d'inattendus, tantôt tristes puis joyeux, un éternel recommencement, un tourbillon

 Oui, ils sont éphémères, se diluent et se perdent dans la mémoire parfois tellement loin qu'on ne sait plus que nous les avons vécus, vraiment, intensément parfois. Enlevés, passés, le vent les a emportés et ? Plus rien. 
Nous n'en prenons vraiment conscience justement quand ils ne sont plus et que nous devons faire face à l'adversité, au chagrin, à la peine. On se rend compte alors à quel point ses moments ont été précieux 

"Si j'avais su à quel point j'avais de la chance de vivre ça, de voir ça, ce soleil, cet amour, cette joie'. 

Avons nous pris la peine à cet instant de les vivre : arrêt sur image : l
es vivre ! les sentir ; les ressentir, au plus profond de soi, avec tous ses sens afin de leur donner du sens.

Arrêt sur image. Stop, arrêter le fil du temps qui continue cependant à filer. Impossible ascèse, illusion ? Et pourtant une fraction de seconde. Etre dans l'instant, l'instant de la joie, du rire, du bien être et se dire "je suis heureux, je suis content, c'est bien, je profite, merci". Jubilatoire.

Merci. Gratitude.
Merci qui ? La vie, Dieu, l'autre ? l'univers ? le moment ?
Peu importe.

La vie est un cadeau, "Tu choisiras la vie" . La plus belle des injonctions car celle ci est tellement précieuse.  
Il faut voir la mort, la côtoyer de prés peut-être pour prendre conscience de la terrible réalité qui est celle de tous,  nous allons tous mourir, c'est la seule certitude que nous avons, mais avant nous allons vivre, nous sommes vivants. La proximité de notre finitude nous fait prendre conscience de notre être vivant et de tout ce que cela signifie.
La vie est brève, nous mourrons, un jour, le plus tard possible, mais nous pouvons mourir demain, tout peut basculer en une fraction de seconde. 

Alors ?

Vivre, danser, pleurer, chanter, peiner, rire à nouveau, et tout recommence, le cycle de la vie, son impermanence, la vie c'est ça, une alternance de blanc, noir, et pleins de nuances, une palette de couleurs et d'émotions qui nous envahissent, nous prennent et nous emporte dans des tourbillons, des pensées, des ruminations, des rêves, des espoirs, on essaie, on échoue mais on recommence.


Ecrire le bonheur ? c'est peut-être prendre le temps de s'arrêter sur cet instant un peu spécial, heureux, où je vis des émotions qui me font du bien, qui me font plaisir, qui mettent mes sens sans dessous dessus, qui me bouleverse. J'entends et j'écoute mon corps qui parle. Cet instant furtif tel que je le vis, mais aussi le mettre dans un coin de sa mémoire afin de le convoquer de temps en temps, quand par exemple on se sent un peu triste, que les soucis arrivent et pourraient nous envahir et qu'il ne faut pas justement se laisser submerger. Pour ne pas sombrer
Ces instants de bonheur, de joie sont comme le vent qui chasse le nuage et nous montre ce coin de ciel bleu qu'on ne voyait pas, mais qui pourtant est bien là, caché mais présent.

Ouvrons les yeux, et souvenons nous : penser à cette petite 'futilité" que peut sembler être ce petit bonheur passé et  se dire "ah le  bon moment, c'était bien, c'était une belle ,journée, cela m'a fait plaisir, je suis heureux ! " 

A cet instant, écoutons nous, notre corps parle : prêtons attention nous ressentons des émotions, un sourire illumine notre visage et nous sentons le bien être nous réchauffer.
Bien.
Ecrire le bonheur, juste un peu chaque jour, suspendre ce temps, ce court moment où "c'est bien" n'est pas si difficile finalement
Et si cela vous disait d'essayer ?
Tenir un petit carnet de ses "petits bonheurs" chaque soir, matin, quand vous voulez ?
Ce n'est pas encore une liste de plus, mais seulement un plaisir que nous nous offrons, en écrivant ces instantanés nous les revivons, et cela nous fait du bien encore, la simple pensée de ces petites joies infimes que la vie nous offre est aussi un bonheur.
Ne pas oublier de dire "MERCI" à la vie, mais aussi à soi, la gratitude c'est aussi le bonheur

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo, @brigittedusch


samedi 9 décembre 2023

Tristesse



Je sens la tristesse infinie s'étirer avec langueur aux confins de cet infini dont les contours se délitent dans la brume.


Je la sens présente toujours parfois prégnante, parfois hésitante

Une tristesse qui n'en finit pas d'aller mourir doucement sur les confins de l'infini dont les contours s'estompent dans les nébuleuses du firmament

Je suis la tristesse

Elle s'est emparée de moi, de mon corps et de mon âme, Nous ne faisons plus qu'un un seul corps un seul corps et un seul coeur qui bat au rythme des tambours de la mort qui se prépare
Mort, ultime délivrance
Mort, ultime amie qui viendra sans trop me prévenir m'emporter aux confins de cet infini dont les contours se perdent dans l'inconnu d'un vide abyssal

Je suis la tristesse

Je l'ai longtemps chassée, combattue, puis accueillie, baissant des armes inutiles car elle n'est pas mon ennemie
Mais mon unique amie, seule compagne qui ne m'ai jamais trahie
Tristesse je t'aime, nous formons ce couple unique et singulier qui n'a plus besoin de paroles ni de mots pour se dire à quel point l'amour que nous nous portons est inconditionnel et indéfectible
jusqu'à ce que la Mort ne nous sépare
Et la Mort m'emportera loin de toi à tout jamais et pour toujours au confins de cet infini dont les contours n'en finissent pas de se mouvoir pour mourir au plus profond des Enfers.

Je suis la tristesse

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne 


Crédit photo @brigittedusch

mardi 21 novembre 2023

L'inconsolation

 


" Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé,
Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie "

Quels autres mots que ceux de Gérard de Nerval ? Quel autre poème qu'El Desdichado ?

Inconsolé je suis, inconsolable aussi
Alors ne reste que l'attente, mais laquelle ? 
Mortelle, longue et douloureuse attente. 

Plus rien n'a vraiment de sens, de couleurs, d'odeurs, de sons, de vie, ça va, vient, sans nous, nous sommes sans être à soi et à ce monde. 
Mais où sommes nous ? Ni dans le passé, dans le présent, encore moins dans le futur, car de futur il n'y  a pas, ou plus. Il y a le temps. Juste le temps.
Le temps de l'instant, le temps long qui se tire et s'étire , se tend et s'étend. Nous sommes envahis,  submergés par ces vagues de temps qui se bousculent et nous bouleversent. 

Prendre accueillir ce temps qui nous est offert encore un peu. Mais pour quoi ?

C'est la flamme de la bougie qui vacille au moindre souffle d'air et de vent, une respiration faible qui s'accélère sans qu'on ne sache pour quoi, ni pour qui ?Un shot de vie qui s'infuse dans la fragile perfusion qui nous maintient encore ici. Encore un peu
On ne lutte pas, on lâche, mais quoi ? qu'elle prise ? Nous escaladons sans rappel une pente vertigineuse, on monte puis on descend. Jusqu'où ? Parfois on côtoie les parois de l'abime et on aperçoit encore bien loin le fond. 
Mais ce n'est pas pour cette fois encore, on remonte, on se retrouve à flot, on remet son titre en jeu, Pas encore KO le match n'est pas terminé !
Sauf qu'on ne combat personne, que ça fait bien longtemps que nous ne cherchons plus ni titre ni médaille
Simplement le repos.
Le repos du guerrier, le repos de l'âme
Enfin !

Inconsolable ! Inconsolé de quoi ? de qui ?

On ne sait plus vraiment
Inconsolé de soi. Peut-être ?
Question de place ? Avons nous une place dans cet ici et maintenant. Dans ce monde fou qui n'est plus le nôtre et dont on ne veut pas.
L'en vie de la vie s'en va, tout doucement, sans faire vraiment de bruit de peur de réveiller ce qui peut encore nous faire vibrer?

Plus d'envie, plus de vie, plus de matins, plus de soirs, plus rien, plus de joie ni de chagrin, tout est vide uniforme et sans saveur. Plus de bonne heure.


Un monde qui s'effondre et qui oublie, pour ne pas sombrer tout à fait on va chercher dans les cryptes de notre mémoire des souvenirs  ensoleillés pour  croire qu'un jour au moins un peu, on a été heureux sous le soleil brûlant et la chaleur de la jeunesse !


Inconsolé mais bien élevé on s'efforce de montrer et de faire croire que tout va bien, ne pas inquiéter et surtout ne pas parler pour être sûr de ne rien entendre.
Car l'inconsolable sait que tout ce qui pourrait être dit sera inentendable, alors on joue la comédie,  si bien parfois qu'on se laisse prendre à son propre piège et pense aller  mieux. 

Enfin consolé, on espère alors retrouver un peu de vie, un peu de bonheur on met de la couleur dans sa vie et en route sur le chemin avec un petit sourire pour se donner du courage, de l'envie, celle de trouver un soupçon de beauté dans le ciel, la campagne, le rire des enfants et les caresses de son chien.

L'inconsolé essaie de se consoler, maladroitement humblement, avec le peu d'amour qui lui reste au fond du coeur, ce reste d' humanité qui fait de lui ce qu'il est.
Il regarde son chien avec tendresse ; il ne peut le laisser seul et doit au moins faire la route le plus loin possible à ses côtés. C'est peu de chose mais si difficile !
Alors il avance, rêve un peu, et puis les larmes coulent, elles coulent toujours, ce sont ses compagnes fidèles, de joies ou de peine, elles ne le quittent jamais. 


Un seul être nous manque, on s'était promis de faire le chemin jusqu'au bout et puis !
On se retrouve seul inconsolé et inconsolable, dans un interminable deuil qui n'aura d'issue que ?  quand ? On ne sait pas mais  on s'évertue sans trop se croire de se dire le plus tard possible car on ne veut pas faire de peine à ceux qui nous aiment et aimons. 

Même cet amour là ne suffit  pas toujours ! et un jour ne suffira plus.
On se dit, on se convainc, on se ment, on avance et on tombe, on se relève, on recommence, on voit la fin qui avance, on la redoute, on la souhaite, la seule issue à la souffrance, on a peur aussi

A t-on choisi la vie ? Ou celle ci nous a t-elle choisi ?  Je ne saurai savoir, je ne saurai répondre on sait seulement qu'on n'a pas su vivre au présent, prendre le bonheur car on ne savait pas que ce présent, ce moment, ce cadeau c'était justement le bonheur
On veut toujouts plus que ce que l'on est, plus encore sans prendre le temps d'aimer vraiment et de vivre
Vivre.

A Toi Marina, ma très chère, car je sais que chaque mot résonneront et que tu comprendras.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

samedi 11 novembre 2023

La fiancée de Georges


"C’est une histoire qui se raconte encore au Pays de Jonzac. C’est une histoire d’amour et de guerre touchante et tragique, celle de deux jeunes gens de 20 ans qui s’étaient fait des promesses."*


C'est qu'ils s'aimaient ces deux là
L'amour, qu'il soit d'aujourd'hui ou d'hier reste l'amour, ils s'étaient fait des promesses. Il y a si longtemps maintenant.

Ils avaient 20 ans ou presque, ils étaient jeunes et la vie était belle. Tout pour être heureux, avoir des enfants, se laisser vivre paisiblement chez eux, dans leur terroir à eux, ceux de leurs ancêtres, ceux des leurs depuis toujours.
Destin !

Il est parti un jour Georges, comme ses camarades, faire son service militaire et en ce temps là, c'est qu'il durait longtemps. Trois ans… 1910.... 1913.
Une si longue absence, des lettres et des cartes postales pour lui dire qu'il l'aime mais qu'il n'aime pas être soldat, il rêve de sa Bonne Amie… Il voudrait tant que ce soit fini, "ce maudit service". Il n'est pas soldat Georges. Il fait des sabots, des souliers pour les gens de son village et de la ville, il les fait avec amour, il lui écrit, combien il aime ce bois qu'il polit, qu'il répare dans la petite boutique non loin de la place. Il n'est pas un soldat ! non il est sabotier.

Il attend la permission pour venir embrasser sa Belle, faire des projets, car ils vont se marier. Il ne pense qu'à ça. Etre heureux ! Peut-on penser à autre chose quand on a 20 ans ? Même en 1913 ? Et puis les permissions sont suspendues, pour plein de raisons, puis elles sont supprimées, et Georges d'écrire sa tristesse et son malheur. Et… Le 2 août 1914 c'est la mobilisation, c'est la guerre, et plus question de rentrer, ne serait-ce que pour épouser celle qu'il aime et qui l'aime.

Pourtant il prend le train, ce train qui devrait le ramener au pays, ce train passe devant la ville, sa pe, celle de celle qui l'attend, mais le train ne s'arrête pas !

Et c'est le début d'une longue attente "de longues fiançailles"

 Août 1914, c'est la fin d'un monde, la fin de tout, la fin de l'amour. Alors elle attend sagement la petite fiancée, elle guette fébrilement le facteur, elle attend son amoureux, en septembre 1915, elle lui écrit et lit ses projets pour eux, pour eux deux quand l'enfer sera fini, il lui dit qu'il l'aime et qu'il repense encore et encore à cette dernière soirée passée ensemble lors de la fête au village, il ne pense qu'à ça et à leur amour.
 Elle lit et relit les lettres la petite fiancée, celle de son sabotier qui rêve de rentrer, qui est sûr de rentrer, de l'épouser et d'être heureux, tous les deux, ensemble tous les deux. Car ils s'aiment, et c'est ça l'amour.
 Elle attend, des semaines, Noël et ils ne sont toujours pas là, les Hommes, on leur avait promis pourtant que ce serait fini, ce n'était pas compliqué il suffisait de leur mettre une bonne raclée aux Boches, et le tour était joué, ils rentraient à la maison. La vie reprendrait comme avant, avant qu'il ne parte là bas dans ces contrées lointaines, où il fait froid, loin de sa terre, loin de son amoureuse, de sa vie et de son destin?

Elle attend encore, des mois, un an. Elle n'a plus de nouvelles, elle cherche, elle demande…. Elle remue ciel et terre. Où est Georges ? Prisonnier ? Blessé ?

Rien. 

Ce n'est qu'au mois de mai, en ce joli mois de mai 1916 qu'elle saura que Georges ne reviendra pas, il ne reviendra plus ; il est tombé à la ferme de Beauséjour à 4h 30 du matin, le 26 septembre 1915 peu après avoir écrit sa dernière carte : "Je penserai toujours à vous jusqu'au dernier moment". Peut-on se douter jamais ce qu'est le dernier moment ?

Alors la Fiancée de Georges enferma son chagrin sous une longue robe noire et un voile de deuil, toute sa vie elle restera la "veuve de Guerre". Petite Fiancée du Sabotier, tu n'a pas voulu d'autre mari. Il n'a aimé que toi, tu n'as aimé que lui.
La guerre est une connerie, Prévert nous l'a dit, elle sépare ceux qui s'aiment et ravage tout sur son passage, et surtout les plus belles choses. La guerre se fout de l'amour, elle n'aime que la haine, elle fait des hommes des monstres, des femmes et des enfants des montagnes de peine.

A la mémoire de Georges, de sa fiancée, des jeunes gars tombés au champ de l'horreur, aux veuves de guerre, aux Orphelins, à tous ceux que la guerre a privé de l'amour.


Sacha Dusch, historien de la Grande Guerre, archiviste, auteur
Le Pays de Jonzac de l’Armistice aux Années Folles 1918-1924 mémoire M2 (Stéphane Tison).
 - Vivre l’épreuve de la Grande Guerre sur le front de l’arrière, le pays de Jonzac, expérience et bouleversement 1914 – 1918 mémoire M 1(direction Stéphane Tison) pp. 322-323
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, "Les Femmes de 14"
Crédit photo @brigittedusch

lundi 6 novembre 2023

Il y a la sensibilité



Elle pleure pour un rien, un mot, une image, un son
Tout l'émeut à un tel point que les larmes coulent et coulent le long de ses joues
Un seul mot, un seul, remet toutes ses certitudes en question, toute sa vie est à remettre en jeu.
Un seul regard suffit à lui faire croire que rien ne va plus chez elle, 
Qu'elle n'est pas belle, qu'elle n'est pas à sa place, qu'elle a dit une bêtise
Elle se sent tellement fragile, vulnérable qu'elle entend tout tellement fort, tellement plus fort que les autres
La lumière, les cris, le noir, le bruit, elle ressent tout tellement fort
Tout.
Elle est comme ça, depuis longtemps, depuis toujours
Un seul mot fait tout basculer, tout vriller et elle part dans des pensées qui deviennent de plus en plus sombres.
Il n'y a qu'un seul sens une seule issue aux mots qui sont prononcés, dit à elle ou pas mais qu'elle entend. Et cela suffit !
Tout s'écroule, le château de cartes ne tient pas, il s'envole au plus petit claquement de porte ou du mot trop fort, du regard trop soutenu.
Alors elle pleure, tout la touche tellement fort, 
Il y a tellement d'émotions dans ce film, dans cette musique, cette chanson.
Des émotions, ressenties fort, très fort, trop fort et qui l'entraine dans la mélodie de sa tristesse, qu'elle compose, recomposer depuis... si longtemps
Elle est comme ça
Sensible, vulnérable, fragile.

Elle se dit que ce monde n'est pas fait pour elle, ou plutôt qu'elle n'est pas faite pour lui, qu'elle n'y trouve pas sa place puisqu'il n'y a pas de place pour elle. 
Vivre ici demande d'être fort, puissant, acerbe, méchant parfois. Ne pas se laisser faire, attaquer, se défendre, oser... 
Tout ça elle ne sait pas faire.
Elle sait comment est le monde, elle perçoit tout, tellement fort, tellement trop fort !
Hypersensible ! C'est ainsi qu'elle est lui a t-on dit.
La belle affaire ! La belle à faire de quoi et de qui ?
Elle ignorait qu'il y avait un barème, une échelle, une norme pour ce qui est le plus singulier, le plus intime de l'humain, la sensibilité !
Donc il y a sensible, hypo sensible, hypersensible se dit-elle : Ainsi je suis a normale, je dévie de celle ci, je m'en écarte et je souffre.
Elle sourit, se dit qu'elle n'aimerait pas être hypo sensible, même si ça fait moins mal, sensible, ce serait sûrement mieux car tout ce qui est autour d'elle ne lui échapperait pas.
Autour d'elle. Elle lève les yeux et regarde le ciel, il est beau, il y a pleins de couleurs, elle les voit toutes, tous ces dégradés de bleus, gris, blancs, cette fréle percée du soleil ce nuage qui essaie de faire une place. Elle sourit..
Le ciel ! puis elle respire, l'air, l'odeur de la menthe sauvage et de la sauge, près d'elle une odeur forte et singulière, tellement agréable. Puis le vent lui caresse le visage, doucement, un peu plus fort... Elle ferme les yeux, respire, que c'est bon, elle sent cet air, elle sent cette vie en elle, qui vit pleinement, accueille toutes ces sensations, les perçoit d'une manière intense, les identifie et se met à les aimer. 
Aimer.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

jeudi 12 octobre 2023

Les silences de Jane



Jane, tu seras Jane pour ce bref instant, celui d'essayer de te raconter. J'ai choisi Jane, cela te va bien, et puis c'est aussi ton nom " Petite Jane", silencieuse enfant devenue adulte secrète. 
C'est que des secrets tu en gardais ! beaucoup ; des plaies ouvertes, des blessures, des cicatrices mal rafistolées, des chagrins, des larmes refoulées qui parfois explosaient dans des colères furieuses.
Petite Jane, je ne t'ai pas connue enfant, ni jeune fille, ni femme, je n'ai connu de toi qu'une mère, une fille dévouée à une mère tyrannique, une ogresse.
Enfant soumise, tu l'es restée tout au long de ta vie, chaque jour, mais je devinais un volcan en sommeil prêt à rompre le silence que tu t'imposais. Cruelle ascèse !
Tu admirais ton père et lui obéissais au risque de gâcher ta vie.
Tu craignais ta mère et lui obéissais en sacrifiant ta vie.
Cette offrande :  toi, pour ne pas les blesser, ne pas risquer et ne pas oser. Dire non était impossible, dire oui était un supplice.
L'enfant que j'étais soupçonnait cette dissonance sans pouvoir la nommer.

Jane in the mood !Tu l'as été, tu as dansé, ri, t'es amusé. Tu a aimé la vie ! 
J'ai une photo de toi, à Paris, sur un pont, comme tu étais jolie !
Tu devais faire tourner bien tes têtes. Ma discrète, ma secrète Jane, tu as été aimée et as aimé. 
Et pourtant ils t'ont empêcher d'aimer,  d'aller de partir loin, très loin vivre ta destinée, alors tu es restée.
Tu rêvais de dessiner des habits, des robes, de coudre des tissus, de créer des modèles de vêtements dans cette Grande Maison qui t'avait ouvert ses portes. Ils t'on dit que ce n'était pas "un métier convenable" alors tu as refusé.

Tu n'as jamais rien dit, tu es entrée dans le silence, comme on entre en religion, humblement, avec abnégation. Tu n'a pas parlé sauf égrainer des bribes, des souvenirs qui s'échappaient de ta mémoire,  des photos commentées, des phrases en anglais souvent que tu t'évertuais à m'apprendre comme tant et d'autres choses. L'enfant rebelle que j'étais, je l'ai su, bien plus tard, te fascinait. Tu aurais aimé lui ressembler, tu l'aimais et le détestais, car cet enfant étrange, rien ne pouvait l'arrêter. 

Tu aurai aimé être ainsi, faire ça ! tout ça comme elle. 

Cette enfant que tu n'arrivais pas à apprivoiser, cette sauvageonne dans la colère qui ne te comprenait pas, ne voulait pas de toi, car elle pensait que tu ne voulais pas d'elle.

Alors cette enfant tu l'as regardé vivre sans vraiment le comprendre, cette enfant si différente, qui pendant de longues heures pouvait rester seule, à apprendre à lire, écrire, dévorer les dictionnaires et qui s'affranchissait de tout !
Elle n'avait peur de rien et avançait dans la vie, confiante et inconsciente, tu savais tout ce qu'elle ne voulait pas que tu saches, c'était ta manière de veiller, d'être une mère, de l'aimer.
Cette enfant ne savait rien de toi, comment aurait elle pu ? Tes silences Jane, Jane ma discrète,  tes silences ! tes secrets, fermés, scellés au fond de ta mémoire, et ta tristesse Jane !
Mais cette enfant devinait que quelque chose clochait, écoutait, assemblait tous les morceaux éparpillés et jetés au détour des conversations, des paroles de ces grands qui pensent les enfants sots et distraits. Je ne l'ai jamais été.
Pourquoi ne parlais tu pas ?  jusqu'au bout de ta vie tu n'a rien dit. Tu ne m'as rien dit.
Il m'a fallu tant de temps pour te comprendre Jane, pour apprendre à t'aimer, pour apaiser ta peine, tes souffrances, tes chagrins et ta vie cassée.
Pourtant c'est toi qui m'a donné la force, celle de ne jamais rien céder, rien abdiquer, toujours se tenir debout, avoir le sens de la parole et de l'honneur, aller jusqu'au bout et ne jamais plier.
Tu ne m'as pas enseigné la couture, mais l'art de bien se vêtir, se tenir, être avec les autres, la politesse. Tu m'as offert des livres, appris à bien écrire, formuler ma pensée. Tu m'as encouragée à partir, à ne pas rester là. Tu m'as laissée malgré toi à vivre mes rêves qui n'étaient pas les tiens pour moi. Je crois que tu voulais le meilleur pour moi, même si tu ne le disais pas. Tu étais dure, ne tolérais aucune faiblesse, aucun manquement. Merci.

Je sais que tu étais fière de moi quand je tenais tête à une autorité injuste, quand je soutenais des causes que tu partageais sûrement. 
Je sais que tu étais fière de ma réussite, de mon parcours, de mes études, que tu lisais en cachette les articles que j'écrivais, les conférences que je donnais. C'est grâce à toi et uniquement à toi si j'ai pu faire tout ça, à tout ce que tu m'as enseigné, à la discipline de fer que tu m'as imposée. Merci.

Je sais que tu me trouvais belle même si je ne ressemblais à personne, que mes yeux et mes cheveux étaient aussi étranges que mon caractère.
Je sais que même si tu n'approuvais pas mes choix de vie, tu enviais les actes que tu aurais aimé poser mais que tu t'es interdit.
Tu me regardais vivre ici et là, partir et revenir, décider et changer encore. 
Tu me regardais être libre.
 
Amour et haine, histoire de notre vie, d'une rencontre que j'ai longtemps pensé ratée, un rendez vous que je pensais manqué. J'ai de la peine de ne pas avoir pu parler de tout cela, de cette vie à côté de laquelle tu es passée pour obéir aux injonctions de tes parents. Tu aurais du désobéir, comme moi peut-être mais tu ne le pouvais pas. De courage pourtant tu n'as jamais manqué ! 


Quand je vais faire un tour dans notre passé je revois ton visage, si doux et dur à la fois, ton sourire, ta prestance, ton élégance et ta tenue. Tu as toujours été belle, jolie, malgré cette tristesse qui voilait ton regard, cette absence au monde, celui où tu vivais. Cruelle destinée. Tu as traversé tant d'épreuves Jane ! tu as vu la maladie, la mort, tu as vu partir ceux que tu aimais. 
Ce masque qui tentait de cacher tant bien que mal ce mal être, ce mal aise qui était tien, bien caché au fond de ton coeur, ces mots scellés dans un coffre fort dont tu avais jeté la clé. Pour toujours.

Il m'a fallu attendre, un jour, un 10 septembre, celui où je suis née, où ta petite fille  m'a raconté, a parlé  et brisé une part de ton silence. Elle m'a parlé de cette petite fille étrange qu'on t'avait volée, que si c'était à recommencer rien ne se passerait ainsi, je ne savais pas Jane ! Je croyais que tu m'avais abandonnée.

Elle m'a dit ta peine, l'amour que tu me portais, de tout ce que tu ne m'as jamais dit, que tu ne voulais pas ou ne pouvais pas me dire. J'ai longuement pleuré et les larmes coulent encore aujourd'hui en écrivant tout ça.

Sacrifice ! je te demande pardon de ne pas avoir compris, d'avoir mis tout ce temps Jane. 
Jane et tes silences. 

Je ne savais pas, Jane et je te demande pardon encore si je t'ai causé du chagrin car je n'ai pas été comme tu l'avais espéré. Je me suis délestée de ma colère depuis longtemps. Je suis en paix, j'espère que là où tu es tu l'es aussi. Je le pense car je te vois en rêve,  on se promène toutes les deux, on construit alors ce qui n'a pu être fait avant. L'essentiel est là
Je t'aime Maman

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédits photo @brigittedusch Archives Familiales. Photo retrouvée dans ce petit album que tu avais soigneusement confectionné et où il ne reste que quelques bribes de notre histoire familiale... disparue. 


jeudi 5 octobre 2023

Don't disturb !


Ne pas déranger, avancer à petit pas, marcher à pas de loup

Quand ils étaient petits, nous ne faisions pas de bruit, pour ne pas les réveiller, les laisser dormir en les regardant d'un oeil attendri
Si beau l'enfant dans son sommeil
Nous avons surveillé d'un oeil inquiet parfois
leurs premiers pas, attentifs à ce qu'ils ne trébuchent pas
Qu'ils ne tombent pas
Présent toujours, peut-être trop ou pas assez
Nous avons marché à leurs côtés, en leur tenant la main, en la serrant si fort de peur qu'ils nous échappent et partent au loin
Peur de les perdre peut-être trop tôt, trop vite
Nous avons chuchoté des mots doux, tendres au creux de leurs oreilles en caressant doucement leurs cheveux et en séchant parfois les larmes de tristesse, de peur, ou de joie
Combien de fois les avons nous serré dans nos bras, si fort, trop fort
Peut-être ne leur avons pas dit assez "je t'aime"
Peut-être ne les avons nous pas assez aimé à leur gré ?
Combien de fois avons nous dormi d'un sommeil léger, les entendant tousser, pleurer, rêver et crier sans se réveiller ?
Combien de fois avons nous attendu des heures, le soir, la nuit, en se cachant dans le noir, en silence parce qu'ils ne rentraient pas ?
Attendre pour entendre le bruit feutré de leurs pas.

Puis un jour ils s'envolent, plus ou moins loin
Certains restent, encore un peu, vont et viennent
D'autres larguent les amarres
Et le temps passe

Le temps s'éloigne et ils s'éloignent 
Nous restons seuls
Les cheveux blanchissent les rides creusent le visage et nos yeux se plissent un peu
Et souvent le long de nos joues coulent les larmes
On n'ose pas, on ne veut pas déranger
Nous sommes devenus des étrangers.
Nous n'avons plus de place dans leur vie nouvelle
Nous existons à peine, une ombre peut-être un souci en devenir
Que va t-on faire de ces vieux quand ils seront trop vieux
Alors ils viennent parfois voir si le mourant si encore vivant
Don't disturb.
Ne pas déranger, ne pas faire de bruit, chuchoter encore, marcher à petit pas, accepter le silence ; parfois à en crever.
C'est la vie
Don't disturd
Ne pas déranger, surtout se faire petit, tout petit rétréci et courbé, s'effacer avant que la mort enfin nous efface.

(écrit le 25 mai 2021 mais si actuel toujours. Nous étions alors nous, je suis maintenant je, le temps passe si vite)

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste.
Crédit photo @brigittedusch

samedi 12 août 2023

Le père effet mère

 


Sie Sagt


Il faut que je parle du père, du mien, que j'essaie de LE dire. Elle dit, sa voix tremble.

"Ce père éphémère n'est que le père effet mère, vu, entendu, perçu au prisme de la mère, de son regard et de ce qu'elle a montré à voir, ce qu'elle en a montré à voir, de lui, le voir comme elle veut qu'il soit vu
Consciemment, inconsciemment, volontairement, involontairement
Nul ne saura, la réponse, s'il y a s'en est partie avec elle, et repose dans la terre de ce village où ils se sont rencontrés, aimés sans doute et détestés.
Au delà de la mort peut-être ? 
Ce n'est pas qu'il fut un saint ce père, mal aimant, mal aimé, qui n'a rien reçu et qui n'a rien pu donner
Nourri, élevé à la soupe aux cailloux, et au dur labeur, il a connu la peur, celle de la mort, celle qu'un enfant face à l'horreur n'a jamais pu oublier. Une peur gravée sur sa peau de la trace indélébile désignant  ceux qui n'avaient pas le droit de vivre !
Horreur et tragédie, sauver sa peau, survivre. Ce père était déjà un enfant éphémère et effet mère. La mère ? Qui fût elle ? Nul ne sait vraiment, les enfants n'avaient de mots que pour leur père. Homme de bien, de dur labeur il a nourri, protégé sa famille. Elle l'a peu connu, mais il revenait de loin, si loin lui aussi. Il n'a pas été choisi, mais déposé à l'orphelinat. Le choix de sa mère. Le choix de la mère de sa mère peut-être ou du père éphémère qui fut le sien sur le registre de l'état civil. La vie était dure en ces temps où il fallait prendre la route, être sur les chemins pour vivre ou survivre, ne pas mourir. Ce père, son grand père a survécu à la guerre, la Grande et l'autre, sa mère y a laissé un frère son oncle, mort pour la France, pauvre gosse il n'avait pas 20 ans ; fauché par la connerie des hommes
Tout ça le père ne le savait pas, elle n'a pas eu le temps de lui raconter, elle sa fille qui tente de parler de lui. Cet inconnu, méprisé, délaissé, et montré tel le monstre qui ? Mais qui quoi ?
C'est l'histoire d'un mal entendu, celle d'une rencontre dans la peur, la misère et la survie, celle où la vie surgit au milieu de la mort et qu'il faut vivre. Alors ? Elle est venue. Elle pas vraiment attendue mais venue, advenue.
Elle ne sait pas trop comment elle a survécu. Elle a tenté de savoir qui était ce père ? S'il était le gentil ou le méchant, avant de comprendre que dans ces histoires de Grands il n'y a ni gentil ni méchant, seulement des gens qui s'aiment ou pas, qui se sont aimés et qui n'ont pas le courage de se séparer, par lâcheté ou facilité, qui ont passé une vie à vivre ça, à se torturer tant à en vouloir mourir.
Il fallait choisir, lui ou elle, lui le méchant, celui qui... faisait le mal 
Elle en avait peur, mais très vite elle comprend qu'il n'est pas méchant, mais qu'il ne sait ni parler, ni faire, qu'il ne connait ni la tendresse ni ses mots ni ses gestes Qu'il ne sait rien.
Qu'il vient d'un monde de violence et de peur. Maladroit il tente de nouer quelques dialogues et les deux se découvrent l'amour des fleurs, de la terre, des animaux, du ciel, des arbres, des forêts. Il lui montre les étoiles, la lune et les planètes, lui nomme les plantes et les arbres, lui apprend comment ne jamais se perdre dans ces forêts où chaque pas les fait trébucher sur une souche ou un vestige de guerre. Il lui parle de la férocité des hommes, des soldats, mais pas de sa peur à lui de sa peur de gosse, de la mort qu'il a vu en face, qui pouvait à chaque instant le saisir

Il n'en n'avait peut-être pas peur ? l'enfant a vite compris que quelque chose était mort chez lui était resté là bas, dans les endroits de l'horreur dont il ne parlait jamais mais qui toute sa vie l'ont hanté, et qui hantent encore l'enfant
Car ces fantômes là sont reçus en héritage, malgré soi !
Ce sont ces fantômes qui ont appris à l'adulte qu'elle est devenue de comprendre qui était LE père, sans la mère, sans les yeux ni le discours de la mère
Comprendre le malheur qui a réuni deux êtres blessés par la vie mais qui au lieu des les aider à se reconstruire les a détruits à tout jamais
Requiem !
Il en est ainsi. Ce n'est qu'au delà de leur vie qu'elle a pu entamer le dialogue avec ses parents, qu'elle a pu leur dire leur amour
Peut-être leur pardonner ?
Ce père éphémère mis à distance de l'effet mère lui apparait enfin comme un Homme, un humain, au dessus de lui se détache un enfant, perdu, et qui n'a jamais pu se retrouver. 
Requiem

A R.B in memoriam 
Brigitte Dusch historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

vendredi 4 août 2023

Blues mauve

 



C'est une sorte d'arc en ciel, de couleurs, de couleurs de l'âme.

Une sorte de blue, de blues et de mauves, des bleus à l'âme et des bleus de l'âme. Profonds hématomes qu'on essaie de masquer du mieux que l'on peut pour se lever le matin et ne pas montrer et laver son chagrin. Ses larmes mouillées ravalées et séchées. Tant bien que mal, tant mal que bien.

La vie est ainsi et l'impermanence nous guette ! Tant mieux, tant pis
Rien n'est jamais gagné, coup de dé, dernier coup de poker, roulette russe, on remet son titre en jeu chaque jour, mais parfois aussi quand on ne s'y attend pas, car ce blues là vous saisit, se saisit du corps, de l' âme sans crier gare, sans prévenir, il survient et surgit du Néant et vous prend.

Mauve et bleu, bleu et mauve, c'est un festival de couleurs, celles des émotions baignées dans les larmes de joies et de chagrin. On ne sait plus très bien.
Chaque fois on remonte sur le ring de sa vie, on se couche, se relève et repart au combat. Mais pourquoi et quel titre au juste remet-on sur la table, quelle mise va t-on remporter, casino ? Rouge, pair, impair et passe.
je passe mon tour, je passe mon chemin, je me couche et je verrai demain
Tapis !

C'est une sorte d'arc en ciel, un dégradé de bleus, mauves, et violets qui nous enveloppent et nous tient froid, puis chaud. On ne sait pas comment, pourquoi ni d'où il vient ; amené là, vent du Nord ou siroco exilé, il entre et se faufile.
On le sent prendre possession de soi, il arrive, lentement, s'installe et nous envahit. Il fait corps, il est soi on est lui. Nous sommes un tout. 

Bleu mauve, reflets du ciel et de la mer, feu d'artifice ?
Je ne veux pas mourir je veux vivre en bleu, en vert, en mauve dans toutes les couleurs de l'arc en ciel
Je veux sortir de cette torpeur et tordre les couleurs, les jeter sur la toile du chemin que je veux prendre, que je vais prendre, portée par tous les vents et les pluies. 

Je veux guérir de la mort, être en rémission de la vie.
 Il est trop tôt pour partir dans ce ciel aux couleurs de merveilles, ce n'est pas l'heure, je demande un joker : le nuage pour balayer tout ça :


Ciel qui explose comme des grenailles, sons de la mitraille, envoi des fusées de détresse de toutes les couleurs, bleues, mauves et violettes. Salves d'honneur pour rendre les armes une dernière fois. Mon dernier coup de dé, mon dernier coup de poker, je ne jouerai plus à la roulette russe, à la roulette tout court, je ne jouerai plus à rien. je me ferai interdire de Kasino, je ne verrai plus qu'un ciel couleur de guimauve bleue, blues et mauve.
Un ciel couleur de ciel.

Je verrai le ciel que je vais peindre chaque matin, je verrai le ciel que je vais éteindre chaque soir, allumé de quelques étoiles et d'une lune bleue. 
Blues, bleu, mauve, pair, impair et passe !

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo, gouache @brigittedusch

mardi 1 août 2023

Se bien traiter pour bien s'aimer

 



Se bien traiter cesser de se maltraiter et mieux s'aimer


C'est une maltraitance qui bien souvent ne dit pas son nom, ne se voit pas, ne se repère pas, tant elle est insidieuse, quotidienne, et habituelle. 
Elle fait tellement partie de soi, de son être que tout est "normal" "je vais bien" "ça va" mais ?

Elle ne se repère pas vraiment, tout à fait, il faut bien se rassurer, même si on se ment, juste un peu, on minimise la vérité, le réel, le quotidien.


Qu'est ce que se bien traiter ?
 

Tout d'abord prendre conscience que nous sommes : je suis, tu es, il est?
Etre, avoir une existence, vivre cette existence en tant que soi. Et ce n'est pas rien. 
C'est prendre conscience que le JE, l'être que je suis est bien sur cette terre, ici, à cet endroit là. Et qu'il vit, évolue, aime, pleure, rit et agit.

Il est acteur, spectateur, subit, fait subir, il EST.

Je suis, je vis et j'ai envie de vivre bien, ce qui signifie faire en sorte que mon passage sur cette terre, dans cette vie soit le meilleur possible.


Nous savons, mais c'est essentiel de le souligner encore que la vie n'est pas que du bonheur, des moments paisibles ; une vie sans histoire n'existe pas. Il y la pluie, le vent, l'orage, les bourrasques, les lunes et les soleils, le jour, la nuit, ça bouge, vive l'impermanence car l'impermanence est l'essence et le sens même de la vie.


La vie c'est ça. Et c'est bien.
Ainsi se demander chaque matin et ça ne prend guère de temps "bonjour comment tu vas ? "
Cela s'adresse à soi. On le demande aux autres, alors pourquoi on ne se le demande pas à soi même ? N'aurions nous pas ce droit de nous demander dans quel état d'esprit, d'âme ce JE que je suis se trouve ?
Je vous invite à le faire.

Oui, souvent, la plupart du temps on se soucie des autres, de nos proches, on fait attention à leur bien être. C'est bien être que de faire ça, à condition de ne pas s'oublier, de ne pas se soucier de soi, et d'avancer sur le chemin parfois chaotique bon an mal an. Sans se poser la question : "ça me convient ou non ?"

Prendre le temps de répondre à cette simple mais aussi douloureuse question et passer en revue ceci et cela et principalement s'arrêter sur le petit caillou dans la chaussure : ce qu'on s'impose ne nous convient pas, ne nous est pas agréable et pire nous rend malheureux.

Alors s'en vient le petit refrain :


S'oublier pour ne penser aux autres d'abord sans penser à soi, s'éviter, se manquer, ne pas se respecter et par conséquent ne pas s'aimer.

S'aimer ? Apprend on à l' enfant à s'aimer ? à prendre soin de lui ? A lui enseigner la préciosité de son existence ? 

S'aimer rime avec égoïsme, égocentrisme, nombrilisme, narcissisme.
Ce malentendu, mal dit est-il responsable de l'oubli de soi ?
Pas tout à fait même  s'il y participe. 

On rentre alors dans une spirale toxique, on "ne mérite pas" on n'"a pas besoin" "c'est assez bon pour nous", "on peut faire un effort"


Et tout ce discours intérieur devient la norme, notre norme. On vit avec, sans même s'en rendre compte tellement nous nous sommes conditionnés.

Seulement il y a quelque chose  qui cloche. On a beau déployer tous les efforts pour plaire aux autres, être présent pour eux, aller même parfois au devant de leurs besoins ou désirs ça ne va pas. On ne se sent pas bien, pas à l'aise, pas remercié, pas dans l'apaisement, dans l'harmonie. Il reste ce quelque chose résonne, une petite voix qui me dit tout au fond de moi :

Et moi ? Enfin !

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo, @brigittedusch

vendredi 28 juillet 2023

Le bien être



Bien être, être bien.
Se sentir bien, en phase, en harmonie
Nous entendons ces phrases chaque jour, nous les lisons dans les magazines, voyons sur des vidéos, dans des publicités, sur les murs, à la radios, à la télé
Partout !


Il y a dans cette société malade, mal à l'aise qui cultive chaque jour le mal être cette volonté injonctive et paradoxale que les gens "aillent bien"

Paradoxal ! le mot est lâché.
Une injonction paradoxale !
Qu'il faut s'efforcer de suivre. A tous prix

Ce prix est la dissonance, la culpabilité, le questionnement
Alors on se lance dans des tests, des conseils, des recettes qui vous assurent que si vous les suivez 3 fois par jour tous les jours votre vie va changer, qu'il faut être persévérant, que votre bonheur est là prés de vous mais que vous ne le voyez pas, que vous êtes aveugle.
Que pourtant c'est simple !

"Alors pourquoi je n'y arrive pas !". 
Nous n'aborderons pas les ravages du "développement personnel". Deux mots  qui n'ont guère de sens mais qui promettent à qui suit fidèlement le programme de retrouver le bien être. 
Est ce aussi simple ? 

Alors pourquoi je n'y arrive pas ?
Et non seulement je n'y arrive pas, mais je me sens coupable
Coupable de tout
De ne pas y arriver
De voir le verre toujours à moitié vide
De ne voir que ce qui ne va pas
De ne pas savoir regarder autour de moi
De n'être jamais content(e)
De n'être jamais satisfait(e)
Et la liste est longue
Et en définitif : je suis malheureux(e)

C'est le noeud, le conflit intrapsychique, la névrose. Et nous le sommes tous... Plus ou moins
Cet état de bien être est naturel, il est nécessaire et essentiel à notre vie, à notre santé. Il n'est pas permanent, mais il est, et peut être.
Quelle responsabilité avons nous à ne pas le voir ? Sommes nous si aveugle ? 

Qu'est ce qu'être bien ? Se sentir en harmonie avec ses pensées, son corps, les autres, et surtout soi même ?
Quel état peut nous (me, te) permettre de dire "je suis bien" : ici, là bas, avec untel, tout seul, en ce moment ?
C'est singulier cet état, cette définition. D'abord il faut savoir qui est ce "je" que je suis. Et comment ce "je" perçois des sensations agréables. Car tout est affaire de  perception, sensation, ressenti.
C'est un état, de détente, de lâcher prise de son corps, des tensions, des pensées. une absence de soucis... Ah ! les soucis ! nous en avons tous, donc nous ne pouvons jamais être bien ?
Ce n'est pas aussi simple ni aussi complexe. Mais les soucis sont la source de bien des mal être, et des mal aise. Nous ne pouvons en faire abstraction, car ils se rappelleront à nous très vite
Alors ?
Vivre le moment présent ? C'est impossible, c'est un paradoxe temporel mais aussi de langage, le temps file, il ne peut être capturé, enfermé, le présent n'est pas. 
Vivre alors ? Avec sa vie et son histoire, ses joies, ses peines, ses soucis qui sont parfois difficiles, envahissants, et qu'il faut résoudre du moins pour ce qui nous incombe, car tout ne dépend pas de nous.
Parfois même un ciel bleu et un soleil magnifique ne peuvent nous aider à sourire, être joyeux, et mettre un peu de bonheur dans notre tristesse. C'est ainsi et nous n'y pouvons rien. Nous devons accueillir, car il n'y a pas d'autre choix, laisser passer l'orage, tenter de comprendre...
Etre bien est souvent un instant qui ne dure pas dans le temps, qui s'en va mais qui revient. 
L'impermanence de soi, du temps, de son humeur, de l'autre, de la vie.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

Et on n'aura plus peur


Viens tout près de moi
Donne moi la main
Serre la dans la mienne.

Je te le dis, je te le promets
Tout va changer
Et on n'aura plus peur,
Plus peur du bruit,
Plus peur des cris,
Plus peur du vent
Plus peur de la porte qui grince
Plus peur du regard
Plus peur des mots
Plus peur des reproches
Plus peur de rien !
Non, on ne va pas mourir
Oui, on va vivre
Et on n'aura plus peur !
On marchera sur les chemins
D'un pas alerte et ferme, sans regarder en arrière, le visage au vent,  droit devant
Et on n'aura plus peur !
On rira tant qu'on pourra, on chantera, on s'amusera
On aimera, on s'aimera
Viens dans mes bras, serre moi très fort

Et on n'aura plus peur

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

samedi 1 avril 2023

Et le temps passe sans toi



Et le temps passe 
Sans toi

Et les jours s'en vont
Loin de toi

Le temps estompe le souvenir, les mots, tes mots, et le son de ta voix
le temps est devenu pour moi un long silence
Blanc et vide

La vie s'en va et s'en vient, le temps passe sans toi, le temps vit sans toi et je suis toujours là
j'attends mais quoi ?
Ou peut-être m'attends tu dans ce nulle part quelque part ?
Et le temps passe sans toi
Chaque soir je me demande ce que je fais là,
Et comment je suis arrivée là ?
A cet endroit, le même mais où tu n'es pas
Et le temps passe sans toi, sans tes rires, sans ta voix
J'aimerai te dire, te demander, t'entendre, te voir, et je ne peux pas

Et le temps passe sans toi
je pense, j'imagine ce que tu me dirai si je te demandais, car toi tu saurais
Tu aurais su soigner ma blessure, comme toutes celles que tu as pansées, que tu as soulagées pendant toutes ces années. 

Tu n'es plus là pour prendre ma main, cette main blessée qui souffre, qui souffre du manque de toi. Tu n'es plus là pour me regarder, me sourire, me rassurer, me faire vivre. 
Pourtant nous n'avions pas besoin de parler, je savais et tu savais

Et le temps passe sans toi
C'est une éternité qui file devant moi
Je vis des moments, des instants de vie que tu ne connaîtras pas, qu'on ne partagera pas, puisque tu n'es pas là
Je regarde, peins, écris, cherche, lis mais je ne peux pas en parler avec toi, en rire avec toi.
Vide et blanc, c'est un gouffre sans fond dans lequel je glisse lentement, doucement les larmes coulent de mes yeux sans trop savoir pourquoi et je te dis "tu me manques" mais tu ne m'entends pas. Ca prend comme ça, c'est soudain , brutal, fort et ça fait mal. Mais cette douleur est nécessaire, essentielle à ma vie, à la vie qui coule en moi.

Parfois, désespérée je m'effondre comme ça, je vais au fond tout au fond de ce vide obscur puis je remonte et ça recommence. C'est ainsi. J'accueille et j'attends. Impermanente permanence.


Le temps passe sans toi, combien de temps encore ? Je ne sais pas. La vie passe et je me demande chaque soir ce que je fais là, comment j'ai pu arriver là... Encore une journée, une nuit, et demain.
Pourtant la vie ne me pèse pas et je ris, souris, chante, la vie est un cadeau. 

"Tu choisiras la vie" LeH'ayim.


Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

mardi 28 mars 2023

L'injonction à soi même


"Je le fais car j'ai dit que je le ferai"

"Je me le suis promis, je n'ai pas le choix"

"J'ai décidé que je devais aller là bas, donc j'y vais"

Ces petites phrases assassines il y en a une multitude, elles tournent en boucle dans la tête, s'imposent à nous sans que nous y fassions attention et de ce fait, échappent à toute réflexion, celle là même essentielle à la prise de décision.

Mais : As ton encore envie de faire, d'aller, de mettre en acte un dire, une promesse que nous nous sommes faites avant, il y a quelque temps, des jours, des semaines, des années peut-être ?

Là est la question

Si l'envie et le désir sont toujours au rendez vous : Aucune hésitation

Pourtant ils ne le sont pas toujours et c'est là qu'arrive le conflit intrapsychique qui nous met mal à l'aise. Ce je qui s'était engagé dans une démarche en un temps qui n'est plus. Cette promesse n'apparait plus essentielle, nous pèse, et nous nous voyons contraints par fidélité à nous même et à notre parole donnée à la respecter.

Pourquoi ? "je fais toujours ce que je dis" "je me suis engagée, même si je n'ai plus envie, je n'ai pas le droit de renoncer" J'entends souvent ce type de phrase. Etre en harmonie,  claire, n'avoir qu'une parole, donc je dois y aller !

La fidélité à cet engagement devient alors source de dissonance, de stress voire d'angoisse, la promesse est une contrainte pesante, dont on aimerait se défaire et nous n'osons pas. 
Nous refusons de voir que ce qui était vrai, nécessaire au moment de cette prise de décision ne l'est plus aujourd'hui. Le je  d'hier n'est plus le même, le contexte non plus. Nous avons changé, réfléchi, nous sommes ailleurs, dans une autre forme de réflexion. Nous sommes différents et heureusement, car nous avons appris des expériences vécues, des personnes rencontrées, nous avons grandi, évolué tout comme notre pensée. 
Alors OSONS. osons nous dire NON, nous ne ferons pas ce que nous avions décidé, nous n'irons pas là où nous pensions aller. Simplement parce que nous n'en n'avons plus envie et que nous ne nous imposerons rien qui ne serait pas source de bien être, mais au contraire une contrainte déplaisante.
Nous avons le droit de dire non, nous sommes libres de changer d'avis, de ne pas nous enfermer dans un carcan de promesses, de paroles données, de fidélité qui en seraient qu'une source de dissonance et de mal être. 

Se libérer de ces injonctions faites à nous même est essentiel à notre bien être et à l'épanouissement de notre être sur le chemin de la vie, de notre vie, de cette infime partie de libre choix dont nous disposons pour donner du sens à notre existence.

Etre bien avec soi, en harmonie, ce n'est pas suivre à la lettre des décisions prises en un temps révolu. C'est au contraire se demander si elles sont toujours actuelles et s'inscrivent encore dans notre projet. Si ce n'est plus le cas, alors ne nous infligeons pas un voyage, une rencontre, une mission ou un travail que nous ne désirons plus. 
Sans culpabilité, en toute conscience. Apprenons à se dire non. Simplement.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

lundi 13 mars 2023

Question de tempo. Emprise.



temps, le temps et rien d'autre, le tien le mien* 
 

Il n'est rien d'autre que s'il est mien, le temps.

Le temps est singulier, il n'appartient à personne et il n'est pas question de l'emprisonner, il fuit et se sauve plus ou moins vite mais souvent jamais comme on le souhaiterait

Ce temps volé, ce temps imposé
Ce temps que j'ai subi, hors de moi et contre moi, celui de l'autre et des autres qui m'ont entrainée dans un tourbillon, une espèce de cascade qui s'emballe, m'enroule dans ses flots, me ballote d'une rive à l'autre sans jamais me laisser le temps ni la force de m'accrocher à une branche pour retrouver du souffle
Je suis harassée par ce voyage, ce tempo qui n'est pas le mien, ce tsunami qui m'a enveloppé sans que je ne prenne garde car sidérée, traumatisée par l'effraction de mon être tout entier
Je n'en peux plus et je n'en veux plus
Il n'y a rien à dire, rien à pleurer, rien à maudire..
Pas de mot à dire. 

Il ne reste qu'à sortir de l'eau et tenter d'accoster, s'accrocher à une branche, faire un effort et ne plus se laisser porter, ni par la vague, ni par l'illusion.


Je n'ai rien vu venir, on ne voit rien venir.
Envahi par la peine, le chagrin, la colère, tétanisé devant un réel violent, brutal, être mal mené sur des chemins glauques et sinistres, être entrainé par des forces sorties de l'humanité, être absorbé par la fureur de l'autre
Etre anéanti.
C'est l'entrée dans le Néant, celui des Enfers. Une porte qui s'ouvre et t'absorbe sans même que tu ne réalises où tu es, dans quel désir, dans quelle tornade tu es enseveli, pris dans la nasse d'un filet sordide qui te contraint et te soumet à un temps qui n'est pas le tien
Le temps, histoire de temps et de tempo
Histoire de soi, histoire qui peut très mal finir parfois
Entrainé au fond du gouffre, pris dans le temps de l'autre, il n'y a rien à faire, pas de place pour penser, pour savoir, pour donner du sens à ce qui arrive, à ce que tu subis. Malgré toi
C'est la quintessence de la violence, celle du "c'est pour ton bien" "je fais ce que je peux pour toi" te rendant ainsi redevable de la malatraitance dont tu es l'objer
Car de sujet il n'y a plus, il n'y a pas. Réduit à néant lui aussi tu n'existe plus tu n"est plus et tu baisses les armes, tu te rends, tu te laisses emprisonner et la torture est tellement insoutenable que tu admets, tu laisses aller, tu lâches prise, il n'y a rien d'autre à faire !
Horreur !
Tu deviens incapable de réfléchir, de dire non, ça suffit, "je ne veux pas ça". L'angoisse, le stress, la maladie te rendent incapable d'être toi, d'être un sujet pensant ce qui est bien pour lui
Réduit à néant et au vide, arrimé au désespoir de l'autre, il t'entraine dans sa chute si tu n'y prends garde.

Laisse-moi guider tes pas dans l'existence

Non, non et non, nul n'a le droit de laisser à l'autre le soin de guider ses pas et de décider de sa vie !

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

* Charles aznavour le temps.

jeudi 2 mars 2023

S'être manqué (l'emprise)



S'oublier, se sacrifier sur l'autel du désir de l'autre
Se mettre en retrait, de côté, se mettre au ban de soi, s'abandonner au vide et au Néant.
Vivre ou survivre ?
Etre vivant ou mort à la vie ?


On ne peut être mort et vivant, il faut choisir. Pourtant on peut être mort à soi, mort de soi. 
C'est une tragédie, un traumatisme terrible, un clivage ou une dissociation. Laisser son soi, son être quelque part, dans un lieu d'où il ne sortira plus afin d'avancer de vivre à demi vivant et demi mort
Il reste pourtant au plus profond de la mémoire quelques bribes de ce Je, de cet être réprimé, corseté, emprisonné et réduit au silence absolu. Une petite musique, comme le chant de la langue maternelle celle dans laquelle on rêve et pense. Pourtant cela semble si loin.

Se reléguer à l'isolement.
Isolé, camisolé, ligoté de soi en soi.
Prisonnier de sa vie, otage du désir de l'autre, enchevêtré dans les noeuds du filet habilement tressé qui nous a capturé et ravi à nous même
Qui est ce Je ?


Etre balloté sur des chemins qu'on n'a pas vraiment choisi, se retrouver au creux d'une ornière et s'agiter pour tenter de s'en extraire, être absorbé par un tourbillon, se débattre et mourir.

 Car on sait que de ça on ne sort pas.

Alors vient le silence lourd et pesant. Alors vient la douleur, alors vient la peine, alors vient la colère.

Nécessaire parfois elle n'est même plus... Il n'y a plus rien, plus aucune émotion, plus de larmes, plus d'envie, plus rien de vivant. 
Moi inerte et sans vie, vidé de tout, sombre fantôme errant dans les ténèbres au milieu de la lumière aveuglante d'un soleil indécent et insultant.

On s'abandonne au fond de la tranchée que nous avons creusée pour nous protéger, on se laisse aller au froid, à la boue et à la vermine de la vie, au bon vouloir de l'autre, priant secrètement qu'il va nous asséner le coup funeste enfin : car on n'a même pas le courage de le faire, ni même de charger en hurlant à coup dans l'attente du vol arrêté.

Attendre au fond de son désespoir en espérant tout de mêle que tout va bientôt finir, qu'un tir, un obus va enfin anéantir tout ça, la vie et la souffrance, l'espoir et le désarroi.
Que tout va disparaître dans le bruit, la fumée et la poudre ! 
Disparaitre à jamais, ne rien laisser

Rien. S'oublier, se manquer.


Pourtant, il reste parfois si on sait bien écouter, regarder, une petite étincelle, un tout petit bruit qui dit "non, non ce n'est pas le moment, il y a encore des choses à faire, à vivre, à aimer".
Il est mince ce fil, il est tenu, il peut se rompre à chaque instant, il faut aller le chercher loin, le tirer, le garder, le tenir et ne pas le lâcher. 

Il faut aller chercher ça au fond de soi. Regarder ce soi perdu mais pas disparu
Alors ce morceau de soi à terre n'est pas mort, il reste un soupçon de vie, il est en miettes, au fond, au plus profond de son être, éparpillé par le souffle des grenailles.
On ne laisse pas un homme à terre, on le ramène. j'ai appris ça dans une autre vie.
On ne laisse pas un homme tant qu'il y a un souffle de vie. Alors vais-je laisser ce moi blessé, caché, en morceaux épars au fond de moi ?
C'est à moi de décider, c'est à moi de faire le chemin inverse dans ce terrain miné, c'est à moi d'y aller !
C'est à moi d'aller rechercher ce moi oublié mais qui me manque, car sans lui je me suis manquée. Alors oui, ça vaut le voyage. C'est le prix de la vie.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

mercredi 22 février 2023

L'élégance du silence

 











L'élégance c'est aussi ne pas se plaindre, sourire et de taire la souffrance. Elle ne regarde que soi, et on n'étale pas ses soucis, ses chagrins, sa peine et sa vie au regard de l'autre. Cela l'indisposerait et ferait de nous de grossiers personnages, des gens sans éducation et surtout sans réserve. Enfermer nos maux n'est pourtant pas toujours facile, les contenir non plus. Que vivre est difficile !


Enfant on m'a appris que "le silence était d'or" on ne parle pas de soi, on ne se plaint pas, on ne se raconte pas. La souffrance, la peine, le chagrin avait en eux cette indécence qui pouvait troubler la paix de l'esprit de notre entourage. Il était tout à fait inconvenant de les déranger par nos "menus soucis" quels qu'ils soient, maladie, mort, angoisse. Se blesser, être blessé était une sorte de "malédiction" que celui qui en était atteint devait porter sans mot dire, sans maudire peut-être aussi, mais surtout ne pas "ennuyer qui que ce soit avec ça". D'ailleurs ce qui que ce soit "n'en saurait que faire" au mieux 's'en réjouirait " au pire. Le malheur des autres, ne fait pas d'envieux, et les chasse, c'est contagieux, ça peut s'attraper, c'est un "coup du sort" et fait de celui qui a été atteint par le 'malheur" une sorte de pestiférer dont il convient de s'éloigner. Et puis les gens ne savent pas quoi dire, pas quoi faire, ne trouvent pas les mots, pas les gestes, pas le "mode d'emploi". Ils sont gauches et maladroits, nous évitent de peur de dire des sottises, de blesser davantage, d'être ridicules, ne savent-ils pas que là vraiment parfois dans ces circonstances "le silence est d'or". Se taire dit-on dans certains endroits chargés de mystères ancestraux évite au mal de se propager, de prendre forme, d'être représenté. Pour d'autres c'est le contraire, peut-être essentiel pour livrer le combat avec le diable, duel perdu d'avance, mais qui rend vivant, puissant pour quelques instants On se tait, on ne dit rien, on va bien, tout va bien. L'élégance de se taire et ne pas déranger avec ses fantômes est une règle élémentaire de politesse. Se raconter expose, il faut dévoiler, se dévoiler, retirer un par un les oripeaux qui nous emprisonnent, nous corsettent dans la douleur, il faut faire fi de sa pudeur, ce n'est pas simple pour certains, pour d'autres ce n'est rien, il faut au contraire crier, verser des torrents de larmes qui seront à la hauteur de la perte, de la peur, de l'angoisse Ainsi recueuilleront-ils les mots, le regard, la compassion de ceux qui impuissants assisteront à de telles démonstrations, mouilleront leurs mouchoirs et iront de leurs conseils et de petites phrases à ne jamais prendre au pied de la lettre "je suis là" "tu peux compter sur moi" "si tu as besoin". Des mots, des paroles qui s'envolent à peine prononcées pour avoir le coeur plus léger, et s'enfuir à toutes jambes pour ne pas répondre à la "parole donnée. En ce monde il n'y a plus de valeurs, ni d'honneur. Théâtraliser sa douleur et se mettre sur le divan de la scène, se "donner en spectacle" et se livrer sans retenue. De tels dévoiements aident-ils à supporter la souffrance ? Je ne saurai savoir, il y va de chacun. La seule chose dont nous pouvons être sûrs est que la souffrance ne regarde que soi, quelle qu'elle soit, et notre "être seul" doit y faire face sans rien attendre, c'est entre lui est lui que tout se passe. Et entre soi et soi où se loge l'élégance ? C'est là toute la question ?

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne Crédit photo, @brigittedusch


dimanche 12 février 2023

Surveiller pour punir

 




Surveiller puis punir

Plus seulement une rumeur, un questionnement, mais une injonction !
Surtout, sur tout....
Une menace, un certain art de vivre
Surveiller.. Non veiller sur, comme on pourrait le croire, veiller à. Sur C'est ce sur là, qui ne va plus de soi
Et puis punir
Punir surtout !
Crainte, peur, angoisse, les trois mots d'ordre..
Ordre !
De l'ordre pour que ça marche droit
En ligne, on ne voit qu'une seule tête, rien ne doit dépasser, montrer le bout de son nez, encore moins le bout de sa langue
Langue qu'il faut tourner plus de sept fois dans sa bouche, avant de dire, de parler, de mettre des mots sur sa pensée
Pensée étouffée !
Pensée sur veillée. Aussi
Réprimer, taxer, apeurer, menacer...
Se taire, au risque de cautionner
Dire au risque de ?
Pensée unique, uni... Forme...
J'ai rêvé d'un autre monde, j'ai cru en un autre monde....Celui ci se délite, au risque de se perdre, de se fondre dans des nébuleuses sombres, obscures, d'où pas grand chose ne pourra sortir, ne pourra grandir !
Un profond sommeil, une lourde brûme, un épais brouillard semble obscurcir le ciel.
Mais comment en sommes nous arrivés là ? Responsables inconscients que nous sommes.
Que nous sommes tous ?
Peur, crainte, punir, surveiller, nous réclamons tous une certaine sécurité, un certain ordre, une certaine liberté...
Au risque de...
Limites, cadres, il faut, il en faut
Mais juste, juste ce qu'il faut, justement juste... Pas de trop peu, ou de trop trop..
Juste, justice, justement...Des mots, des concepts, des idées, des symboles qui s'effritent, s'émiettent et s'éparpillent dans ces ténébres qui couvrent, recouvrent le ciel, qui décidément est de moins en moins bleu
A quand la fin de l'orage ? A quand l'arc en ciel ? A quand le soleil ? A quand le printemps ? A quant l'été ?  V
ielleicht oder nie ? Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne Crédit photo @brigittedusch








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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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