Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

dimanche 15 décembre 2019

Il y a cette fatique

Ich sage : "Heimatsprache."

Il y a cette fatigue, cette fatigue qui me prend, m'enlève et m'emporte

Cette fatigue qui me consume à demi
Je lutte, je me bats, mais je n'y arrive pas, je n'y arrive plus
J'en envie de lâcher, lâcher prise vraiment et de tout laisser aller
Aller au fond du trou
Je suis fatiguée, épuisée, usée, déchirée.
Cette fatigue qui prend possession de moi, qui m'envahit tant que je ne me retrouve pas
Et je lutte encore, j'essaie de prendre le dessus, de la mettre KO, mais je n'y arrive pas, c'est plus fort que moi, elle est plus forte que moi.
Combat, combattre, je n'ai plus envie
Me laisser couler au fond de l'eau, de la rivière et du trou
Ne plus aller à contre courant
Ne plus nager, me laisser couler,
Une bonne fois pour toute


Je suis fatiguée, usée, brulée, consumée de l'intérieur
Et tout le monde s'en fout !
Tout ce monde continue à m'user, m'épuiser, sans voir que je crève à petit feu, doucement, lentement, mais irrémédiablement.
Personne ne voit, ne prend garde, ne me regarde
Personne ne voit la fatigue, telle une ombre me recouvrir et me prendre dans son voile noir pour m'emmener loin dans les nuages, dans un ciel d'orage aux couleurs de l'enfer
Je suis fatiguée, usée, abusée par tant de mots et de maux qui ne veulent plus rien dire, qui n'ont jamais rien eu à dire à ces autres, qui restent sourds malgré mes suppliques !
Je suis fatiguée. Il y a la fatigue, morne compagne de mes nuits et de mes jours, celle qui m'accompagne sans jamais me trahir !
Il y a la fatigue, celle qui ne me quittera que le jour où le jour deviendra nuit pour toujours.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

dimanche 1 décembre 2019

Le coeur usé



Il y a le cœur brisé
Mais il y a aussi le cœur usé
Peut-être qu'avant d'être brisé a t-il déjà été usé ?
Nul ne sait.


Cœur.
Usé à force d'avoir aimé, usé à force d'avoir été mal aimé, mal mené, là, ailleurs, ici, avant, maintenant
Un cœur qui dit oui, et à qui on dit non, un cœur à prendre et qui reste suspendu en plein vol, un cœur volé à tout jamais, un cœur en attente.
Celle espérée qu'un coeur aimé se greffe sur le sien, peut-être ?
Espoir, battement de cœur, cœur qui bat, la chamade, doucement, terriblement, cœur en vrac ?
Tout est à faire de cœur, affaire de rien, rien à faire ! SOS, le cœur ne répond plus, il est perdu au milieu des atolls ou des nébuleuses grises et confuses qui le retiennent prisonniers dans leur toile, labyrinthe sans issue

Un cœur usé à force d'avoir voulu aimer, trop, trop fort, trop longtemps, malgré tout, qui s'accroche, et se raccroche encore, un cœur désaimé et désarmé à force d'avoir attendu l'amour, un cœur orphelin de ses enfants qui sont partis au loin, sans ce soucier que ce cœur si vieux est encore plein d'amour, n'a jamais cessé d'aimer. Ingrats, ils l'ont laissé là sans s'attarder.
C'est un cœur qui saigne et se lézarde pour laisser couler les larmes, un cœur impossible à consoler et à guérir.
Il a bien de la misère !
Ah ce cœur orphelin ! ce cœur qui bat pour rien ! Il bat parfois si fort qu'il nous réveille la nuit, un son, un bruit terrible qui vient du  fond de la poitrine et du tréfond de l'âme pour nous rappeler qu'on est encore vivant, mais pour combien de temps ?
Il bat, il cogne,  et parfois il fait mal, c'est un brusque coup de poignard qui traverse et transperce l'être tout entier, qui s'étire le long du bras, le paralyse, traverse tout le corps ! c'est un cri qui ne sort pas, qui s'étrangle dans la gorge, qui se noue,  un son qui ne sort pas d'une bouche pourtant ouverte, un son muet et sourd que l'autre n'entendra pas, un cœur qui s'essouffle sans que rien ne puisse venir l'apaiser. Rien
Il faut attendre : peut-être ?
Attendre quoi ?
La mort ? La vie, car qui voudrait mourir ? Alors se dire, malgré tout que c'est enfin ! enfin quand même, ce moment attendu et redouté,  le dernier sursaut de ce cœur abandonné à sa solitude, à son inutilité ?
Comment un cœur peut-il survivre à l'absence ? au manque ? Usé.
Oh, ce n'est point une patine, cette belle usure offerte par le temps, ce n'est pas ça l'usure, ce n'est pas ça cette usure là.
Il y a de la fêlure, de la cassure, du rafistolage qui n'a pas tenu, comme toujours, qui, mal assemblé c'est à nouveau fissuré, sans se casser. Dommage !
La cassure est souvent nette, mais l'usure ?
C'est une sorte d'érosion, d'infiltration insidieuse et douloureuse un peu plus chaque fois. 
Il faut vivre pourtant, porter au cœur de soi, ce cœur usé, trop lourd parfois, pesant fardeau qu'il faut trainer avec tristesse, il faut mener ce cœur bien fatigué, le mener au bout de la nuit, et de la vie. C'est le nôtre, et le cœur bien lourd il nous faut marcher d'un pas un peu plus léger vers la lumière, si mince soit-elle.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo : @brigittedusch "Bretagne"

lundi 11 novembre 2019

Hommes de 14.



En ce jour, un peu plus de cent ans après on commémore votre mémoire, on dépose quelques gerbes et on fait un beau discours, les politiques souvent instrumentalisent votre sacrifice aux limites de la décence, soulignant par là leur incompréhension du symbole représenté par cette journée en votre mémoire.
Ils parlent de sacrifice, font défiler des troupes en cette journée marquant la fin d'un massacre.
Quelle leçon a été retenu ? Aucune je le crains.


11 novembre 1918, l'Armistice… Cinq ans après le tocsin, les cloches des églises de France sonnent à tout va ! C'est fini, c'est fini. Ils vont revenir se disent les femmes qui depuis tout ce temps attendent. 
Ils ne reviendront pas tout de suite, les Hommes de 14, certains ne reviendront jamais, et la mort ne les ramènera jamais sur la terre de leurs ancêtres. D'autres "'plus ou moins chanceux" rentreront en miettes, traumatisés pour le restant de leurs jours par cet effroyable cataclysme aux confins de l'humanité. Car c'est de l'Enfer qu'ils reviennent.

C'est la paix. Une paix que tous attendent, espèrent sans plus vraiment y croire, on leur a tant dit, tant menti aussi ! Cinq ans, cela fait cinq ans que tout le monde souffre, soldats et civils ; ils souffrent de tout, de la froid, de la faim, de la peur, de la maladie, de la perte, du manque et de la mort. La mort. C'est elle, et elle seule qui est victorieuse de cette horrible tragédie.

11 novembre 2019, en ce temps gris, en ce temps de novembre, un peu plus de cent années plus tard, je vous rends hommage, à ma manière. Pour ne pas oublier, jamais, jamais. Pour que vous ne tombiez pas dans l'oubli. Pour que vous viviez toujours dans nos mémoires. Pour que la flamme ne s'éteignent jamais.

Hommes de 14 :  Paysans soldats, vous n'aviez rien demandé et surtout pas ça. Surtout pas ça ! 

Hommes de 14 : Paysans, ouvriers, hommes des champs et des villes, la folie des hommes, vous a enlevé de vos foyers avec comme tout bagage quelques effets et un peu de pain, puis  vous a jeté sur le quais des gares, traversant le pays pour souffrir, tuer et mourir dans les tranchées : loin, mais aussi parfois à quelques kilomètres de chez vous !

Hommes de 14, Genevoix, Barbusse, Dorgelès, mais aussi Remarque de l'autre côté du Rhin on raconté votre désarroi, votre dégoût de la guerre, de la mort mais aussi de la vie. Il reste de cette guerre des paysages dévastés, des cimetières à perte de vue dans mes Ardennes et sur ce qui fut alors Front, ces territoires que vous avez tenu, pieds à pieds et à coup de baïonnettes, au mépris de votre vie.

Hommes de 14, je vous connais un peu car je vous rencontre souvent au détour des pages de ces archives que je consulte quasi quotidiennement pour savoir qui vous êtes, en dehors du matricule et de la "campagne menée contre l'Allemagne". Menuisiers, cultivateurs, instituteurs, fermiers, affectés à tel régiment et compagnie, vos faits d'armes, décorations et blessures sont mentionnés, mais aussi votre taille, la couleur de vos yeux… Votre adresse, le nom de vos parents et parfois de votre femme. 

Hommes de 14, de l'autre côté du Rhin, soldats occupants,  prisonniers de guerre dans les campagnes et les usines de France, vous étiez aussi des pères, des frères et des maris, des paysans, des ouvriers, des maitres d'écoles, vous écriviez des lettres à vos familles, inquiets de les savoir souffrant de faim.

Hommes de 14, venus des pays lointains mourir pour une patrie qui n'a pas été toujours reconnaissante, perdus, malades, souffrant de solitude et du mal du pays, parfois seul votre numéro de matricule figure sur la fiche : qui étiez-vous ? D'où veniez vous ? Soldats des régiments coloniaux ? Artilleurs algériens ou sénégalais ? infirmiers cochinchinois ?

Hommes de 14, je ne vous oublie pas. Vous avez quitté vos familles, vos champs et votre vie pour endosser un uniforme trop grand ou trop petit, qui ne vous allait pas, car vous n'étiez pas des soldats. vous êtes devenus sapeur, mineurs, fantassins, zouave, spahi, marins, vous avez obéi aux ordres, vous avez été sacrifiés pour conserver un carré de terre, une butte, une ligne stratégique derrière des barbelés. Cela vaut-il une vie ? Paysans soldats.

Hommes de 14, vous êtes venus des quatre coins du monde mourir ici, mais aussi ailleurs, sur le Front d'Orient, dans les airs et sur les mers.


Nul patriotisme, nul nationalisme, ce serait indécent. De la peine et du chagrin encore, c'est ce que je ressens, parfois de la colère, car vous avez eu à peine le temps de vivre, d'aimer et de rire. C'est un vol arrêté, une vie volée, c'est une violence que rien ne pourra jamais réparer.

A vous tous, je vous rends hommage. A Gustave, Otto, Maximin, Camille, René et les autres, amputés, gueules cassés, rescapés, gazés…. A vous bonnes sœurs, curés, pasteurs et rabbins, aumoniers militaires, médecins, brancardiers, infirmières, qui ont donnés leur vie pour sauver des vies et des âmes qui n'ont pas ménagé leur peine, sur le Front, dans les ambulances et hôpitaux de fortunes pour soulager les souffrances, apporter un peu de réconfort aux mourants. Hommes, femmes et enfants, civils réfugiés fuyant les bombes et les ruines de leurs maisons pour trouver refuge dans un ailleurs si loin de chez eux, sans savoir quand ni comment ils rentreront. Peut-être ?
 
Nul ne sort indemne d'une telle tragédie, même si les années qui suivirent furent "folles". Nul n'est vraiment revenu de là bas. Il suffit de regarder les monuments, de lire les noms gravés, de compter parfois le nombre d'enfants du pays sacrifiés par et pour la folie de quelques uns. Il ne suffit pas de déposer une gerbe et de se recueillir, mais de lever les yeux et de nommer ces hommes  "Morts pour la France". Dans le silence. Il suffit simplement de ça pour essayer d' en être digne.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch collection privée. Cimetière de Soupir (Aisne) là où repose Gustave et tous les autres malheureux tués au champ d'horreur.

dimanche 3 novembre 2019

Trou noir



Il y a l'oubli, la perte, le mot qui ne vient pas, le souvenir empêché, qui se loge pourtant  là ; quelque part entre avant et maintenant. C'est ce radeau au milieu de l'eau, poussé par les flots, les vagues, le vent, qui tente d'atteindre le rivage, mais qui n'y parvient pas.

L'oubli :

Non, ce n'est pas seulement la mémoire qui n'est plus au rendez-vous, qui nous fait défaut : c'est autre chose, c'est différent, c'est étrange et inquiétant.
Ce n'est pas vraiment un oubli, c'est un manque, immense et tragique.

C'est une sorte de trou noir, un vide, une béance : Un Rien.

L'absence, l'absence de soi, la perte du sens, la perte des sens, suivi d' un immense vertige, puis d'une descente vertigineuse.

Un enfer. Un puit sans fond. Un gouffre.

Il n'y a  rien à mettre dans ce gouffre, on sait que quelque chose à eu lieu, forcément, mais quoi ? On ne sait pas, on ne sait plus. On n'a peut-être jamais su vraiment ?
Il y a ce temps, ce temps confisqué, pris, volé, arraché, ce temps hors du temps, qui ne nous appartient plus. L'oubli ?

Mais est-ce vraiment l'oubli ?
Puisque ce temps suspendu, ce temps existant, pour nous n'a pas existé, n'a pas été présent à nous, a été d'une singularité terrifiante ?
Est-il ? Et où ?
Il est ailleurs, il s'est logé on ne sait ou ; dans un de ces plis, de ces replis de la mémoire. Une sorte de temps parallèle, une vie autre, la nôtre ? Celle d'un autre ? D'un autre nous ? Dans une autre dimension ? Dans un autre monde ? Une autre réalité ? Je ou Jeu de rôles ?
Et de quel rôle s'agit-il ? Dans quel théâtre ? Et qui a écrit le scénario ?
C'est un échappement, une fuite, mais laquelle ? Et pourquoi ?

Une simple erreur de circuit, une mauvaise connexion ? une déconnexion temporelle ?

Des questions sans fin, mais surtout sans réponse ?
On se réveille, on se lève et on ne sait plus : on ne sait plus rien
Il y a un morceau de soi enlevé, ôté, kidnappé, envolé
Un morceau de l'histoire qui a explosé, qui a volé en éclats, éparpillés et dilués dans une nébuleuse obscure et lointaine.
Oubli, souvenir volé, mémoire confisquée, trou, gouffre, vide, abîme.
Passager errant, passager clandestin d'un monde qui nous a fait une farce, qui pour un moment indéterminé nous a mis sur la touche, nous a bloqué sur pause sans nous avertir. Spectateur statufié, muet, sourd d'un monde qui évolue devant mais sans nous !
Il manque un épisode, il manque des éléments, on ne peut pas raccrocher, nous voilà resté, planté là mais arrimé à un avant ou une histoire autre, devant des autres, ayant vécu une autre histoire que la nôtre
Nous voilà, là, restés au seuil d'une aventure d'où nous avons été écarté, personnage en marge, sans dialogue, sans intrigue sur le ban de touche.
Abandonné.
Abandon à l'étrange, au singulier, au terrifiant, à l'inquiétant. Cherchant sans relâche un sens, des explications qui n'existent sûrement pas.
Replongé dans un réel qui n'est qu'un chaos, il faut affronter, faire sens d'une vie où il manque des éléments pour comprendre et se comprendre. Une partie de nous même sans est allée, ou est restée coincée dans un ailleurs indéfinissable.
Sans fin, sans relâche, sans sens, sans rien, l'absence où se loge la présence du manque.
Il faut aller, advenir, être à un monde qui nous échappe car pendant un temps parfois très court, nous nous en sommes échappé.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo : @brigittedusch

vendredi 4 octobre 2019

Chut...




Ne pas rompre le silence
Ne pas briser cet apaisement
Surtout….
Tout est si calme.
Ne pas faire de bruit
Seul le chant des oiseaux à l'ombre des figuiers
Nous rappelle que nous sommes encore vivants

Ne pas casser le silence
Il n'y a rien, rien qui se dit, rien qui se crie
Tout est blanc et calme

Alors… 


Ne pas bouger, ne pas ciller, ne pas…
Chut !
Ecouter simplement le silence
Le calme d'un jour apaisé
D'une lumière pâle et rassurante


Ne pas rompre la paix
Cadeau précieux et rare
Sans prix.

Se l'offrir et le garder, un peu, longtemps ?
Mais on n'emprisonne pas le silence, la beauté, et la liberté,
Tout s'échappe, se dilue, pour renaître à nouveau
Un jour, demain peut-être 
Qui sait ?

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

samedi 7 septembre 2019

La dernière vague


C'est le dernier sursaut, 
La dernière vague
L'ultime vague à l'âme

La dernière descente aux Enfers

Ca arrive comme ça, on ne l'attend pas,
Elle enveloppe, s'accroche, emprisonne
Tisse sa toile lentement et sûrement

C'est violent, c'est brutal,
D'un seul coup d'un seul nous revoilà en guerre,
Combattant pitoyable, surpris en son sommeil
Assailli par une armée de pensées noires, d'idées grises et de mots sombres
Aux Armes !

On se débat, et on se bat !
Car de cette guerre là, on ne sera pas las
Elle ne nous épuisera pas, elle ne nous prendra pas,


Cette fois nous ne battons pas en retraite, nous ne baissons pas les bras, nous ne courbons pas l'échine, cette fois nous combattons fiers et solides, nous vaincrons, nous poussons l'ennemi dans le gouffre de l'oubli.

Elle ne nous aura pas, elle ne nous prendra pas la vie, elle rendra les armes avant d'expirer et d'expier dans un dernier soupir, nous ne ferons pas de quartiers, cette fois, c'est l'Ultime.

Dernière réplique, extrême sursaut, ultime vague !

Flamboyant combattant, épuisés mais vainqueur nous avons gagné la partie, la vie est plus forte, et il n'y aura plus de rechute, plus de rémission, plus de combat. Nous avons enfin instauré la paix
La Paix de l'âme et de l'esprit
Nous avons vaincus nos démons, ils s'en sont retournés au fond des Enfers.

Enfin !

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.
crédit photo @brigittedusch

dimanche 1 septembre 2019

La Dolorosa

Elle s'est imposé à moi,
Comme ça
La Dolorosa
Dans un rêve ; semi endormie, semi éveillée
Au cœur de la douleur
Il était une montagne
La Dolorosa
Infranchissable, immuable, là : devant moi.

C'est un mot inconnu, étrange, étranger, 

Au son doux, limpide et clair que je peux décliner sans fin,
Rosa, rosa, rosam

Una Dolorosa, dolorosa sum ? insurmontable douleur qui m'étreint et me tient entre le jour et la nuit, l'éveil et le sommeil.
Je te contemple impuissante, et répète inlassablement ton nom qui se colle à moi, sans que je sache pourquoi.
La douleur n'est douce que dans l'illusion du sacrifice.
Dolorosa, la douleur d'une rose, la rose de la douleur
Je ne veux garder que Rosa

Il y a cette montagne, toujours, lointaine, perdue dans un ciel bleu, presque sans nuage, 
Dolorosa c'est son nom.
Je la regarde avec tendresse, elle ne semble plus infranchissable, je souris, je crois que nous nous sommes apprivoisées. Dolorosa ton nom sonne, et résonne. C'est une douce mélodie, et je ferme enfin les yeux, ton image ne me quitte pas. Dolorosa, rose de la douleur. Dolorosa es, Dolorasa sum, Dolorosa sempre

Brigitte Dusch Psychanalyste, historienne
Crédit photo, @brigittedusch

samedi 24 août 2019

L'envers du Temps



A eux

C'était il y a si longtemps,
il y a plus de cent ans
Mais pour moi, c'est aujourd'hui
Pour lui, pour elle,  pour nous il n'y a plus de temps.
Il s'est arrêté
Le temps d'un instant
C'est l'envers du Temps
Nous en faisons le nôtre
C'était il y a si longtemps
Mais ce temps est si présent. Le temps n'existe pas. Le temps est celui que l'on se donne, que l'on prend.

C'est un voyage inattendu, inespéré, étrange, mais il faut se laisser porter, s'abandonner à un temps inconnu et imprévu, se laisser aller à vivre à contre courant. A l'envers du temps.


S'inviter à oser ne pas rester au seuil de cette rencontre singulière
Ne pas hésiter à franchir le pas

Et pour une fois, peut-être bien la seule, 
Se faire confiance
Se laisser aller à une confiance qui va de soi.

Aller être ailleurs, s'en retourner avant, avant soi, avant son existence pour comprendre le présent, pour donner un sens à ce qui advient.

C'est l'envers du Temps.
On se retrouve alors au coeur d'une parenthèse, d'une bulle secrète qui n'existe que pour elle, pour lui et pour moi. 
Es-tu là ? Viens, entre n'ai pas peur, c'est moi, c'est lui, et c'est grâce à toi.
Viens, donne moi la main, ne crains rien allons ensemble
Alors on
s'offre un autre temps, pour Elle, pour Lui et pour Moi.

Mais pourquoi ? Mais comment ? Je ne me suis jamais posé de questions, j'ai fait, j'ai cherché, toujours guidée, toujours emmenée là où il fallait, une force invisible auprès de moi, une force sans faille, une certitude, l'infini.


Mais là ? C'est étrange, mais je me laisse guider encore une fois : Il faut m'aider


Il faut qu'ils m'expliquent ce que je dois faire, où je dois aller, car ils n'en n'ont pas eu le temps. C'est seulement, là, à cet instant, dans ce présent, où eux, ne sont plus que je comprends.

Enfin !

 Ils me demandent à moi qui suis là, aujourd'hui de faire ce qui n'a pu être fait alors, de mettre un terme à cette infinie béance, ce vide abyssal, cette faille, qui les sépare…

Ils me demandent de les réunir pour l'éternité. Pour toujours à jamais.

Il m'a fallu du temps, une vie presque pour comprendre et répondre. Je me suis laisser aller à vivre et cheminer, guidée par cette force inouïe, cette chance insolente et incroyable, un hasard prévisible, des signes m'indiquant un à un la route à suivre, le chemin à prendre sans jamais hésiter. Ils étaient là, loin l'un de l'autre et si près de moi. Tous ces petits cailloux ils les ont semés, jusqu'au coup de théâtre !

J'aurai du comprendre à cet instant. J'avais fait un serment. On ne sait pas toujours l'intensité de ce qu'on promet.

Je suis de parole et d'honneur. Il l'était elle aussi. Voilà. Il ne pouvait en être autrement.

C'est une question d'amour et de désir, le leur et le mien, car il faut aimer à la vie mais aussi au delà de la mort pour tenter tout ça.

C'est une histoire étrange et singulière, une aventure dont on ne ressort pas indemne, mais bouleversée et transformée. J'ai côtoyé l'infini, l'éternité, je suis allée dans cet ailleurs. Le temps s'est arrêté, comme le train sur le quai d'une gare. Il m'a suffit d'y aller. Voyageuse sans billet, sans aller et sans retour, car le temps n'a de limites que celles qu'on veut lui imposer.

Une bulle hors temps, une bulle d'amour et de tendresse où des êtres sont réunis au delà de la vie. Je me sens apaisée, libérée. Une sorte de bonheur m'envahit, une impression étrange mais familière.
C'était peut-être le but de ma quête, l'ultime, non, je le sais. Depuis la maison est plus calme, il y a moins de bruit. Je n'ai pas peur des fantômes, je n'ai pas peur des morts, je n'ai pas peur de ce que je connais pas. Je ne fuis pas. Depuis la maison est calme et nous sommes apaisés, je sens cette présence, bienveillante comme elle l'a toujours été, mais elle a un parfum nouveau, un souffle de légèreté. Dans ma tradition,  afin que nul ne meure, on en garde le souvenir, celui ci est gravé au fond de mon cœur, il l'a toujours été. C'est sans doute pour ça….

Et il aura fallu cent ans.


Brigitte Dusch psychanalyste, historienne
crédit photo @brigittedusch

samedi 17 août 2019

Le Royaume des Morts.


C'est le royaume des Morts,
Celui dont parait-il on ne revient pas.
Alors ce ne doit pas être tout à fait ça.

Ce n'était peut-être pas vraiment ça.

Je reviens d'un monde étrange et singulier
Un lieu étrange, entre deux, entre deux mondes, entre deux.
Ni tout à fait ici ni tout à fait ailleurs
Etre là sans y être

Etre nulle part 
Et n'être plus à soi.

Un monde étrange, un lieu qui soit disant n'existe pas,
On y va d'un seul coup, d'un seul, sans rien demander
Sans prendre de billet, ni pour l'aller, ni pour le retour
D'ailleurs on ne sait pas si on en reviendra

Etrange voyage, sans aucun rivage.

C'est le royaume des Morts
Mais étrangement je n'en rencontre pas
Il n'y a personne, même pas moi.
Personne ne vient à ma rencontre,
Il n'y a rien, sauf de la brume, je m'enfonce dans le brouillard, épais, opaque et sans fin, il ne m'enveloppe pas, il est là et je suis là, côte à côte, tout est confus, et les mots ne viennent pas, ils ne serviraient à rien dans cet univers là.
Lieu mystérieux où je n'ai pas peur, où je ne ressens rien et où plus rien ne m'habite, où la douleur enfin a cesser d'exister.

C'est le royaume des Morts, sans Morts aucun, sans vivant et sans rien
Un monde sans couleur, un monde sans odeur, un monde sans saveur
Une solitude infinie, un brouillard obscur, une absence de soi, une absence hors de soi. Une parenthèse fermée. Ne rien faire, ne rien dire, attendre. Mais quoi ?
Sensation infime, tout est embrouillé, je suis au cœur de cette nébuleuse qui me berce sans m'apaiser. Il n'y a rien, seul le vide.

Expérience étrange, le Royaume des Morts ? Où parfois l'encore vivant s'égare, se trompe de chemin, ce n'est pas le moment, ce n'est pas l'heure, il faut rentrer, attendre encore un peu

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

vendredi 26 juillet 2019

L"avis de décés




Je viens de recevoir une lettre : un avis de décès.
On me dit que tu es mort.

Mais depuis combien de temps ne m'avais tu pas dit que tu étais vivant ?

Depuis combien d'années, ne m'as-tu pas donné signe de ta vie ?

Je sais maintenant que tu es mort.

Que je ne te reverrai plus, même si je n'y croyais plus guère, mais tant que…
On y croit, on s'accroche toujours à un espoir.
On se rencontre, on s'aime, on ne s'aime plus, puis on s'aime encore, on sait qu'aujourd'hui, n'est pas demain, car demain ne sera peut-être jamais, alors on ne pose pas de question, on ne se pose aucune question. Vivre. C'est tout.
Maintenant tu ne vis plus
Puis on est loin, trop loin, trop loin de tout, trop loin de nous, un nous qui n'est plus rien.
Nous ne nous sommes jamais donné de nouvelles, pourquoi faire ? nous ne nous sommes jamais envoyé de lettre. Un jour on se quitte, on part, on recommence une vie, ailleurs, on devient un autre, on s'éloigne, on prend un train… Gare, train c'est toute une histoire, l'histoire de ma vie. Je n'aime pas les trains, je n'aime pas les gares, je n'aime pas les départs. Je sais que toi non plus. Nous avions ça en commun. Je crois que c'était atavique.

Malgré tout ça sommes nous un jour devenu des étrangers ?
On sait tout ça, on le sait dès la rencontre, c'est un peu la règle du jeu, du Je, du toi et du moi.
Je viens de recevoir une lettre et on me dit que tu es mort,
On ne me dit pas comment, quand et pourquoi.

On me dit seulement que je ne te reverrai pas.
Je ne t'ai jamais dit aurevoir, nous ne nous sommes jamais dit aurevoir
Ces mots n'avaient pas de sens
Ils n'en n'ont pas pour moi encore aujourd'hui
Car nous ne sommes jamais mort,
La vie c'est comme ça.
Je n'arrive pas à être triste, car nous sommes morts depuis longtemps déjà
Combien de nous reste t-il encore ?
Le temps passe, oublie notre monde et notre langue, nous sommes les derniers d'un monde qu'ils ont détruit, nous sommes les Ultimes, ceux qui ont cru et ont eu la Foi, celle de croire que peut-être.
Tu es mort, mais ce n'est pas seulement toi, c'est un fragment de notre Histoire qui tombe, qui s'effrite et qui fout le camp, après nous il n'y a plus rien. Pourtant nous avons tenu, aussi fort que l'on a pu. Maintenant c'est foutu.

Je vois alors notre monde se diluer dans le déluge interminable d'un saccage annoncé, d'un naufrage sans nom que nous n'avons pu empêcher. Qui aurait pu ?
Adieu l'Ami. Adieu Kamarad, A bientôt la haut ou là bas, ou ailleurs, ou peut-être nulle part nous n'en savons rien.
Nous verrons bien.


Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste,
Crédit photo : @brigittedusch

lundi 15 juillet 2019

Il n'y a plus de certitude


Il n'y a plus de certitude
D'un seul coup il n'y a plus rien
Nous nous sommes trahis
Nous nous sommes abusés
Tout s'écroule
D'un seul coup d'un seul
Il n'y a plus de certitude
Tout devient incertain
Angoissant et terrifiant
Comment vivre à présent
Alors que nous ne sommes plus sûrs de rien ?
Que le monde n'est qu'illusion
Et que nous sommes le complice de ses mensonges
Tromperies et trahisons
Pourtant nous étions tellement certain
Il n'y avait nul doute
D'un seul coup tout s'écroule,
C'est une chute dans le vide
Le gouffre de l'angoisse, l'antre de la Mort
Il n'y a plus de certitude
Il n'y a plus rien.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

mercredi 3 juillet 2019

Le culte du Mort


Sa photo est là, en bel habit
Elle a remplacé celle des mariés
Sa photo est là, rien qu'à lui
Avec ses habits de soldat
Juste avant de partir
Sa photo est là

Il ne reviendra pas
Elle voudrait en être sûre
Etre certaine qu'il gîse quelque part

Dans une forêt lointaine
Enterré sous un monceau de terre et de poussière
Emporté par un boulet, un éclat d'obus
Qu'il est crevé et enlisé au fond de sa tranchée

Sa photo est là, en bel habit de soldat
Il porte bien sa moustache et son sale caractère
Elle espère qu'il ne reviendra pas
Elle sera veuve de guerre
C'est tout ce qu'il lui léguera

Sa photo est là, sur le buffet de la grande salle
Un ruban noir sur le côté
Il faut bien donner le change
Même les salauds sont des héros
Le dire serait intolérable
C'est pour la Patrie qu'ils se font trouer la peau

Sa photo est là
Elle espère qu'il ne reviendra pas
Elle n'oublie pas les coups de gueule, les coups de poings sur la table, faisant trembler les murs, cassant verres et bouteilles !
Elle n'oublie pas les coups,
Elle n'oublie pas les cris,
Elle n'oublie rien du tout.
Elle espère qu'il ne reviendra pas
Elle est si bien seule dans son lit

Les travaux ne lui font pas peur
Car désormais elle n'aura plus peur
Elle remercie cette saleté de guerre
Et se dit qu'il y a sûrement un bon dieu là haut ou quelque part ailleurs, peu importe après tout, un dieu qui enfin l'a délivrée du mal, et de ce monstre.


Elle aimerait hurler au monde que ses héros sont aussi parfois des salauds

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

lundi 1 juillet 2019

Si s'était à refaire


Si c'était à refaire
Je changerai tout, 
Je prendrai d'autres chemins
Je verrai d'autres choses dans d'autres lieux avec d'autres gens
Si c'était à refaire
Je changerai absolument tout
Je marcherai sur une autre route, une autre voie et parlerai d'une autre voix
Je ne ferai pas les mêmes rencontres

Je ne choisirai pas les mêmes compagnons
J'irai vers d'autres bonheurs, et d'autres malheurs
Si c'était à refaire je ne serai pas là
Je serai ailleurs
Peu importe où
Une chose seulement me semble certaine
Si c'était à refaire,
Je choisirai la solitude
Je n'aurai pas d'enfants
Sacrifice inutile car souffrir ne nous apprend rien
Si ce n'est la tristesse, la peine et la colère
Si c'était à refaire, 
Je changerai tout
Je prendrai d'autres chemins
Et referai sûrement les mêmes erreurs
Car vivre ne nous enseigne rien

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne in "Bribes et vivre"
Crédit photo @brigittedusch

dimanche 23 juin 2019

La parenthèse enchantée




Il y a cet espace, infime faille
Intime faille où se loge le rêve éveillé


Où s'anime un pays singulier

Un endroit où brillent deux soleils
Et scintillent deux lunes
Quelques étoiles éclairent la nuit
Et le cœur de mes insomnies

La parenthèse enchantée
Celle qui me fait rêver
Un asile un refuge
Celui de l'enfant traversant les nuages
Pour rejoindre les rives de cette île
Où tout est possible

Il suffit de s'asseoir et de regarder
Rêver pour passer quelques bribes de vie
Dans ce monde où scintillent deux lunes et brillent deux soleils.


Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne in "En Vrac"
Crédit photo @brigittedusch

vendredi 7 juin 2019

Ce désir étrange et singulier



Souvent me vient ce désir étrange et singulier
Un désir de vide rempli de rien
Désir de non vie et de non envie

Souvent me vient ce désir que tout soit fini
Le désir de l'ultime repos
Celui du vide rempli de rien
Désir de la nuit infinie
Pour oublier que l'avant est fini
Eprouver une indicible tristesse
De ne plus être à la hauteur
De ses attentes et même de ses faiblesses
Etre au bord de ce précipice
Qui ne demande qu'à accueillir
Ce qui n'est plus et ce qui n'est pas encore.
Qui ne sera peut-être jamais
A nous de décider

Souvent me vient ce désir étrange et singulier
De me réfugier au creux de cette parenthèse
Celle du vide, du creux et du rien

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

dimanche 26 mai 2019

S'oublier à l'ogre.



L'autre est un ogre, un ogre qui dévore tout sur son passage, il prend tout, détruit tout, dévaste tout, ne laisse rien, écrase tout.
Il prend tout. C'est un ravage.

Pour lui il n'y a pas d'autre.


S'oublier au point de ne plus être là, s'abandonner au point d'effacer son être.
N'être plus, naitre plus jamais
Dans cette histoire, il n'y a pas de reddition ; c'est une invasion, une guerre qui n'a jamais été menée, une guerre d'usure, une guerre froide et insidieuse qui s'est infiltrée dans les parois des sentiments, dans les failles des émotions, c'est aimer au point de se laisser, de se laisser aller à l'autre, cet autre qui prend tout et plus encore, c'est aimer mal c'est mal aimer, c'est ne pas s'aimer
Sans le savoir.

C'est se laisser aller à tout ça, sans vraiment s'en apercevoir, sans vraiment se rendre compte qu'on n'existe plus, que nous ne sommes plus qu'un pâle fantôme de notre être qui n'a jamais vraiment été incarné.
C'est se mettre en marge d'un vouloir, d'un désir qui n'a jamais été vraiment désiré, c'est être ailleurs.

C'est donner à l'ogre tous les pouvoirs, pour tenter de croire, juste un court instant que notre piètre existence peut avoir juste un peu de sens
C'est se croire aimer, dans les yeux d'un autre, qui n'a pas de regard, pas d'égard. C'est une imposture, c'est une torture, c'est une mort à petit feu qu'on s'impose chaque jour mais qui nous rend vivant
S'abandonner à l'autre qui dévore sans jamais pouvoir aimer
S'abandonner à ça pour ne pas être mort
Pas encore.


Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch 

mercredi 1 mai 2019

Notre chef d'oeuvre


Et il y eut le chef d'œuvre !
Il y eut ce temps, au temps des Cathédrales et plus tard encore.
Il y eut le chef d'œuvre, l'aboutissement d'un apprentissage.



Nous ne sommes pas des Compagnons, nous ne faisons pas le Tour de France
Et pourtant ?
Nous humble sujet Compagnon du Devoir quotidien, notre humble quête ne peut-elle pas aboutir au Chef D'œuvre ?


Qu'est ce que ce chef d'œuvre ?

Non, il n'est pas l'aboutissement de toute une vie, car une vie ne peut être aboutie, elle n'est qu'impermanence, bouleversements et changements auxquels nous devons nous adapter, plier sans jamais rompre afin de poursuivre notre chemin. C'est une Quête éternelle à la recherche de soi, d'un soi perdu au tréfond de la mémoire, dans un recoin de l'inconscient, bien caché, mais bien présent aussi pour nous empoisonner la vie. Quête de soi, non à travers un univers, ou pas seulement, mais surtout dans les méandres de soi. Conquérir le Je, le soi, l'Être essentiel qui est ce Je cet ego, qu'on ne connait pas vraiment, ou dont on ne veut pas, tant il ne nous plait pas.

C'est un apprentissage, long réclamant patience et humilité
C'est l'apprentissage de l'amour de soi, de l'accueil de soi, c'est partir dans ce long voyage là, c'est regarder, entendre, voir, écouter, sentir, ressentir, c'est savoir qu'il y a des émotions, qui arrivent sans crier gare parfois, qui émergent et nous submergent mais dont il faut faire quelque chose, ne pas nous priver de la colère ou du chagrin pas plus que de la joie et du bonheur, savoir que "ça passe" et que cela nous appartient.

Cette quête n'est jamais vaine, elle ne fait de nous ni des Saints ni des Parfaits, mais nous rend un peu plus humain et plus humble, car l'humilité est la condition sine qua non de la quête, il ne faut rien en attendre, ou ne pas placer l'espoir trop haut, être suffisamment ouvert pour être prêt, prêt  à oser aller vers l'inconnu, car ces territoires n'ont jamais été explorés par qui que ce soit et nous ne pouvons en lire des récits de voyages. Celui ci est singulier, il est le nôtre, il est nôtre et c'est à nous de le découvrir et d'en découvrir le chemin, nulle carte pour nous y mener, à nous de nous lancer dans cet inconnu, dans cet insoupçonné, à nous d'en acquérir le savoir afin de combler notre ignorance et d'en finir avec notre déni.
C'est notre quête, notre aventure, fantastique et extraordinaire : elle peut prendre des formes multiples et variées, du chemin de mémoire sur des routes de campagnes ou des chemins sombres, ensoleillés, tortueux et boueux qui nous conduisent aux bords de rives et de pâturages inconnus. Il faut oser, ne pas renoncer, le voyage, ce voyage en soi, vaut le coup, c'est ce savoir là, ce savoir sur soi, qui nous rend plus fort, nous force à extirper de nous ces sursauts de vie, ces désirs de vivre, ces envies qui vont nous tenir en vie, c'est expérimenter ça qui va nous montrer qu'en nous se trouvent toutes les ressources pour ne pas mourir. se trouver, se dépasser, se surpasser et s'étonner et dire "oui, je peux, je suis fier de moi" je sais ! je sais au moins un peu plus qui je suis, je sais que je suis.

Etre ! Etre pour ne pas mourir, Etre pour vivre , Etre pour aimer, Etre pour s'aimer. C'est la quête, le résultat de cet apprentissage, l'apprendre, le prendre de soi... Et comprendre ça est notre chef d'œuvre !

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste.
Crédit photo @brigittedusch



dimanche 14 avril 2019

Pas sage



De passage, ne soyons pas sage
Risquons nous à la fantaisie
Nous n'avons qu'une vie
Expérimentons le bonheur
Au mépris du malheur
Soyons libre de notre vie
De notre destin
Affirmons sans souci
Que nous ne choisissons la vie
Vivre pas sage
Car nous ne sommes que de passage.

Passons donc par ci par là,
Ne suivons pas de chemin droit
Egarons nous dans les méandres, dans les chemins de traverses
Pas sage ! Ne soyons pas sage, de passage, nous sommes des passeurs d'âme.

Brigitte Dusch in "Les nouvelles d'Arsel"
Crédit photo @brigittedusch "Damgan"

lundi 8 avril 2019

Parce qu'il faut partir



Parce qu'il faut partir, prendre le large, quitter pour ne pas s'ancrer
Ne pas s'installer, rester là des années
Ou des siècles

Nous sommes de partout
Nous sommes de nulle part
Et c'est notre force
Parce qu'il faut partir, ne pas rester là
On ne s'attache pas, on ne se lie pas
On ne s'enracine pas
Il n'y a pas de douleurs
Pas de souffrance, ni joies ni malheur,
Nous ne sommes que de passages ici et là, aujourd'hui, hier et demain
Nul ne se souviendra de nous
Est ce l'essentiel ?
Qu'est ce que l'essentiel ?
Laisser une empreinte, une trace de notre passage, alors que nous sommes une poussière balayée par le premier vent du Nord, qui nous emporte au bout de la terre, au bout du ciel et de la nuit !
Voyage et lumière
Ici et là par ci par là
Parce qu'il faut partir

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, in "Les Nouvelles d'Arsel"
Crédit photo @brigittedusch 

dimanche 17 mars 2019

S'offrir la vie


C'est une lueur, une lumière, un soleil, c'est un cadeau, l'unique, le seul que l'on offre à soi même : se donner la vie.

Elle dit : "Je veux voir la lumière, celle qui est au bout du tunnel car j'y arrive enfin...
"Le chemin a été long, mais j'y suis presque et ça fait du bien"


Elle est longue la route vers la reconstruction
Elle est semée d'embûches, de chaos, on avance un peu, on recule beaucoup, on tâtonne dans le noir, cette pénombre qui n'en finit pas de nous envahir, de nous recouvrir pour nous empêcher de voir le jour, de voir le ciel et les étoiles de la nuit.
Tout est sombre et lugubre et on n'y "arrive pas" chaque jour est un cauchemar et chaque nuit un enfer
On vit avec nos fantômes, ceux de nos pères et de nos mères.
Non, personne n'a voulu de cet héritage là, mais c'est comme ça : ça se transmet de mère en fille, de père en fils et parfois ça saute une génération.
Fatalité : Fatum : Destin.
La vie n'est pas tracée et personne n'est prédestiné à devenir, être malheureux. Personne, ni dieu ni maître n'assigne le sujet à porter le fardeau de ses Ancêtres. "Tu respecteras ton père et ta mère, mais point leur bagage tu porteras".

Oui, le chemin est long, mais il vaut le coup, même si parfois c'est un parcours du combattant. Ne faut-il pas se battre pour venir au monde ? Pour se mettre au monde ? Se donner et s'offrir à ce monde qui pendant toutes ces années nous a effrayé ?
Certes la vie nous a été donné un jour, une nuit, à un moment par une femme, la mère, notre mère. Nous avons vu le jour ? Mais pas toujours. Nous avons vu une sorte de jour, mais qui ne nous convient pas, un jour biaisé, un jour assombri parfois par une enfance difficile, douloureuse, absente. Et depuis devoir trainer ce poids, rester au seuil de la Caverne sans oser aller voir un peu plus loin, y trouver dans cet ailleurs une herbe plus verte et un ciel plus bleu. Il faut sortir : Il faut partir.
Partir à la découverte de soi, partir pour une aventure périlleuse mais nécessaire, vitale, essentielle, la sienne, celle qu'on se donne pour enfin naître à soi même : Etre enfin soi
C'est un chemin singulier, où nous devons poser des choix, renoncer, et oser, ouvrir ou non des portes et des fenêtres, les refermer, ou entrer. Seuls nous savons, une petite voix nous guide parfois, être attentif, se tromper, recommencer, avancer, reculer et recommencer, faire un pas, puis un autre, se libérer : enfin.
Accoucher de soi même. Etre au monde, Etre soi, pour soi. Et advenir à soi.
A présent il faut aller. Aller sur les chemins de la vie, celle que nous avons décidé d'être nôtre.
Ouvrir enfin la porte vers la lumière et le ciel bleu. Oser Enfin s'offrir ça !

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch Lac de Bairon, Mes Ardennes.

samedi 9 mars 2019

La crise d'angoisse


Elle arrive comme ça, on ne s'y attend pas, on ne sait pas ce que c'est, on ne comprend pas. C'est violent, c'est brutal… C'est affreux, c'est terrifiant.
Ca prend comme ça, d'un coup, n'importe quand, n'importe où, sans savoir pourquoi.
On se dit qu'on va mourir, que le cœur va lâcher. On ne peut plus respirer, tout est bloqué, on a mal, on pense devenir fou, les jambes tremblent, on a chaud, froid, et ça serre, le cœur, l'estomac, le ventre, la nausée, la perte de contrôle, des tremblements, la tête qui tourne, la boule au ventre, le nœud dans la gorge, le nœud partout, on est pris tout entier dans un étau, et sa serre, encore, plus fort, on va mourir, ce n'est pas possible, on tremble encore, on est livide, et pâle, c'est terrible, on perd le contrôle de soi, tout fout le camp, on va tomber, on essaie bien, on voudrait bien,  on n'y arrive pas…
Puis ça passe…. 
On a l'impression que ça ne s'arrêtera jamais, ça dure l'éternité, on est hors sol, hors de soi, de la terre, des autres, ailleurs, et on ne comprend toujours pas. Crise cardiaque ? Autre chose grave ? Mourir, toujours cette peur de la moirt, subite, comme ça, soudain ! Qu'est ce qu'il se passe, alors qu'il n'y a rien de spécial….

"Je vais mourir". "Je deviens fou". "J'ai tellement mal"

Le médecin consulté, ou les Urgences parfois, après plusieurs bilans, disent que tout va bien, le corps se porte bien. Pourtant !
On a mal et on a peur, peur que ça revienne on ne sait pas quand, parce que ça revient des fois, n'importe quand, n'importe où ?


Angoisse, anxiété, Angst, AngorDes mots, voilà des mots. Mais que signifient ces mots ?

Crise d'angoisse, crise de panique. Crise tout court. Douleur, souffrance, et peur. Et peur d'avoir peur que ça recommence, et de ne pas savoir si et quand ça va s'arrêter. Ce "ça" maudit, qu'on ne peut nommer car on ne sait pas vraiment ce que c'est et pourquoi "ça" arrive comme ça.

Il y a la peur, la peur à l'origine de la peur, ce cercle vicieux qui terrifie, car cette crise ne vient pas de nulle part, ne surgit pas comme ça. Alors pourquoi ?
D'abord comprendre ce qui se passe dans son corps, comment "ça" prend possession du "soi". S'assurer qu'il n'y a rien de physique. "C'est déjà ça, mais pas forcément" souligne E. "au moins si c'était le cœur on pourrait me soigner et ma famille ne me prendrait pas pour un fou"
Le mot est lâché, car bien sûr, si le corps n'a rien, c'est dans la tête que "ça" se passe, donc…
Folie, non prise au sérieux… De la plainte qui elle est bien réelle car si aucun organe n'est responsable de la douleur, celle ci est pourtant bien réelle aussi. Car "ça" fait mal et il faut que "ça" s'arrête, absolument.
Bien sûr il existe des médicaments, qui soulagent, mais le sujet, le "je" lui, voudrait comprendre pourquoi son corps lui envoie un tel signal ? un tel rappel à l'ordre? Ce n'est pas une mince affaire. C'est partir à la recherche de l'origine, la peur originelle, celle où tout à commencé, celle bien enfouie dans un repli de l'inconscient afin de faire face au quotidien. Sauf qu'elle est là, tapie, en toile de fond et nous empoisonne l'existence, nous rappelle sans cesse que nous sommes en comptes et qu'il faut les régler. L'angoisse : Elle n'est pas sans objet disait Lacan, c'est exact, mais quel en est l'objet ? Il est singulier, il est nôtre, nous l'avons fait ainsi. La psychanalyse en elle même ne donne aucun "outil" pour soulager dans l'immédiat contrairement aux thérapies cognitives qui permettent de mettre en place quelques techniques efficaces en attendant de trouver en nous l'explication à ces symptômes, de comprendre ce qu'est l'angoisse de l'angoisse. Il faut l'écouter, apprendre à la sentir venir, l'accueillir aussi parfois en sachant qu'il n'y a pas de danger et qu'elle va s'en aller. Puis petit à petit les pièces du puzzle s'assemblent et le "je" va se sentir prêt à affronter sa peur, pour ne plus avoir peur d'avoir peur.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

samedi 2 mars 2019

Les sauts de l'humeur


Elle dit :
"Le soleil et la lumière sont une insulte au chagrin, à la douleur et la souffrance
Mon cœur est à vif et les larmes me brûlent"

Il dit :
"Les larmes coulent et je ne sais pas pourquoi
Si on me demande si ça va, je ne sais même pas
Je ne ressens plus rien"

Elle dit :
"Je crois que je m'aime en ce moment, je ne sais pas jusque quand ça durera, mais je prends toujours ça, c'est cadeau"

Elle dit :
"Une grande tristesse m'enveloppe toute entière
Elle surgit de nulle part
Et j'ai le cafard"

Elle dit encore :
"Je suis tellement fatiguée que je ne peux plus me lever
Mes nuits sans sommeil me plongent dans la folie"

Il dit :
"La journée est finie et je ne sais pas comment j'ai tenu
Le soir je ne dors pas et la journée je n'ai qu'une seule envie
Celle de retrouver mon lit, mais une fois le soir, je ne dors pas
ça recommence et c'est infernal"

Elle dit :
"Insomnie en début de nuit, et sommeil cassé, un sommeil incertain qui ne me répare pas, comment pourrais-je aller bien ?"
Il dit : 
"Et je ne sais pas pourquoi, la machine repart, j'ai le monde tout pour moi, je peux tout faire, j'ai une énergie incroyable"

Elle dit :
"Je me suis levée avec l'envie de bouffer le monde, de chanter et d'aimer la terre entière, une belle journée malgré la pluie"

Elle dit :
"Tristesse infinie, larmes et non envie, je touche le fond, et j'ai envie de mourir, je n'aime pas cette vie, cette fois je n'arrive pas à remonter, je n'en n'ai plus l'envie, je n'en n'ai plus la force, il faut que je me fasse violence pour être debout, faire semblant d'être à moi même et aux autres alors que je suis nulle part"

Il dit :
"Mais comment peut-on être vivant et avoir aussi mal, un mal que rien ne soulage et qui m'envahit, je n'y arrive pas, c'est une spirale qui m'aspire et m'emporte contre mon gré dans les profondeurs de la nuit"
Il dit :
"demain je vais me réveiller et tout va changer "

La vie, la douleur, le chagrin, la colère, les larmes … Ces émotions qui débordent, envahissent notre esprit, ces idées qui arrivent sans cesse, jour et nuit "c'est comme une télé où toutes les chaines s'allument en même temps"
Ca casse, ça ne passe pas et parfois si. Alors il y a la vie et l'envie, il faut s'accrocher, saisir la branche ou la main pour se relever, il faut…. Comme si c'était aisé. La vie nous joue des tours, mais pas toujours des mauvais.
Emotions nous vous aimons, alors aimez nous. Apprenons à vivre ensemble pour être heureux, ou pas trop malheureux. Nous éprouvons tous dans notre vie des moments terribles et tragiques, des moments où tout fout le camp sans qu'on n'y puisse rien… Stress, déprime, épuisement, dépression sont les maux de ce siècle qui en demande toujours encore et toujours plus. Il n'y a plus de temps pour vivre et savoir vivre, encore moins pour s'aimer et aimer. Alors il va nous falloir faire des choix, apprendre à oser, et à renoncer, apprendre à s'aimer, s'aimer un peu, rien qu'un petit peu.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

dimanche 17 février 2019

Le survenir du souvenir



Soleil trompeur, souvenir moqueur, mémoire rumeur
On pense avoir été, avoir vécu, avoir aimé, avoir ! A voir.
On s'accroche à des souvenirs confectionnés, raccommodés, assemblés pour faire une belle histoire inscrite dans la mémoire, jusqu'au jour où tout s'écroule, tout fout le camp, l'histoire est cousue main certes, pour demain également, mais surtout elle est cousue de fils blancs.
Un pan de vie tout entier, tombe : nous voilà devant la nudité originelle, notre être seul, qu'on ne peut cacher, et qui se révèle brutalement, comme un éclair, comme une fulgurance évidente. Mais pourquoi ? Pourquoi je n'ai jamais vu ça comme ça ? Pourquoi toute cette dentelle, ces fioritures assemblées au fur et à mesure, construite si bien qu'il n'y avait aucune faille pour s'engouffre ? Pourquoi Tout cela n'est qu'un château de cartes, balayé par un coup de sirocco.
Le souffle du vent, Eole notre ami, nous révèle enfin notre propre mensonge.
Si la chute est douloureuse, on s'en relève et plutôt bien car la vérité est souvent bonne à savourer. Notre vérité enfin qui montre à voir, nous montre à voir, le sujet nu, sorti tout droit de nulle part, exfiltré d'un mauvais scénario qui nous a permis de tenir tant bien que mal jusqu'ici.
Il faut bien vivre, mais il faut vivre bien, ce n'est pas la même chose.
Et pour bien vivre et vivre bien il vaut mieux ne plus se mentir, affronter le Réel, se plonger dans une vérité qui reste en fin de compte la réalité
Plus de rêves, d'illusions et de tricotage élaborés savamment mais qui au fond ne tiennent pas debout, mais dont les bouts partent dans tous les sens.
C'est un surgissement, une révélation, un bondissement de l'âme et de l'esprit, c'est tout en même temps, un état de grâce qui nous emporte dans le tourbillon de l'Univers dont nous sommes qui est nous, dont nous sommes issus, en toute vérité absolue.
il n'y a rien d'autre le reste n'est que décor et decorum, un Hollywood de paillettes et de stuff, carton pâte, pale chewing-gum mâché et remâché pour s'imprégner d'une fausse identité usurpée, et surtout mal digérée.
Faisons fi de tout ça, tabula rasa, et commençons à vivre, débarrassons nous de ces oripeaux qui nous collent à la peau ou sont devenus trop grands. Ces souvenirs encombrants nous empêchent d'avancer, on s'y est accroché comme un naufragé pour gardé la tête hors de l'eau et ne pas mourir, Mais ne pas mourir, survivre, n'est pas vivre.
Nul ne peut vivre dans l'ombre d'un souvenir écran, écran de fumée d'une réalité qu'il a eu peur d'affronter, il est temps maintenant de se libérer, de jeter les chaines et de sauter l'obstacle et enfin de choisir. D'élire,  de s'élire et de se désigner, enfin de renoncer aux mensonges, aux illusions à un passé soleil trompé.
C'est à nous de construire demain, de le faire chanter, en laissant de côté les morceaux épars d'une vieille chanson composée de mensonges et de faux semblant, pour que demain soit chantant c'est à nous et à nous seul de le faire surgir, de révéler au grand jour, notre singularité, notre spécificité, celle qui fait que nous sommes ce "Je" dans sa simplicité, sa complexité, sa beauté et sa force.
Il faut vivre pas parce qu'il faut, mais parce qu'on veut.


Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch 

dimanche 10 février 2019

La nostalgie de l'oubli


Oublier, oubli, images qui se délitent dans la mémoire, qui ne reviennent plus à la vie, ou presque ; l'ombre d'un souvenir, l'ombre d'un avant, d'un avant de sa vie, qui n'est plus, car on a grandi, on est parti, on a quitté
Oublier les lieux de l'enfance, pas tout à fait, mais quand même !
Ne plus arriver à se situer, se rendre compte que ça fait "si longtemps" !
Que le temps a passé et que nous sommes à l'hiver de notre propre vie
Comme si notre mémoire n'avait plus de réserve, d'énergie, comme si ces souvenirs là, très précis étaient enfouis si loin qu'ils ne pouvaient ressurgir, comme s'ils avaient pris la fuite, à notre insu, sans nous prévenir
On ne s'attend pas à oublier, oublier les bonnes choses, les instants, les moments, l'enfance heureuse ou pas heureuse, pas tout à fait malheureuse, douloureuse ou pas vraiment douloureuse
On est heureux de se replonger, de revivre, de revoir, de se retrouver des années en arrière. Pourtant ! le cœur bat, le sourire parfois, les larmes de joie, de dépit, de regret, de tristesse.
Nostalgie ?
Mais de quoi c'est fait la nostalgie ? D'un regret, d'un manque, d'un vide, d'une attente, d'une illusion… Perdus à tout jamais ? Ou pas tout à fait ? Il n'en reste que des morceaux, des fragments épars, dans tous les coins de la mémoire, partis, en vrac, impossible de refaire l'image, de recoller les bribes, de remettre de l'ordre, un champ de ruines, en noir et blanc
Nostalgie !
Les larmes parfois coulent, les yeux brûlent, devant le souvenir oublié, la photo jaunie avec les copains de classe, la neige en décembre… On se retrouve plongé dans un monde oublié, fini, terminé, classé, jeté aux oubliettes, changé, bouleversé, on ne reconnait rien, ou si peu, on se demande qui c'est ? Quand c'est ? Et on ne sait plus très bien
Mémoire infidèle qui nous fait défaut, cruellement, on pensait savoir, on pensait être de là ; pour au bout du compte, se rendre compte, que non, une fois encore il ne s'agissait que d'un bref passage dans un monde qu'on a voulu faire sien pour être enfin, enfin de quelque part.
Rien ; il ne reste presque rien, que des sons, des traces, impossible archéologie d'un champ de ruines qu'on ne peut reconstituer, tout est tronqué, biaisé par des souvenirs, écrans de fumée, enfumage de l'attente et de l'espoir d'avoir un lien, d'être attaché à un lieu, un coin de terre où nous avons passé seulement quelques années. Courte vie, vie de l'enfance, bref moment qui ne pèse pas lourd lorsqu'on arrive au bout d'un chemin parcouru toujours trop vite, en s'oubliant la plupart du temps. Pour quoi ?
Il n'est rien de plus vivant que d'être d'ici, ou d'ailleurs, peu importe mais de quelque part. Pourtant pour certains ce n'est pas possible, ils sont partout, et de nulle part. Vagabonds éternels, nomades universels ils vont et viennent là où le vent les emporte, les amène, les emmène et parfois les ramène.
Pour nous toujours le vent se lève, il faut partir, encore et encore, les semelles au vent...
Infime espoir que le souvenir revienne à la mémoire, Inutile attente de s'y retrouver intacte. Nous sommes toujours l'étranger de l'autre, l'étranger des lieux si singuliers et impermanents qui ne gardent rien de nous mais qui laissent en nous imprimés ces tatouages invisibles cachés au fond de l'âme, qu'ils ne faut peut-être pas réveiller.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo, @brigittedusch

dimanche 3 février 2019

D'un moi à l'autre


De moi à moi, de moi à toi, de moi à l'autre
Mais quel autre ?
Y a t-il un autre, un autre présent à lui même et présent à moi ? 

Suis-je présent à moi ? Suffisamment pour être présent à l'autre ?
Il dit : " j'ai toujours fait passer l'autre avant moi"
Elle dit : "Je ne dis jamais non à l'autre"
Il et elle disent "Il faut en laisser pour les autres, il faut s'oublier pour les autres, moi, ce n'est pas important, mais l'autre si, c'est important, moi, tant pis, ce n'est pas grave, je laisse ma place, ma part à l'autre, je n'ai pas besoin"
L'autre
Et moi et moi et moi ?
Pourquoi cette abnégation, ce déni de moi, de mon "Je" pour l'autre ?
Qu'attend ce "je" en échange ?
Y a t-il donc un échange ? Une attente ? Et laquelle ?
Le regard de l'autre, la parole de l'autre, les mots de l'autre
Etre aimé de l'autre !
Sûrement un peu de tout ça, au point de s'oublier, de s'absenter de soi, pour l'autre au détriment de son "je"
De son "Etre".
Se fondre dans l'autre, se laisser aller à cette confusion pour exister, en s'extrayant de soi.

L'oubli de soi, l'abandon de soi, s'absenter de soi, un peu, beaucoup, beaucoup trop parfois au point de ne plus savoir qui on est. Au point de ne plus savoir être, être à soi, au monde et à l'existence
Mettre son "je" au ban de soi, dans une parenthèse qui se referme sans un bruit, lentement, insidieusement, sans un mot pour enfermer dans un piège terrible celui qui devenu aveugle a jeté les clés aux oubliettes.
Abnégation, sacrifice. Pourquoi ? Qui décide de ça, comment et pour quelles raisons ? La peur, toujours la peur, notre amie qui devient notre pire ennemie, la peur de soi, la peur d'être, d'être délaissé, abandonné, pas aimé… Par l'autre qu'on imagine vouloir, demander, exiger de soi.
Mais ?
Mais quoi ? Etre sûr, certain de ça ? L'autre exige t-il ? Et si tel est le cas ; mais quand bien même ! Ne pouvons-nous pas décider une fois pour toute que ce mince espace tenu de libre arbitre dont nous disposons peut servir à ça ?
L'autre bien sûr, mais pas aux dépends de soi, car l'autre aimant, bienveillant ne demande rien de tout ça, une telle demande serait une exigence inconvenante, inconvenable, impertinente, inimaginable. Ce ne serait pas une demande d'amour mais une instrumentalisation honteuse.
Ce sacrifice, ce faux amour de l'autre, cette fausse idée qu'il faut faire passer l'autre devant soi, aller au devant de ces désirs, ne rien lui refuser, s'oublier à tel point interpelle tellement !
Etre. Etre à soi ; n'est-ce pas le but de notre vie, sans oublier l'autre en lui laissant seulement une juste place, trouver la mesure, l'équilibre, la juste distance, celle nécessaire pour être avec l'autre, simplement.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne

Crédit photo @brigittedusch
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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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