Il m'en a fallu du temps pour mettre des mots, les assembler pour dire, nommer et tenter de transmettre, de prendre le recul pour me dire, me rassurer, me parler, me faire confiance de pouvoir entendre ce que j'ai à me dire
Je ne suis pas certaine encore que tous ces mots soient justes, et au rendez vous de mon désir
Ils sont restés si longtemps enfouis au fond d'un tiroir de ma mémoire dont j'avais caché la clé. Ils ont été verrouillés de peur que lâchés je ne puisse retenir les larmes et le chagrin tant l'émotion est puissant. La peur de me faire mal
Se faire mal ?
Une vie à se faire mal, à éviter de tomber dans les écueils de la douleur pour tenter de rester debout malgré tout. Mais l'est-on vraiment ?
Courbés sous le poids de la peine on essaie d'avancer sur les chemins tortueux de la vie qui s'effrite et à laquelle on ne donne plus vraiment de sens
Peut-on être seul sur le chemin ?
Pourtant il le faut bien, sinon il faut mourir mais nous sommes également seuls sur ce chemin là. Eternelle solitude ?
Le chemin parfois s'arrête, mais pas le temps. Alors on reste là à regarder, à penser, à tenter de ne pas souffrir et à retenir les mots et les maux afin de ne pas ouvrir la porte à la douleur.
De peur qu'elle ne s'échappe et nous envahisse.
Il faut arrêter le temps, son temps. Se mettre entre parenthèses afin de reprendre son souffle. De re prendre, de ré apprendre à vivre : à être.
Etre ? Que signifie être après le drame, la tragédie, le traumatisme ? Est-on encore ? Pouvons nous être encore ?
Nous sommes au monde certes, mais qui sommes nous et dans quel monde vivons nous alors ?
Notre monde s'est effondré, son souvenir douloureux se dilue au fil de ce temps qui passe et nous dépasse, ce temps qui nous emporte malgré nous de creux en creux dans le tourbillon de ses vagues. C'est plus fort que nous. Nous ne pouvons résister. A moins de mourir ?
Lâcher prise et se laisser porter par le courant : Aucune autre solution si tu ne veux pas couler m'a t-on enseigné.
Il m'a fallu cette voix, cette petite voix qui de toutes ses forces est sortie de moi.
Lâche !
Laisse... Couler tes larmes, ta colère, ta peine, ta violence mais pas toi, laisse toi porter par tout ça, tu n'as pas d'autre choix.
Laisse aller ; laisse toi porter par le courant
N'ai plus peur.
Le mot est lâché :PEUR
Quatre lettres qui nous mettent à mort, qui nous conduisent au fond du vide et du Néant. Un combat inutile ? Je ne saurai savoir, mais la peur est puissante, une arme de guerre redoutable
Ne plus avoir peur est une folie, elle peut nous garder en vie, elle peut aussi nous faire mourir
Je ne veux pas mourir car je suis en vie, je veux rester en vie mais ne plus avoir peur ? Mais quelle est donc cette peur qui m'empêche de vivre ?
Que de questions auxquelles je dois répondre ; mais dois-je y répondre ? Le prix de la vie est-il celui ci ?
Vivre demande donc tant d'efforts ? Se laisser aller à vivre ?
Il me faut donc me laisser aller à vivre.
Me laisser aller au fil de l'eau, suivre le courant de la rivière et en aucun cas ne chercher à le remonter.
Et puis ? Après ?
Il faut pour cela qu'il y ait un après
C'est à moi de le décider. A moi seule.
A moi de ne pas donner le pouvoir à l'autre, à un évènement une situation de prendre ma joie, mon envie d'être et de vivre.
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch
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