Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 17 octobre 2020

Mathilde 1914.

 


Pauvre Mathilde !
C'est un coup de tonnerre, un coup de tocsin, qui brise d'un coup le ciel et le silence et qui lui rompt le coeur.

C'est qu'elle s'épuise, elle se tue la Mathilde, aux champs, à l'étable, partout, pour remplacer son homme, son Jean que la guerre lui a pris. 

Il est parti un matin, il n'a pas eu le choix, comme ça avec juste du pain, un flacon de vin et quelques restes du repas du dimanche dans sa musette. Il était dur le départ, mais Mathilde n'a pas pleuré, les Hommes non plus, mais ils n'étaient pas fiers. C'est qu'ils sont durs les gars de la campagne, les paysans ,ils labourent et sèment, récoltent les moissons, ne rechignent pas à la peine. 

Pauvre Mathilde ! 
Ils sont partis les hommes, les jeunes, les plus vieux, les plus valides, les plus forts, et qui va faire le travail ? Qui va conduire les vaches ? Qui ? Il ne reste que les enfants, les chétifs, les malades, les Anciens. Ils sont partis les Hommes.


Ce ne sont pas des soldats ces Hommes là ! Mathilde ne comprend pas, ne comprends rien, elle a lu le journal, elle a entendu les rumeurs, elle a eu peur, puis a été rassurée, a eu peur encore, au cimetière, les Femmes parlaient, disaient que les Hommes allaient peut-être partir encore une fois, leurs enfants. C'est si loin ces pays dont ils parlent tout le temps au "coq d'argent" ces beaux Messieurs bien mis qui reviennent de la Capitale.

C'est quoi cette guerre, se dit-elle ! L'Alsace la Lorraine, l'Allemagne, le Kaiser, ces mots barbares qu'elle lit dans les journaux ? Et la récolte ? Qui va la faire ? Pas ces gars de la ville, ces bons à riens, ces fainéants qui ne savent pas ce que c'est que la terre

Pauvre Mathilde
Elle parle à son Jean, parti on ne sait où dans le train, elle lui raconte, marmonne toute la journée. Non Mathilde ne parle pas toute seule, elle parle à son Homme

Ah la ! Mathilde pas un jour où elle ne peine à la tâche et qu'elle ne maudit ces endimanchés, ces cafards du ministère. Elle avale ses larmes de colère et de peine, elle revoit son Jean et sa musette, avec le René, l'Auguste et l'Octave ! Ils sont sur le quai de la gare et vont monter dans le train. On sera revenu à Noël qu'ils ont dit, qu'ils disent tous! Le curé a béni tout le monde, et le curé a dit la messe, a dit qu'on allait gagner la guerre

Elle s'en fout de la guerre La Mathilde, elle s'en fout de la Lorraine et de ses mirabelles, elle s'en fout que le Rhin soit allemand, elle ce qu'elle veut c'est son Jean ! Ils parlent tous de la patrie, de la revanche, des boches.. Elle bougonne toute seule, en allant chercher l'eau pour les bêtes, toute seule, un matin encore !

Qui va rentrer la récolte ? Elle se demande ! Y a plus de gars valides, et les autres vont partir, ils en appellent tous les jours, mais le Jean, le René, l'Auguste et les gars du village ne leur suffisent-ils pas ?  Elle ne comprend pas Mathilde, elle ne comprend rien  ! Il y a les petiots qui ne vont plus à l'école, ils ont pris l'instituteur ! ce bon monsieur Albert, il ne saura pas se battre cet homme là se dit Mathilde ! c'est un monde de fous ! Depuis quand on envoie nos paysans faire la guerre ?

Puis Mathilde se souvient d'il y a longtemps, de la grand mère de la "Ferme du Bout" qui parlait des Uhlans, son homme a elle est parti, il n'est pas revenu. Il a marché, marché pendant des jours pour aller dans le nord du pays, et il est tombé pas loin d'une ville étrange, Sedan ou un nom comme ça. 

La guerre encore, la guerre toujours ! Ils ont pris nos hommes et maintenant ils prennent nos bêtes, ils ont emmené le Pimpin : qui va tirer la charrue ? elle se demande Mathilde ! Puis il vont nous prendre notre pain ? 
Ah brave Mathilde tu n'y entends rien ils prennent tout : les Hommes, les chevaux et même les draps ! Elle s'en fout de la guerre. Elle ! La Jeanne elle a eu une lettre, ils sont aux dépôts ! mais qu'est ce donc que ça un dépôt ? elle se demande, et il n'y a même pas de lits. Voila que nos hommes y dorment sur la paille comme dans nos écuries où on y met nos bêtes.
C'est pas pour les paysans la guerre ! Qu'elles se disent les femmes .

Les Femmes et les Larmes, les Larmes des Femmes.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne "1914-1918, la guerre, des Hommes, des Femmes"
Crédit photo @brigittedusch

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...

Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

Vous étes venus

compteur visite blog

map