Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

dimanche 28 janvier 2018

Alfred 1914-1918... Et après, un homme dans la guerre


Alfred... La guerre. Des Hommes, une vie, une histoire, la Mémoire. Notre Devoir, parler, dire, raconter, mettre des mots, des émotions, des larmes, des rires. Hier pour aujourd'hui, aujourd'hui pour ne pas oublier hier.


"S'ensevelir sous les ruines du Fort plutôt que de se rendre".
Telle était la devise de votre Régiment.

J'ai du mal à imaginer le jeune soldat, il est difficile pour moi de parler de vous Monsieur, je ne me souviens de vous qu'au soir de votre vie. ll y a longtemps. On disait de vous que vous étiez un grand Homme, et combien du haut de mes 6 ans vous me paraissiez grand ! L'enfant que j'étais alors n'avait pas compris qui vous étiez, quel homme vous aviez été, mais vous étiez si gentil, et elle vous aimait, ça me suffisait.

Comment dire, vous, tu, je ne sais, je verrai tout en écrivant. L'émotion guidera mes mots...
Je ne parlerai que de la guerre, la Première, la Grande, l'Horrible, la Tragique. Je pourrai parler de la Seconde, et de vous aussi, mais gardons cela pour une autre fois. ll y a tant à dire de vous, à propos de vous.

Vous êtes né un 15 février 1890 dans un bourg de l'Est. Vous parliez l'allemand autant que le français, nourri de Racine et de Goethe. Classe 1910 vous avez fait votre service militaire comme tous ceux de votre âge, et le 3 aout 1914 comme tous ces hommes vous avez rejoint votre régiment.

C'est votre livret militaire qui me parle de vous, qui vous raconte. ll me faut le lire dans tous les détails, ce ne fut pas simple de vous trouver, car je ne savais presque rien de vous. ll faut souvent jouer les détectives dans les Archives, poser des hypothèses, les vérifier, se tromper, et recommencer, mais ce jour comme les autres, j'étais guidée, accompagnée il fallait que je vous trouve, alors vous ètes venu à moi. Avec  le mince bagage en ma possession un tour aux registres de naissances, puis aux fiches matriculaires, et vous voilà tout près de moi ! Mais quelle est longue cette fiche !

Oui, vous êtes grand, 1,76 m, je peux vous imaginer, couleur des yeux, des cheveux, des sourcils,  tout est là ! à moi de fermer les yeux et de regarder. Le voila ce soldat.
A cette époque elle ne vous connaissait pas, vous ne vous êtes rencontrés qu'après, après la guerre, où vous êtes parti, elle non,  mais elle lui a  enlevé son amour à tout jamais. C'est peut-être pour ça que vous vous êtes trouvés. Deux survivants ; Peut-être ? Que de destins croisés dans vos deux vies... Que de rencontres singulières aussi. La vie joue des tours, mais il n'y a pas de hasard ; et ce 17 avril 1917 ? Là bas,  c'est encore une autre histoire, pour une autre fois si vous le voulez bien.

Je lis votre fiche et je sais tout de vous, ou presque, de vous soldat et un peu plus, votre mère était allemande semble t-il peut-être vous a t-elle légué ces "cheveux blonds" et ces "yeux bleus clairs". En rouge est noté : "permis de conduire pour tourisme". Votre destin était tracé mais votre vie a basculé un 1° août 1914 ; vous avez du rejoindre votre régiment. Artillerie. Vous passez de missions en missions ; Bordeaux, Marseille Cherbourg, Montbeliard, et les autres, qui me sont familiers... et de blessures en blessures, un éclat d'obus à la nuque, le 24 mai 17 puis une autre suite à une explosion le 27 septembre de la même année là où vous effectuiez des missions de reconnaissances, blessé encore," le sous officier énergique et dévoué au front depuis le début de la campagne n'en n'a pas moins assuré son service jusqu'a la fin de la journée". Vous vous êtes distingué à Rancourt. Elève pilote vous avez rejoint le 13 mars 1918 l'aviation à Dijon. Que d'aventures, de péripéties, de combats, de risques, de souffrance, de douleurs, de mitrailles, de bruits, de fumée, de ténèbres, de cris, d'horreur, de peur et de morts... mais vous êtes là, toutes ces années. Dés que possible vous quittiez l'ambulance et l'hôpital pour rejoindre le Front, les tranchées, la guerre.
Vous avez reçu la médaille militaire. Vous avez survécu à cette horreur. Vous vous êtes battu pour ne plus connaitre l'horreur, vous ne saviez pas encore. Elle non plus.
Une curieuse rencontre, je me suis souvent demandé comment elle a eu lieu, elle ne me l'a jamais dit mais parlait souvent de vous. Vous aviez chacun votre vie... Elle vous a aimé, tout comme vous l'avez aimé, je crois, elle vous aimait et vous l'aimiez ; c'est ce que mes yeux de petite fille ont perçu lorsque je vous ai vu ensemble, une fois, cette fois. Je n'oublierai pas ses larmes, j'étais à ses côtés quand elle vous a rendu une dernière visite, quand elle est venu vous dire adieu. Que vous me sembliez grand ! encore
Et puis elle est restée seule, encore, elle a continué à m'aimer, à parler à ses fantômes... Nous leur parlions ensemble. Vous et Elle m'avez appris qu'on pouvait s'aimer ainsi ; éloignés mais proches. Merci.
Et puis elle est partie, me laissant seule. Bien seule sans elle... Ainsi est la vie; Mes yeux se brouillent de larmes... Mais je pense que vous l'avez aidé à être en vie, vous vous êtes soutenus, tenus, portés. Ensemble vous avez traversé des épreuves, la guerre, l'autre sale guerre. Vous avez été un brave, et un héros, un de ces héros de l'ombre et qui le restent car ils n'ont fait que leur devoir d'Homme, leur Devoir. Vous n'avez jamais rien demandé, mais une place, celle de votre ville porte aujourd'hui votre nom.
Je vous remercie Monsieur pour tout. J'espère être digne de votre héritage, d'avoir gardé et transmis ce que vous lui avez donné ; ce que vous m'avez donné.
Si vous le permettez je reviendrai vers vous pour parler encore, vous raconter, dire votre vie après la guerre, pendant la guerre, l'autre, avec elle... ll y a tant à dire.
Je vous remercie, Monsieur, pour ces moments passés à vos côtés à travers ces Archives, ces instants furtifs et ce voyage dans le passé, j'espère ne pas vous avoir dérangé.
A Vous et à Elle. Mes héros.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne

mercredi 17 janvier 2018

Le Visiteur

 
Le Visiteur
 Il est de passage
Pour un jour ou deux
Peut être un peu plus
Souvent un peu moins
VisiteurC'est le nom qu'on lui donne
*********
Il passe mais sans visiter vraiment
Il ne reste pas, il ne regarde pas, il ne s'attache pas
De lien il n'a pas, il ne veut pas
Pour quoi faire ?
Pour qu'en faire ?
Puisqu'il ne fait que passer
**************
Passe passe partout et par là, par ici et ne revient pas
Il ne revient jamais sur ses pas
Un jour ici, l'autre là
Nul ne sait d'où il vient
Nul ne sait où il va ?
Et lui ?
Peut-être même ne le sait-il pas !
 
Brigitte Dusch psychanalyste, historienne in Les Nouvelles d'Arsel "Bribes"
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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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