Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mercredi 17 novembre 2021

La langue, ma langue histoire d'amour et de haine.

 


"C'est ta langue maternelle ? celle de tes origines ? Tu sembles la parler couramment." Une question souvent posée, une interrogation que je me pose parfois. Mais au fond qu'est ce que cela signifie vraiment ? La langue ? Combien de fois ais je écris ici ailleurs aussi ?Alors quid de cette langue qu'on qualifie de maternelle. Celle qui devrait forcément venir de la mère : Encore ?

Tout est question de langue, et la langue est un bain dans lequel nous sommes plongés bien avant la naissance, c'est peut être une chance, une fusion ou une confusion La langue ? Ma langue. C'est toute ma question. Qu'est ce que la langue maternelle, celle de la mère ? Celle du père ? Celle du pays où tu es né ? où tu vis, a vécu ? Celle de ceux qui t on élevés ? Celle que tu as entendue, apprise, celle que tu aimes ? Celle dans laquelle on te parle ou t'a parlé. La langue dans laquelle tu rêves et tu penses, celle que tu traduis avant de t'exprimer ? Je n'en sais rien : tout cela peut-être ; certainement pour moi. Depuis mon plus jeune âge je suis au milieu de tout ça, des langues entendues, apprises, des bribes et des souvenirs. Ceux de l'enfance, ceux de ma vie. Elles se mélangeaient allégrement sans nul souci on se comprenait, parfois à demi, mais ça parlait Alors oui, l'Allemand est ma langue maternelle, celle dans laquelle je pense
spontanément, celle de mes rêves, celle qui me vient, celle de la colère, de la peine et du chagrin. Elle et moi sommes un vieux couple qui avec le temps, les orages et les tourments entretient une relation bien complexe, qui divorce mille fois mais ne se sépare pas. Comme si la vie sans l'autre était impossible. C'est une histoire d'amour et de haine, souvent, parfois, mais plus en plus souvent avec les ans. C'est un besoin et un rejet, c'est le souvenir et l'oubli, c'est le passé et le présent, mais il n'y a pour moi plus de futur. J'ai souvent voulu l'oublier, mais ce n'est pas possible, les mots me viennent et reviennent sans effort, les tournures et les phrases. Je pense et je suis. Je rêve et je pleure et parfois j'écris.

Je n'y peux rien. Il me faut vivre avec ça, amour et haine, affection, tendresse, détestation et colère.

Je l'écoute et j'entends, je peste devant les traductions approximatives, étudiante je privilégiais les ouvrages en allemand plus faciles pour moi qu'en anglais. Pourtant aujourd'hui cette recherche que je fais c'est en anglais que je l'écris, pour des anglais et pour dire la guerre, celle avec l'Allemagne. Va savoir pourquoi ?

Dans mon métier, si je pense seule en Allemand retraduis parfois ce qui m'est dit pour mieux le comprendre et le reformuler, cherche parfois le mot juste, le bon mot en français pour traduire l'idée, je me tourne vers les recherches anglaises, américaines et canadiennes. C'est ainsi

Je lis l'allemand, je regarde le cinéma Est Allemand, je vais à la source. Parfois même nostalgique j'écoute de vieilles chansons de là bas, pleine de souvenirs et relie quelques contes, histoires "Es war ein Mal" j'entends la voix de Marguerite, qui me lie et me raconte, je ferme les yeux.. Apaisement. C'est mon histoire, mon passé et ma vie. Je ne nie rien, n'oublie rien et ne renie rien. Une pièce du puzzle complexe que je suis. Il y en a tant de manquantes, disparues et oubliées qu'il n'est pas question d'en perdre ou d'en jeter encore une. Il ne me reste rien ou si peu de choses.

Je me souviens pourtant de ce jour où cette langue fut pour moi intolérable, une écorchure, une profonde blessure, je ne pouvais l'entendre, je ne pouvais plus la parler, je voulais l'effacer de ma tête, de ma mémoire, de mon être tout entier, me dépouiller de ces hardes là pour toujours. C'était à Buchenwald. L'entendre fut un supplice. Je ne pus dire un seul mot, rien ne pouvait sortir de ma bouche, et j'avais envie, besoin du silence. J'entendais ces mots, cette langue, celle des bourreaux dans la bouche de ceux qui racontaient le calvaire des victimes. Impossible. Je me dis alors que pour dire tout ça il fallait une langue neutre, je ne sais pas laquelle, peu importe mais pas celle là. Se boucher les oreilles hurler "Ruhe"... je n'ai pas pu.

Cette langue de violence et de haine devait être effacée, rayée, disparaitre au fond des précipices et des gouffres de l'Enfer. A jamais. Ici, dans ces espaces de douleurs et de souffrances; Ce pays bourreau et assassin devait se voir dépouiller de ces territoires qui appartiennent aux victimes, aux survivants et à leurs survivants.

Colère, peine, je ne sais, je n'ai pu verser une larme, pas dire un seul mot. Pétrifiée, tétanisée, j'ai avancé hagarde sur les marches de la mort. Longtemps, en pensant, en voyant en ressentant. Horreur, terreur et frissons.

Terrible épreuve et singulière expérience !

Cette langue est pourtant belle, c'est celle de Goethe avant d'être celle de la haine, c'est celle de Kleist et de la mélancolie. Curieuse histoire que la mienne avec la langue et les langues que je mélange parfois à dessein ou par hasard. Se mêlent alors l'allemand et le russe quelques bribes de roumain et de hongrois ; les langues de Pays Frères, je n'oublie pas. Ce n'est pas simple de divorcer de soi, d'une partie de son être C'est une déchirure, une absence, abandonner un morceau de son être. Je ne sais pas. C'est. Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne Crédit photo @brigittedusch

lundi 15 novembre 2021

La douleur d'écrire



Il y a la douleur d'écrire, 
Celle qui ravive la douleur, la souffrance et le chagrin
Chaque mot est une blessure, une effraction dans l'être entier qui n'aspire qu'à guérir et refermer ses plaies
Il y a cette douleur, cette impossibilité qui arrête le geste et la pensée 
Ne pas mettre des mots, s'anesthésier pour s'endormir encore, pour endormir la peine et la laisser là où elle est, où elle doit être
Ecrire peut faire mal, elle peut libérer mais aussi enfermer, emprisonner dans un passé qu'on veut pas oublier ou qui malgré nous revient à la mémoire
Mettre des mots sur ces émotions là peut être ravageur
Dévastateur et briser le sujet en mille morceaux épars
Ceux là même qu'il tente de ramasser, de réunir, rassembler pour tenter de ravauder une pièce bien usée qu'il aurait fallu depuis longtemps jeter.

Il y a la douleur d'écrire, un temps, plus ou moins long, le temps du deuil
Le deuil de soi, de ses mots, de ses émotions qui ne peuvent être mises au dehors
C'est peut-être de la pudeur, de la retenue, celle des gens simples qui n'osent montrer au dehors tout le chagrin du dedans
Ce serait une insulte de montrer à tous sa dévastation
Une injure et un outrage à soi  et aux autres d'exposer tout ça
Alors on n'écrit pas. 
Ni pour les autres ni pour soi
On se retranche dans le silence
Cet espace réparateur, où on arrête la pensée : celle qui fait pleurer, celle qui fait mal, qui ravive la blessure et fait saigner la plaie à peine refermée
Ce n'est pas du déni que de vouloir se protéger.
D'ailleurs qui aurait le droit de le penser ? de juger ? De condamner ?
Il y a toujours des "bien penseurs ce ramassis d'idiot qui veulent du bien pour nous.
Est-ce bien pour nous ? Ou pour racheter leurs crimes que d'un seul coup d'un seul ils pointent leur museau pour venir sécher nos larmes ? 
Il y a un temps pour tout, celui de dire, d'écrire celui de se recueillir et de faire silence. 
Ensuite il faut dire, si l'on peut dire, écrire et raconter. 
Le temps est venu.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

jeudi 11 novembre 2021

11 novembre, le feu du Sacrifice



Personne n'a osé prendre sa place, 
La place de l'absent
La place du disparu
La place du Mort?
Ils sont tous assis, là sans bruit autour de la grande table 
Tous sauf lui.
Parti 

Il y a au bout de la table
Une place sans personne
Une place sans Lui, 
Une place vide.

Sur l'humble buffet de la cuisine, Il pose dans son habit du dimanche, fier, droit, le regard décidé, tout près de lui il y a les mariés, et lui, encore dans son habit de soldat, avant le grand départ.

Il y a la photo de l'absent, du disparu, du Mort enrubannée de noir
Pour dire le deuil, discret, on ne parle pas de ces choses là, on ne parle pas, on pleure dans le silence, on pleure le silence
On a sa dignité.
C'est le silence, de plomb, de mort.

En de jour de Victoire, les volets de la modeste demeure sont clos. Il fait silence et il fait noir, la couleur et le bruit du deuil.
En ce jour de la Victoire, la peine, la colère, le désespoir se réveillent, doucement.
Muet et sourd. Personne ne veut, ne peut entendre le son des cloches, le sermon du curé, les harangues des élus, les hommages aux sacrifiés. Qui connait vraiment le prix du Sang versé ?
En ce jour de Victoire, il n'y a pas de tombe, nul endroit pour pleurer, déposer quelques fleurs et verser des larmes. Il n'y a rien. Le Mort est disparu, quelque part on ne sait où, sur une cote avec un numéro, au fond d'une tranchée, où son corps écartelé et déchiqueté repose sous la terre avec ceux de ces camarades, gamins et pépères sacrifiés pour la Victoire! 
Il est au Bois Belleau, si proche du But, lui qui pourtant avait jusque là vécu.
Il erre peut-être encore tel un fantôme que les bruits du feu d'artifice de ce jour de la Victoire réveille pour partir à la charge de l'ennemi ! Au feu, d'artifice ou de sacrifice.
Personne n'ose prendre sa place
Celle au bout de la grande table
Ou le dimanche à midi il cassait le pain 
Fruit de son dur labeur
Pour le donner à ses fils.
Il a le vide au bout de la grande table au milieu de la cuisine
Celle d'un père parti, pour faire son devoir dans une guerre et des batailles qui n'étaient celles que des puissants
Lui humble paysan a donné sa vie en sacrifice et laissé ses enfants, sa femme, sa demeure et sa VIE

Il a donné tout ça en espérant
Qu'elle sera la dernière et que ses fils pourront vivre dans un monde meilleur et en paix.
En ce jour de Victoire je te salue et te rends Hommage à toi et tes camarades, valeureux Poilus. Que tu puisses trouver la Paix 
Ce jour de Victoire n'est pas un jour de gloire, mais de peine et de deuil.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch collection personnel Mémorial Chemin des Dames

mardi 12 octobre 2021

Le dernier voyage. Ensemble.




Nous avons traversé tant de fleuves, de rivières et de torrents, nous avons tant et tant traversé de continents, de mers, apaisées et souvent agitées.

Ensemble.
Nous avons marché dans les forêts sombres et clairsemées, en hiver et en été, parcouru des chemins souvent de traverses, déserts, obscurs et sombres, choisi aux carrefours les mêmes routes, pris les mêmes directions, parfois aveuglés par le brouillard. 
Ensemble.
Le soleil caché derrière les nuages sombres et lourds a quelque fois tardé à se montrer, il nous a fallu attendre des lendemains plus chantants, plus accueillants, pour avancer sereinement, dormir enfin sans faire de mauvais rêves.
Il ne fallait pas ni redouter, ni renoncer, aucun retour en arrière n'était possible, nous avions brûlé tous nos navires. Il ne restait rien, et tout était à faire, à construire, plutôt bien que mal.
Ensemble nous avons affronté la vie, ses bonheurs, ses joies, ses tristesses et ses chagrins, seuls à deux sur ce chemin. Une route pavée d'espoir, d'attente, de désir, de joie mais aussi de peine. 
Nous avons du mieux qu'on peut tenu la barre, gardé le cap pour rester debout.
Il y a eu des jours, il y a eu des nuits.
Il y a eu la pluie, il y a eu le soleil. 
Il y a eu l'été, il y a eu l'hiver.
Eternels recommencements, d'une saison à l'autre.
Et puis un jour, le temps est différent, il reste là, un temps long, comme une parenthèse, un arrêt sur image, et pourtant, tout le temps passé défile, les souvenirs et la mémoire, la vie. Ensemble. 

Et puis un jour le temps s'arrête, il n'y aura pas de printemps demain, nous restons en hiver. Hiver terrible et à venir. Il faudra l'affronter ensemble. 
Nous avons traversé le temps et accosté le même rivage. Voilà que nos chemins se séparent, le navire a coulé, il ne reste plus que quelques branches auxquelles s'accrocher ; curieux radeaux qui nous sauvent, mais nous séparent, le fleuve s'emporte, nos mains se lâchent : cette fois, c'est sûr, nous n'arriverons nous pas sur la berge ensemble, nous ne serons pas au rendez-vous ensemble, l'un de nous s'enfoncera dans les ténèbres de la rivière ou le gouffre du torrent, l'autre peut-être réussira à accoster, épuisé, vidé, presque mort, mais pas encore assez. Cette fois l'un abordera l'ultime rivage de ce territoire terrible et inconnu sans l'autre qui devra attendre, désespéré.

Un hiver éternel pour celui là.

Brigitte Dusch, psychanalyste historienne.


vendredi 17 septembre 2021

A la dérive...



"Il en est du temps comme de mon humeur ça va ça vient, en haut et en bas, je suis triste et je ne le suis plus 

Il en va du jour et de la nuit
J'aime la nuit obscure qui m'enveloppe, et je me noie dedans, au plus profond du gouffre. 

Il en est du temps comme de mon humeur, indécise, des nuits hachées, entrecoupées par les fantômes qui me tirent d'un sommeil expiateur, un sommeil lourd celui de l'oubli, l'oubli de mes crimes, de mes mauvaises pensées

Je zigzague dans le sommeil, c'est une errance sans fin, des incertitudes, une mort annoncée ; celle de ma vie de maintenant, pas celle d'avant, mais d'à présent, j'aimerai être après, mais après quoi ? Je n'en sais rien 
Je ne suis même pas certaine qu'il existe un après, la vie est une illusion, nous vivons dans l'irréel mais la souffrance est réelle et me taraude à chaque instant

Fluctuant.. ils disent fluctuant

Ca va ça vient un peu comme le courant de la rivière, ce serait plutôt un torrent ! de larmes, de cris, de peurs et d'angoisses. Je me demande à quoi ça sert tout ça
C'est un peu confus, touffu, la jungle dans ma tête, il faut que je trouve mon chemin en coupant les lianes
Sabrer, sans état d'âme, tailler dans le vif et jeter les souvenirs à la poubelle, sans un regard, sans penser, sans rien dire, dans le silence absolu pour le salut de mon âme.

Je pars à la dérive et refuse de saisir la plus menue branche pour rejoindre le radeau de fortune de Noé, arche misérable qui a réussi à maintenir une partie de l'humanité vivante. Hélas !

Je veux me laisser porter par ce courant et lâcher prise enfin, advienne que pourra ou ne pourra pas, plus rien n'a d'importance
Tout est illusion, je suis une construction du mental d'un misérable insecte qui n'existe pas, mais je veux exister pour parcourir ce chemin de croix, tendre l'autre joue et gagner le paradis, moi qui ne crois en rien puisque rien n'existe et que tout est construction d'un esprit malade de la vie, qui ne trouvera sa rédemption, que dans la mort

Seul le diable me délivrera du mal.
J'aime la nuit obscure qui m'emportera mais ne me ramènera pas sur la berge boueuse sans forme et sans fin "

Dit-elle.....

Brigitte Dusch, historienne psychanalyste
Crédit photo, @brigittedusch


lundi 30 août 2021

Pour toi ; La haut


Pour toi


Je ne te dis pas adieu, nous ne nous sommes jamais dit au revoir, nous n’avions jamais jugé cet usage utile, car nous étions au dessus de ça, nous étions au dessus de tout, d’ailleurs en ce temps là.

Nous n’aurions jamais du nous rencontrer, pourtant nos routes se sont croisées, par hasard ?
Non sûrement pas, le hasard n’existe pas.

Nous partagions la même quête de savoir et de vérité, simplement, savoir qui nous étions et ce que nous avions dans le ventre aussi, dans l’âme
Un seul regard nous a suffit ; moi pour savoir qui tu étais et toi qui j’étais, je n’oublierai jamais le bleu de tes yeux, ce bleu de glace où baignait la tristesse et la mélancolie de tout un monde. Ce bleu où je me suis noyée.
Nous nous étions trouvés là dans ce lieu improbable, mais certain.
Lorsque nous nous sommes rencontrés j’étais dans la colère, j’avais cette colère au fond de moi, en moi, cette même colère qui sans doute m’a maintenue en vie, en survie. Tu m’as appris à en faire autre chose, à la sublimer.
Mais tu avais aussi appris la sagesse cette sophia que tu as essayé de m’enseigner, je n’ai pas été une bonne élève, tu as été patient, tu m’as aimée comme j’étais, avec ma rage et mon insouciance aussi.

Tout un temps qui me semble un monde, un siècle, une éternité

Tu m’as appris à ne pas avoir peur, à affronter mes démons, mes cauchemars, qui même s’ils me hantent encore presque chaque nuit ne me terrifient plus, du moins plus autant.

Sans le savoir, tu m’as appris beaucoup
Nous cherchions à savoir qui nous étions, nous nous sommes rencontrés au carrefour de cette quête… La même a ce moment là, je me souviens que tu parlais avec la musique, moi je n’avais que les mots.

Je n’oublierai jamais ta douceur, dans ton regard, ta musique, tes gestes, ton approche des autres, de la différence, ta douceur avec ces enfants restés au seuil du langage.
Tu savais leur parler, tu m’as appris aussi à le faire.
Une singulière tendresse.

Sans toi, je ne serai sûrement ce que je suis

Il y a de belles rencontres, et tu en es une, une de celle qu’on n’oublie pas. Un cadeau que te fais là vie, au milieu de l’Enfer parfois.
Tu savais aussi être rude, dur, inflexible, tu ne transigeais pas…

Nous avons fait un bout de chemin ensemble, chaotique parfois, de traverse souvent, heureux et douloureux. Nous savions que ce chemin serait court, mais c’est toujours mieux que rien, et c’est déjà beaucoup, nous savions aussi que nos routes se sépareraient, dans notre recherche de la vérité peut-être, mais aussi dans les lieux que nous aurions à choisir.

Je suis triste, sans l’être vraiment, nous ne nous sommes jamais quitté, jamais perdu. Il y a des rencontres qui n’ont pas besoin de lieux communs !
Je sais que tu prenais de mes nouvelles, comme j’en prenais des tiennes, une certaine manière peut-être de rester liés, de veiller l’un sur l’autre.
Tu as si souvent veillé sur moi, tu m’as si souvent protégée, de moi-même. Aussi.
Je suis heureuse car tu as trouvé ta voie, tu es allé au bout de tes rêves, de ton désir…. Comme je l’ai fait…

Au fond avons-nous peut-être trouvé ce que nous cherchions… La même chose.

Je ne sais pas ce qui me rend triste, je sais que tu n’avais pas peur de la mort, mais de la souffrance ? Je ne sais ? C’est ce qui me fait mal. « Une longue maladie » C’est ce qu’on m’a écrit…
Les larmes ont coulées le long de mes joues, mes yeux se sont brouillés lorsque j’ai lu… Mais sur qui je pleure ?
Sur moi, mon chagrin et ma peine, on pleure toujours sur soi, pour soi, on pleure d’être confrontée à ce vide immense que nous cause la perte, la perte de l’être qu’on a aimé, qu’on aime
On pleure parce que… !
Ton nom restera pour toujours attaché à l’Ecole que tu as crée, à l’Art que tu as inventé… Qui n’a sûrement plus rien de martial. Une danse.
Danse au milieu des étoiles car tu as trouvé la sagesse.

A dans un autre monde, si autre monde il y a ? Je ne sais toujours pas.
J’ai froid, terriblement froid.
Birgit.

dimanche 1 août 2021

Samedi 1 août 1914



Il fait chaud dans mes Ardennes.
C'est l'été, à Savigny. C'est le temps des moissons, 
Ils sont aux Champs, s'affairent sous le soleil écrasant, il y a tant à faire ! 
Les vanniers à leurs paniers pour les commandes des maisons de champagne,

C'est l'été, elles sont là, au lavoir, en bas du village frottant et battant le linge, sans rien dire, il fait lourd, trop lourd
D'autres sont à la maison préparant la gamelle qu'elles vont porter à leurs Hommes aux Champs.

Marie Eugénie, tu es devant ta maison au bord de l'Aisne, c'est l'été. Il fait lourd, le temps est lourd, il va faire de l'orage, peut-être, sûrement.
Madeleine est encore bien jeune, mais elle aide ses soeurs, Augustine et Stéphanie

et tes fils tressent l'osier.. Gustave, Emile, Lucien, Antoine

C'est l'été, les enfants, jouent, à l'abri du soleil, c'est les vacances... il fait lourd, très lourd.

Je suis au milieu de vous, je vous vois mais vous ne me voyez pas, je ferme les yeux et toutes les odeurs du soleil de l'herbe fauchée, de l'osier mouillé, de la terre et des bêtes... j'entends le bruit des sabots... j'entends le silence.

C'est l'été et c'est un village, c'est mon village.
Tout le monde sait tout de tout le monde, les gens s'aiment et se détestent sans parfois ne plus savoir pourquoi, c'est un village de l'Ardenne. Au creux de l'Argonne, au bord de l'Aisne. C'est mon village.

Soudain un bruit terrible, assourdissant vient rompre le silence, l'harmonie et le labeur.
Les cloches.
Lugubre.
Le monde bascule

"Ce n'est peut-être que la fin du monde en avançant" Oh combien l'enfant de Roche avait été visionnaire une fois encore !

Chez moi on parle encore de 70 de Sedan et de Bazeilles, des morts pour rien ; pour le roi de Prusse. Combien de familles ont pleuré leurs morts ? Combien de familles en parlent encore ? La Mémoire chez Nous elle est tenace, chevillée au corps et au ventre, elle est en nous. Nous n'oublions pas.

Ces histoires de Uhlans, sans cesse rabâchées lors des tablés appartenaient à un autre monde : et voilà que !


Le monde s'emballe, le village perd ses hommes, jeunes et moins jeunes, tout ceux qui ont l'âge d'aller mourir une fois encore pour rien.
Le village se saigne, le village saigne

On laisse la moisson, les faux et les faucilles.
Il est temps,
Pour combien de temps ?
Le temps s'arrête et le temps s'emballe, il ne ressemble plus à rien
On ne se promet rien ?
On se promet de revenir ,
On se regarde sans rien dire
Il y a les larmes ravalées pour ne pas faiblir
Il y a...
Il va falloir vivre !
Il va falloir souffrir !
Il va falloir attendre…


Et la peur gagne, car on se souvient, ma Terre d'Ardenne est une terre de douleur, sans cesse occupée, sans cesse malmenée, elle est souvent exsangue, la trace du passé, des ravages est vive et vivace, alors il faut ! On connait l'ennemi il ne fait pas de quartier, et personne n'a oublié les pillages des occupants. La Terre d'Ardenne a tenu. Les Miens y sont nés, y sont restés et reposent en sa terre.


1 août 1914 : débute une "saison en Enfer" Une si longue, interminable saison où plus rien jamais ne sera comme avant.

Longue, interminable et meurtrière. Même si on ne le sait pas, l'ombre de la mort, plane et vient chercher son dû. Elle est et sera insatiable.

Requiem

A toi Gustave, pas un seul jour sans que nous pensions à toi, tu es là parmi nous... tu  le sais.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo, @brigittedusch

vendredi 16 juillet 2021

Les profiteurs de guerre


Les profiteurs de guerre..

Je les ai vu se profiler dés les premiers jours de cette pseudo maladie, épidémie, pandémie
Comme s'ils attendaient, ces vautours de saisir l'occasion d'un peu plus de détresse pour s'emparer d'un marché qui allait leur rapporter gros. Saisir une occasion aussi macabre soit-elle pour être acteur d'un mauvais film au scénario improbable qui allait les propulser en haut de l'affiche

Etaient donc t-il aussi minables ?


Je les vois toujours 15 mois plus tard, se glorifier d'avoir fait le bon choix, celui du pouvoir, de la haine de l'autre pour s'enrichir soi
Enrichir soi. Mais de quel "soi" s'agit-il ?
S'ils étaient sincères ? Mais comment le pourraient-ils ? 
Ces infâmes oeuvrent pour le bien être de l'Humanité et se targuent d'être dans l'accompagnement de l'autre et sa souffrance, sa maladie, sa peine.. 
Ces infâmes pourtant se gaussent à tour de bras sur les réseaux sociaux d'être dans le camp des bons, de ceux qui ont la vérité, et n'hésitent sans aucun scrupule à condamner les autres, les citoyens de seconde zone, leur souhaitant je cite :

"De crever, dans les pires souffrances, de voir leur proches mourir sous leurs yeux
Certains soignants ou qui se disent tels, n'hésitent pas à avertir qu'ils laisseront crever (je cite en
core) ces déchets de l'humanité, qui refusent de se confiner et de se vacciner."

Ces gens sont la vérité !

Ainsi dans ce pays des droits de l'Homme on refuse de soigner !
Les profiteurs de guerre !

Aucune leçon tirée du passé, donc, encore et toujours

En 1919, la presse titrait "la peine de mort pour les profiteurs de guerre", ces gens étaient ensuite arrêtés, jugés...je suppose que la même chose s'est lue en 1945...
Je lis en dépouillant les journaux de l'après Grande Guerre, je  confirme les hypothèses dégagées à la lecture des sources durant cette dernière : l'enrichissement personnel, l'achat des biens des morts pour quelques deniers... Je lis ainsi l'histoire de ceux qui ont su "faire leur beurre" de la guerre au prix de la vie de ces pauvres hommes envoyés à l'abattoir. 

L'argent n'aurait pas d'odeur ? Je n'en suis pas certaine, j'affirme qu'il a souvent l'odeur de la mort

Ces profiteurs de cette guerre civile sont bien là, présent, sur le pont, prêts à saisir l'occasion d'enrichir leur moi si pauvre, leur confiance en soi si inexistante, leur estime de soi si misérable. Misérables... Combien ils le sont. 

Ce besoin d'être, sur la scène de la vie, au mépris de ceux qu'ils disent aider, accompagner, qui se vantent d'écrire, de recevoir "des petits patients" en postant leurs dessins, leurs remerciements et j'en passe.. Que cherchent-ils ? 
J'ai peine à croire en leur neutralité bienveillante et ne leur confierai pas mon âme, ni mes secrets, ni ma vie. 
Je ne leur confierai rien

Leur arrogance est à l'image de ceux qui infligent cette maltraitance, cette relégation vers la marge. Leur mépris, leur soif de haine, de vengeance envers la vie, les hommes, les autres, peuvent enfin se déployer dans toute son horreur au grand jour, autorisés et encouragés par une folie qui ne peut plus être contenue

Combien de temps encore ? 

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

mardi 6 juillet 2021

Exil



Je suis née étrange, étrangère dans un ailleurs inconnu. 
Enfant étrange, étrangère là où que j'aille, là où le vent me porte et m'emporte

L'exil est ma Terre et ma Patrie. Longtemps en exil de moi même, il m'a fallu du temps pour en trouver le chemin. Il fut ardu et complexe, semé d'embûches mais m'a permis d'affronter mon être seul, ma solitude, seule compagne solide et d'être un peu au monde et à moi même

Le Chemin, mon histoire ! c'est une histoire de routes, de sentiers de traverses, de boulevards et d'avenues, de tranchées parfois, mais toujours d'ailleurs, d'ici et de là,  de partout, de nulle part. Je suis une nomade en perpétuelle errance, mêlant les mots de toutes les langues pour dire plus vite ma pensée, mon coeur et mon âme. Je suis tout ça, je suis construite de et par toutes ces histoires.

Je suis d'ailleurs, jamais vraiment d'ici, mais pas non plus de là bas mais toujours d'un autre ailleurs que celui que j'habite, et c'est l'histoire de ma vie. 


Il y a la Terre des Miens, au moins d'une partie, la terre de mes ancêtres, celles où ils sont enterrés depuis des siècles. Suis-je d'ici ? 
Je le crois dans le meilleur des cas, cela m'apaise parfois, seulement un peu, me donne l'illusion de la continuité, d'être attachée à quelque chose, à eux sûrement, d'être de cette lignée, d'être de là et non plus de nulle part
D'être issue d'Hommes et de Femmes dont l'histoire n'a pas été simple, mais qui ont vécu sur leurs Terres. Sans jamais la quitter, se sont battus pour elle, ont refusés de s'exiler. Cette idée me fait vibrer parfois pleurer quand je lis leur nom, que je tente d'écrire leur vie et que je les imagine, quand je leur parle dans des conversations imaginaires et qu'ils me guident souvent dans les méandres des registres d'état civils, et quand je ressens leur présence à mes côtés, une présence si forte, un parfum, un bruit. Je les aime, j'ai une profonde tendresse pour certains comme ils en ont sûrement pour moi. C'est la plus belle des histoires d'amour, l'histoire de Nous.


J'ai cette terre au fond de mon coeur, et dans mes moments de profonde détresse c'est vers elle que je me tourne, je veux croire encore que j'y retournerai, qu'un carré de terre sous les arbres à l'ombre du village m'attend et que je pourrai ainsi reposer en paix. Je veux croire encore, moi qui ne crois en rien ou presque qu'il me restera encore quelque force pour faire ce chemin dans l'autre sens. Un aller sans retour.


Illusion, croire pour ne pas mourir complètement ? Car de la mort parfois il y a, mais ce n'est plus un combat, vie et mort, ces désirs là ont réussi à cohabiter pacifiquement, paisiblement même. Et c'est bien. Je ne suis plus en lutte, j'ai baissé les armes. Et c'est bien

Mais ? 

Je suis en exil de l'exil,  penser retourner sur la terre quittée est un mensonge, la pire trahison qu'on se fait à soi même. On se ment pour croire encore qu'on n'est pas seul, qu'on pourra en retournant là bas retrouver les souvenirs d'avant
Foutaise, mensonges, espoir déçus sans nul doute. Car il n'y a plus rien.
Mais comment vivre en exil sans l'espoir de retrouver son chez soi ?

Devoir de mémoire, de fidélité familiale, mais essayer par là de rester un peu fidèle à soi : conserver son accent, les expressions de ce lieu abandonné, aimé, adulé, embelli mais qui ne ressemble plus aux photos jaunies que discrètement nous regardons et qui lentement nous font pleurer. 
Plus rien n'est comme avant comme cet avant de nos souvenirs, qui ne sont que des images, représentations d'un passé souvent idéalisé pour ne pas sombrer
Nous sommes partis, en espérant revenir, en sachant que ce retour ne se fera sûrement jamais, mais il faut... Rêver, pour survivre à l'agonie de l'abandon, de laisser là une partie de sa vie, qui coûte que coûte restera la meilleure. 

Exil, je suis en exil ailleurs que sur ma terre, mais je le suis chez moi
Où est chez moi ? Je suis étrangère, je me sens étrangère, là où que j'aille. Née étrange et étrangère, je n'aurai eu de cesse de chercher une terre d'accueil mais sommes nous vraiment d'ici ? 

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

mardi 29 juin 2021

Le monde se délite



Sie Sagt :

"Le monde se délite, je suis sur la falaise et devant moi le gouffre, le chaos, l'infini inconnu, incertain et tragique : le vide.
Le monde s'effrite, tout comme les pierres de cette falaise qui crissent sous mes pieds et qui tombent à pic dans cette grande abime, dont personne ne revient.
Tout part, tout fout le camp, et je pars avec.
Meine Welt est devenu Néant.
Tout se délite, tout s'effrite, il n'y a plus de cadre, plus de limites, plus de demain, la vie ne tient qu'à un fil qu'il nous suffit de trancher d'un seul coup d'un seul.
Nous ne contrôlons rien, plus rien, pas même le jour ni l'instant que nous vivons, qui peut d'un seul instant cesser d'être pour nous emporter au creux de la vague, au plus profond de l'0céan ou de l'Enfer.
Meine Welt est un Enfer.
Plus rien n'a d'importance puisqu'il n'y aura plus de demain
Je suis devenue spectatrice de ce désastre aux confins du Chaos
Certains résistent et s'accrochent à quelques branches, quelques ramures qui trainent par çi par là, refusent de voir le gouffre qui les attend
Je n'ai pas peur, je ne crains ni l'abime ni le Néant, pas même les Enfers, le Diable est sans doute davantage bienveillant.
La vie est un Enfer, 
Je suis au bord du Précipice, de ce grand vide, de ce grand inconnu qui m'attend et j'attends
J'attends que la falaise s'effondre enfin et m'emportent avec elle dans ce courant qui m'entrainera dans cet ailleurs peut-être plus accueillant sûrement.
Dans ce vide qui peu à peu pour se nourrir ravagera cette Terre d'un seul coup d'un seul.
Il n'y aura plus rien sauf le Chaos, l'Originel, celui des Lointaines Origines, archaïsme sublimé dans une folie salvatrice.
A quoi bon survivre ? A quoi bon se battre et résister ? 
Lâcher prise une bonne fois pour toute et s'en remettre au Fatum
Fin de la représentation, fin de la fin, enfin"
Sie sagt.
Meine Welt ist tot
Silence
Ruhe.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

dimanche 27 juin 2021

"En accord avec soi"


"Etre en accord avec soi"


Quelques mots, une petite phrase, à l'apparence toute simple, mais si difficile à mettre en pratique. Etre en accord avec soi, du mieux que l'on peut. 

Etre en accord avec ce qui compte pour nous, ce qui est important, et ce qui est essentiel à nos yeux. Nos valeurs.
C'est me semble t-il une ascèse bien difficile qui explique une partie de la souffrance de l'Homme. La dissonance ! écart intolérable entre ce qu'on voudrait être et ce que l'on est. Je ne parlerai pas de ce qu'on montre à voir, et ce qui est vu.
Il convient tout d'abord d'identifier ce qui nous importe. Vraiment. Ce qui est cher à nos yeux et ce qui par conséquent nous définit. Ce qui fait ce que nous sommes. Il s'agit de nos valeurs. Valeurs, valoir, ce qui vaut à nos yeux.
Il y a bien sûr les valeurs définies par la Morale, le Droit, la Loi. Ces fondamentaux que l'éducation, nos parents nous enseignent, ce qu'on ne transgresse pas, les tabous et les interdits. Ces Fondamentaux nous permettant de vivre au sein du groupe, d'une société, d'une culture, d'une cellule familiale, et d'y trouver une place.
Mais il y a également NOS Fondamentaux, ceux que nous définissons être Nôtres, que nous nous fixons, qui sont importants pour nous, et qui font de nous ce que nous voulons être. Une sorte d'idéal mais pas seulement, ils sont le fruit de notre éducation, nos apprentissages, nos expériences, notre enseignement, notre vision de la vie et de nos relations à l'autre. Ces valeurs qui nous semblent être essentielles pour être en accord avec nous mêmes, et avec nos semblables. Il s'agit de ce dont nous ne voulons pas et de ce que nous voulons, ce que nous souhaitons atteindre, des vertus au sens Ancien du terme.
Elles sont singulières et complexes ces valeurs, elles ne sont pas figées non plus, et s'adaptent à la vie, aux autres, à notre histoire, nos représentations. Nous avons le droit de changer ; c'est l'aventure de la vie : apprendre des autres, de l'autre pour apprendre de soi. S'adapter, évoluer, enseigner.
La vie est une perpétuelle négociation, et c'est tant mieux, nous en sortons grandis, plus curieux, plus riches. Pourtant il y des choses, des idées, des concepts non négociables : Nos valeurs. Celles sur lesquelles nous ne transigerons pas, jamais, car elles sont notre socle, celui qui nous porte, qui fait ce que nous sommes. La parole que nous nous sommes données, et à laquelle nous nous devons fidélité, y circonvenir serait se trahir "je ne peux plus me regarder dans une glace" dit le bon sens commun. Il n'y a pas seulement la honte, la culpabilité, et toute la souffrance qui s'en suit, mais une dissonance terrible, un désaccord absolu. Une douleur qu'on ne contient plus.
Etre en accord avec soi est loin d'être simple, un pari qui peut sembler impossible à tenir. Mais c'est aussi apprendre à vivre.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
crédit photo ; @brigittedusch

vendredi 25 juin 2021

Et je pleure



Je ne veux pas me retourner, jeter un regard vers hier, vers le passé, je veux avancer... 
Mais aller vers quoi ?
Je n'arrive plus à vivre ce moment présent, il me faut le souiller par les pensées d'après, lorsqu'il ne sera plus, cet instant furtif, assombri par demain, un demain où tu ne seras plus là, où il n'y aura plus rien, où tout sera mort.
La vie et la mort, la vie c'est mourir un peu, à petit feu, chaque jour et chaque nuit.

Alors je vais sur ce chemin dans ce jour d'hui, en pensant à demain, à cet après qui sera autre où tu ne seras plus là, et où je penserai à toi avant, dans cet avant que je n'ai pas su rendre présent

Et je pleure
Je n'ai jamais autant pleuré, les larmes de toute une vie, je crois, celle de toute ma vie, qui ne vaut presque plus rien, une vie qui se traine, pesante et lourde sans espoir de futur sans désespoir, mais dans le non espoir.

Et je pleure
Sur moi, sur l'avant, les moments heureux qui semblaient malheureux mais qu'on voudrait malgré tout retrouver, rien qu'une seconde pour se dire, "on était vivant".
La vie est devenue la mort, l'attente dans l'antichambre sombre et nébuleuse de l'inconnu terrifiant dont on ne revient pas..

Et je pleure
Sur ces instants il y a des ans, des jours et des lunes, dans un pays magique, dans un pays vivant, presque vivant...Un pays qui est mort. Les paradis sont morts et partis en Enfer.
Il y a si longtemps, ma vie me semble longue, les souvenirs s'estompent, je ne veux pas me retourner, mais...

Et je pleure
En attendant

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

dimanche 20 juin 2021

Une mort douce




Je veux une mort douce
Car ma vie ne l'a pas été
J'attends une mort tranquille
Apaisante et apaisée

Elle mettra fin à toutes ces souffrances
Je crois, j'espère, je pense
Un aller simple pour l'Ultime voyage
Aucun retour n'est possible
Et c'est tant mieux

Une vie entière à t'attendre
Quand viendras tu me délivrer ?
Quand viendras-tu à bout de mes peines, de mes chagrins, de mes douleurs ?
La vie est un enfer
La mort une récompense
Pourquoi donc s'acharner ?
Etre là, ne pas vouloir partir ?
La crainte peut-être de faire de la peine
Mais à qui ?
A ceux qui nous aiment ?
Par qui on pense être aimé ?

La vie est une illusion, l'amour une trahison
Des mots, des gestes, mais qui tôt fait sont balayés par le vent de l'oubli
Et puis quel vanité de se croire aimé ?

Je veux une mort douce
Et je l'attends, je n'ai pas peur
Elle n'est pas mon ennemie
Depuis toutes ces années, nous avons appris à nous aimer
Une rencontre, singulière, inconnue et Ultime
Le Val sans Retour.
Enfin !

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

jeudi 17 juin 2021

Pensées Noires


Ce sont des pensées qui arrivent par vagues, ce sont des pensées qui soudainement m'assaillent. 

Elles me livrent sans merci une terrible bataille
Je ne résiste guère et je rends vite les armes. 
Ce sont des histoires qui finissent toujours mal,
Leur issue ne peut être que fatale.
Ce sont des pensées sombres, grises qui m'envahissent toute entière, me dévorent d'une seule traite ,et me voilà engloutie.
Un tourbillon sans nom qui me traine vers le fond d'un lac ou d'une rivière.
C'est tout le temps et n'importe où ici et là, sans que je n'y puisse rien.
La Mort qui rôde est devenue mon unique compagne.
Elle hante mes jours et mes nuits
 
La Mort est depuis longtemps ma seule amie
La seule qui ne m'ai jamais trahie
Ce sont des pensées noires qui peuplent ma solitude mes chemins et ma vie, m
on abandon au monde qui se délite sans moi.
Elles sont là présentes, obscedantes inquiétantes et délirantes parfois.
C'est le réel, ma possible vérité qui ne peut-être que la seule dans un futur tellement proche qu'il en devient présent.
J'y suis préparée depuis si longtemps, l'heure se rapproche. Imaginer la fin est peut-être un soulagement, l'apprivoisement de l'ultime échéance, ce rendez-vous dont on ne veut pas vraiment mais qu'il ne faut pas rater. Le dernier de sa vie, le seul qui ne sera pas oublié, le seul qu'on a si mal préparé ! Pourtant.
Alors il vaut peut-être mieux vivre avec maintenant, ces pensées noires sont des amies, des êtres chers qui peuplent mes rêves du jour et de la nuit, les seuls qui ne m'ont jamais vraiment quittée. 
Pourquoi attendre ? Pourquoi demain ? Alors maintenant, car il n'y a plus d'avant, plus d'après, ce sont des pensées noires mais le ciel n'a plus de lumière, il est devenu sombre et rempli de nuages, les étoiles se sont éteintes, la lune et le soleil sont devenus noirs

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

samedi 15 mai 2021

L'alliance de Marguerite




J'étais une enfant et je ne comprenais pas

Je ne l'avais jamais vu pleurer
………………………….

Les larmes de Marguerite
J'étais une petite fille 
et je la voyais désespérée

………………………….

Ses doigts étaient gonflés
Il fallait la lui enlever
L'alliance de Marguerite

Depuis le mois de Juin 1914
Elle ne l'avait jamais quitté
Jamais enlevée.


50 ans ou presque que cet anneau
Avait été glissé à son doigt
Elle qui n'a été marié que deux mois


50 ans qu'il ne lui restait plus que ça
Cette alliance d'or
Ce cercle

Elle avait tout essayé,
Mais il fallait l'enlever
L'amputer de ce lien
Pour qu'elle ne perde pas sa main
son doigt ne voulait pas la rendre
cette alliance d'or 
cet anneau de mariage
cette promesse d'une vie
où l'on ne se quittera jamais
mais on lui avait enlevé
il y a 50 ans déjà 
l'homme qu'elle a aimé, 
et qui lui avait passé 
la bague au doigt
Je me souviens de ce supplice
de cette torture
Cet anneau scié

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo, @brigittedusch

samedi 8 mai 2021

Mourir de vivre




Et nous voilà lentement entrer dans l'obscurité, celle des ténèbres, pourtant nous sommes bien vivants, encore bien vivants : Mais pour combien de temps ? 
Le ciel est tellement sombre que nous nous demandons si nous sommes encore en vie ? Si nous n'avons pas franchi le seuil du grand départ, si nous n'avons pas atteint les rives du Grand Fleuve sans Retour ?

La vie s'étiole, lentement, indiciblement, nous sommes spectateurs et acteurs de cette agonie. La vie s'écoule petit à petit avec un lent débit, quelque chose la ralentit. Nous regardons interloqués, stupéfaits et presque sans voix notre vie, notre propre existence s'échapper, partir au loin sans pouvoir la rattraper.

Le souffle, l'espoir, l'attente, le désir et l'envie nous sont volés. Que reste t-il ?

Il fait sombre en pleine journée, des nuages gris, puis noirs emplissent le ciel cache un soleil pâle qui renonce à se faire une place. Et nous regardons tristement ce spectacle, sans rien faire, car on ne peut pas, nous n'avons plus la force.

Lentement le désir s'en est allé, nous nous laissons submerger, pourquoi résister ? A quoi bon persévérer ? Qui voudrait de cette vie là ? D'une vie au ralenti ? D'une vie qui ne se ressemble pas ? 
Qui avait un jour imaginé ça, même dans nos cauchemars les plus fous nous n'aurions pas pensé que nous devrions vivre tout ça ? 

Mourir de vivre. 

La vie est devenue une mort lente
Infâme torture sans espoir de fin, la seule issue étant de mourir vraiment ?
Qui peut vivre une vie sans soleil, dans une géole à ciel ouvert où tout est interdit

Mourir de vivre

C'est la nouvelle prescription de ceux qui décident pour nous, ceux qui décident qui vivra ou pas, cela a des relents nauséabonds, les mêmes qui nous appellent au devoir de mémoire pour "Plus jamais ça " et qui en redemandent encore et encore. Nous enferment dans des nouveaux ghettos qui ne portent pas leur nom mais dont la finalité est la même
"Mourir de vivre" l'injonction finale pour en finir avec les indésirables que nous sommes et laisser à la population le soin de se déchirer avant de s'exteminer.
Voilà le programme !

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

 

mardi 4 mai 2021

Un autre temps



Je suis d'un autre temps, d'un autre monde aussi, et ce monde a disparu tout comme le temps d'avant.
Ce monde et ce temps  ci ne me conviennent pas, je m'y sens étrangement perdue, tous ces bouleversements, ces interdits. Il n'y a plus guère de joie, de rires et de chants, plus personne ne danse dans la rue, ne se salue ne se demande "comment ça va ?".
C'est le temps de la violence, crue, sourde mais bruyante et terrifiante.


La peur s'est installée un peu partout, on se méfie de tout et de tous, on ne sait jamais ce qui pourrait arriver, le pire sûrement, il n'y a plus de meilleur. On a étouffé le meilleur en nous..

Ce monde devient fou, Il a interdit la vie. 
Il faut y vivre presque secrétement,  sans faire de bruit, passer rapidement en s'excusant d'être là encore en vie, baisser les yeux et  la tête, rester en marge du chemin. Ne pas être vu, trop, on ne sait pas vraiment si on a encore le droit d'être là. La vie n'est plus un droit.

Je suis d'un autre temps, et c'est bien ainsi
J'ai connu les jours heureux de l'insouciance de la vie, des lendemains qui chantaient plus ou moins bien mais chantonnaient au moins, les jours un peu fous nous étions contents de nous retrouver dans des soirées improvisées et parfois un peu trop gaies.
Le temps des jours heureux, des soleils et des lunes ou on refaisait le monde sans vraiment penser à ce demain qui ne viendrait peut-être jamais, mais qu'importe ? 


Je suis d'un autre temps que celui d'aujourd'hui. Je me demande comment nous sommes arrivés là ? A ce terminus, cette voie qui me laisse sans voix car il n'y a pas d'issue. 
Je ne comprends pas ce monde mal, heureux, tiraillé entre "je dois et je ne peux pas" qui conteste tout mais obéit aux injonctions paradoxale,  qui voit le mal partout, alors qu'il est lui même le mal, à l'origine du Mal. 

On ne peut plus sourire, s'embrasser ou se câliner, sans qu'il nous soit prêté la pire des intentions. On ne peut plus s'aimer, ni se désirer. C'est devenu un crime et tout est réprimé, encadré. La loi entre dans l'intimité des foyers et des chambres à coucher. Il n'y a plus de Il, plus de Elle, il faut tout mélanger sous prétexte d'égalité, il faut imposer la mêmeté.
Ce monde se détruit de ne pas comprendre que nous ne pouvons vivre que grâce à nos différences. Etre semblable ne même à rien sauf à la stérilité de la pensée et de la vie.

Ce monde s'acharne à vouloir, demander, exiger, il ne faut plus être  femmes ni hommes, ni l'une ni l'autre mais un peu de tout ça, sans être vraiment ça. On n'est plus vraiment soi puisqu'il faut être tout. 

Il faut, toujours, jamais, on doit C'est le refrain qui vient chaque matin nous rappeler que nous n'avons plus le droit d'être simplement des Humains.

Il faut la haine et le rejet. La méfiance et la défiance, faire croire qu'on est fort et qu'on peut se passer de l'autre : L'autre ce danger. Il faut nous diviser

Non, je ne suis ni de ce monde ni de ce temps et j'en suis fort heureuse, j'aime la vie et les rencontres, j'aime regarder un ciel et le trouver beau, j'aime me perdre dans le bleu de la mer. Non je ne veux pas être de ce monde et de ce temps car je suis au monde et au temps, immortel et intemporel

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

lundi 26 avril 2021

Créer pour crier




Quand il n'y a plus les mots,
Quand ils ne suffisent plus pour dire nos émotions
A l'autre
Parce qu'il n'y a plus d'autre à qui dire.
Il n'y a plus de mots.

Alors il faut créer

Créer pour crier la colère, la joie, la tendresse, la misère.
Il n'y a plus de partage, il n'y a plus rien
Il n'y a plus d'échange
Il n'y a plus d'autre de l'autre
Pour l'autre

Comment tisser, les mots, les assembler, les chuchoter, comment dire ce qui est ressenti au plus profond de soi ?

Comment aimer ? Comme s'aimer, comment aimer l'autre et comment aimer soi ?
L'amour est un échange, un partage, un don, un cadeau.

Alors il faut crèer
Pour nous sauver, 
Nous sauver de la folie, de la peur, et de la solitude
Il faut créer pour crier,
Etreindre la douleur, éteindre la souffrance

Ecrire, peindre, sculpter, rimer, pour crier, hurler la LIBERTE


Notre colère, notre peine, notre chagrin mais aussi et surtout notre désir, notre soif, notre besoin !

VIVRE

Je veux vivre pour pouvoir mourir d'avoir vécu, je veux mourir d'une vie qui m'a donné l'envie, le désir, le bonheur, le chagrin, la joie avec l'autre
Je veux jouer, je veux croire, je veux aimer, je veux marcher en liberté.

Je refuse qu'on m'empêche de dire je t'aime, je veux, respirer, danser, chanter, rire, marcher en toute liberté là où je veux et quand je veux.

Je veux  VIVRE, seulement VIVRE pour pouvoir mourir

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

samedi 24 avril 2021

Il faudra passer l'hiver

Il dit "Il faudra passer l'hiver, le froid et les tempêtes, quand les beaux jours viendront, tout ira mieux"
Mais quel hiver ?
Il dit "Il faudra passer les mauvais jours, les pluies et les vents, ensuite tout ira mieux"
Il dit :
J'aimerai croire, croire en ses mots, croire en demain, croire en des jours meilleurs.
Je dis "Mais aujourd'hui, même en hiver, avec le froid et les tempêtes, les pluies et les vents, tu es là et je suis là, nous sommes là ? Demain, le printemps, l'été... Qui nous dit que tout ça viendra ? "
Le moment présent ?
Si douloureux, si difficile qu'il n'est pas possible de s'y fixer, de s'y ancrer, penser à demain : seule bouée de sauvetage, bouteille à la mer et ultime espoir.
Que sommes nous sans l'espoir, l'espérance du jour après la nuit et du soleil après la pluie.
Il dit "Je sais qu'il n'y aura pas de printemps, que c'est fini, alors attendre quoi ? Puisqu'il n'y a plus rien, que c'est la fin"
Mais quelle fin ? Ne sommes nous pas toujours à la fin de quelque chose ? Il faut bien la nuit pour que renaisse le jour ?
Je dis " Mais aujourd'hui, même en hiver il y a un ciel bleu, un rayon de soleil parfois, tu es là et je suis là, alors ? Pourquoi penser à ce demain qui n'existe pas encore, où nous n'existerons peut-être pas où nous serons peut-être : qui sait tout cela ?"
Qui peut dire en effet ce que sera l'avenir ? Vivre le moment présent est tellement difficile, nous avons besoin de nous voir tout à l'heure, demain ou encore après. Il nous faut nous imaginer un futur, où nous serons, afin d'être aujourd'hui maintenant.
Il dit "Je sens bien que c'est la fin, je n'en peux plus, ce n'est pas une vie..."
Qu'est ce que la vie, joie, bonheur et chagrin c'est un peu de ça, chaque jour, ça passe, ça revient, parfois il y a la maladie, la presque mort, la douleur et la souffrance.
Elle est telle qu'il faut que tout s'arrête pour enfin la faire taire.
Et pour cela il ne faut pas qu'il y ait de demain. Il faut que la douleur se taise, et il n'y a pas d'autres solutions que de refuser ce demain où se sera la même chose ou peut-être pire.
Je dis ' Mais aujourd'hui demain parait impossible, laissons lui quand même une chance : nous n'en savons rien. L'instant où tu me parles fait mal, mais te soulage, il libère la colère, les larmes c'est bon de dire que c'est douloureux, de partager cette émotion, et puis de cesser de s'ancrer à l'idée que demain... Sera, ne sera pas, sera peut-être... "

Etre ici et maintenant est une terrible ascèse, impossible pari, avec soi, pourtant ! persévérance et rigueur seraient nécessaire, mais peut-on vraiment être dans un ici et maintenant douloureux où la souffrance a tout envahi, a tellement pris de place qu'il ne reste pas la moindre faille pour qu'un souffle d' espoir puisse se faufiler ?
Peut-on voir un brin de soleil quand le ciel est trop noir, quand notre vie est un champ de bataille avant de devenir un champ de ruines ?

Je n'ai pas de réponse, je n'en sais rien. Cela appartient à chacun de nous, certains parviennent à voir une percée de cet arc en ciel, certains ne peuvent pas ou ne peuvent plus. 

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne 
Crédit photo @brigittedusch

dimanche 18 avril 2021

L'élégance de la tristesse



Lentement elle s'est emparée de moi, je ne me suis rendu compte de rien ou de presque rien. C'est arrivé comme ça

La tristesse. 
Une sorte de vague lente, douce presque qui m'a submergée.
Je la ressens intensément, profondément, ancrée au plus profond de mon être. Je n'y peux rien. 
Je ne résiste pas, à quoi bon ? Pour quoi faire
Il me faut donc accueillir la tristesse, comme une amie qui frappe à ma porte pour s'inviter et se loger là dans cette infime faille de la cuirasse que je pensais pourtant solide
Nul n'est parfait, et c'est bien
Elle n'est ni bien venue, ni mal venue
Elle est là tout simplement, au seuil de ma porte et je l'ai laissée entrer. Pouvais-je faire autrement ? Avais-je envie tout simplement ?
Baignée de tristesse je me demande pourquoi, cette sensation n'est pas forcément désagréable, elle est.
C'est un moment de pause, d'arrêt et de contemplation. Un simple moment où les choses prennent une autre dimension et d'autres couleurs.
La tristesse n'est pas forcément sombre, elle se teinte et se pare de couleurs singulières couleurs du temps, couleurs de l'âme.
Oui, je ressens la tristesse intensément, qui s'empare de moi, de mon corps et de mon âme. Je la lasse venir et accueille cette nouvelle amie comme une expérience  nouvelle, un lâcher prise qui fait du bien.
Je la laisse aller, ici et là dans mes pensées. D'où vient ce sentiment, cette sensation ? Je n'en sais rien et à quoi bon savoir ?
Est-ce si important ? Elle coule dans mes veines et dans les larmes qui viennent enfin soulager ma peine. 
Car on ne dit pas sa peine, on ne dit pas non plus son chagrin, ni sa tristesse
C'est indécent.
C'est un cadeau de l'éprouver, de l'accueillir et de se laisser guider, de ne plus conduire ses émotions, ses sentiments. C'est un cadeau qu'il faut s'offrir.
Comme les larmes qui coulent lentement, sans faire de bruit, sans faire de mal, comme les mots qui se mettent à danser sur les pensées. 
Tristesse. 
C'est une fragilité extrême, une vulnérabilité absolue, un être à nu. Enfin :  Une expérience de l'absolu, et de l'inconnu 
J'accueille avec bonheur ce que toujours j'ai repoussé, mis à la porte de mon être par peur de je en sais quel danger. 
Je sens que j'ai touché là quelque chose qui n'a pas de prix, la tristesse, un sentiment, une émotion infinie.
Je me sens libre, il n'y a plus rien à redouter, il faut vivre, lentement, aujourd'hui avec joie, bonheur, tristesse
Avec cette élégance de la tristesse

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

vendredi 19 mars 2021

Stolen dream




C'est une bouteille à la mer 
Une histoire d'amour éphémère
Une parenthèse hors de l'enfer

Stolen dream

C'est deux êtres dans la tourmente
Qui n'ont plus rien à perdre
Qui veulent aimer encore une fois

Etre vivants
Stolen dream


La pulsion de la passion  
Arrachée aux ruines du Chaos

Un court instant volé 

Quelques heures arrachées
A une vie amère
Qui se désespère

Qu'on ne peut plus supporter
Faire voler en éclats la morale et la doxa
Pour s'offrir ça 

Encore une fois
Stolen dream

C'est une caresse et une passion
Un cri, une rébellion
L'instinct furtif et fugitif
De la magie de l'illusion
Se toucher, s'embrasser et s'aimer
Sans demander la permission 

Comme dans un monde oublié
Un monde enfoui, qui s'est enfuit dans la nuit.

C'est une bouteille à la mer et si tu passes par là !
Ouvre là !

Stolen dream
Une dernière fois


Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch




 

dimanche 21 février 2021

Journal d'Yreine, 1



J'ai longtemps hésité à mettre ces mots en ligne, ils appartiennent à Yreine et à elle seule, elle ne les a écrits que pour elle, dans le désordre qui fut celui de sa vie. Une vie qu'elle a passé à mettre en ordre, à assembler les morceaux d'un puzzle éparpillé aux quatre coins du monde des vivants et des morts. Ce journal n'est pas toujours daté, il a été écrit au fil des émotions, du temps, des humeurs.

Lundi
Début de la semaine, début du récit de ma vie, ou du moins de mon histoire. J'ai choisi d'écrire sous le nom d'Yreine, ce n'est pas celui de mon état civil, mais celui que ma mère avait choisi pour moi, à ma naissance ou avant je ne sais plus. C'est elle qui me l'a dit un jour, et puis non, ce ne fut pas Yreine, mais un autre, choisi par un inconnu, un étranger, un homme a qui je dois la vie, une vie vaut bien un prénom !
J'ai souvent pensé à ça, longtemps, car je ne me suis jamais vraiment senti à ma place, jamais, pas plus dans ma famille que dans la vie. Enfant, j'étais cette petite fille étrange qui ne ressemblait à personne. "Mais à qui donc ressemble cette enfant ? " Je me souviens de ces mots, qui résonnaient déjà à mes oreilles mais dont je ne comprenais pas le sens. Plus tard j'ai compris que c'était une chance de ne ressembler à personne, et j'ai misé toute ma vie là dessus. Bonne mise, et ma grand mère ne m'y avait-elle pas encouragée "tu as des défauts, cultives les : c'est toi."
La Perfection, avec une majuscule, être parfait, différent, autre que tous les autres. Le refrain de mon enfance. Je n'ai guère eu de mal, car je suis née différente. Mais il fallait être parfaite, la meilleure, la première de la classe. Pousser l'effort encore, toujours plus. Heureusement, j'étais une bonne élève, dont on pouvait être fière, sauf quand mes résultats n'étaient pas à la hauteur de ce qui était espéré. Je me souviens de ces repas de famille où mon cahier de notes était convoqué, commenté, où j'étais le point de mire de ces adultes jugeant, hautains et sans pitié. C'était terrifiant pour la petite fille que j'étais. Heureusement il y avait ma Tante, ma Rose d'amour celle qui n'avait pas d'enfant, celle dont la petite fille était morte à la naissance. Cette femme magnifique qui a trainé toute sa vie son chagrin de mère morte à défaut d'enfant né. Elle m'a aimée et était mon refuge dans cette torture à la quelle elle seule mettait fin. 
Tout ça est un peu en vrac, mais la vie c'est ça, les souvenirs et la mémoire aussi, ça va, ça vient, on tire sur la bobine et tout se déroule.

Yreine ça sonne mieux, ça me va bien, je me demande pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt. J'aurai du mettre les habits d'Yreine pour entrer dans la vie, m'y installer, peut-être cela aurait-il été différent. Je n'ai aucun regret, de rien, et c'est bien. Mais la redécouverte de ce prénom qui aurait du être le mien est comme un soleil, un de ces soleils qui apparait après l'orage, qui chasse d'un coup les nuages sombres obscurcissant le ciel. Une magie, "Comme un voile qui s'est levé" avait dit Mme de Longueville à propos de son retour à Dieu. Ce n'est pas anodin, rien ne l'est. Les liens enfin se tissent à l'endroit, l'ouvrage prend forme, même s'il doit aller rechercher des bouts de fils ou de laine laissé là depuis longtemps. Patchwork ou pas, l'inabouti sera abouti, parfait ? Je ne sais mais tout s'assemble enfin.
Il est tard, je ne vais pas tarder. Je ne sais comment sera ma nuit, encore, peuplée d'étranges étrangetés, sûrement. Ces voyages au pays des songes se révèlent parfois intenses, cauchemardesques, presque effrayants. Ils me hantent la journée. Mais je voyage au gré des maisons habitées ou inventées pour mettre en scène le non abouti, le fantasmé ou l'espéré qui n'est jamais venu. Je me réveille chaque matin différente, parée de cette expérience singulière aussi, que j'aime et redoute à la fois. 
La journée ne fut ni belle ni laide, elle fut.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch

 

samedi 30 janvier 2021

Faire sens !



Tout est question de sens, le bon sens, le sens commun, donner du sens, faire sens. En un mot : comprendre.
Pour comprendre ce qu'il arrive, ce que nous sommes, ce qu'il se passe, il faut que  la situation l'événement,  fassent sens, c'est à dire que ces derniers ait été appropriés par le sujet qui le vit ou en est témoin. Qu'il lui soit intelligible et qu'il puisse le mettre en mémoire. S'en souvenir.
Le sens est la raison d'être de notre existence et de nos actes, c'est pouvoir donner une explication, une justification à ce qui arrive, quelle en est l'origine, la source ? Car il faut bien un socle, un fondement qui permet la compréhension de ce qui arrive, de l'action. Le sens c'est une valeur fondamentalement humaine, elle s'inscrit dans un cadre légitime et raisonné, ordonné permettant de rassurer le sujet humain, au moins un peu. 

Le sens c'est de l'ordre mis dans le Chaos, l'ordonnancement de l'Origine où tout était désordre et pagaille. Un cadre raisonné, ordonné et intelligible.

Donner du sens, c'est alors comprendre.

Comprendre : c'est d'abord faire sien un savoir, une connaissance, l'assimiler. Pour  Descartes, il s'agissait d 'embrasser par la pensée". Il faut recevoir mais surtout pouvoir se représenter ce savoir ou ce concept. Cette représentation nous permet de saisir le rapport de signification existant entre ceci et cela. C'est aussi être en mesure de se référer à notre histoire, à notre propre savoir afin d'élaborer cette représentation, la modifier, la conforter et peut-être la remplacer. Une opération intellectuelle, cognitive mais aussi et surtout émotionnelle (en ce qui concerne par exemple le travail de mémoire, collective et individuelle). Souvent pour comprendre nous avons besoin d'explications, c'est à dire de mots, de phrases servant à relier 

Faire sens c'est donner du sens à sa vie, c'est comprendre, c'est être acteur, c'est être dans le monde qui nous entoure et en saisir dans une juste mesure les enjeux.
Alors qu'est-ce qui cloche, lorsqu'on entend "mais ça n'a pas de sens, aucun sens, c'est absurde"
Il est donc impossible pour le sujet de relier son savoir à ce qui arrive, il ne comprend pas, il n'a pas "le mode d'emploi" aucune représentation, aucun modèle ne correspond à ce qu'il est en train de vivre, aucun fonctionnement, rien ne peut se raccorder à ce qu'il a appris, vécu, connu, retenu. Il est perdu il ne peut plus rien ajuster car ce qui se passe ne correspond à rien, n'est jamais advenu. Il n'y a plus de référence, plus de sens. Ce qu'il vit, ce qu'il subit est pour lui devenu incompréhensible, inintelligible, indéchiffrable, inconnu. 
Ne plus faire sens c'est retomber dans les affres du Chaos et du vide. C'est ne plus rien comprendre car quoi qu'on fasse il n'y a rien, plus rien si ce n'est que le Néant. Alors à quoi bon ? Pour quoi faire ? 
Ne plus donner de sens, c'est se demander à quoi sert la vie, l'existence si elle est bridée, soumise à des lois et des règles qui ne veulent rien dire, qui ne sont justifiées par rien ou par tout et son contraire.
Nul ne peut donner du sens aux injonctions paradoxales qui n'ont pour seul but que de rendre l'autre fou, c'est à dire de lui faire perdre tout sens commun.
Car si plus rien n'a de sens : comment comprendre et expliquer puisque ce gouffre est l'espace de l'absurde ?

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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