Il me raconte sa solitude depuis 10 ans. Dix années que sa femme est morte, dix années qu'il est tout seul dans cette grande maison, ce grand jardin.
Dix ans que tout est trop grand pour lui : La maison, le jardin mais surtout le temps dont il ne sait plus que faire.
Son unique enfant est loin, il vient de voir chaque mois, passe quelques jours auprès de lui.
La semaine ça va à peu près, mais le "dimanche madame, le week-end c'est dur"
Plus personne ne vient le voir. Ses voisins tout près lui disent qu'il ne fait que se plaindre, qu'il devrait être content, il va bien, est en bonne santé, s'occupe bien de tout, et tout est en ordre, propre, arrangé, la pelouse tondue, les haies taillées. Qu'il a une bonne retraite, pas de soucis d'argent.
"Mais comment pourraient-ils comprendre eux, puisqu'ils sont deux"
En effet que peut-on comprendre à la solitude quand on est deux ?
Il maintient tout de même sa vie, se lève, "les matins sont durs, il faut encore faire une journée". Pourtant il se fait à manger. "mais c'est bien triste de manger seul"
Il m'explique que tout est triste, manger, regarder la télé, aller faire les courses, le marché.
Il y va de moins en moins, pourquoi faire ? Avant il aimait aller au restaurant, "je n'y vais plus, tout seul au restaurant ? Ca ne ressemble à rien, tout le monde vous regarde... alors je reste chez moi.". Il ne va plus nulle part ou presque.
Je passe presque chaque jour devant chez lui lorsque je promène mon petit chien, parfois il est dans son jardin et nous bavardons. L'autre jour il me dit tristement qu'il envisage de partir, bientôt, qu'il devient vieux même s'il est encore valide il pense" qu'il est temps ". Tout en disant ces mots, il caresse mon petit chien qui lui fait la fête. Il ajoute que son chien est mort lui aussi, et qu'il n'a pas repris de chiot car il va 'mourir bientôt un jour proche" et qu'il ne veut pas le laisser tout seul".
Je ne dis rien je l'écoute, et je dois retenir mes larmes.
Nous nous disons aurevoir et à demain ou à bientôt. Ces rencontres, ces paroles et ces mots sont précieuses.
"La solitude, c'est ça Madame, c'est manger seul, dormir seul, se lever et se coucher sans qu'il n'y ait personne dans la maison".
Il reste digne.
Je sais, je partage, je comprends, je la vis chaque jour. La solitude est cruelle, terrible et terrifiante. L'autre nous manque, et nous attendons ? Mais quoi ?
Longue et interminable attente.
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch
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