Psychanalyse Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 12 juillet 2025

Valse dans la Tempête.




"Tu écris comme d'autres respirent c'est vital pour toi"

Oui c'est vrai, chaque mot est un souffle une respiration, 
C'est le vent dans mes cheveux
Le soleil  brulant sur ma peau 
La neige qui crisse sous mes pas
La pluie sur les vitres
Les flaques qui claquent quand je marche en dansant
Et en riant
C'est une danse dans la tempête et l'ouragan

Ecrire c'est tout ça

C'est une danse.
Ephèmère, évanescente, parfois indécente
Ecrire c'est danser avec le vent et la pluie, le solei et l'orage, la neige et le froid, dans le brouillard et la lumière
Où que je sois il faut que je danse, que j'écrive encore et encore
Ecrire pour moi c'est vivre
C'est aimer

Alors tu me demandes.

- "My forever, écris sur nous, dis moi ce que je n'ai pas entendu ce que je n'entends pas Que je refuse d'entendre. 

Dis que si je suis un soldat je peux aussi être un père, un mari, un amant,

Dis-moi ce que je tais,
ce que nous gardons en silence.

Je t’écoute, même si les mots me fuient pour parler d’amour,
de vie, d’intime
."


"My beloved
Je me souviens de tes lettres du bout du monde
 
Que j'attendais impatiemment 
et ouvrais le souffle suspendu

Tes lettres griffonnées 
sous la toile d’une tente,
portaient la vérité et la rudesse d’un soldat
mais s’habillaient d’une tendresse infinie.

Tes mots de soldat étaient aussi aussi ceux d'un amant
tu  les écrivais sans détour et sans fard
Toujours avec tendresse, passion et douceur

Tu me disais ton mal de moi, ton désir, clair comme une flamme dans la nuit..
Tu me disais tes caresses.
Tu parlais de nous, 
De notre passion, 
de cet amour qui brûlait sans se consumer.
Je te lisais,
je t’écrivais,
et nous dansions, à travers les mots,
et nous dansions, par-delà les distances,
dans une valse d’encre et de lumière.
dans une étreinte de papier et d’encre.

Ecrire c'est ouvrir son coeur

Se dévoiler avec pudeur
Meme si la violence de la passion nous égare

Ecrire c'est laisser les mots danser comme des caresses,
légers, ardents, frôlant l’âme et le corps.

Ouvre-moi ton âme,
dis-moi que je te manque
que cette fois tu seras seulement mon amant


Pourquoi taire cette lumière,
cette joie sacrée d’aimer ?
Il y a du divin dans nos élans,
de l’amour dans chaque battement de cœur.
Ouvre-moi ton âme,
Donne moi un éclat, une étincelle de ton âme.

Dis moi encore que tu ne partiras plus
Que tu ne veux plus de cette solitude sous ta tente dans le désert ou ailleurs
Que je te manque,
Que je suis ton Heimat 
Que tu reviendras

Que cette solitude même si elle s"efface à la pensée de nos retrouvailles tu n'en veux plus.
Dis moi que c'est la dernière fois

Même si ce n'est pas vrai.

Je sais que tu repartiras.
Et je m’en fous.

Tu me demandes,

Mais je ne peux rien promettre.
Rien, sauf une danse.

Prends ma main,
laisse la danse nous emporter.
Viens.
Dansons encore.

Brigitte Judit
Crédit photo @brigittedusch



mercredi 9 juillet 2025

Ma déclaration de Liberté




«  Alors my beloved comment fais-tu pour m’aimer, toi qui refuses les chaînes et vises toujours l’abîme de ta liberté ? »


Bien sûr que c'est une déclaration de liberté existentielle, la mienne, celle de ma vie, de ma question d'exister au monde, d'être ici et maintenant. 

Je sais également que c'est un refus des attentes sociales, de ces normes imposées, de ce cadre nécessaire mais que je sais faire exploser quand il me semble ne plus l'être. Il faut parfois repousser ses limites, sortir d'un cadre quand on se sent trop à l'étroit.
Et je n'hésite pas. 
Je n'hésite que rarement

Je clame, revendique depuis ma naissance mon droit d'exister, de ne pas dépendre d'une temporalité ordonnée en faisant voler en éclat tout ce carcan qui rytme une mascarade sociale qui m'est étrangère.

Non que je sois en conflit avec l'ordre social, mais une fois encore quand ce dernier devient grotesque ou trop étriqué j'ai toujours su m'en affranchir
Peut-on s'inscrire dans un monde structuré quand ce dernier n'a pas de sens ou ne tient pas ?

Ou bien doit-on entrer en conflit avec l'ordre langagier et les codes partagés au sein d'une société qui n'est qu'un mauvais vaudeville ?

Faut-il alors opter pour la pulsion de mort ? et s'enfermer ad vitam aeternam dans l'angoisse mortifère de la clôture ?

Non je préfère de loin m'inscrire dans le désir, pas le désir de sécurité de l'autre, fixé, cadré, prévu du début à la fin, un plan qui doit se dérouler sans accroc.. et si ce n'est le cas, il y a un plan B ou C... La simple pensée de cette idée réveille chez moi l'angoisse de mort, la mort du désir, le meutre de ce dernier avant meme qu'il n'ait le temps de naitre. Tué dans l'oeuf.

Vivre pour moi, c'est désirer, être dans le mood, le mouvement, l'incomplétude et le manque. Aucune complétude n'exsiste, ce serait stérile, ce serait la mort.
Inconfortable ? Certes mais réconfortant.

Le désir est un moteur, il est la vie, ce dans quoi je me suis inscrite dés ma première rencontre avec le monde.

La vie c'est le vertige,  la proximité avec l'inconnu et l'abime, l'émergence d'un réél qui peut d'un coup d'un seul basculer dans l'irréel qui deviendra alors réel. Il deviendra alors pour moi un espace nouveau où je pourrais me recréer, encore et encore sans fin.

Tu me demandes comment je peux aimer, t'aimer alors que je suis sur une corde raide, un funamble sans filet qui flirte avec les possibles transgressions des lois de l'univers.

Mon amour pour toi est ce qu'il est, comme il est, mais il est. Oui je sublime le désir. je n'ai jamais ressenti ce besoin de posséder l'autre, ni d'en être possédée.. L'amour ce n'est pas ça.

Oui j'ai ce besoin d'érotiser le présent, et de transformer mes pulsions, un Eros très fort. L'amour est une création.

Tu sais aussi que la fusion est pour moi synonyme de confusion, cette angoisse d'être absorblée, engloutie, débordée, alors que je n'aspire qu'à rester un sujet vivant, un sujet du désir, ouvert à l'impermanence au risque de ne jamais être fixée définitivement en un lieu, en un coeur.

Je navigue entre mon désir et mon angoisse, le besoin de l'autre, toi et le refus de me perdre.
Je suis un sujet humain en résistance.

Brigitte Judit
Crédit photo @brigittedusch

dimanche 6 juillet 2025

Mon Petit Sabra



Ce texte est le fruit d'une longue gestation est d'un accouchement dans le sang et les larmes. C'est un cri, celui de mon coeur, mais il était nécessaire, essentiel pour la paix de mon âme
Je suis venue ici pour en finir avec les derniers fantômes, terminer une mission en suspens depuis des décennies, solder des comptes, elle me revenait donc de droit.
Je l'ai menée à bien, il restait encore quelques fantômes, non qu'ils me tourmentaient mais ils devaient être parlés, mis en mots... J'ai mis du temps, quelques décennies, ils ne soulagent en rien la douleur de la perte et l'immense chagrin que j'éprouverai toujours. Mais si je peux trouver un peu de paix ?
Je suis morte ce jour là, ma vie, mon âme, mon coeur sont  restés là bas, une étincelle de moi pourtant s'est réveillée et s'en est allée, débris d'une âme errrante, qui ne cesse de wagabonder (Le w est un lapsus , il a toute son importance) sans jamais trouver de port.
 Je suis une âme en exil comme mon Peuple... 
Je suis de passage ici et ailleurs, je ne peux pas me fixer, car ce serait mourir et je suis en vie, en sursis, alors j'aime la vie, j'aime cette vie, j'aime ma vie, comme elle est.
J'aurai pu mourir mille fois, j'ai vu la mort en face mille fois elle n'a pas voulu de moi, sans doute D. a t-il un programme ? je m'y soumets volontiers, je suis son humble servante et je ne reconnais que sa Loi
Ainsi je considère que chaque matin lorsque je me réveille, c'est du bonus.. je suis en vie et j'essaie de faire du mieux que je peux pour me rapprocher de mon créateur.. Avec amour, humilité, tendresse, rire et humour.

Maintenant je peux partir, sans plus jamais revenir

Ce que j'écris ici est un chant, un Kaddish d'amour
Un témoignage d'âme


C'est un cri ancien, une douleur muette 
Une tentative désespérée de conjurer la perte première

C'est une lettre à mon fils, un chant, une prière.
Je suis le sujet, et non l'objet du manque,
Je porte une parole qui le traverse.

Tu étais notre promesse
L'avenir, le notre, celui des Notres.

C'est pour ces raisons que nous sommes partis
Ton papa et moi
Sur cette Terre que D. nous a donné
Pour vivre
Fonder une famille, t'aimer, de voir grandir


Tu étais notre promesse
Notre joie, notre espoir, notre Hatikvah


Mon enfant, mon Bébé, mon petit Sabra, mon Etoile 
Il est temps que je te racontre notre histoire et la tienne 
Ta très courte vie
J'ai essayé maintes et maintes fois,
A chaque tentative j'ai renoncé
Les mots me manquent pour dire ce malheur, cette tragédie
Cette douleur, cette abîme de souffrance, ce vide rempli de desespoir

Tu es un enfant de l'amour
Celui de deux êtres, deux âmes qui se sont reconnues et aimées au premier regard
Une rencontre improbable dans un lieu étrange où ils ne devaient pas être. 
J'étais si jeune, il était si beau, si grand,
Je n'oublierai jamais ce moment, c'était hier, il y a cent ans, il y a mille ans...
C'est maintenant, C'est toujours, à chaque seconde,

J'essaye de te dire, mon enfant, mon Amour, mon Tout Petit, car toi seul a le droit de savoir qui étaient tes parents...
Mais il me faut encore un peu de temps.. S'il te plait

Le temps nous en avons, 
Notre temps c'est l'Eternité.

Tu avais toute une famille qui t'attendait,
Celle de ton papa, car la mienne déjà n'était plus.
Tu sais les Miens ont presque tous été assassinés dans les camps de la Mort.
Ils n'ont pas de sépultures.
Ils venaient des quatre coins de l'Est et de l'Empire Austro-Hongrois,
Ton grand père était Juif mais Allemand.
Il a échappé à cette horreur,
Ses parents ont fuis l'Europe quand il était bébé.
Sa famille Juive Hongroise a été exterminée.

Ton Papa, lui était Séfarade et sa famille m'a adoptée, 
Aimée dès qu'il m'a présentée 
"Voilà Yehoudit, celle qui sera mon épouse devant D.ieu"
Je l'ai éte le suis et le serai jusqu'à mon dernier souffle
Celui qui nous réunira tous les trois enfin 
Sur notre Terre où tu reposes prés de ton Père.

Tu étais l'Espoir "celui de notre Peuple,
"Cet enfant sera celui qui réunit enfin nos deux communautés "' disait ton arrière grand mère en nous serrant ton père et moi dans ses bras...
"Vous êtes si beaux mes Enfants"..
Tu étais attendu tellement !


Nous sommes partis tous les deux :
un aller simple pour chez nous

Ton papa avait choisi d'être soldat
Trés vite il à intégré une unité d'élite.
Servir son pays, le protéger pour que tu puisses vivre en paix
Que nous puissions tous vivre sur la Terre Promise
J'ai fait moi aussi mon devoir

La vie notre vie était simple, heureuse,
Nous t'avons désiré, et tu es venu
Nous étions heureux
Simplement heureux


Et puis

Un jour on a  frappé à la porte de notre maison.
Depuis ce jour là je ne supporte plus qu'on frappe à ma porte je crois mourir comme ce jour là à chaque fois, ce bruit est inscrit au plus profond de ma mémoire et de ma chair.

Oui mais tu étais là
Trop peu de temps
Vous n'avez pas eu le temps de vous rencontrer,
Ton papa n'a pas pu te prendre dans ses bras.

Je crois qu'on peut mourir de chagrin
Je suis encore en vie, mais une partie de mon coeur, de mon âme, de ma vie ne l'est plus
Elle est restée là bas..
Avec vous sur un coin de notre Terre où je suis chez moi
Elle y est bien je crois,

Quand la peine m'étouffe et que la vie me pèse, 
Je vous vois tous les deux danser au Gad Eden,
Cela m'apaise un peu.


Oui,on peut mourir de chagrin, mais je suis restée en vie car j'ai fait une promesse
La vie est un cadeau.
On ne refuse pas les cadeaux de l'Eternel.

Je suis devenue ce que je suis encore,
Autrement maintenant,
Mais comme ton papa,
Fidèle à la parole donnée, l'honneur, à notre pays jusqu'à ma fin.

Je n'avais rien à perdre, j'avais déjà tout perdu
Alors o
n m'a alors enseigné le prix de la vie, de la mienne et des autres
Et j'ai compris que la vie n'avait pour nous pas de prix.


J'ai agi toujours avec rigueur, discipline, violence parfois s'il fallait,
je n'ai jamais hésité un seul instant,
Dure, froide, déterminée, endurante je n'ai jamais crains l'effort ni les défis,

La vie ne tient qu'à un fil. Je crois qu'il était solide

Je ne me suis rien épargné
J'ai enduré la douleur
J'ai dépassée toutes mes peurs, 
Trop souvent mes limites, pour aller au delà de moi même
Sûrement pour expier de vivre encore,
Transgresser les interdits sans me retourner. jamais, sans êtat d'âme aucun.
Il fallait.

Mon Enfant,  mon petit Sabra sois fier de tes parents. 
Ton papa est tombé au combat pour défendre sa Terre, notre Terre pour que toi, tous les enfans d'Israel aient le droit de vivre en pays chez eux.

Nous avons été de bons Juifs, de bons soldats, de bonnes personnes je crois.
Ton père était croyant élevé dans la Foi Séfarade,
Moi je n'ai rien reçu, mais je crois  en Hashem et je prie,
je récite les prières que m'a apprises Ima ta grand mère,
Nous nous aimions profondément
Elle m'a enseignée ce qu' "être une femme Juive"
Ce que je n'ai jamais cessé d'être.

Je t'aime mon Fils, tu es l'ainé de mes enfants; ils savent qui tu es, leurs pères aussi l'ont su
Tu as deux soeurs et un frère. Une autre petite soeur aurait du venir au monde..

Rassure toi mon Enfant, mon Petit Sabra, mon Amour, mon Tout Petit, mon Coeur
Ma vie n'est pas triste même si les fissures de mon âme laissent s'échapper des larmes de sang
Chaque année je célèbre ton anniversaire, ce jour béni où tu as fait de moi une mère, ta mère qui t'aime au delà de tout pour l'étenité.


Sache mon Amour d'enfant,
Mon tout petit que tu vis en moi,
Vous vivez ton père et toi en moi, 
Chaque fois que mon coeur bat


Je pleure en y pensant,
En écrivant ces lignes.

Je remercie D.ieu d'avoir été aimée de ton père.
Mon Gibbor,
D'avoir été sa "Neschama"
De t'avoir porté et mis au monde
Ce bonheur a été trop court
Soyez benis.
Mais il a été. BH

Que vos mémoires soient sources de bénédiction

Yehoudit..
A toi mon fils, à toi mon Epoux
.

Crédit photo @brigittedusch, archives privées : carte postale de Messada adressée par mon époux de jour là (pour ceux qui savent ) 


mardi 1 juillet 2025

Danse avec l'impermanence



Sie sagt

"Tu me demandes.. ici ? Ailleurs ? Où ? Dans combien de temps ? ...

Mais toutes ces questions ne veulent rien dire pour moi

Tu me demandes encore ? demain ? Toujours ?

Mais ces mots n'ont pas de sens pour moi. 
Cette temporalité linéaire, ces repères qui sont les tiens me sont étrangement étrangers.
Demain ? c'est loin.. Je ne sais pas, je ne peux pas.

Je ne sais pas ce que je serai, où je serai, si je serai là, vivante ? Je n'en sais rien
Et je m'en fous

Toujours ?

Mais c'est la mort, toujours, cela signifie qu'il n'y a pas même l'espoir d'un demain, d'un après, d'autre chose, d'un ailleurs, d'un possible.
C'est une capitulation
Je ne me rends pas, je suis comme toi, un soldat, mais ce combat là est différent.
 
Te répondre : Non ne ne peux pas.

Je comprends, je sais que pour toi c'est difficile, impossible, que ça l'a toujours été et que ça toujours été ainsi pour toi.. 
Mais je ne peux pas te répondre car je n'en sais rien.

C'est ma musique intérieure, celle qui me berce à chaque réveil, chaque matin est un étonnement devant la vie, ce cadeau. précieux.

Ce qui représente une (pseudo) sécurité pour beaucoup est une terrible angoisse pour moi. Une angoisse de mort.

Définitif. Sans issue... No futur. 

Pour moi la vie, vivre ce n'est pas ça, vivre c'est le mouvement et l'impermanence, celle d'un demain qui danse au rthyme des notes que j'écrirais.

Demain est une symphonie.


Demain est à construire à inventer le jour même qui adviendra après celui ci, cet aujourd'hui que je vis au présent. Demain n'existe pas encore.


Moi, je veux danser avec l'impermanence et l'inconnu,  valser avec le vent et me laisser surprendre.


Et c'est dans cette danse que je t'aime, que je t'étreins mais je ne t'y enferme pas, ce n'est pas une géole, c'est un souffle : celui de la vie.

Je veux créer, inventer ce qui n'existe pas encore, créer ce moi que je ne suis encore pas, je veux devenir, je veux advenir. 
Je veux un vertige.


La fin, c'est la mort, se dire que ce sera ma dernière demeure, mon dernier amour mon dernier déménagement... Non c'est impossible

C'est vivre à huis clos.
C'est terrifiant
Ce qui est rassurant pour certain est terrifiant pour moi
C'est restreindre,fermer, clore, cloturer,  enfermer, corseter, interdire le champ des possibles
Et cela ne l'est pas pour moi
C'est comme faire la dernière valise
Prendre le dernier train

Pour l'ultime destination
Tu sais ce que cela veut me dire.

Brigitte Judit Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch


lundi 23 juin 2025

22 juin.


Il est venu me chercher ce 22 juin
Nous avions besoin de panser et penser nos blessures
Je crois
Il était venu déjà sans prévenir pour refaire "notre chemin à l'envers"
Nous avions marché, dans le silence
Avec pour toute parole : nos regards
Et quelques gestes de tendresse
Ceux de l'amour, 
Ceux que jamais l'autre n'oublie
Car il faut s'être aimé pour faire ça et s'aimer encore 
Je crois
Je lui avais demandé de me promettre 
De ne pas me dire, encore
De ne pas me parler de notre passé
De ce temps où nous nous sommes aimés
De ces moments que la guerre encore nous a volés
De sa vie qu'il avait choisi envers et contre tout, et tous
A nous oublier souvent, à penser à nous, de si loin

"Je me bats pour que ceux qui te ressemblent aient le droit de vivre " m'avait-il dit alors, oubliant sûrement que sa mère était marane.

La guerre est toute sa vie, c'est ainsi que nous nous sommes connus.
C'est là, à travers elle que nous nous sommes aimés

Pourtant je le savais, et le sais encore,

Ce n'est jamais bon d'aimer un soldat
Infernale répétition

La guerre, les missions, les opérations, partout, du moment que ce soit en enfer, il a toujours aimé défier le satan, c'est pour ça que je l'aime encore

Il disait qu'il ne repartirait plus. 
Je savais qu'il disait vrai à ce moment là, mais sa vie n'était pas avec moi, avec nous
Il m'écrivait qu'il reviendrait.
Il m'écrivait "attends moi, je t'aime"
Il m'écrivait que j'étais son refuge. Lequel ? je ne sais pas, il n'était heureux qu'en conduisant ses foutus blindés, les seuls avec qui il faisait vraiment corps.

Aujourd'hui je m'en fous, j'étais heureuse qu'il vienne, qu'il soit là, il a su que je ne pourrai pas la vivre seule cette journée cette fois, il est le seul à savoir ça, à tout savoir de moi car on se ressemble.. 

Il n'avait pas promis mais il ne m'a pas dit cette fois "je n'aurai pas du... je regrette...'

Il m'a dit "je veux prendre soin de toi, te protéger de la guerre, te protéger de tout,  je veux être là, maintenant.. Si tu veux, si tu peux, si tu m'aimes, si tu m'aimes encore , si tu m'aimes toujours."

Je n'ai rien dit, j'ai pleuré, pleuré, toutes les larmes d'une vie, de mes vies, toute les larmes que peut contenir une vie je crois.

Il n'a pas toujours été là, j'ai tremblé bien des fois, à chaque fois
J'ai passé et passe encore ma vie à trembler... 

Ce n'est jamais bon d'aimer un soldat
Foutue répétition

Il a été là pourtant quand j'ai soufffert, sans le dire, discret... mais là, je sentais sa présence.. cela me suffisait.

Il était là ce 22 juin, tremblant pour moi, il n'en menait pas large ce jour là, mon bel officier, mon fier tankiste, tout pâle, pleurant devant ce bébé si petit, notre fille.. 
Il a été un bon père, nous avons été de bons parents je crois.

La vie est cruelle, parfois souvent
Mais un enfant lie deux êtres pour toujours quoiqu'il arrive.

Il m'a dit comme la dernière fois "prends tout le temps que tu veux, que tu voudras, qu'il te faut, qu'il te faudra...je ne suis pas pressé, je t'attends........ Depuis tellement longtemps".

Il m'a pris dans ses bras, je crois que je me suis endormie.

Il m'a regardée et pour la première fois m'a dit
'Pardon"
Cela change tout..........
Ce serait tellement plus simple
Si je ne l'aimais plus.

Brigitte Judit Dusch.
crédit photo @brigittedusch



mardi 17 juin 2025

Le vieux soldat




Il ne m'attend pas et n'attend personne...Je crois
Ce matin là l'équipe me demande si je ne peux pas aller "voir" un patient, que personne ne vient "voir"
Il ne reçoit jamais de visite...Et pour eux c'est inquiétant..
"Ce n'est pas normal..."
La norme encore une fois convoquée...
La norme étant de recevoir des visites quand on est hospitalisé et que son état est grave
Alors pourquoi pas la mienne ?
Pour rassurer l'équipe, plus que le patient, qui lui, ne demande rien. Ne veut rien, semble t-il.

Il est là depuis quelque temps déjà m'explique t-on et il n'y a personne à prévenir, pas de téléphone d'adresse... Ce serait bien si...

Alors ce matin là, je frappe à la porte de Monsieur M. lui demande si je peux entrer et me présente.
Il ne dit rien, puis sourit !
"Vous n'avez donc rien à faire que de venir parler à un vieux soldat ?"
Un vieux soldat, voilà donc comment il se définit, parle de lui...
Il me regarde longuement puis s'excuse de ne pouvoir se lever.
Asseyez vous me dit-il.
Silence...
Il est là, allongé dans son lit, fragile, pourtant il émane de son regard un volonté de fer une sorte de courage, celle du combattant qui cherche encore à en découdre !

"Vous avez du temps à tuer ...?" me dit-il

Il se met à rire... "Parce que moi le temps, je l'ai trop tué, alors il se venge, c'est lui qui me tue maintenant, le salopard, pourtant je suis un dur à cuir un coriace j'en ai mis à terre des pas faciles, mais lui ! "
Il soupire, ses yeux semblent perdus dans des souvenirs, endroits lointains et singuliers.

"C'est un combat voyez vous, une lutte à mort, mais cet enfoiré à gagné il le sait... Mais je ne créverai pas à genoux..."
Il soupire encore  !
"Cette saloperie va me tuer, je le sais bien, mais je suis un soldat, et je me bats encore, je me bats, pas pour sauver ma peau, car elle ne vaut plus rien, mais parce que l'ennemi est un bon, un dur, comme moi, le combat en vaut la peine".
Je ne dis rien.
Il me regarde encore, me dévisage, puis me lance :
"Vous savez ce qu'est la guerre...  ." 
Ce n'est pas une question... 
C'est une affirmation.

Puis il me raconte... la guerre, sa guerre, la mort, le sang, l'odeur, la puanteur, les cadavres, la violence mais aussi les enfants, les civils, la vie, les rires. Tout se mélange. Il parle, parle, parle.. Sa voix tremble parfois.
Vie et mort, mort et vie.
Encore, toujours.

Il parle de lui, me parle de lui, de sa vie... De sa famille qu'il a "laissée, abandonnée" dit-il.
"Mes enfants, je n'ai pas de nouvelles, je ne leur donne pas de nouvelles, je ne les connais pas finalement, je ne les ai pas vraiment vu grandir, c'est ma femme qui s'en est occupée, puis elle est partie, ils sont partis..."

Il parle, parle..; de la vie, et de la mort, de la sienne qu'il sait proche, qu'il dit proche, qu'il sent proche
Il ne veut pas finir ici, dit-il.. "C'est pas digne !"
Il aurait voulu mourir à la guerre, dans les embuscades, en réalité il dit avoir voulu aller à la mort tout en restant en vie. une sorte de pari, un coup de poker aussi, la mort au tournant, au bout du chemin et le désir, la volonté de ne pas mourir ! Car on ne meurt qu'une fois.
"La mort fait partie de ma vie, la mienne et celle des autres ! C'est comme ça !"
Mourir, "si vous saviez combien j'en ai vu des morts ! On ne s'y fait jamais. Les Frères tombés là bas, ceux revenus à moitié foutus, car on est foutu de l'intérieur, plus bons à rien, bons à crever.... "


Vie et mort, intiment liées, l'une et l'autre, ce Thanatos qui rend l'Eros désirable, vivant. Jouissance !
Il ne veut pas mourir ici, c'est tout, il ne veut pas mourir sur ce territoire qui n'est même pas "ennemi" neutre, sans saveur, sans rien, aseptisé.
Il me parle, il se parle, il parle, il parle sa vie et il parle sa mort, il parle sans fin, il parle la fin.
Il me dit que sa mort lui est volée et qu'il ne supporte pas cette idée, que c'est triste, indécent.

Il sait que je comprends. Je lis dans ses yeux. Dans son regard
Il saisit ma main et la serre très fort, me demande d'approcher, et me chuchote... Il sait que je ne peux pas.
Il sait aussi qu'il peut rentrer chez lui
Il sait que je peux demander ça.
Il sait tout ça et je sais aussi
Il sait que quelque part on lui doit ça. 
Il sait... 
Je sais..
Nous savons...

Il me dit qu'il aurait du mourir avant. Mais avant quoi ?

M. M a demandé sa sortie "contre avis médical". Il a demandé à me voir
Il ne m'a rien dit, il ma regardé, il m'a souri
Je l'ai regardé, je lui ai souri
Nous nous sommes regardés
Nous nous sommes souris
Il m'a serré dans ses bras, très fort, comme le frère d'arme qu'il était
Il m'a chuchoté...
Il m'a dit merci...

Brigiitte Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine.


vendredi 14 mars 2025

Au commencement était la Perte



"Au commencement était la Perte"


Ainsi il y en  va de la Vie, vivre c'est perdre puisque c'est quitter, abandonner le ventre de la Mère. 

C'est advenir au Monde


Faut-il accepter de perdre pour naitre et vivre ?
La naissance ; scène originelle, défusion de la mère et du Tout inscrit le sujet dans l'Humanité, mais aussi dans la peur, celle de la perte et de  l'angoisse de la séparation.
Il y a ce sentiment de part et d'autre, le vide ressenti de l'intérieur mais aussi de l'extérieur, ce grand saut dans un inconnu vide de sens qu'il va falloir combler sans trop savoir comment. 
C'est une violence, une séparation réelle, une rupture, une coupure traumatique parfois.

Ainsi la perte originelle serait-elle la perte de la place occupée dans la matrice par l'enfant qui advient au monde, à qui "on inflige ou on offre la vie " ?
C'est dans cette vie offerte qu'il va à présent devoir trouver sa place, encore faut-il la lui donner ou devra t-il la prendre ?

La perte est au coeur de la clinique psychanalytique mais au coeur de chaque être humain, car c'est elle qui le fait entrer dans l'Humanité.

C'est par là que se creuse la faille qui peu à peu le construit ou le ronge cela dépend, cela varie, en fonction de ce qui s'engouffre, de ce qu'il convoque, de ce qu'il ne voit pas, qu'il laisse s'infiltrer plus ou moins en conscience, mais il s'agit bien de cette impermanence permanente qui s'acharne parfois pour le détuire


La Perte se décline au pluriel avec pour dénominateur commun l'Origine, celle de notre advenue au monde.
Elle est au coeur du discours, de la pensée, de l'obsession parfois, dramatique dans la psychose où elle est un véritable trou dans le réel ce qui fait que le deuil parfois s'en rapprocher, j'y reviendrai à travers ce qu'en relate Primo Levi et Lacan.  Il y a là une dimension intolérable et insupportable dans la perte.

Perdre celui qu'on aime, un enfant, ses clés, la tête, l'amour, la vie.. Ce verbe a une quantité de sens infini mais une fois encore s'inscrit dans le manque de ce qui a été et qui n'est plus, qui peut se retrouver ou pas, mais pas comme avant, car l'avant n'a été qu'un frèle instant et n'existe plus dès qu'il a commencé à vivre.

C'est donc ça perdre ? renoncer à ce qui vient d'être et qui en un souffle n'est plus ? C'est laisser franchir le mot resté au seuil du langage pour s'exprimer,  c'est lâcher, perdre ses mots, les donner à l'autre afin qu'il les recueille et les assemble pour nous aider à donner du sens à notre existence.

Mais c'est aussi le noeud de la névrose, la quête impossible celle d'un retour fantasmé au Jardin d'Eden... Toute une vie à chercher pour retrouver cet avant pour vivre et oublier de vivre, s'oublier de vivre.. Un noeud qu'il faut lentement et patiemment dénouer, délier... patience, volonté, envie, désir ?

Est ce un Quête ? Cette quête là est futile est impossible, la seule quête véritable est celle de soi, partir à la recherche de soi, advenir pour devenir... 
Va, vis, deviens
Si tu le peux, si  tu le veux. 

Le passé s'il est regreté est une entrave, un empêchement, un enchevétrement des sens et des émotions  masquant le réel et notre désir de vivre. Il fait de nous un sujet empêché, aux prises avec ses manques, ses envies et ses désirs qu'il ne peut réaliser dans leur complétude... Même si toute notre vie, nous demeurerons un sujet incomplet à la recherche du manque.

C'est une errance au coeur de ce "Temps Perdu" qu'on s'évertue à retrouver pour s'y noyer et qui ne sera plus que dans nos souvenirs souvent tronqués...Le temps illusionné pour nous permettre de rester debout... 

Faire le chemin à l'envers dans un univers qui n'existe plus que dans notre Mémoire. 


Subir ? Accepter ? Métabiliser la perte, car plus jamais ce qui a été ne sera. Il ne pourra être que différent, mieux peut-être car nous savons, car nous avons appris... aussi à vivre avec ce manque de l'objet, mais de l'Etre.. 

Du manque de l'autre, de celui qu'on a aimé, on ne se remet jamais, jamais vraiment même si la vie se poursuit.. Quand même, malgré. Cette perte là est une blessure qui ne ne peut se fermer, dont on maintient la béance et qui s'ouvre à chaque instant, c'est un fantôme, une ombre qui fait partie de nous pour toujours. C'est la perte d'une partie de soi.. une amputation. 

Et il faut faire la route, parfois cahin caha, mais en avançant aussi longtemps que l'on pourra. Dans une attente, celle d'un rendez vous dont nous ne sommes pas même sûr, dans un inconnu dont personne ne revient.

Brigitte Judit Dusch,psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch


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