temps, le temps et rien d'autre, le tien le mien*
Il n'est rien d'autre que s'il est mien, le temps.
Le temps est singulier, il n'appartient à personne et il n'est pas question de l'emprisonner, il fuit et se sauve plus ou moins vite mais souvent jamais comme on le souhaiterait
Ce temps volé, ce temps imposé
Ce temps que j'ai subi, hors de moi et contre moi, celui de l'autre et des autres qui m'ont entrainée dans un tourbillon, une espèce de cascade qui s'emballe, m'enroule dans ses flots, me ballote d'une rive à l'autre sans jamais me laisser le temps ni la force de m'accrocher à une branche pour retrouver du souffle
Je suis harassée par ce voyage, ce tempo qui n'est pas le mien, ce tsunami qui m'a enveloppé sans que je ne prenne garde car sidérée, traumatisée par l'effraction de mon être tout entier
Je n'en peux plus et je n'en veux plus
Il n'y a rien à dire, rien à pleurer, rien à maudire..
Pas de mot à dire.
Il ne reste qu'à sortir de l'eau et tenter d'accoster, s'accrocher à une branche, faire un effort et ne plus se laisser porter, ni par la vague, ni par l'illusion.
Je n'ai rien vu venir, on ne voit rien venir.
Envahi par la peine, le chagrin, la colère, tétanisé devant un réel violent, brutal, être mal mené sur des chemins glauques et sinistres, être entrainé par des forces sorties de l'humanité, être absorbé par la fureur de l'autre
Etre anéanti.
C'est l'entrée dans le Néant, celui des Enfers. Une porte qui s'ouvre et t'absorbe sans même que tu ne réalises où tu es, dans quel désir, dans quelle tornade tu es enseveli, pris dans la nasse d'un filet sordide qui te contraint et te soumet à un temps qui n'est pas le tien
Le temps, histoire de temps et de tempo
Histoire de soi, histoire qui peut très mal finir parfois
Entrainé au fond du gouffre, pris dans le temps de l'autre, il n'y a rien à faire, pas de place pour penser, pour savoir, pour donner du sens à ce qui arrive, à ce que tu subis. Malgré toi
C'est la quintessence de la violence, celle du "c'est pour ton bien" "je fais ce que je peux pour toi" te rendant ainsi redevable de la malatraitance dont tu es l'objer
Car de sujet il n'y a plus, il n'y a pas. Réduit à néant lui aussi tu n'existe plus tu n"est plus et tu baisses les armes, tu te rends, tu te laisses emprisonner et la torture est tellement insoutenable que tu admets, tu laisses aller, tu lâches prise, il n'y a rien d'autre à faire !
Horreur !
Tu deviens incapable de réfléchir, de dire non, ça suffit, "je ne veux pas ça". L'angoisse, le stress, la maladie te rendent incapable d'être toi, d'être un sujet pensant ce qui est bien pour lui
Réduit à néant et au vide, arrimé au désespoir de l'autre, il t'entraine dans sa chute si tu n'y prends garde.
Laisse-moi guider tes pas dans l'existence
Non, non et non, nul n'a le droit de laisser à l'autre le soin de guider ses pas et de décider de sa vie !
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch
* Charles aznavour le temps.
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