Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

vendredi 14 mars 2025

Au commencement était la Perte



"Au commencement était la Perte"


Ainsi il y en  va de la Vie, vivre c'est perdre puisque c'est quitter, abandonner le ventre de la Mère. 

C'est advenir au Monde


Faut-il accepter de perdre pour naitre et vivre ?
La naissance ; scène originelle, défusion de la mère et du Tout inscrit le sujet dans l'Humanité, mais aussi dans la peur, celle de la perte et de  l'angoisse de la séparation.
Il y a ce sentiment de part et d'autre, le vide ressenti de l'intérieur mais aussi de l'extérieur, ce grand saut dans un inconnu vide de sens qu'il va falloir combler sans trop savoir comment. 
C'est une violence, une séparation réelle, une rupture, une coupure traumatique parfois.

Ainsi la perte originelle serait-elle la perte de la place occupée dans la matrice par l'enfant qui advient au monde, à qui "on inflige ou on offre la vie " ?
C'est dans cette vie offerte qu'il va à présent devoir trouver sa place, encore faut-il la lui donner ou devra t-il la prendre ?

La perte est au coeur de la clinique psychanalytique mais au coeur de chaque être humain, car c'est elle qui le fait entrer dans l'Humanité.

C'est par là que se creuse la faille qui peu à peu le construit ou le ronge cela dépend, cela varie, en fonction de ce qui s'engouffre, de ce qu'il convoque, de ce qu'il ne voit pas, qu'il laisse s'infiltrer plus ou moins en conscience, mais il s'agit bien de cette impermanence permanente qui s'acharne parfois pour le détuire


La Perte se décline au pluriel avec pour dénominateur commun l'Origine, celle de notre advenue au monde.
Elle est au coeur du discours, de la pensée, de l'obsession parfois, dramatique dans la psychose où elle est un véritable trou dans le réel ce qui fait que le deuil parfois s'en rapprocher, j'y reviendrai à travers ce qu'en relate Primo Levi et Lacan.  Il y a là une dimension intolérable et insupportable dans la perte.

Perdre celui qu'on aime, un enfant, ses clés, la tête, l'amour, la vie.. Ce verbe a une quantité de sens infini mais une fois encore s'inscrit dans le manque de ce qui a été et qui n'est plus, qui peut se retrouver ou pas, mais pas comme avant, car l'avant n'a été qu'un frèle instant et n'existe plus dès qu'il a commencé à vivre.

C'est donc ça perdre ? renoncer à ce qui vient d'être et qui en un souffle n'est plus ? C'est laisser franchir le mot resté au seuil du langage pour s'exprimer,  c'est lâcher, perdre ses mots, les donner à l'autre afin qu'il les recueille et les assemble pour nous aider à donner du sens à notre existence.

Mais c'est aussi le noeud de la névrose, la quête impossible celle d'un retour fantasmé au Jardin d'Eden... Toute une vie à chercher pour retrouver cet avant pour vivre et oublier de vivre, s'oublier de vivre.. Un noeud qu'il faut lentement et patiemment dénouer, délier... patience, volonté, envie, désir ?

Est ce un Quête ? Cette quête là est futile est impossible, la seule quête véritable est celle de soi, partir à la recherche de soi, advenir pour devenir... 
Va, vis, deviens
Si tu le peux, si  tu le veux. 

Le passé s'il est regreté est une entrave, un empêchement, un enchevétrement des sens et des émotions  masquant le réel et notre désir de vivre. Il fait de nous un sujet empêché, aux prises avec ses manques, ses envies et ses désirs qu'il ne peut réaliser dans leur complétude... Même si toute notre vie, nous demeurerons un sujet incomplet à la recherche du manque.

C'est une errance au coeur de ce "Temps Perdu" qu'on s'évertue à retrouver pour s'y noyer et qui ne sera plus que dans nos souvenirs souvent tronqués...Le temps illusionné pour nous permettre de rester debout... 

Faire le chemin à l'envers dans un univers qui n'existe plus que dans notre Mémoire. 


Subir ? Accepter ? Métabiliser la perte, car plus jamais ce qui a été ne sera. Il ne pourra être que différent, mieux peut-être car nous savons, car nous avons appris... aussi à vivre avec ce manque de l'objet, mais de l'Etre.. 

Du manque de l'autre, de celui qu'on a aimé, on ne se remet jamais, jamais vraiment même si la vie se poursuit.. Quand même, malgré. Cette perte là est une blessure qui ne ne peut se fermer, dont on maintient la béance et qui s'ouvre à chaque instant, c'est un fantôme, une ombre qui fait partie de nous pour toujours. C'est la perte d'une partie de soi.. une amputation. 

Et il faut faire la route, parfois cahin caha, mais en avançant aussi longtemps que l'on pourra. Dans une attente, celle d'un rendez vous dont nous ne sommes pas même sûr, dans un inconnu dont personne ne revient.

Brigitte Judit Dusch,psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch


jeudi 6 février 2025

Orthographe : déni de sens.

 

Orthographe : déni de sens.

Cet article a été écrit le 6 février 2016, je n'ai pas changé un seul mot, déplacé une seule virgule.

Qu'en dirais-je aujourd'hui ?



Bien écrire les mots, mettre les lettres à la bonne place, respecter les accords et la ponctuation dans une phrase pour lui donner un sens.

Mettre tout un ordre. “Assembler façon puzzle”. Dire avec les mots, transmettre un message à l’autre. On écrit pour soi, parfois, mais aussi et surtout pour les autres, pour leur dire, les informer, leur demander. L’écriture est aussi une attente, celle de l’autre, de ses mots et de ses dires, de ses réponses ou de ses questions. Elle tisse, tricote ce lien indispensable à chacun. ll est donc question d’altérité, encore et toujours, d’où l’essentiel de se faire entendre et de se faire comprendre. Ainsi l’orthographe est une sorte de code, de contrat entre soi, la langue et l’autre. Une forme de civilité, de savoir être et de savoir vivre. Avec, l’autre, et soi. Nous faisons tous plus ou moins des fautes, la langue est truffée de pièges, d’astuces et de contradictions ; qui n’a jamais buté sur un accord ? un pluriel de nom composé. C’est l’occasion alors de vérifier, d’ouvrir un dictionnaire... A défaut un correcteur orthographique.

Simplifier l’orthographe : c’est à dire la manière d’écrire les mots pour les rendre... Comment au fait ? Les rendre plus légers ? Plus beaux ? Plus simples ? Plus faciles à écrire ? A prononcer ? Mais tous ces plus, entrainant des moins, fait l’affaire de qui ? Qui le demande ? Toucher à la langue, à la manière dont on la transcrit, dont on l’écrit n’est pas anodin.

C’est en réalité attaquer la base, les fondations d’une construction élaborée depuis des siècles, les mots sont des vieux messieurs et des vielles dames, issus de mots plus anciens encore. On ne maltraite pas les Anciens, on leur doit le respect, c’est aussi une valeur fondamentale.
Les mots sont comme nous, ils ont des racines, et c’est ce qui coince et fait grincer les dents. Et pour cause. Pour illustrer je reprendrai l’exemple de mon ami Alain à propos de l’orthographe du mot “imbécillité” avec deux L me précise t-il , n’en déplaise aux imbéciles; avec un l ; ce mot en prenait deux jusqu’en 1790.

L’Académie Française décide deux siècles plus tard de retirer ce l pour soit disant rendre plus cohérent les deux mots. Quelle aventure ! Cela peut sembler anecdotique, frivole, sauf que ! lmbécillité prend origine dans le terme latin “imbecillitus” qui signifie manque de force physique et de réflexion. Ce l, cette simple lettre ôtée d’un seul coup, coupe le mot de son étymologie, le prive de son sens, de sa racine et de sa sève. Le rend orphelin. En fait un “sans famille”.

Cet exemple illustre bien la métaphore du sens. La rupture du contrat, en prenant la langue, le mot et son écriture en otage. La privation de ce qui fait et donne ce sens : le socle d’une société, ses valeurs, ses lois et ses codes, quelque chose de confortable car c’est un cadre, des limites posées et rassurantes, qui permettent de nous comprendre. Vouloir trop simplifier n’est certes pas la solution de l’excellence ! Encore moins celle d’encourager l’effort. Ne plus donner de place et jeter dans le désordre ces voyelles et consonnes pour que plus rien ne raisonne ni ne résonne, sonne faux. Une fausse note encore qui en fera une addition salée. Une mise à mort sans jugement, une condamnation sans appel, infecte et indigeste sonnant le glas de la civilisation et entrainant l’Homme vers le Chaos. ll s’agit donc bien d’un acte politique qui ne dit pas son nom et se cache derrière une bienveillance perverse, mais ce ON n’est plus à ça près... !

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine, crédit photo, @brigittedusch

dimanche 19 janvier 2025

Le coffre fort de nos vies



Il est le gardien de nos secrets, de nos joies et de nos peines, de nos souvenirs et de notre passé.
Il est là au fond de nous, bien à l'abri. Il n'existe pas vraiment, mais il est bien réel car nous lui avons offert la vie, nous l'avons mis au monde puis il a grandi tout seul, avec et sans nous pour nous. il renferme ces nous,  ce que nous sommes après avoir été les "je" de toutes ces vies que nous avons vécues depuis notre naissance, peut-être même avant ?
C'est une sorte d'artefact, un vrac ou rien ne s'assemble forcément et parfois ne s'articule pas davantage.
Mais ce qu'il renferme est tellement précieux il l'est tant qu'il doit être tenu à l'écart des regards étranges de quelques étrangers qui tenteraient de venir nous voler nos secrets et notre âme. 
Alors il faut bien le cacher car il n'appartient qu'à nous et à nous seul.
Il renferme nos vies, nos secrets mais aussi peut-être ce que nous ne savons pas encore, et que nous ne saurons jamais. 
Il faut accepter ce risque, c'est la condition de chaque vie.


Tout est là, nous le savons. out est à l'intérieur, dans ce ventre maternel, cette matrice secrète nichée au coeur de notre âme. C'est un coffre fort, bien scellé dont nous gardons précieusement la clé. Nous ne l'ouvrons que rarement de peur ? De réveiller ? de réveiller notre mémoire, de retourner en arrière, de rendre vie à ce qui a été et qui est encore tellement vivant dans notre coeur. Rien ne meurt, tout est là et ne demande qu'à être convoqué, encore faut-il ne pas avoir peur, en avoir peur, car nous ne risquons rien
Le temps n'existe pas, il n'est qu'invention de l'homme qui refuse l'Eternité. Il suffit de vouloir, et de laisser venir à soi... C'est facile.
C'est abolir le temps, les peurs, les évidences et les certitudes, le réel
Croire en ce qu'on ne veut pas croire, repousser les frontières et les limites au bord du Savoir, du Réel que l'humain a construit. Aller et franchir les limites du Temps car il n'existe pas, il n'est pas figé, il est impermanent, et on peut y aller se promener, hier ? Demain peut-être, c'est à nous de savoir c'est à nous de vouloir
Ich will

Car le temps ce n'est pas ça il n'y a pas d'avant ni d'après. Il y a le maintenant, cet instant présent qui est une somme de tout cela. Mais on ne le sait pas, notre mémoire vive aussi vive soit-elle, notre cerveau, notre imagination, notre représentations ne peuvent humainement traiter toutes ces informations. 
Pourtant
Ce coffre fort s'ouvre de temps en temps, pas forcément quand nous le voulons, le souhaitons, mais les verrous sautent et d'un seul coup d'un seul, tout est là, c'est l'état de grâce, tout est là devant soi, TOUT, nous sommes au milieu de ce tout qui nous prend et nous entraine dans ce tourbillon de soi.
Que c'est bon ! il faut se laisser aller et laisser venir, ne rient tenter, car on ne risque rien sauf accéder au Savoir, au savoir de Soi.
Et c'est bon.
Lorsque les verrous sautent, que du coffre jaillit notre passé, nos souvenirs et nos vies c"'est qu'enfin nous sommes prêts à être. Etre à soi enfin.
Que c'est bon.
Ce coffre fort bien vérouillé renferme bien des secrets qu'on aimerai parfois partager. Mais à qui ? Pourquoi ? Notre vie n'intéresse personne d'autre que soi. Parfois on se laisse aller à quelques confidences, peut être pour soulager sa conscience, sa mémoire, son être à vif en souffrance.. Très vite on réalise que cela ne vaut pas la peine, que cet autre à qui on a livré une partie de tout ca, ne résonne et ne raisonne pas. Alors on le referme et on se renferme encore un peu, un peu plus, on retourne alors à soi et à Lui pour ceux qui ont le bonheur d'y croire.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch


jeudi 14 novembre 2024

Manipulateur/ manipulé histoire d'une rencontre



Histoire d'une rencontre singulière et pourtant inévitable le plus souvent;
C'est une histoire d'amour manquée, une histoire d'un manque d'amour, d'un manque et d'un amour qui ne savent où se loger car ils n'ont pas de place. 
C'est l'histoire d'un sujet qui ne sait pas ce que signifie aimer , qui ne l'a pas vraiment été et celle d'un autre, qui ne sait pas vraiment mais voudrait être aimé.
Alors il va aimer celui qui ne l'est pas et ne sait pas ce que c'est, il pense qu'en l'aimant ce dernier l'aimera en retour et apprendra ce qu'est l'amour.
La rencontre à lieu et se noue autour de cette imposture où ces deux êtres sont des imposteurs à eux mêmes et à l'autre.
Le manipulateur, ne sait pas qu'il l'est, il le devient peu à peu, car il comprend rapidement comment on peut obtenir de l'attention, être regardé pour être et advenir à l'existence. Un tant soit peu.
Une fois encore et surtout c'est une histoire de regard, et toutes les histoires d'amour ne peuvent passer que par là.
L'un n'a jamais été regardé l'autre désire plus que tout l'être.
L'un ne regarde pas celui qui voudrait tant l'être Il ne le voit même pas, sauf quand il a besoin de lui. Regarder ?
Il se regarde tout au plus mais ne s'aime pas, ne se supporte pas. 
Le regard de l'autre lui montre que pourtant il existe, qu'il est bien présent à ce monde où il a été jeté sans vraiment de précaution. 
Ce sont deux être intelligents et sensibles, une sensibilité anesthésiée chez l'un, exacerbée chez l'autre, et tous deux ne savent quoi en faire.
Une sensibilité qui s'exprime par le mal, la douleur, la souffrance voire la cruauté.
C'est là que se noue le drame de ces deux êtres en errance qui vont ce créer un monde et un espace fou. Un espace de non dupes, de dupés sans l'être, de consenti et de consentant, d'agresseur et de victime, de bourreau et de martyr. 
Ainsi se noue une des relations les plus toxiques entre deux êtres, ainsi se crée une addiction à la pire drogue celle de l'être existé et existant.
L'un ne peut plus se passer de l'autre, même s'il sait tout le mal qu'il lui fait, la souffrance qu'il génère, la douleur des plaies qui ne cicatrisent jamais.
Béantes, elles sont toujours, le ravaudage et les sutures ne tiennent jamais
L'un a besoin de l'autre pour tenir debout, et l'un ne peut vivre sans l'autre, je te vampirise, et je jouis, tu es vampirisé et tu as mal mais c'est dans cette plaie que je creuse à chaque seconde que se loge ta jouissance. Ils se connaissent par coeur, savent leurs failles et leurs limites. 
Le manipulé se rebiffe parfois et timidement menace, de partir, de quitter cet être qui le maltraite; Mais il ne peut pas, c'est plus fort que lui. Il y est attaché pieds et poings liés et malgré tout il aime ça; Cette maltraitance paradoxalement le rassure, et il trouve moultes raisons pour ne pas s'enfuir. 
Elles sont toutes bonnes, défendables entendables. " il a quand même de bons côtés" certes, un être ne peut pas à moins d'être un monstre complétement mauvais. "Mais quand je menace, on parle et il me dit qu'il comprend et va faire des efforts" Il les fait quelques heures, quelques jours au mieux, mais ce n'est pas dans sa nature car c'est un être égoiste dont seul son bien être est essentiel. "Il me fait sans cesse des reproches mais peut être que je n'en fais pas assez "vrai on peut toujours faire mieux.. "il m'a dit qu'il ne recommencerait plus, et m'a demandé pardon" comme l'enfant qui a volé des bonbons, mais son nez tourne. Qu'est ce que le pardon chez un être qui agit tout en sachant que ce qu'il fait n'est pas acceptable. "il me dit qu'il n'a pas menti, qu'il n'a pas voulu me faire de peine" Pourquoi a t-il commis cet acte qui vous aurait fait mal ? 
La liste est loin d'être exhausitive, il y a les mensonges, les tromperies, les infidélités, les humiliations, les insultes, les propos dégradants, les moqueries, les  dénigrements, les petits mots piquants devant les autres.. tout le temps ou presque. 
L'autre n'est rien qu'un objet "un paillasson sur lequel il n'a même pas le courage de s"essuyer les pieds " me confie une patiente maltraitée depuis des années mais qui n'avait pas le courage de partir de quitter son confort.. Mais lequel ? 
Objet, outil destiné à servir, utilisé mais pourquoi ? Où est l'amour, le regard ?
Imposture cruelle et tragique.
Et pourtant l'histoire continue, longtemps parfois, toute une vie "jusqu'à ce que la mort nous sépare... " mais quelle vie. 
Une vie de non duperie, mais subie sans mots dits mais maudis dés que l'imposture trop dure à digérer à supporter explose en pleine figure et ne peut plus être supportée, endurée, tolérée. 
Souffrance infernale et descente aux enfers,dans les ténèbres les plus sombres de la colère, de la haine de soi.
Car ce n'est pas l'autre que l'on déteste, on continue de l'aimer malgré tout, mais c'est bien de la haine de soi qu'il s'agit, ce soi qu'on n'a jamais vraiment aimé car on ne sait absolument rien de l'amour, de cet amour inconditionnel dont seul le regard peut rendre compte. Alors honte et culpabilité nourrissent la haine et la détestation de soi à tel point qu'on ne peut /veut plus vivre parfois "comment j'ai fait pour supporter tout ça ? "en effet ? Comment ?
Et c' est cette question là, cette question essentielle qu'il faut se poser.
Comment ? Comment ais je pu me laisser entrainer par ce courant tranquille sans vouloir ne rien voir pour ne rien faire
Seul le sujet peut y donner du sens, peut tenter de donner un sens à ce qui lui est arrivé.
Ce n'est que par cette prise de conscience, ce constat qu'il pourra enfin comprendre comment il a pu se laisser prendre dans les mailles de ce filet toxique, dans les fils de cette toile tissée lentement, mais savamment par son chasseur.
C'est une longue démarche qui mène à la confrontation à soi même, à l'acception de soi et de ses failles. Se trouver face à son vide, à ses manques et ses faiblesses
Doivent elles être comblées ? Par qui ? Pour quoi ? Comment ?
Qui peut répondre ? le sujet ? La victime ? Mais aussi l'agresseur... 

Brigitte Judit Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittejuditdusch

dimanche 27 octobre 2024

Manipulateur/ manipulé un couple singulier



Il ne s'agit pas ici de faire une recension et une réinterprétation de la littérature à ce sujet, mais d'essayer d'apporter un éclairage à travers la clinique, de son observation afin de comprendre les mécanismes et les enjeux de ce type de relation et de ses protagonistes.
Ainsi le premier volet.

Si le "manipulateur" a fait et fait toujours l'objet de nombreux articles on s'interroge peu sur le "manipulé" et surtout sur l'étrange couple que ces deux là forment non sans hasard.

Pervers narcissique, sentiment de toute puissance, égoïste, égocentriste, cruel.. de nombreux épithètes tentent de rendre compte du profil de celui qui utilise l'autre à son profit, pour satisfaire ses besoins (quand ceux ci se font pressants) pour simplement le défier ou l'humilier et renforcer en lui son sentiment d'existence, de force et de reconnaissance. Lui qui sans cet autre, n'existerait pas, sans qui l'humiliation de l'autre, la dépendance de l'autre ne serait pas et lui sont indispensable pour vivre.
Cet autre dont pourtant il ne reconnait pas l'altérité n'existe que pour ça : satisfaire sa pulsion, son envie, mais pas son désir, car c'est bien là que le bât blesse, car il n'a pas de Désir. Sa seule jouissance de l'autre se loge dans ce qu'il inflige à celui qu'il tient en cage, dans ses griffes, sous son emprise. Ce fameux Bemächtigungstrieb mis au jour par Freud, cette pulsion d'emprise dont l'unique objectif est de dominer l'objet extérieur par sa seule force. Et c'est là où l'équilibre est rompu au sein de la relation qui ne s'établit plus entre deux sujets mais où l'un des deux est objetisé, instrumentatilisé, ustensilisé. Ces notions sont particulièrement explicitées par Racamier.
Nous y reviendrons dans un prochain article. 
Quid de cet objet ? Pudiquement désigné par "victime" s'inscrivant ainsi dans une relation "victime / agresseur." 
Mais c'est bien plus complexe que ça. Et il est bien difficile de dénouer l'écheveau particulièrement bien ficelé de cette étrange situation que forme ce non moins étrange couple. Car il faut être deux, pour qu'elle se mette en place, qu'elle persiste parfois dans un temps étrangement long lui aussi. 
Pourquoi ? 
Ce n'est pas seulement l'histoire de personnes, de structures, de constructions de l'ego, de l'estime de soi, de la confiance en soi, de l'histoire personnelle et familiale mais aussi et surtout celle d'une rencontre entre deux individus différents à première vue mais paradoxalement très proches. Ils ont connus chacun la souffrance, des traumas de la petite enfance, de la violence introjectée et étouffée et une haine contenue pour soi et l'autre. Ce sont deux être mal traités qui vont se croiser et forger la relation qu'ils vont ensemble mettre en place, se mettre en place et évoluer au cours du temps.
Oui ils se ressemblent beaucoup plus qu'on ne pourrait le penser. Ils ont ainsi en commun le vide, le gouffre de la souffrance et du manque. Uh terrible manque, celui de l'amour, l'amour de soi et l'amour de l'autre, cet amour là, inconditionnel, cet amour qui passe par la reconnaissance, par le regard, le regard qu'on pose sur l'autre pour implicitement lui dire "tu es, je suis, je te vois, tu me vois, tu fais partie de mon paysage, de mon espace, et je fais partie du tien, tu es différent mais tu ne m'es pas indifférent car tu existes et je te reconnais comme mon ego, mon égaux, mon alter ego et je te respecte, je t'aime comme je m'aime". Tout cela est parfaitement résumé dans le fameux 
« Aime ton prochain comme toi-même » du Lévitique 
la règle d’or de Hillel : « Si tu n’aimerais pas qu’on te le fasse, ne le fais pas aux autres". Ainsi une relation inscrite dans l'altérité. Nous ne reviendrons pas sur la séduction ou victimisation mise en avant par l'agresseur pour s'emparer de sa proie, la toile qu'il tisse patiemment pour mieux l'emprisonner et nous concentrerons  davantage sur la "victime". Mais de qui ?
Pour que toute relation soit durable il faut que chacun y trouve son compte, ou à peu près, que chaque partie y ait des bénéfices secondaires qu'il ignore peut-être mais s'emploie volontairement à ignorer pour son confort.  C'est une négociation, une sorte de marchandage sordide entre le prédateur et se proie,  et celle ci toute déséquilibrée soit-elle est suffisamment bonne pour chacun, même si cela surprend. Ainsi pendant que l'agresseur jouit et jouit de sa proie, cette dernière comble son vide tout en souffrant et avec cette souffrance singulière. Car elle ne tarde pas à réaliser qu'elle est otage d'une emprise dont elle ne peut/veut sortir pour de multiples raisons qui ne lui sont toujours pas conscientes, mais elle sait au fond d'elle même qu'il y a quelque chose qui cloche. Alors bien sûr elle s'interroge, car cela ne peut venir que d'elle, et culpabilise d'être le "mauvais objet" concrétisant ainsi ce qu'elle est aux yeux de son agresseur qu'elle aime et dont elle ne se sent pas digne. Alors elle redouble d'effort pour lui plaire et qu'il l'aime. La peur s'installe, celle de perdre son amour. Car c'est une histoire d'amour, d'amour qui porte mal son nom, un amour tordu, distordu, toxique, car tous deux sont incapables d'aimer, mais surtout incapables de l'être et de s'y laisser aller car ils ne savent pas vraiment ce qu'est l'amour, je dirai même qu'ils n'en n'ont pas la moindre idée. Ce n'est pour eu qu'un vague espoir, une représentation floue, venant tant bien que mal combler ou colmater leur manque..
Le manque et le vide sont au coeur de cette souffrance.
C'est ainsi que cela nait, vit, dure et perdure, encore et longtemps en s'étouffant dans une plainte sourde qu'on ne sait à qui adresser, à quel autre ? Faire l'aveu de sa faiblesse, d'aimer un monstre, de se sacrifier, de se laisser instrumentaliser, de n'être qu'un objet manipulé par cet autre odieux qui siffle quand il a besoin et où on  accourt,  persuadé qu'il l'aime quand même Car c'est à cette illusion que toute cette tragédie tient, un fil mince, certes mais un fil de plomb qu'il n'est pas facile de trancher. Ce qui serait our la victime tout perdre et ce tout est tout ce qui lui reste pour être vue, du moins le pense t-elle, ce fil qui la fait exister, dans la souffrance et la douleur. Les humiliations, le mépris, les insultes et parfois les coups sont mérités car elle croit réellement qu'elle n'en fait pas assez pour mériter cet amour, qu'elle est incapable. Illusion, tout n'est qu'illusion hélas bien réelle, et la souffrance l'est tout autant ?
Alors est ce le seul bénéfice secondaire ?
Exister : ce n'est pas rien. Ëtre aux yeux d'un autre, le plus vil soit il c''est quand même exister et ne pas être transparent dans un monde où la solitude est la pire des épreuves. 
Les violences et les pires humiliations sont des preuves d'amour comme lorsque cet enfant disait de sa mère "elle m'aime car elle me bat pour que je devienne meilleur'
Et il faut plaire à ce vampire toujours plus avide.
D'où le silence, l'acceptation auxquels elle consent; Qui ne dit mot. Elle ferme les yeux, serre les dents et avance sur ce chemin pavé de cailloux et d'épines. Après tout elle mérite peut-être ce chemin de croix ? D'ailleurs elle a essayé à maintes reprises d'y mettre un terme, sans grand succès, quoi qu'elle fasse elle n'y parvient pas, elle se laisse attendrir, accepte les excuses, les promesses qui ne seront que mensonges, mais où elle gagne ou croit gagner une courte lune de miel. Alors elle se remet à rêver à l'amour, sauf qu'un monstre ne sait/peut pas aimer. Une victime ne sait pas ou ne sait plus ce qu'est l'amour, le vrai, l'inconditionnel et le sincère, alors elle se laisse emporter par l'illusion. Et vit dans cette temporalité trompeuse.
Un jour, pourtant elle va y mettre un terme car la plupart du temps il y va de sa vie. Ce moment est d'une violence inouïe car c'est d'un seul coup d'un seul ouvrir la porte et voir le ciel bleu, se confronter à tout ce qu'elle a inconsciemment mais paradoxalement de façon bien consciente tout ce qu'elle a caché, tout ce qu'elle s'est caché, pour survivre. Non à son agresseur, mais a elle même.
Ainsi arrivent à grand pas la honte et sa jumelle, la culpabilité. Ca fait mal c'est tragique, c'st un vide, une plaie béante, c'est son coeur, son äme, son corps qui d'un seul coup sont éventrés. Il va falloir survivre à tout ça, tenter de mettre de l'ordre, donner du sens afin d'accepter et continuer le chemin de notre vie autrement.

Musique écoutée durant l'écriture : Eyal Golan Mikan v'Ad Hanetsach - מכאן ועד הנצח
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
crédit photo @brigittedusch. 


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jeudi 17 octobre 2024

Le chemin à l'envers, le passé au présent

 


Il est venu me chercher sans me prévenir. 
"Viens je t'emmène, mets de bonnes chaussures"...
Je n'ai pas été vraiment surprise, Il a toujours été imprévisible. Je savais que ce jour viendrait, depuis toutes ces années. Il savait que j'étais là depuis le jour de mon arrivée.. Cela fait un an.
Il était temps.
J'ai mis de bonnes chaussures, et je l'ai suivi, sans savoir où il m'emmenait, et ça n'avait aucune importance.
Là où il voulait aller, j'irai.
Pas un mot durant le trajet, nous sommes restés dans le silence, un silence absolu, un silence de recueillement. Qu'aurions nous dit que nous ne savions déjà ? 
Et le temps n'est rien. Il ne compte pas. Il est ce qu'on veut en faire, il est notre Désir.
Puis il s'est arrêté..
Nous nous sommes regardé
Longuement
"Tu veux refaire le chemin à l'envers ? "
Il ne me répond pas. 
Je le suis.
Dans le silence. 
Toujours ce silence
Nous marchons
Lui d'un bon pas
Je lui dis : "Je ne peux pas aller aussi vite'
Il ne répond pas, et ralentit son pas
Je sais le chemin, malgré toutes ses années, il n'a guère changé. 
Je lui dis "je vais avoir besoin de temps... "
Alors il me répond en me regardant longuement
'Tu as tout le temps que tu veux, nous avons tout le temps que tu voudras"
Et nous reprenons le chemin
Dans le silence toujours.
Je sens toutefois son regard, il veille.. Il y a la tendresse. il est là.
Je suis là, le temps est aboli, il n'existe plus, nous sommes là aujourd'hui ou hier, peu importe.. NOUS sommes là, ensemble comme il y a bien longtemps.
Le chemin est de plus en plus accidenté, de plus en plus difficile, le terrain est glissant les rappels peu sûrs...
Il avance et se retourne
"Je n'y arrive pas"
Alors il s'approche et saisit ma main. Sa main est ferme, son bras, son corps ne faiblissent pas, je sens toute sa force, sa puissance, et je me laisse aller, je me laisse guider. Je suis bien, je suis en confiance, je n'ai pas peur, rien ne peut m'arriver, je ne peux pas tomber, je sais que je peux aller là où il me conduira, et que c'est bon !
Il ne dit rien, ne sourit pas, nos regards se croisent, il passe sa main dans mes cheveux doucement, rien n'a changé. 
Nous continuons la route toujours dans le silence
Je regarde, je contemple, dans le silence, un silence qui ne peut être brisé car nous sommes dans un sanctuaire, notre sanctuaire
Nos seules échanges passent par le regard et la confiance, celle que j'ai en lui, elle est totale et je lâche tout, je ne suis plus que moi, avec ma fragilité, ma vulnérabilité, mes faiblesses, ma douceur, et mes peurs, je suis retournée à l'Humanité, je n'ai plus peur de me voir, de me retrouver enfin et de revenir à moi.
Nous avons fait le chemin à l'envers, le chemin du Passé pour advenir au Présent
Si nous voulons, si nous pouvons
Il me dis "viens on va boire un chocolat chaud"
Je lui dis "Tu es sûr... ? 
Il me regarde et répond "Nous ne nous sommes jamais caché non ? Pourquoi on le ferait aujourd'hui ? Alors viens. Je suis là. Viens."
Oui en ce temps là on ne se cachait pas. Aujourd'hui tout a changé, mais il ne veut pas, il est fier et heureux d'être avec moi. Il me prend la main et on va boire un chocolat comme il y a si longtemps. Il demande de la chantilly , "Mit Sahne" pour moi. Il n'a rien oublié
Il garde sa main sur la mienne.
Il ne dit rien, je ne dis rien
Silence... 
Puis il m'a raccompagnée
Nous ne nous sommes pas dit aurevoir
Il m'a juste serrée dans ses bras. Longtemps. Très fort, et je m'y suis laissée aller.
J'ai fermé les yeux.
Un temps bien singulier qui s'inscrit dans une histoire singulière elle aussi
Nous avons refait le chemin à l'envers pour advenir au Présent.
Demain sera un autre jour. 
Et il nous appartient de décider comment il sera.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch.
 


jeudi 10 octobre 2024

Yom Kippour. Pardonner. Qu'est ce que le Pardon ?

 


A quelques heures de Kippourn le jour le plus saint de l’année – le jour durant lequel nous sommes le plus proches de D.ieu et de la quintessence de nos âmes

Car en ce jour, Il fera expiation pour vous purifier de toutes vos fautes, afin que vous soyez purifiés devant Dieu.” (Lévitique 16,30).

Pardonner. Le pardon. Qu'est ce que le pardon ? 

C'est surtout prendre conscience de son acte, de ses actes, du mal que nous avons pu faire, sans le vouloir ou en le voulant. Prendre acte de l’acte posé et des conséquences qui en découlent.

C’est le résultat d'une longue introspection, sans fard, sans essayer de se donner de bonnes raisons ou excuses,  de « recontextualiser » comme le souligne souvent l’historienne que je suis. C'est un face à face avec soi

La question du pardon n’est pas seulement spirituelle, religieuse ou philosophique, elle est éthique et morale. C’est une histoire entre soi et soi, soi et D.ieu. Et c’est à Lui Seul de nous l’accorder. Certes il est bon, il aime par dessus tout ses enfants, aussi turbulents soient-ils  et il suffit de lui demander. Hakadosh Baruch Hu attend qu'on lui demande, il n'attend que ça. Alors je lui demande je lui demanderai encore, comme chaque jour, comme toujours, et comme toujours j’essaierai de faire mieux, de faire de mon mieux, de faire Techouva. Encore et encore.

Mais s’il est facile d’obtenir son pardon, il ne peut pardonner à la place de ceux que nous avons offensé et c’est à nous et à nous seuls de leur demander. Ainsi dois je prendre conscience de ce que j’ai fait, « réveiller ma mémoire, être sincère et vraie ». Il s’agit là d’humilité mais aussi de reconnaissance non seulement des actes posés mais aussi de leurs conséquences. L'autre  offensé mais aussi ses proches qui en ont souffert eux aussi et ainsi de suite… Ce « résidu » qui se transmet de générations en générations. 

Il va de soi que c’est réciproque.

Pardonner, se pardonner à soi d'abord est nécessaire pour s’inscrire encore dans la vie, nous ne pouvons porter la culpabilité d’un acte que nous avons reconnu, toute notre vie. Ce serait nourrir de la colère contre soi et nous priver ainsi de l ‘élan vital et de nos relations aux autres et aux monde. Ainsi l’autre, les autres, cette fameuse altérité, celle dont on ne peut être dépourvu pour s'inscrire dans l’Humanité, être Humain, sujet de l’humanité qui considère l’autre comme lui même et qui ainsi ne lui fait pas ce qu’il n’aimerait qu’on lui fasse. Nulle question de religion ici, seulement de morale et d’éthique, de respect envers soi même. Ainsi appartient-il à cet autre, ces autres de se regarder aussi dans le miroir et de se repentir, prendre conscience que leurs actes, leurs silences, leur non reconnaissance nous ont blessés. Et nous demander pardon.
Encore faut-il être sincère, ce n’est pas à moi, à nous de juger. D. Eternel lui seul peut le faire.

Le pardon n’est pas l’oubli, cette différence éthique permet de relativiser, mais ne répond pas à la question sur le fond. Elle pose en revanche celle d’une possible conciliation, mais surtout d’une réconciliation incluant l’altérité, permettant une « compensation, une réparation » Cela me laisse perplexe. Est-il possible de réparer ce qui est irrémédiablement brisé ? Je ne le pense pas, encore moins quand ce pardon est le résultat d'une injonction émanant la plupart du temps d'une autorité, politique le plus souvent, désireuse de tout effacer pour mieux recommencer.  Ainsi, je ne dirai mot du fameux « devoir de mémoire ». encore moins de "l’amnistie", contrefaçon du pardon pour reprendre les mots de Catherine Chalier. Faut-il instituer, une loi un décret ? celui de pardonner à son bourreau, à son agresseur ?
Il faudrait alors tout pardonner, effacer les souffrances de la victime et pardonner car « ils ne savent pas ce qu’ils font » ? Notion qui m’est étrangère, qui ne ne s'inscrit pas dans la Culture que j’ai reçue et qui est Mienne, mon Identité la plus profonde. Ce serait ainsi à l'offensé de demande à l’offenseur de venir lui demander pardon pour les actes qu’il a commis et qui sont responsables de sa souffrance. C’est profondément humiliant. Ainsi elle serait coupable, coupable d'avoir souffert et de continuer à le faire ? Cette notion chrétienne est d’une violence absolue car il y a bien celui qui fait le mal et celui qui il l’a infligé.

Alors devons nous TOUT pardonner ? je ne saurai répondre, cela fait des décennies que je me pose la question sans me satisfaire des possibles réponses que je peux  apporter. Puis je pardonner toutes les souffrances reçues ? L’ingratitude ? La méchanceté ? La haine dont j’ai été l’objet ? Il m’appartient à moi seule d’en juger. C’est un dialogue entre Lui et moi. Mais puis je pardonner toutes les offenses qui m’ont été faites et qui ont fait, font encore souffrir ceux que j’aime, les Miens. Là c’est une autre histoire.
Le pardon n’est pas inconditionnel, je le crois intimement, et ce n’est pas à la victime d’en prendre l’initiative, je le pense aussi intimement. 

Je pense aussi qu’il y a des actes impardonnables, des deuils, des tragédies, des souffrances reçues, ceux qui survivent à tout ça ne peuvent être jugés ni blâmés s’ils ne le peuvent pas et j’en suis, j’implore la clémence de mon Créateur.

Mais on ne peut vivre dans la haine. Ce n’est pas tenable. Je fais de mon mieux chaque jour, et je sais qu’Il m’entend. Cette année encore, après m'être déliée des vœux de l’an passé, j’en formule de nouveaux. Nous les Juifs parlons du  tikkoun olam (la réparation du monde ) et cela me convient,  je fais du mieux que je peux, chaque jour que l'Eternel me donne en cadeau.

« Ne hais pas ton frère en ton coeur
Admoneste ton prochain
«  (Lévitique 19, 17)

Ainsi ne faut-il pas haîr, pour ne pas s’abîmer et se détruire. La parole peut nous y aider, sur le chemin de ce pardon nous pouvons peut-être engager le dialogue, dire à celui qui nous a blessé que nous en avons souffert. Il en va de nous, de notre esprit et de notre âme. Nous pouvons essayer d’éviter ou de délier ce nœud qui s’installe et se resserre de jours en jours, le nœud que forme l’emprise de la Haine qui nous conduit  vers une spirale infernale au fond de gouffre de la souffrance qui l’est tout autant.
Il faut du temps, celui ci est nôtre allié, et tant que nous pensons que nous en sommes pas prêts à pardonner, cela ne sert à rien. Il faut être sincère avec nous même. Il faut alors je crois, se pardonner de ne pas être prêts car ce n'est pas pour nous le moment. Alors il faut à nouveau explorer notre âme, notre Ego, notre Etre et faire le deuil de notre « perfection » Se souvenir pour Nous, Peuple de l'Exil, de l’Egypte où notre Peuple fut maintenu en esclavage, mai se souvenir aussi qu’il Nous a accueilli. C'est avoir la Mémoire vive » et ne jamais se laisser envahir par le Mal, le Satan. Se souvenir aussi des «bonnes choses » car il y en a eu. toujours. Pour ma part, encore une fois chaque jour j’essaie de retrouver ces bons moments, ces leçons dans les souffrances qui m’ont été infligées, certes j’ai appris, j’ai tiré leçon, j'éprouve même de la gratitude pour celui qui m'a fait mal, car grâce à lui j'apprends encore qu'on ne peut se fier, se confier, mais je ne lui pardonne pas, je n'oublie pas. Je ne suis pas dans la Haine et chaque fois que je suis à terre, je me relève, grâce à la Force que ne donne ma Foi et car il n'y a que Lui. Mais je ne suis pas non plus certaine de pouvoir pardonner, même si cela m’est demandé.
Encore une fois il m'est impossible de pardonner à ceux qui ne se sont jamais excusés. Et avec ceux là, je suis en compte depuis fort longtemps….

Brigitte Dusch historienne, psychanalyste, exploratrice urbaine
Crédit photo @SachaDusch, Maison Rachi (qu'il soit remercié)

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