Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mardi 1 juillet 2025

Danse avec l'impermanence



Sie sagt

"Tu me demandes.. ici ? Ailleurs ? Où ? Dans combien de temps ? ...

Mais toutes ces questions ne veulent rien dire pour moi

Tu me demandes encore ? demain ? Toujours ?

Mais ces mots n'ont pas de sens pour moi. 
Cette temporalité linéaire, ces repères qui sont les tiens me sont étrangement étrangers.
Demain ? c'est loin.. Je ne sais pas, je ne peux pas.

Je ne sais pas ce que je serai, où je serai, si je serai là, vivante ? Je n'en sais rien
Et je m'en fous

Toujours ?

Mais c'est la mort, toujours, cela signifie qu'il n'y a pas même l'espoir d'un demain, d'un après, d'autre chose, d'un ailleurs, d'un possible.
C'est une capitulation
Je ne me rends pas, je suis comme toi, un soldat, mais ce combat là est différent.
 
Te répondre : Non ne ne peux pas.

Je comprends, je sais que pour toi c'est difficile, impossible, que ça l'a toujours été et que ça toujours été ainsi pour toi.. 
Mais je ne peux pas te répondre car je n'en sais rien.

C'est ma musique intérieure, celle qui me berce à chaque réveil, chaque matin est un étonnement devant la vie, ce cadeau. précieux.

Ce qui représente une (pseudo) sécurité pour beaucoup est une terrible angoisse pour moi. Une angoisse de mort.

Définitif. Sans issue... No futur. 

Pour moi la vie, vivre ce n'est pas ça, vivre c'est le mouvement et l'impermanence, celle d'un demain qui danse au rthyme des notes que j'écrirais.

Demain est une symphonie.


Demain est à construire à inventer le jour même qui adviendra après celui ci, cet aujourd'hui que je vis au présent. Demain n'existe pas encore.


Moi, je veux danser avec l'impermanence et l'inconnu,  valser avec le vent et me laisser surprendre.


Et c'est dans cette danse que je t'aime, que je t'étreins mais je ne t'y enferme pas, ce n'est pas une géole, c'est un souffle : celui de la vie.

Je veux créer, inventer ce qui n'existe pas encore, créer ce moi que je ne suis encore pas, je veux devenir, je veux advenir. 
Je veux un vertige.


La fin, c'est la mort, se dire que ce sera ma dernière demeure, mon dernier amour mon dernier déménagement... Non c'est impossible

C'est vivre à huis clos.
C'est terrifiant
Ce qui est rassurant pour certain est terrifiant pour moi
C'est restreindre,fermer, clore, cloturer,  enfermer, corseter, interdire le champ des possibles
Et cela ne l'est pas pour moi
C'est comme faire la dernière valise
Prendre le dernier train

Pour l'ultime destination
Tu sais ce que cela veut me dire.

Brigitte Judit Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch


lundi 23 juin 2025

22 juin.


Il est venu me chercher ce 22 juin
Nous avions besoin de panser et penser nos blessures
Je crois
Il était venu déjà sans prévenir pour refaire "notre chemin à l'envers"
Nous avions marché, dans le silence
Avec pour toute parole : nos regards
Et quelques gestes de tendresse
Ceux de l'amour, 
Ceux que jamais l'autre n'oublie
Car il faut s'être aimé pour faire ça et s'aimer encore 
Je crois
Je lui avais demandé de me promettre 
De ne pas me dire, encore
De ne pas me parler de notre passé
De ce temps où nous nous sommes aimés
De ces moments que la guerre encore nous a volés
De sa vie qu'il avait choisi envers et contre tout, et tous
A nous oublier souvent, à penser à nous, de si loin

"Je me bats pour que ceux qui te ressemblent aient le droit de vivre " m'avait-il dit alors, oubliant sûrement que sa mère était marane.

La guerre est toute sa vie, c'est ainsi que nous nous sommes connus.
C'est là, à travers elle que nous nous sommes aimés

Pourtant je le savais, et le sais encore,

Ce n'est jamais bon d'aimer un soldat
Infernale répétition

La guerre, les missions, les opérations, partout, du moment que ce soit en enfer, il a toujours aimé défier le satan, c'est pour ça que je l'aime encore

Il disait qu'il ne repartirait plus. 
Je savais qu'il disait vrai à ce moment là, mais sa vie n'était pas avec moi, avec nous
Il m'écrivait qu'il reviendrait.
Il m'écrivait "attends moi, je t'aime"
Il m'écrivait que j'étais son refuge. Lequel ? je ne sais pas, il n'était heureux qu'en conduisant ses foutus blindés, les seuls avec qui il faisait vraiment corps.

Aujourd'hui je m'en fous, j'étais heureuse qu'il vienne, qu'il soit là, il a su que je ne pourrai pas la vivre seule cette journée cette fois, il est le seul à savoir ça, à tout savoir de moi car on se ressemble.. 

Il n'avait pas promis mais il ne m'a pas dit cette fois "je n'aurai pas du... je regrette...'

Il m'a dit "je veux prendre soin de toi, te protéger de la guerre, te protéger de tout,  je veux être là, maintenant.. Si tu veux, si tu peux, si tu m'aimes, si tu m'aimes encore , si tu m'aimes toujours."

Je n'ai rien dit, j'ai pleuré, pleuré, toutes les larmes d'une vie, de mes vies, toute les larmes que peut contenir une vie je crois.

Il n'a pas toujours été là, j'ai tremblé bien des fois, à chaque fois
J'ai passé et passe encore ma vie à trembler... 

Ce n'est jamais bon d'aimer un soldat
Foutue répétition

Il a été là pourtant quand j'ai soufffert, sans le dire, discret... mais là, je sentais sa présence.. cela me suffisait.

Il était là ce 22 juin, tremblant pour moi, il n'en menait pas large ce jour là, mon bel officier, mon fier tankiste, tout pâle, pleurant devant ce bébé si petit, notre fille.. 
Il a été un bon père, nous avons été de bons parents je crois.

La vie est cruelle, parfois souvent
Mais un enfant lie deux êtres pour toujours quoiqu'il arrive.

Il m'a dit comme la dernière fois "prends tout le temps que tu veux, que tu voudras, qu'il te faut, qu'il te faudra...je ne suis pas pressé, je t'attends........ Depuis tellement longtemps".

Il m'a pris dans ses bras, je crois que je me suis endormie.

Il m'a regardée et pour la première fois m'a dit
'Pardon"
Cela change tout..........
Ce serait tellement plus simple
Si je ne l'aimais plus.

Brigitte Judit Dusch.
crédit photo @brigittedusch



mardi 17 juin 2025

Le vieux soldat




Il ne m'attend pas et n'attend personne...Je crois
Ce matin là l'équipe me demande si je ne peux pas aller "voir" un patient, que personne ne vient "voir"
Il ne reçoit jamais de visite...Et pour eux c'est inquiétant..
"Ce n'est pas normal..."
La norme encore une fois convoquée...
La norme étant de recevoir des visites quand on est hospitalisé et que son état est grave
Alors pourquoi pas la mienne ?
Pour rassurer l'équipe, plus que le patient, qui lui, ne demande rien. Ne veut rien, semble t-il.

Il est là depuis quelque temps déjà m'explique t-on et il n'y a personne à prévenir, pas de téléphone d'adresse... Ce serait bien si...

Alors ce matin là, je frappe à la porte de Monsieur M. lui demande si je peux entrer et me présente.
Il ne dit rien, puis sourit !
"Vous n'avez donc rien à faire que de venir parler à un vieux soldat ?"
Un vieux soldat, voilà donc comment il se définit, parle de lui...
Il me regarde longuement puis s'excuse de ne pouvoir se lever.
Asseyez vous me dit-il.
Silence...
Il est là, allongé dans son lit, fragile, pourtant il émane de son regard un volonté de fer une sorte de courage, celle du combattant qui cherche encore à en découdre !

"Vous avez du temps à tuer ...?" me dit-il

Il se met à rire... "Parce que moi le temps, je l'ai trop tué, alors il se venge, c'est lui qui me tue maintenant, le salopard, pourtant je suis un dur à cuir un coriace j'en ai mis à terre des pas faciles, mais lui ! "
Il soupire, ses yeux semblent perdus dans des souvenirs, endroits lointains et singuliers.

"C'est un combat voyez vous, une lutte à mort, mais cet enfoiré à gagné il le sait... Mais je ne créverai pas à genoux..."
Il soupire encore  !
"Cette saloperie va me tuer, je le sais bien, mais je suis un soldat, et je me bats encore, je me bats, pas pour sauver ma peau, car elle ne vaut plus rien, mais parce que l'ennemi est un bon, un dur, comme moi, le combat en vaut la peine".
Je ne dis rien.
Il me regarde encore, me dévisage, puis me lance :
"Vous savez ce qu'est la guerre...  ." 
Ce n'est pas une question... 
C'est une affirmation.

Puis il me raconte... la guerre, sa guerre, la mort, le sang, l'odeur, la puanteur, les cadavres, la violence mais aussi les enfants, les civils, la vie, les rires. Tout se mélange. Il parle, parle, parle.. Sa voix tremble parfois.
Vie et mort, mort et vie.
Encore, toujours.

Il parle de lui, me parle de lui, de sa vie... De sa famille qu'il a "laissée, abandonnée" dit-il.
"Mes enfants, je n'ai pas de nouvelles, je ne leur donne pas de nouvelles, je ne les connais pas finalement, je ne les ai pas vraiment vu grandir, c'est ma femme qui s'en est occupée, puis elle est partie, ils sont partis..."

Il parle, parle..; de la vie, et de la mort, de la sienne qu'il sait proche, qu'il dit proche, qu'il sent proche
Il ne veut pas finir ici, dit-il.. "C'est pas digne !"
Il aurait voulu mourir à la guerre, dans les embuscades, en réalité il dit avoir voulu aller à la mort tout en restant en vie. une sorte de pari, un coup de poker aussi, la mort au tournant, au bout du chemin et le désir, la volonté de ne pas mourir ! Car on ne meurt qu'une fois.
"La mort fait partie de ma vie, la mienne et celle des autres ! C'est comme ça !"
Mourir, "si vous saviez combien j'en ai vu des morts ! On ne s'y fait jamais. Les Frères tombés là bas, ceux revenus à moitié foutus, car on est foutu de l'intérieur, plus bons à rien, bons à crever.... "


Vie et mort, intiment liées, l'une et l'autre, ce Thanatos qui rend l'Eros désirable, vivant. Jouissance !
Il ne veut pas mourir ici, c'est tout, il ne veut pas mourir sur ce territoire qui n'est même pas "ennemi" neutre, sans saveur, sans rien, aseptisé.
Il me parle, il se parle, il parle, il parle sa vie et il parle sa mort, il parle sans fin, il parle la fin.
Il me dit que sa mort lui est volée et qu'il ne supporte pas cette idée, que c'est triste, indécent.

Il sait que je comprends. Je lis dans ses yeux. Dans son regard
Il saisit ma main et la serre très fort, me demande d'approcher, et me chuchote... Il sait que je ne peux pas.
Il sait aussi qu'il peut rentrer chez lui
Il sait que je peux demander ça.
Il sait tout ça et je sais aussi
Il sait que quelque part on lui doit ça. 
Il sait... 
Je sais..
Nous savons...

Il me dit qu'il aurait du mourir avant. Mais avant quoi ?

M. M a demandé sa sortie "contre avis médical". Il a demandé à me voir
Il ne m'a rien dit, il ma regardé, il m'a souri
Je l'ai regardé, je lui ai souri
Nous nous sommes regardés
Nous nous sommes souris
Il m'a serré dans ses bras, très fort, comme le frère d'arme qu'il était
Il m'a chuchoté...
Il m'a dit merci...

Brigiitte Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine.


vendredi 14 mars 2025

Au commencement était la Perte



"Au commencement était la Perte"


Ainsi il y en  va de la Vie, vivre c'est perdre puisque c'est quitter, abandonner le ventre de la Mère. 

C'est advenir au Monde


Faut-il accepter de perdre pour naitre et vivre ?
La naissance ; scène originelle, défusion de la mère et du Tout inscrit le sujet dans l'Humanité, mais aussi dans la peur, celle de la perte et de  l'angoisse de la séparation.
Il y a ce sentiment de part et d'autre, le vide ressenti de l'intérieur mais aussi de l'extérieur, ce grand saut dans un inconnu vide de sens qu'il va falloir combler sans trop savoir comment. 
C'est une violence, une séparation réelle, une rupture, une coupure traumatique parfois.

Ainsi la perte originelle serait-elle la perte de la place occupée dans la matrice par l'enfant qui advient au monde, à qui "on inflige ou on offre la vie " ?
C'est dans cette vie offerte qu'il va à présent devoir trouver sa place, encore faut-il la lui donner ou devra t-il la prendre ?

La perte est au coeur de la clinique psychanalytique mais au coeur de chaque être humain, car c'est elle qui le fait entrer dans l'Humanité.

C'est par là que se creuse la faille qui peu à peu le construit ou le ronge cela dépend, cela varie, en fonction de ce qui s'engouffre, de ce qu'il convoque, de ce qu'il ne voit pas, qu'il laisse s'infiltrer plus ou moins en conscience, mais il s'agit bien de cette impermanence permanente qui s'acharne parfois pour le détuire


La Perte se décline au pluriel avec pour dénominateur commun l'Origine, celle de notre advenue au monde.
Elle est au coeur du discours, de la pensée, de l'obsession parfois, dramatique dans la psychose où elle est un véritable trou dans le réel ce qui fait que le deuil parfois s'en rapprocher, j'y reviendrai à travers ce qu'en relate Primo Levi et Lacan.  Il y a là une dimension intolérable et insupportable dans la perte.

Perdre celui qu'on aime, un enfant, ses clés, la tête, l'amour, la vie.. Ce verbe a une quantité de sens infini mais une fois encore s'inscrit dans le manque de ce qui a été et qui n'est plus, qui peut se retrouver ou pas, mais pas comme avant, car l'avant n'a été qu'un frèle instant et n'existe plus dès qu'il a commencé à vivre.

C'est donc ça perdre ? renoncer à ce qui vient d'être et qui en un souffle n'est plus ? C'est laisser franchir le mot resté au seuil du langage pour s'exprimer,  c'est lâcher, perdre ses mots, les donner à l'autre afin qu'il les recueille et les assemble pour nous aider à donner du sens à notre existence.

Mais c'est aussi le noeud de la névrose, la quête impossible celle d'un retour fantasmé au Jardin d'Eden... Toute une vie à chercher pour retrouver cet avant pour vivre et oublier de vivre, s'oublier de vivre.. Un noeud qu'il faut lentement et patiemment dénouer, délier... patience, volonté, envie, désir ?

Est ce un Quête ? Cette quête là est futile est impossible, la seule quête véritable est celle de soi, partir à la recherche de soi, advenir pour devenir... 
Va, vis, deviens
Si tu le peux, si  tu le veux. 

Le passé s'il est regreté est une entrave, un empêchement, un enchevétrement des sens et des émotions  masquant le réel et notre désir de vivre. Il fait de nous un sujet empêché, aux prises avec ses manques, ses envies et ses désirs qu'il ne peut réaliser dans leur complétude... Même si toute notre vie, nous demeurerons un sujet incomplet à la recherche du manque.

C'est une errance au coeur de ce "Temps Perdu" qu'on s'évertue à retrouver pour s'y noyer et qui ne sera plus que dans nos souvenirs souvent tronqués...Le temps illusionné pour nous permettre de rester debout... 

Faire le chemin à l'envers dans un univers qui n'existe plus que dans notre Mémoire. 


Subir ? Accepter ? Métabiliser la perte, car plus jamais ce qui a été ne sera. Il ne pourra être que différent, mieux peut-être car nous savons, car nous avons appris... aussi à vivre avec ce manque de l'objet, mais de l'Etre.. 

Du manque de l'autre, de celui qu'on a aimé, on ne se remet jamais, jamais vraiment même si la vie se poursuit.. Quand même, malgré. Cette perte là est une blessure qui ne ne peut se fermer, dont on maintient la béance et qui s'ouvre à chaque instant, c'est un fantôme, une ombre qui fait partie de nous pour toujours. C'est la perte d'une partie de soi.. une amputation. 

Et il faut faire la route, parfois cahin caha, mais en avançant aussi longtemps que l'on pourra. Dans une attente, celle d'un rendez vous dont nous ne sommes pas même sûr, dans un inconnu dont personne ne revient.

Brigitte Judit Dusch,psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch


jeudi 6 février 2025

Orthographe : déni de sens.

 

Orthographe : déni de sens.

Cet article a été écrit le 6 février 2016, je n'ai pas changé un seul mot, déplacé une seule virgule.

Qu'en dirais-je aujourd'hui ?



Bien écrire les mots, mettre les lettres à la bonne place, respecter les accords et la ponctuation dans une phrase pour lui donner un sens.

Mettre tout un ordre. “Assembler façon puzzle”. Dire avec les mots, transmettre un message à l’autre. On écrit pour soi, parfois, mais aussi et surtout pour les autres, pour leur dire, les informer, leur demander. L’écriture est aussi une attente, celle de l’autre, de ses mots et de ses dires, de ses réponses ou de ses questions. Elle tisse, tricote ce lien indispensable à chacun. ll est donc question d’altérité, encore et toujours, d’où l’essentiel de se faire entendre et de se faire comprendre. Ainsi l’orthographe est une sorte de code, de contrat entre soi, la langue et l’autre. Une forme de civilité, de savoir être et de savoir vivre. Avec, l’autre, et soi. Nous faisons tous plus ou moins des fautes, la langue est truffée de pièges, d’astuces et de contradictions ; qui n’a jamais buté sur un accord ? un pluriel de nom composé. C’est l’occasion alors de vérifier, d’ouvrir un dictionnaire... A défaut un correcteur orthographique.

Simplifier l’orthographe : c’est à dire la manière d’écrire les mots pour les rendre... Comment au fait ? Les rendre plus légers ? Plus beaux ? Plus simples ? Plus faciles à écrire ? A prononcer ? Mais tous ces plus, entrainant des moins, fait l’affaire de qui ? Qui le demande ? Toucher à la langue, à la manière dont on la transcrit, dont on l’écrit n’est pas anodin.

C’est en réalité attaquer la base, les fondations d’une construction élaborée depuis des siècles, les mots sont des vieux messieurs et des vielles dames, issus de mots plus anciens encore. On ne maltraite pas les Anciens, on leur doit le respect, c’est aussi une valeur fondamentale.
Les mots sont comme nous, ils ont des racines, et c’est ce qui coince et fait grincer les dents. Et pour cause. Pour illustrer je reprendrai l’exemple de mon ami Alain à propos de l’orthographe du mot “imbécillité” avec deux L me précise t-il , n’en déplaise aux imbéciles; avec un l ; ce mot en prenait deux jusqu’en 1790.

L’Académie Française décide deux siècles plus tard de retirer ce l pour soit disant rendre plus cohérent les deux mots. Quelle aventure ! Cela peut sembler anecdotique, frivole, sauf que ! lmbécillité prend origine dans le terme latin “imbecillitus” qui signifie manque de force physique et de réflexion. Ce l, cette simple lettre ôtée d’un seul coup, coupe le mot de son étymologie, le prive de son sens, de sa racine et de sa sève. Le rend orphelin. En fait un “sans famille”.

Cet exemple illustre bien la métaphore du sens. La rupture du contrat, en prenant la langue, le mot et son écriture en otage. La privation de ce qui fait et donne ce sens : le socle d’une société, ses valeurs, ses lois et ses codes, quelque chose de confortable car c’est un cadre, des limites posées et rassurantes, qui permettent de nous comprendre. Vouloir trop simplifier n’est certes pas la solution de l’excellence ! Encore moins celle d’encourager l’effort. Ne plus donner de place et jeter dans le désordre ces voyelles et consonnes pour que plus rien ne raisonne ni ne résonne, sonne faux. Une fausse note encore qui en fera une addition salée. Une mise à mort sans jugement, une condamnation sans appel, infecte et indigeste sonnant le glas de la civilisation et entrainant l’Homme vers le Chaos. ll s’agit donc bien d’un acte politique qui ne dit pas son nom et se cache derrière une bienveillance perverse, mais ce ON n’est plus à ça près... !

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine, crédit photo, @brigittedusch

dimanche 19 janvier 2025

Le coffre fort de nos vies



Il est le gardien de nos secrets, de nos joies et de nos peines, de nos souvenirs et de notre passé.
Il est là au fond de nous, bien à l'abri. Il n'existe pas vraiment, mais il est bien réel car nous lui avons offert la vie, nous l'avons mis au monde puis il a grandi tout seul, avec et sans nous pour nous. il renferme ces nous,  ce que nous sommes après avoir été les "je" de toutes ces vies que nous avons vécues depuis notre naissance, peut-être même avant ?
C'est une sorte d'artefact, un vrac ou rien ne s'assemble forcément et parfois ne s'articule pas davantage.
Mais ce qu'il renferme est tellement précieux il l'est tant qu'il doit être tenu à l'écart des regards étranges de quelques étrangers qui tenteraient de venir nous voler nos secrets et notre âme. 
Alors il faut bien le cacher car il n'appartient qu'à nous et à nous seul.
Il renferme nos vies, nos secrets mais aussi peut-être ce que nous ne savons pas encore, et que nous ne saurons jamais. 
Il faut accepter ce risque, c'est la condition de chaque vie.


Tout est là, nous le savons. out est à l'intérieur, dans ce ventre maternel, cette matrice secrète nichée au coeur de notre âme. C'est un coffre fort, bien scellé dont nous gardons précieusement la clé. Nous ne l'ouvrons que rarement de peur ? De réveiller ? de réveiller notre mémoire, de retourner en arrière, de rendre vie à ce qui a été et qui est encore tellement vivant dans notre coeur. Rien ne meurt, tout est là et ne demande qu'à être convoqué, encore faut-il ne pas avoir peur, en avoir peur, car nous ne risquons rien
Le temps n'existe pas, il n'est qu'invention de l'homme qui refuse l'Eternité. Il suffit de vouloir, et de laisser venir à soi... C'est facile.
C'est abolir le temps, les peurs, les évidences et les certitudes, le réel
Croire en ce qu'on ne veut pas croire, repousser les frontières et les limites au bord du Savoir, du Réel que l'humain a construit. Aller et franchir les limites du Temps car il n'existe pas, il n'est pas figé, il est impermanent, et on peut y aller se promener, hier ? Demain peut-être, c'est à nous de savoir c'est à nous de vouloir
Ich will

Car le temps ce n'est pas ça il n'y a pas d'avant ni d'après. Il y a le maintenant, cet instant présent qui est une somme de tout cela. Mais on ne le sait pas, notre mémoire vive aussi vive soit-elle, notre cerveau, notre imagination, notre représentations ne peuvent humainement traiter toutes ces informations. 
Pourtant
Ce coffre fort s'ouvre de temps en temps, pas forcément quand nous le voulons, le souhaitons, mais les verrous sautent et d'un seul coup d'un seul, tout est là, c'est l'état de grâce, tout est là devant soi, TOUT, nous sommes au milieu de ce tout qui nous prend et nous entraine dans ce tourbillon de soi.
Que c'est bon ! il faut se laisser aller et laisser venir, ne rient tenter, car on ne risque rien sauf accéder au Savoir, au savoir de Soi.
Et c'est bon.
Lorsque les verrous sautent, que du coffre jaillit notre passé, nos souvenirs et nos vies c"'est qu'enfin nous sommes prêts à être. Etre à soi enfin.
Que c'est bon.
Ce coffre fort bien vérouillé renferme bien des secrets qu'on aimerai parfois partager. Mais à qui ? Pourquoi ? Notre vie n'intéresse personne d'autre que soi. Parfois on se laisse aller à quelques confidences, peut être pour soulager sa conscience, sa mémoire, son être à vif en souffrance.. Très vite on réalise que cela ne vaut pas la peine, que cet autre à qui on a livré une partie de tout ca, ne résonne et ne raisonne pas. Alors on le referme et on se renferme encore un peu, un peu plus, on retourne alors à soi et à Lui pour ceux qui ont le bonheur d'y croire.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch


jeudi 14 novembre 2024

Manipulateur/ manipulé histoire d'une rencontre



Histoire d'une rencontre singulière et pourtant inévitable le plus souvent;
C'est une histoire d'amour manquée, une histoire d'un manque d'amour, d'un manque et d'un amour qui ne savent où se loger car ils n'ont pas de place. 
C'est l'histoire d'un sujet qui ne sait pas ce que signifie aimer , qui ne l'a pas vraiment été et celle d'un autre, qui ne sait pas vraiment mais voudrait être aimé.
Alors il va aimer celui qui ne l'est pas et ne sait pas ce que c'est, il pense qu'en l'aimant ce dernier l'aimera en retour et apprendra ce qu'est l'amour.
La rencontre à lieu et se noue autour de cette imposture où ces deux êtres sont des imposteurs à eux mêmes et à l'autre.
Le manipulateur, ne sait pas qu'il l'est, il le devient peu à peu, car il comprend rapidement comment on peut obtenir de l'attention, être regardé pour être et advenir à l'existence. Un tant soit peu.
Une fois encore et surtout c'est une histoire de regard, et toutes les histoires d'amour ne peuvent passer que par là.
L'un n'a jamais été regardé l'autre désire plus que tout l'être.
L'un ne regarde pas celui qui voudrait tant l'être Il ne le voit même pas, sauf quand il a besoin de lui. Regarder ?
Il se regarde tout au plus mais ne s'aime pas, ne se supporte pas. 
Le regard de l'autre lui montre que pourtant il existe, qu'il est bien présent à ce monde où il a été jeté sans vraiment de précaution. 
Ce sont deux être intelligents et sensibles, une sensibilité anesthésiée chez l'un, exacerbée chez l'autre, et tous deux ne savent quoi en faire.
Une sensibilité qui s'exprime par le mal, la douleur, la souffrance voire la cruauté.
C'est là que se noue le drame de ces deux êtres en errance qui vont ce créer un monde et un espace fou. Un espace de non dupes, de dupés sans l'être, de consenti et de consentant, d'agresseur et de victime, de bourreau et de martyr. 
Ainsi se noue une des relations les plus toxiques entre deux êtres, ainsi se crée une addiction à la pire drogue celle de l'être existé et existant.
L'un ne peut plus se passer de l'autre, même s'il sait tout le mal qu'il lui fait, la souffrance qu'il génère, la douleur des plaies qui ne cicatrisent jamais.
Béantes, elles sont toujours, le ravaudage et les sutures ne tiennent jamais
L'un a besoin de l'autre pour tenir debout, et l'un ne peut vivre sans l'autre, je te vampirise, et je jouis, tu es vampirisé et tu as mal mais c'est dans cette plaie que je creuse à chaque seconde que se loge ta jouissance. Ils se connaissent par coeur, savent leurs failles et leurs limites. 
Le manipulé se rebiffe parfois et timidement menace, de partir, de quitter cet être qui le maltraite; Mais il ne peut pas, c'est plus fort que lui. Il y est attaché pieds et poings liés et malgré tout il aime ça; Cette maltraitance paradoxalement le rassure, et il trouve moultes raisons pour ne pas s'enfuir. 
Elles sont toutes bonnes, défendables entendables. " il a quand même de bons côtés" certes, un être ne peut pas à moins d'être un monstre complétement mauvais. "Mais quand je menace, on parle et il me dit qu'il comprend et va faire des efforts" Il les fait quelques heures, quelques jours au mieux, mais ce n'est pas dans sa nature car c'est un être égoiste dont seul son bien être est essentiel. "Il me fait sans cesse des reproches mais peut être que je n'en fais pas assez "vrai on peut toujours faire mieux.. "il m'a dit qu'il ne recommencerait plus, et m'a demandé pardon" comme l'enfant qui a volé des bonbons, mais son nez tourne. Qu'est ce que le pardon chez un être qui agit tout en sachant que ce qu'il fait n'est pas acceptable. "il me dit qu'il n'a pas menti, qu'il n'a pas voulu me faire de peine" Pourquoi a t-il commis cet acte qui vous aurait fait mal ? 
La liste est loin d'être exhausitive, il y a les mensonges, les tromperies, les infidélités, les humiliations, les insultes, les propos dégradants, les moqueries, les  dénigrements, les petits mots piquants devant les autres.. tout le temps ou presque. 
L'autre n'est rien qu'un objet "un paillasson sur lequel il n'a même pas le courage de s"essuyer les pieds " me confie une patiente maltraitée depuis des années mais qui n'avait pas le courage de partir de quitter son confort.. Mais lequel ? 
Objet, outil destiné à servir, utilisé mais pourquoi ? Où est l'amour, le regard ?
Imposture cruelle et tragique.
Et pourtant l'histoire continue, longtemps parfois, toute une vie "jusqu'à ce que la mort nous sépare... " mais quelle vie. 
Une vie de non duperie, mais subie sans mots dits mais maudis dés que l'imposture trop dure à digérer à supporter explose en pleine figure et ne peut plus être supportée, endurée, tolérée. 
Souffrance infernale et descente aux enfers,dans les ténèbres les plus sombres de la colère, de la haine de soi.
Car ce n'est pas l'autre que l'on déteste, on continue de l'aimer malgré tout, mais c'est bien de la haine de soi qu'il s'agit, ce soi qu'on n'a jamais vraiment aimé car on ne sait absolument rien de l'amour, de cet amour inconditionnel dont seul le regard peut rendre compte. Alors honte et culpabilité nourrissent la haine et la détestation de soi à tel point qu'on ne peut /veut plus vivre parfois "comment j'ai fait pour supporter tout ça ? "en effet ? Comment ?
Et c' est cette question là, cette question essentielle qu'il faut se poser.
Comment ? Comment ais je pu me laisser entrainer par ce courant tranquille sans vouloir ne rien voir pour ne rien faire
Seul le sujet peut y donner du sens, peut tenter de donner un sens à ce qui lui est arrivé.
Ce n'est que par cette prise de conscience, ce constat qu'il pourra enfin comprendre comment il a pu se laisser prendre dans les mailles de ce filet toxique, dans les fils de cette toile tissée lentement, mais savamment par son chasseur.
C'est une longue démarche qui mène à la confrontation à soi même, à l'acception de soi et de ses failles. Se trouver face à son vide, à ses manques et ses faiblesses
Doivent elles être comblées ? Par qui ? Pour quoi ? Comment ?
Qui peut répondre ? le sujet ? La victime ? Mais aussi l'agresseur... 

Brigitte Judit Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittejuditdusch

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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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