Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mardi 9 octobre 2018

Entendre l'inentendable ?


Comment entendre l'inentendable ? 

Qu'est ce que l'in entendable, ce qui ne peut donc s'entendre, qui fait effraction à l'entendement ?
Effract
ion, dépasser, franchir le cadre admis, toléré par l'espace de la société, violer la loi, les codes, transgresser. Les tabous et les interdits.

On pourrait penser qu'il existe deux mondes, clivés, celui du bien celui du mal, entre les deux, une dead line, une zone de transit, un check point.. On peut passer un peu, pas trop de l'autre côté celui un peu gris, mais pas tout à fait obscur, car il est facile d'en revenir, un petit tour de l'autre côté de la frontière pour se donner quelques frissons, sentir l'adrénaline, puis retour à la norme, car rien de bien méchant de griller un feu rouge !

Pourtant !
Ce terr
itoire est bien l'espace où se déroulent l'indicible et l'inentendable où se posent les actes in nomables
Un terr
itoire, un monde de transgression, où celle ci est devenue la règle, où elle est la Loi, où justement la Loi n'est plus, plus la même.
Espace sombre des dél
inquances, de la violence, de l'agression, du crime.
Espace de ceux qu
i posent ces actes.
Une sorte de no man's land, de l
ieu qui interpelle, qui fascine aussi peut-être car là se jouent des jeux interdits. Là, s'explorent et se mettent en acte l'objet fantasmatique, ce fantasme qui prend forme et s'anime. Là d'où on ne ressort pas indemne si toutefois on en ressort.
Car ? Est-ce un aller simple ? Existe t-il un billet pour le retour ?
Prend-on un "titre de transport" pour se rendre en ce lieu là, ou bien y arrive t-on par hasard, au hasard d'une rencontre, pas si bonne que ça ou tout à fait mauvaise, s'y enlise t-on ? Marais obscur, sables mouvants, caverne sombre, lieu de ténébres ? Mais l'interdit ne se cache t-il pas sous les lumières, en plein jour ? Aussi ?

 L'inententable, l'impensable trouvent-ils origine dans cet espace de transition, cette sorte d'entre deux monde qui ne dit pas vraiment son nom ?
Et quid de celui qui après y avoir séjourné veut en sortir, s'en trouve extrait, exclu et tente de renouer, re tisser des liens ravauder ce qui reste du filet qui le maintien avec le "monde", celui qui est dicible ou du moins ce dit comme tel ?
Quid de ses actes à ce sujet là, car il y a lui, le sujet, l'auteur, l'acteur, et ses actes, ce qu'il a fait, ce qu'il a commis ? Ce qui l'a amené en cette deadzone, car il a franchi la deadline ?

Comment et que faire de ces mots qui expliquent, voire qui excusent le crime, les crimes, les actes irraisonnables, qui défient l'entendement ?
Transgression des interdits, ceux qu'on appelle fondamentaux car ils sont le socle de la société, ils en forment le cadre et pourtant ?
Alors comment faire ?
Où cette parole peut-elle se dire, se déposer, dans quelle mesure ?
Qui et comment peut non seulement l'entendre mais lui donner du sens. Et quel sens ? Pour qui ?
Qu'est ce que l'in entendable ? Quels sont ces mots qui servent à nommer l'horreur, les tragédies qui font la une des journaux ? Dont les médias se repaissent pour faire des agresseurs des monstres, ceux la même qui sont montrés à voir pour être cloués au pilori.
De ces actes dont les coupables, les agresseurs rendent compte devant des juges, dans cet espace qu'est le tribunal, qui jugera en fonction de la justice des hommes, celle là même qui fait que le cadre est le cadre, qui définit les limites de ce qui se fait ou non, du bien et du mal
Car nous y revoilà encore.
Interdits. Transgression.
Il y a les délits, les violences et les crimes, les Codes de Justice classifient, définissent.
Les agresseurs, coupables présumés sont jugés, puis condamnés. Une peine leur est infligée. Prison, amendes, sursis ou non.. Dommages, réparations.
Il existe tout un lexique approprié.
Et puis.
Et après ?
Comment vivre après, pour la victime, traumatisée, choquée, dont la vie est brisée...
Comment vivre après, pour l'agresseur, condamné , qui a purgé sa peine...
Comment ?
Victime/agresseur. Agresseur/victime ? Une rencontre ? Peut-on parler de rencontre alors ? Comment définir ce moment qui ne peut être mis en mots mais qui pourtant a été mis en actes ?
Comment en parler ? Comment et pourquoi ?
Comment répondre de crimes ? Répondre ? Reconnaitre ? Comparaître
Interrogations et mots pour ces maux, ces tragédies dont personne ne sort indemnes. Dont les victimes sont directes et collatérales, elles portent à tout jamais la trace indélébiles, une plaie qui ne cicatrise jamais complétement, durablement, qui peut craquer à chaque instant.
Il est bien difficile de dire. Il est bien difficile d'écrire. Les circonstances et l'actualité en sont un exemple tragique chaque jour. La violence de l'impensé et de l'impensable qui nous est infligée nous laisse parfois aller à penser au delà de l'imaginable.
Comment survivre pour pouvoir vivre ?

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

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