A quelques heures de Kippourn le jour le plus saint de l’année – le jour durant lequel nous sommes le plus proches de D.ieu et de la quintessence de nos âmes
“Car en ce jour, Il fera expiation pour vous purifier de toutes vos fautes, afin que vous soyez purifiés devant Dieu.” (Lévitique 16,30).
Pardonner. Le pardon. Qu'est ce que le pardon ?
C'est surtout prendre conscience de son acte, de ses actes, du mal que nous avons pu faire, sans le vouloir ou en le voulant. Prendre acte de l’acte posé et des conséquences qui en découlent.
C’est le résultat d'une longue introspection, sans fard, sans essayer de se donner de bonnes raisons ou excuses, de « recontextualiser » comme le souligne souvent l’historienne que je suis. C'est un face à face avec soi
La question du pardon n’est pas seulement spirituelle, religieuse ou philosophique, elle est éthique et morale. C’est une histoire entre soi et soi, soi et D.ieu. Et c’est à Lui Seul de nous l’accorder. Certes il est bon, il aime par dessus tout ses enfants, aussi turbulents soient-ils et il suffit de lui demander. Hakadosh Baruch Hu attend qu'on lui demande, il n'attend que ça. Alors je lui demande je lui demanderai encore, comme chaque jour, comme toujours, et comme toujours j’essaierai de faire mieux, de faire de mon mieux, de faire Techouva. Encore et encore.
Mais
s’il est facile d’obtenir son pardon, il ne peut pardonner à la
place de ceux que nous avons offensé et c’est à nous et à nous
seuls de leur demander. Ainsi dois je prendre conscience de
ce que j’ai fait, « réveiller ma mémoire, être sincère et
vraie ». Il s’agit là d’humilité mais aussi de
reconnaissance non seulement des actes posés mais aussi de leurs
conséquences. L'autre offensé
mais aussi ses proches qui en ont souffert eux aussi et ainsi de suite… Ce
« résidu » qui se transmet de générations en
générations.
Il va de soi que c’est réciproque.
Pardonner, se pardonner à soi d'abord est nécessaire pour s’inscrire encore
dans la vie, nous ne pouvons porter la culpabilité d’un acte que
nous avons reconnu, toute notre vie. Ce serait nourrir de la colère
contre soi et nous priver ainsi de l ‘élan vital et de nos
relations aux autres et aux monde. Ainsi l’autre, les autres,
cette fameuse altérité, celle dont on ne peut être dépourvu pour s'inscrire dans l’Humanité, être Humain, sujet de l’humanité qui
considère l’autre comme lui même et qui ainsi ne lui fait pas ce
qu’il n’aimerait qu’on lui fasse. Nulle question de
religion ici, seulement de morale et d’éthique, de respect envers
soi même. Ainsi
appartient-il à cet autre, ces autres de se regarder aussi dans le miroir
et de se repentir, prendre conscience que leurs actes, leurs
silences, leur non reconnaissance nous ont blessés. Et nous demander pardon.
Encore faut-il être sincère, ce n’est pas
à moi, à nous de juger. D. Eternel lui seul peut le faire.
Le
pardon n’est pas l’oubli,
cette différence éthique permet de relativiser, mais ne répond pas à la question sur le
fond. Elle pose en revanche celle d’une possible conciliation, mais surtout
d’une réconciliation incluant l’altérité, permettant une
« compensation, une réparation » Cela me laisse
perplexe. Est-il possible de réparer ce qui est
irrémédiablement brisé ? Je ne le pense pas, encore moins
quand ce pardon est le résultat d'une injonction émanant la plupart du temps
d'une autorité, politique le plus souvent, désireuse de
tout effacer pour mieux recommencer. Ainsi, je ne dirai mot du fameux
« devoir de mémoire ». encore moins de "l’amnistie", contrefaçon du pardon pour reprendre les mots de Catherine Chalier.
Faut-il instituer, une loi un décret ? celui de pardonner à son
bourreau, à son agresseur ?
Il faudrait alors tout
pardonner, effacer les souffrances de la victime et pardonner car
« ils ne savent pas ce qu’ils font » ? Notion qui m’est
étrangère, qui ne ne s'inscrit pas dans la Culture que j’ai reçue et
qui est Mienne, mon Identité la plus profonde. Ce
serait ainsi à l'offensé de demande à l’offenseur de venir lui demander pardon pour les actes qu’il a
commis et qui sont responsables de sa souffrance. C’est profondément
humiliant. Ainsi elle serait coupable, coupable d'avoir souffert et de continuer à le faire ? Cette notion chrétienne
est d’une violence absolue car il y a bien celui qui fait le mal et
celui qui il l’a infligé.
Alors
devons nous TOUT pardonner ? je ne saurai répondre, cela fait
des décennies que je me pose la question sans me satisfaire des
possibles réponses que je peux apporter. Puis je pardonner
toutes les souffrances reçues ? L’ingratitude ? La
méchanceté ? La haine dont j’ai été l’objet ? Il
m’appartient à moi seule d’en juger. C’est un dialogue entre
Lui et moi. Mais puis je pardonner toutes les offenses qui m’ont
été faites et qui ont fait, font encore souffrir ceux que j’aime,
les Miens. Là c’est une autre histoire.
Le
pardon n’est pas inconditionnel, je le crois intimement, et ce
n’est pas à la victime d’en prendre l’initiative, je le pense
aussi intimement.
Je pense aussi qu’il y a des actes
impardonnables, des deuils, des tragédies, des souffrances reçues,
ceux qui survivent à tout ça ne peuvent être jugés ni blâmés
s’ils ne le peuvent pas et j’en suis, j’implore la clémence de
mon Créateur.
Mais
on ne peut vivre dans la haine. Ce n’est pas tenable. Je fais
de mon mieux chaque jour, et je sais qu’Il m’entend. Cette
année encore, après m'être déliée des vœux de l’an passé, j’en formule de nouveaux. Nous les
Juifs parlons du tikkoun
olam
(la
réparation du monde ) et cela me convient, je fais du mieux
que je peux, chaque jour que l'Eternel me donne en cadeau.
« Ne
hais pas ton frère en ton coeur
Admoneste ton prochain «
(Lévitique 19, 17)
Ainsi ne faut-il pas haîr, pour ne
pas s’abîmer et se détruire. La parole peut nous y aider, sur le
chemin de ce pardon nous pouvons peut-être engager le dialogue, dire
à celui qui nous a blessé que nous en avons souffert. Il en va
de nous, de notre esprit et de notre âme. Nous pouvons essayer
d’éviter ou de délier ce nœud qui s’installe et se resserre
de jours en jours, le nœud que forme l’emprise de la Haine qui
nous conduit vers une spirale infernale au fond de gouffre de la
souffrance qui l’est tout autant.
Il faut du temps, celui ci
est nôtre allié, et tant que nous pensons que nous en sommes pas
prêts à pardonner, cela ne sert à rien. Il faut être
sincère avec nous même. Il faut alors je crois, se pardonner de
ne pas être prêts car ce n'est pas pour nous le moment. Alors il faut à nouveau explorer notre âme, notre Ego, notre
Etre et faire le deuil de notre « perfection » Se
souvenir pour Nous, Peuple de l'Exil, de l’Egypte où notre Peuple fut maintenu en
esclavage, mai se souvenir aussi qu’il Nous a accueilli. C'est avoir la Mémoire vive » et ne jamais se laisser envahir par le
Mal, le Satan. Se souvenir aussi des «bonnes choses » car il y
en a eu. toujours. Pour ma part, encore une fois chaque jour
j’essaie de retrouver ces bons moments, ces leçons dans les
souffrances qui m’ont été infligées, certes j’ai appris, j’ai
tiré leçon, j'éprouve même de la gratitude pour celui qui m'a fait mal, car grâce à lui j'apprends encore qu'on ne peut se fier, se confier, mais je ne lui pardonne pas, je n'oublie pas. Je ne suis pas dans la Haine et chaque fois que je suis
à terre, je me relève, grâce à la Force que ne donne ma Foi et car il n'y a que Lui. Mais je
ne suis pas non plus certaine de pouvoir pardonner, même si cela m’est
demandé. Encore
une fois il m'est impossible de pardonner à ceux qui ne se sont
jamais excusés. Et avec ceux là, je suis en compte depuis fort
longtemps….
Brigitte Dusch historienne, psychanalyste, exploratrice urbaine
Crédit photo @SachaDusch, Maison Rachi (qu'il soit remercié)