Tout au long de ma présence au sein des établissements hospitaliers, j'ai entretenu des relations particulières avec les représentants des cultes.
Leur présence en ces lieux, n'est pas à démontrer, n'est pas discutable, puisqu'elle est demandée, souhaitée par les patients, les familles.
Parfois, l'aumonier (ou l'aumonière) est la seule personne qui passe, qui rend visite au malade qui ne voit personne, qui n'a pas ou plus de famille, qui est abandonné.
Il est parfois le seul capable de recueillir des confidences, des paroles qui ne peuvent être déposées dans un autre lieu, un autre espace.
Paroles qui ne relèvent ni de la dimension psychique tout à fait, ni de la dimension physique complétement, mais paroles qui s'interrogent sur le devenir d'une âme en souffrance, en espèrance d'un avenir, d'un futur, ailleurs, dans un au delà, sur une Terre Promise qu'ils attendent et espèrent pour certains, croyants ou non....
Spirituel ? Esprit ? Ame ? Dieu ? Religion ? Foi ? Croyance ? Domaine divin, dieu, église etc... Domaine limite, frontière extrément mince entre le psychisme et l'esprit, si on considère que ce n'est pas tout à fait la même chose...
Autre territoire inconnu de l'âme, qu'on ne connait pas tout à fait, terre inconnue, presque effleurée, domaine lointain qu'on sait présent, mais qu'on ne peut palper vraiment..
Qu'on n'interroge pas souvent, ou dans des conditions très particulières.
Ame ?
Il n'est pas toujours question de religion, la plupart du temps..
Il est question de réconfort souvent
Un réconfort, une écoute, une oreille attentive, différente de celle du médecin, du psychanalyste, différente, mais aussi complémentaire. Parfois, si le patient le souhaite.
Il est souvent dans ce cas, ici et maintenant, question de questions.
Questions qu'on ne se posent pas forcément ailleurs, avant, quand tout va bien, ou à peu près bien, quand l'heure n'est pas à la question justement.
La maladie, l'approche de la mort questionnent justement, intensément, angoissément cette ou ces questions ?
Qui suis je ? Sujet malade ?
Mais que vais-je devenir sujet mourant ?
La religion n'a rien à faire, ni affaire dans un travail thérapeutique, elle n'est ni de mise, ni invitée, même si elle s'invite parfois.
Le thérapeute n'est ni un confesseur, ni un prétre chargé de donner l'absolution. Il ne pardonne rien au nom de personne.
Il peut tout au mieux, accompagner le sujet qui le souhaite dans sa démarche de pardon à lui même et autres qu'ils pourraient avoir offensés
Mais qu'est ce que l'offense dans le discours de l'analyste ? De l'analysant ?
Offenser quoi, et offenser qui ? Transgression ?
On n'est pas, dans cette affaire là, dans cette transaction là, dans cette démarche là, dans cette aventure là. Pas de Méa culpa.
C'est un autre quête, qui peut être menée en parrallèle, séparément, c'est un choix, et le choix du sujet.
Il arrive pourtant que cette rencontre se fasse, ait lieu, que ces deux là soient au rendez vous, même lieu, même heure....Comme ça ! Par hasard.
Mais le hasard n'existe pas : Alors ?
Il arrive pourtant que ces rendez vous, arrivent et aient lieu, et que psychanalyste et aumonier soient impliqués. Mouillés par le patient, analysant pénitant en demande d'espèrance et de devenir meilleur. invités !
Curieux hôtes que voilà !
Le psychanalyste s'il ne promet rien, permet en revanche...Si le sujet le veut !
L'aumonier peut-il promettre que son dieu sera miséricordieux, pardonnera les péchés, et aime tous ses enfants ?
Je n'en sais rien.
Pourtant il vient, écoute, accompagne et réconforte.
L'analyste, vient, écoute et accompagne.... Quel réconfort apporte t-il ?
Confronté à la maladie, le travail analytique se fait au bord du lit, hors cadre, hors du cadre traditionnel, pas de divan, pas d'espace temps délimité pour le sujet....
On improvise, on compose, on fait avec... Ce qu'on à, ce qui est !
On invente, on crée, parfois on bricole !
Hors cadre, mais en les murs, en les murs de l'institution et de la chambre, de la chambre du dedans, d'un dedans carcan qui parfois est le dernier dedans, la dernière demeure...
Comment faire ailleurs. Il faut bien évidemment repenser, voire repanser sa clinique, sa pratique.
Si chaque rencontre est nouvelle, cette chambre est un espace pas toujours clos, où il faut pourtant lors du travail analytique préserver l'intime, et donc offrir un espace d'intimité, afin que cet intime puisse se mettre en mots.
Aider le patient à historiser cette souffrance et cette demande, sans pouvoir répondre à ses questions, ni le rassurer sur la possibilité peut-être éventuellement hypothètique d'un avenir, d'un futur, d'un devenir meilleur, ou autre, ou d'un autre monde tout court ?
Ce qu'il en est, nul ne sait... Mais ceux qui ont la foi en sont persuadés peut-être ?
Alors peut-être aussi, est-ce bon, qu'un des leurs le leur rappelle ?
L'analyste ne peut promettre le paradis, quel paradis ?
Il peut permettre la mise en mot du présent, pour penser l'avenir, mais qu'est l'avenir, quand on compte en jours et parfois en heure
Avenir quand même ! Ca j'en suis sûre....
Et puis il y a le lieu, consacré à la prière....Celle des croyants ou des incroyants, peu importe, nul besoin d'appartenir à une église pour en pousser la porte
Lieu de paix, de silence et de recueillement, cet espace est essentiel dans ce lieux de violences, de morts, de sangs, de douleurs, de souffrances...
Combien de fois, ais je poussé, moi, qui ne crois en rien, ou en si peu, combien de fois ais je poussé cette petite porte ? Combien de fois, suis je entrée, moi, qui n'ait pas la foi, du moins cette foi là ?
Combien de fois suis je venue, non à la rencontre d'un dieu, bienveillant, malveillant, miséricordieux, vengeur, bon... car je ne sais si dieu il y a ?
Pourtant, je suis venue...
Souvent, très souvent, souvent, dans cet espace clos, je me suis retirée et reposée. Oh pas longtemps ! Le temps dans cet endroit est suspendu, n'existe pas, n'existe plus !
Toujours j'y ai trouvé la paix, le calme, le silence, ce silence que je laisse m'envelopper, m'envahir, prendre mon âme et mon esprit ! Ce silence que je gôute avec délice, une sorte de jouissance indéfinissable !
Se retrouver pour quelques minutes, quelques secondes face à soi même, face à cette solitude qui peut se révéler terrible, mais aussi terriblement rassurante.
Face à sa solitude ! J'ai écouté le silence, me suis nourri de solitude....Je ne suis pas certaine qu'un autre endroit ai pu m'offrir tout ça, d'un seul coup, en même temps..
Certains disent que c'est la maison de Dieu ou dieu, qu'il y règne cette atmosphère grâce aux prières ? Je n'en sais rien, mais ce dont je suis sûre c'est que cet endroit là, précisèment est tellement précieux ici.
Une sorte de no man's land.
Une Terre d'asile !
L'Etre humain est unique, chaque rencontre est unique, c'est un éternel recommencement, une aventure nouvelle à chaque fois
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Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne
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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.
Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.
Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.
4 commentaires:
bonjour castor, je laisse un petit mot ici pour vous dire que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt "les mères" et que j'ai commencé à vous écrire à cet article. je reviendrai ici dès que possible
bien à vous
catherine
Bonjour Catherine, et merci, je suis très touchée par vos témoignages...J'ai lu avec beaucoup d'émotion votre commentaire sur les Mères et je vous répondrai. Un autre article sur ce thème est en "gestation" dans ma tête. Il y a tant à dire sur ce sujet, j'entends tant de choses également, qu'il n'est pas possible de rester muet, de ne pas y mettre de sens, donner, rendre du sens..
Bien à vous
Castor
Cher Castor ,
Encore une fois merci pour ces textes que vous nous livrez : pour le fond de solides réflexions sur votre expérience et pour la forme toujours un vent de poésie qui fait vivre les mots….
Pour vous partager mon expérience de la visite de malades en aumônerie catholique je vais essayer de vous parler de trois aspects : le fait de visiter dans ce cadre précis, la visite en elle-même et l’après-visite.
Sur vingt ans j’ai remarqué bien des changements sur la façon dont était perçue la présence de l’aumônerie : considérée comme normale il y a vingt ans et plutôt positive en général on est passé à une présence beaucoup plus ‘suspecte ‘ sans doute s’est on mis à réfléchir sur la laïcité…d’une façon plus ou moins lucide avec une grande peur des phénomènes communautaires. Mais là je suis hors sujet je voudrais juste témoigner de l’échange d’être humain à être humain toutes nationalités et religions confondues. En poussant la porte d’une chambre d’hôpital je n’ai jamais rencontré un étranger …mais un proche !
Pour reprendre la notion de terre inconnue, presque effleurée ( j’aime beaucoup votre expression qui mêle le spirituel (inconnue) et le corps(effleurée) ) il est vrai que pour la vie de tous les jours, pour penser, pour étudier la nature et la maîtriser, pour compter ( ) nous n’avons pas besoin de dieu. Mais arrive dans la vie assez rapidement ou plus tardivement un moment ( la maladie en est un) où on touche la limite de toute terre connue , on est obligé de constater sa totale impuissance. L’image qui m’a le plus marquée pour rendre compte de cette expérience c’est le Kotel, le mur du temple à Jérusalem (petite digression : c’est aussi un lieu où les hommes montrent leur misogynie :Les trois quart de la place sont réservés aux hommes et un petit quart aux femmes remarquons que c’est toujours mieux que la hiérarchie de l’église catholique qui est entièrement masculine !! ) C’est une bonne image pour moi de cette limite où dieu pourrait exister et si je prends la décision de le rencontrer dans l’absence de repères humains , se mettent alors en route dans la vie sur terre des relations, des connections, des aides, des éveils, des prises de conscience qui pénètrent les terres inconnues…
La visite de malades se situe souvent dans ces zones limites où la vie n’a plus de limites connue. L’écoute, l’accueil de l’autre tel qu’il est à un moment précis de sa vie sans autre souci que d’être une présence de paix permet au malade de mettre des mots sur sa souffrance. J’ai souvent été étonnée de m’entendre dire : ‘merci pour vos paroles ‘ alors que je n’avais presque rien dit mais longuement écouté…
Pour ce qui est de la partie confessionnelle nous pouvions porter la communion mais en aucun cas confesser et absoudre ! c’est vrai qu’un échange profond faisait inévitablement surgir offenses et pardon.
Avec le malade sans opinion religieuse il s’agissait quelques fois à sa demande et après un authentique échange de témoigner d’un cheminement spirituel …
Comme vous l’avez dit je dois constater que les malades m’ont énormément apporté et je les en ai toujours remerciés !
Enfin il y a l’après-visite et un temps de recueillement où l’on reprend dans son cœur les souffrances, les espoirs qui nous ont été confiés est nécessaire : comme vous parlez bien Castor de ce lieu ! où le temps est suspendu…où l’on peut venir reprendre sa respiration, où l’on ne parle pas entre soi mais où l’on se tait devant l’invisible. Une terre d’asile, un sanctuaire, un refuge, une parenthèse. C’est tellement important d’arriver à se taire, à faire silence pour que quelque chose d’autre que son propre « moulin mental » puisse exister. Pour qu’il puisse se produire quelque chose que nous n’avons pas construit, provoqué, subi ou détruit…tout autre chose qui met à l’épreuve notre faiblesse et notre humilité…
Dans le cadre de l’aumônerie il y a aussi l’existence d’une équipe souvent et là le partage a une grande importance : à la fois pour prendre conscience de ses propres réactions et partager le poids parfois bien lourds de certaines tragédies vécues par les malades. Une formation continue est toujours prévue par ailleurs, organisée sur le plan diocésain.
Encore merci castor pour vos textes médités, éclairants , chargés de toute votre expérience mais si légers ( le mot est positif …je n’arrive pas à en trouver un autre pour exprimer que vous nous tirez vers le haut, vers un air respirable), libérant !
Bien à vous
catherine
Chère Catherine,
Vous me comblez par la justesse de vos propos, et vos longs développements.
Je vous remercie infiniment de venir ici, de prendre le temps de lire ces textes...
Textes que j'écris pour tenter de lire, de déchiffrer, ce qui se passe, ce qui se joue dans la relation entre le thérapeute et l'analysant ou le patient, cela dépend de ce qui se met en place, de ce qui est demandé..
Vous analyser et décrivez parfaitement ces différents moments,vous nous en livrez la clé, avec justesse et pudeur.
L'aumonerie est un espace, un lieu où il peut se dire, où il peut s'entendre, où il peut faire silence.
Cet espace clos ne l'est pas cependant, car il se passe des choses, les émotions circulent....
Ce que j'offre aux patients, aux famille est aussi un espace, mais différent...Encore que.
L'important est que cet espace soit !
Que ces espaces soient
Je rencontre souvent aumomiers et aumonières, temps de partage souvent, d'échanges aussi, de soutien et d'écoute, mutuel...
Je vous remercie pour vos visites, et la lecture très attentives de cette écriture témoin, et témoignages...
Mais peut-on écrire autre chose que l'expérience ? Ecrire permet aussi la mise à distance, prendre du recul et comprendre encore et encore, encore et autrement
Comprendre...Attendre...Entendre.
Pour être là, quand il faut, quand le sujet le demande et fait de nous, son aumonier, son confesseur, et son psychanalste (en sachant que l'un ne peut être l'autre, que l'autre n'est pas l'un, mais qu'ils sont nécessaires..) Bien à vous
Castor
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