Attendre son tour patiemment ou non, dans une salle d'attente
Attendre indéfiniment que sa vie change
Attendre que l'autre vienne
Attendre un enfant
Attendre son train
La fin de l'histoire, la fin du film,
Attendre la mort !
Que de temps passe t-on à attendre ? Mais attendre quoi ? Ou qui ?
Attendre ou espèrer ?
L'attente n'est pas toujours facile, pas toujours simple à vivre, à gérer..
Elle instaure en effet un espace de solitude, solitude encore, encore et toujours..
Attendre c'est se retrouver face à soi même, face à son être seul, et c'est parfois le plus difficile, le plus compliqué, le moins supportable..
Attendre, c'est renoncer à la satisfaction immédiate, renoncer au tout de suite. Pas maintenant.
Satisfaction d'un désir, d'un besoin. Cette satisfaction là, est différee dans le temps, un temps parfois incertain, un temps inconnu, qu'on ne mesure pas toujours, qu'on ne maitrise pas
C'est se retrouver face à l'impuissance, à la non puissance de gérer ce temps, de le ramener, ou de l'amener à une distance qui nous semblerait raisonnnable, qui nous conviendrait, qui nous serait plus supportable, moins anxiogène.
"Je n'en peux plus d'attendre...Qui ou quoi ?"... Me dit un jour une analysante. Attendre, mais quoi, peu lui importait de le savoir, mais elle savait qu'elle attendait.
Que quelque chose se passe dans sa vie, quelque chose, dont elle ne savait rien, qu'elle n'imaginait pas vraiment, mais qu'elle attendait.
Insurmontable attente, laissant le sujet seul face à un espace, un espace de temps, dont il ne sait que faire, qu'il ne sait, ou n'ose combler dans l'attente de.
Un espace temps qu'il n'ose investir, car l'évènement attendu pourrait arriver. "Alors si je commence quelque chose... Je raterai, comment savoir ?"
Comment savoir en effet ?
Mais savoir quoi ?
L'attente est un problème de sociéte, tant et si bien que la question se pose partout. Les salles d'attente, où des inconnus se croisent, se regardent, se parlent parfois....Lisant les magazines laissés là, à leur intention pour "tuer le temps", attendre sans attendre.
Comme si l'attente, cette attente là générait un ennui, une sorte de "je ne sais pas quoi faire" . Répondant à l'injonction parentale d'antan, "Ne reste pas sans rien faire" et pour aller plus loin encore "l'oisiveté est mère de tous les vices " Peut-être ?
Le temps perdu....Ou qu'on pense tel, car on aurait envie de faire autre chose que rien, ce rien qui justement s'impose là, comme ça, sans qu'on n'y puisse rien...Le temps encore est toujours qu'on croit nôtre, mais contre lequel on ne peut rien encore une fois, qui s'impose et qui se pose dans un espace que nous n'avons pas forcèment prévu, et qu'on s'obstine à meubler parce que cet espace là, on ne le veut pas vide. Un espace ne peut être vide, le vide se doit d'être comblé...
Pendant cette attente. Contre laquelle il n'y a rien à faire de plus que feuilleter machinalement la revue placée là pour ça... Les mots croisés pour se concentrer et faire passer le temps plus vite... Travailler en attendant, sur son ordinateur, sur des dossiers, afin de ne pas perdre son temps....Ou en ne faisant rien, les yeux perdus dans le vague, dans le ciel, profitant de ce temps libre pour penser, rêver, méditer... Contre tout attente !
Le temps donc ! Une question de temps...Perdu, mais qu'il ne faut cependant pas perdre, car pour certains il s'avère précieux....
La perte ! Insupportable perte.
Ce temps, qu'on tue, pour ne pas le perdre.
Curieux paradoxe !
Temps mort !
Une si longue attente...
On attend un enfant, on attend à la caisse, on attend son tour, on attend des résultats, on attend un rendez vous, on attend un événement, on attend son train, son taxi....
Quai de gare !
On attend, donc on est là à un moment a et on attend le moment b. Seulement la route n'est pas directe. Il existe un espace entre les deux, il y a un "entre" a et b.
Cet "entre" là c'est l'attente
Une sorte d'entre acte.... Pour que les acteurs se changent, reprennent leur souffle, qu'on change le décor
La vie est un théatre....
Dans ces cas l'attente est dévolue à quelque chose, à une sorte de résultat
L'enfant viendra, le train, le taxi arriveront, on finira par vider son caddie à la caisse du supermarché.
L'attente n'est pas vaine, même si ce temps là, ne sert concrétement à rien. Du moins c'est ce qu'on croit. Il n'y a qu'à regarder les files d'attente...génèrant davantage de stress qu'une joie débordante !
Donc quel est cet espace qui se situe dans l'intervalle de l'ensemble a et l'ensemble b, il n'y a pas de rencontre possible....
Si le temps est linéaire, l'intervalle serait plus ou moins long, mais serait là, mesurable, mathématiquement calculable..
Une sorte de no mans land...Un sass où il est censé ne rien se passer. Pourtant.
Il s'en passe des choses, il s'en dit des mots... On pense, on imagine, on improvise, on invente un scénario, je dirai, je dirai ça...je ferai ci je ferai ça...On refait le monde, à notre image, on se réinvente un monde, un peu meilleur, juste un peu plus adapté, un peu comme on voudrait, où on serait un peu le héros, du moins un peu moins ci, un peu plus ça...
L'attente entre les séances d'analyse....
Attentes si longues, trop longues parfois, où on pense, où on dit, on se redit, on dit à soi même, on se souvient, on ressent, encore la séance, ce qui s'est dit, pas dit, ce qu'on aurait aimé dire, ce qu'on aurait du dire, qu'on n'aurait pas du dire, qu'on a pas pu dire, on se dit les mots qu'on dira la prochaine fois... Peut-être, si on s'en souvient. Puis on pense encore aux mots qu'on a dit, qu'on a pas dit, la dernière fois...On aurait du, on a pas pu, on le dira, on le dira pas...On pense, on élabore, on échafaude, on rêve, on analyse, on fait des liens, on associe, on comprend tout, on ne comprend plus rien....On tisse des liens, on tricote, on brode, on détricote, on reprise, on ressasse, on recoud, on remet des pièces, on rafistole, notre vie, on bricole, on colmate, on reprise encore et encore avec quelques mots, lachés là, seuls qui se raccrochent peut-être encore à quelque chose, à un lien tenu, un pauvre fil suspendu, qu'on essaie de sauver, pour faire du lien, pour tisser, pour ramailler là où ça a céder....On tente encore une dernière fois, ça tient, ça tient pas, de ci de là, de ci de ça, et puis peut-être on tire encore, des plans, sur la comète, avec le fil qui ne rentre pas dans le chas de l'aiguille, le chat....Le fil qui tient et qui tient pas, qui ne tiendra pas, et on coupe ! finalement on tranche ou pas, on fruste ou pas, on castre ou pas, on censure ou pas....L'interséance... Angoisse, pas bien, nausée, malaise....
Joie, bonheur, euphorie, c'est ça tout ça, l'attente de l'autre, de la séance, la future, pas la dernière, l'attente de l'analyse, l'attente de l'analyste !
On attend la prochaine fois, le temps est long, on est en manque, en manque de la séance, en manque du dire, on manque de mots à mettre sur les émotions, les souffrances, les douleurs, les rires, les plaisirs, on manque du manque, on manque de la séance, on manque de l'analyse, on manque de l'analyste...
Mais la séance viendra, il faut être patient l'heure finit par arriver, le rendez vous finit par avoir lieu, notre tour arrive...
Quand il viendra, il se passera quelque chose, ou il ne se passera rien, ou pas ce qu'on attendait, mais on attendait quoi ? Le plan ne se déroule pas comme on l'avait prévu...Alors on attend encore, la prochaine fois, la prochaine séance, le prochain rendez-vous, la prochaine rencontre...
Pour ne pas la manquer. Cette fois, encore une fois !
Un tour, encore un tour, un tour de passe passe, le temps qui passe et qui repasse, cent fois remettre sur le métier son ouvrage !
On attend....
Je me souviens d'une expression de mon enfance... "Attendre le dégel". Elle me faisait rêver, mais ne manquait pas de m'interpeller en plein été...
Attendre quelque chose qui ne vient pas, et qui ne viendra jamais, mais attendre, telles ces femmes de marin qui attendent le retour... Un retour impossible parfois, mais qu'elles espèrent quand même, car cet espoir les maintient en vie, du moins les aide à survivre
L'attente de l'homme, du fils ou du mari, parti en mer, et pas revenu ! Naufrage, mère cruelle, qui a ravi le corps, le corps du fils ou du mari, dans l'immensité de l'océan, gouffre sans fond, sans fondement, ce qui ravive encore l'attente, l'attente du miracle...
Survivre à ça....Vivre pour attendre, attendre pour vivre, regarder la mer, qui réclame toujours plus de sacrifice sans jamais s'apaiser, qui réclame des vies pour se nourrir du désespoir et de la souffrance....Regarder le ciel, implorant la clémence des dieux, qui ne peuvent être si cruels, des dieux, qui pour une fois, peuvent ramener le fils ou le mari vivant, sur le rivage, là où les pieds de la pauvre femme errent cent fois par jour, dans l'attente d'un signe qui ne vient pas, qui ne viendra peut-être pas, mais qui peut peut-être venir !
Sa vie ne tient qu'à ça, de ci de ça, vie qui ne tient qu'au fil tenu, malingre et malicieux qui la maintient en vie, en survie, et qui se coupe, qui se brise, qui ne tient plus, qui lache, qui ne peut comme les filets de la nasse être sans cesse ravaudée
Pauvre vieille ! Pauvre femme ! Pauvre mère!
Que faire, elle n'est pas de taille pour lutter contre cette mère qui dévore tout, ses enfants et ses navires !
Mais elle attend, une si longue attende, des journées à attendre, une vie d'attente !
Cette même attente, qui se confond avec ce misèrable espoir des plus pauvres, des plus solitaires, de ceux qui souffrent, qui pensent que demain sera meilleur, si ce n 'est pour eux, il le sera peut-être, sûrement même pour leurs enfants....
Leur laissant croire, les rassurant, que finalement ils n'ont pas tort, ils ont raison d'attendre, ils ont raison de miser sur cette attente là
Qu'il finira bien par se passer quelque chose; qu'ily aura une lumière au bout du tunnel, que ça ne peut pas être sombre tout le temps, noir partout !
Alors il faut attendre, attendre encore et encore
Interminable attente !
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