Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

dimanche 1 mars 2009

La douleur

C'est bien de la douleur physique qu'il s'agit, de la douleur qui fait mal, qui fait mal au corps... Aux membres du corps, aux organes du corps, à ceux et ce qui le composent..
Une douleur,
Elle finit à la longue par faire mal à l'âme
Mais elle fait mal au corps d'abord
Fi de ceux qui clament que les maux du corps sont les maux de l'esprit qui ne trouvent pas le chemin des mots.... Simpissime cliché. Pour exhorciser la douleur, le mal, l'extirper du corps, de ce corps qui souffre, qui fait souffrir à n'en plus finir !
Fi de ceux là.
Si la douleur trouve parfois son origine dans l'esprit, dans le conflit psychique, si c'est cette douleur là, ce conflit là qui ne peut se résoudre autrement que par la mise en maux, il n'empêche que le corps souffre
"C'est bien beau de me dire que si j'ai mal à l'estomac c'est à cause du stress, mais j'ai mal, et il faudrait peut-être me soulager" me dit un jour un patient souffrant d'un ulcère, bien réel.
Qu'il avait raison.... Soulager et entendre cette douleur là, qui peut-être ne pouvait s'exprimer ailleurs et autrement, mais qui était présente, bien là, dans le réel.... Qui plonge le sujet dans le réel, face à lui.

La douleur ! Avoir mal ! Souffrir !
Mes fonctions à l'hôpital m'ont amenées à cotoyer ce mal là, aussi souvent, très souvent, à entendre ces plaintes là, aussi...
Une douleur qui s'entend, qui se voit, qui se sent, qui fait participer tous les sens, ceux de celui qui souffre, ceux de celui qui est présent, là, impuissant le plus souvent.
Le mal... "j'ai mal, j'ai tellement mal, mon corps à si mal, mon corps me fait si mal..."
Le mal au corps, le corps souffrant, le corps...
On ne dit plus je, mais mon corps, comme si cette dissociation, ce clivage, permettait une mise à distance, une prise de distance. Je ici est un autre. Je vois, sens cet autre souffrir...Cet autre qu'est le corps, mais qui fnalement rejoint l'esprit, et bientôt corps et esprit se rencontrent, fusionnent dans la douleur, je deviens le corps, encore.
Encore
Comme si ce recul, cette distance entre le dire et l'être, l'être et l'avoir ne faisant bientôt plus qu'un. Un fusionnel....J'ai la douleur, je suis la douleur, j'ai mal, je suis mal
Nul distanciation, nulle distinction, mais une communion, une fusion..


Mal à l'âme, mais mal au corps, d'abord, ensuite... mal au corps, à la tête, au bras...partout parfois, tant de mal, qu'on ne sait plus où la douleur se situe, d'où elle vient, qui est responsable, son origine
Cortège d'antalgiques, de l'aspirine à la morphine pour la soulager, la combattre, la repousser, mais la vaincre ?

Alors elle devient, malgré lui, à son insu, presque... La compagne du malade, du sujet qui souffre, et qui va devoir vivre, cheminer, avancer avec cette maitresse éternellement insatisfaite, implacable, jalouse, possessive, qui tel un vampire se nourrit de son énergie, de sa force vitale jusqu'à l'épuisement..Psychique !

Terrible compagne que celle là, pas vraiment choisie, mais "qui se tape l'incrust" pour reprendre les termes d'une adolescente aux prises avec sa maladie.
Incruste, s'incruste, non seulement dans les cellules et les tissus, elle envahit le corps et l'esprit, car on n'arrive plus à penser à autre chose, autre chose qu'à elle, omniprésente, omnisciente...
Plus fidèle que l'ombre, elle ne laisse pas un seul moment de repis, de repos, elle est là, lanscinante, sournoise, perverse, diabolique, machiavélique.

Curieux duo, étrange couple, on finit par la connaitre à défaut de l'apprivoiser, savoir à quel moment elle se réveille, comment elle se calme, qui peut la faire taire, la faire devenir un peu plus sourde, moins tapageuse, un moment, un trop court moment
Curieux couple qui s'avance, relation perverse, un peu sadique, un peu mosochiste, un peu des deux, en alternance, jamais en même temps, sinon elle s'annulerait.
Curieuse rencontre, fortuite ! mais relation fidèle, contrat solide, difficile de trouver la faille !

Aujourd'hui, il parait que la douleur est mieux maitrisée, qu'on peut la contrôler ! Les centres anti douleur, les formation anti douleur....Pour vaincre la douleur, on dispose d'un arsenal de médicaments : de l'aspirine aux anti dépresseurs en passant par la morphine et ses dérivés...On apprend au patient à se servir au mieux de sa pompe à morphine, on lui remet une réglette pour évaluer et mettre sur une échelle de 10, un chiffre sur ce qu'il ressent, combien son corps il souffre...3, 4, 5....
On quantifie la douleur, rebelle, narquoise, résistante, récurrente, récidivante, présente...
Combien son corps il a mal, pour calculer la dose d'antalgique, curieuse équation, qui ne résoud pas grand chose..

Elle envahit le corps et taraude l'esprit encore. Il faut voir le visage saccagé, ravagé de celui qui a mal, les traits tordus par cette douleur qui le ronge de l'intérieur, sans que rien ne le soulage vraiment, qui tire les larmes des yeux...Larmes qu'on ne peut contenir, ravaler, qu'on laisse alors impuissant, couler le long des joues, impuissant !
Celui qui souffre ou qui a souffert se reconnait, se remarque aisément, car il garde à tout jamais la traçe, la meurtrissure, les cicatrices, les blessures... Et il reconnait l'autre, son semblable qui a souffert aussi.
Un regard suffit souvent, seulement, une sorte de dialogue sans parole s'instaure, s'installe, muet, les paroles n'ont pas raison d'être ici, dans ce discours là... Les traces indélébiles sont là, uniques signifiant, seules signifiées.
Le souvenir
La mémoire de la douleur, ancrée, chevillée non seulement au corps, mais incrustée dans l'inconscient physiologique de notre être !
Alors abandonné, il ferme les yeux, las de la lutte, finale, ultime, qui le laisse sans force, sans rien, sans dignité, sans répit, et il laisse cette maitresse lui prendre ce qui lui reste pour se battre. Il assiste impuissant à l'agonie de son corps,
Un regard suffit alors, sans parole besoin, pour se reconnaitre, entre ceux qui ont mal, ceux qui souffrent de la douleur.
Car, maligne elle a instauré un langage, au delà des mots et des maux. Une sorte de code muet...Qui aimerait priver la douleur de la parole !
Le registre pour exprimer la souffrance est vaste, métaphorique, imagé. Le sujet s'efforce de trouver le mot juste, celui qui dira, qui traduira ce que son corps ressent, ce qu'il subit...Emprunt d'une précision extraordinaire il tente de dire, de communiquer comme il peut une souffrance qui déborde, qui n'en peut plus d'être contenue. Une souffrance sans cadre, sans limite, qui part dans tous les sens... Par tous les sens.
Et le sujet parfois s'effondre, laisse aller cette douleur là, l'envahir, le saisir d'un seul coup d'un seul, l'assèner et l'assommer, sans plus rien dire, sans plus agir car il se trouve impuissant, terrassé par le mal qui l'envahit et le prend tout entier.
La douleur tient, retient, détient. Ne lache pas, ni prise, ni répit, ni trêve !
Le sujet ne peut s'en défaire....Et ne sait comment assumer cette défaite ?
Si de fait il y a...
Qui, quoi, peut délivrer de la douleur
Et comment ?

2 commentaires:

orfeenix a dit…

vraie question, à laquelle les réponses si incomplètes apparaissent tellement dérisoires, la force de l' esprit d' un Laurence d' Arabie,l'acte de transcender d'une Sainte Thérèse, la révolte, le mutisme stupéfait...Peut être vote compassion est elle une distraction fugitive et lumineuse pour les souffrants que vous cotoyez.

Brigitte Dusch a dit…

Je ne sais....
Merci d'être venue
Bien à vous

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