Ils parasitent le présent, m'écrivait un ami...
Ce matin j'ai retrouvé par hasard (mais y a t-il un hasard ?) un album photos. Vieil album rescapé de la maison maternelle. Retrouvé parmi une foule d'objets, au fond d'une armoire, ouvert, vite, puis mis de côté, pour plus tard... Après....
Vieil album aux photos en noir et blanc, aux photos couleur sépia, arrangées délicatement dans les pages cartonnées, disposées méticuleusement dans les coins tansparents, prévus à cet effet.
Alors je me suis assise dans la chambre de ma fille, et j'ai ouvert cet album ...
Rêveuse, songeuse.
L'univers de ma mère...
Confectionné soigneusement par maman, il regroupe ses souvenirs à Elle, sa vie à Elle.
Une vie qui n'est pas la mienne, qui n'est pas la nôtre à toutes les deux, car je n'étais pas à cette époque là.
J'ai sûrement vu ces photos, enfant, mais je n'en n'ai que de vagues souvenirs, certaines oui...Je me souviens... C'est flou.
Je me suis alors assise pour feuilleter cet album, pour entrer dans cette intimité qui n'est pas mienne, qui m'est un peu étrangère, même complétement étrangère.
Une sorte de territoire inconnu, inexploré en quelque sorte,
Je m'y aventure, timidement, fébrilement
Je n'ai jamais lu les lettres de ma mère, ses cahiers, ce qu'elle écrivait pour elle, ses carnets...Mais ces photos, ces souvenirs ?
Une partie de moi, aussi, quand même, une partie de l'histoire de sa famille, de la mienne, de celle de mes enfants, aussi...Et surtout !
Intimité !
L'intimité d'une vie, de la vie d'une petite fille, d'une jeune fille qui était ma mère...
Chronologique ! Des souvenirs en ordre. Avant, pendant.
Avant, ses parents, mes grands parents.
L'album s'ouvre sur leur photos de mariage...Bouleversant, de les voir ainsi, je les ai bien connu,s ils m'ont élevée, mais ils n'avaient pas ce visage là, un peu l'allure cependant, mais ils n'étaient pas jeunes, ils étaient sans âge, à dire vrai.. Mais sur cette photo : si jeunes, presque des enfants, beaux, magnifiques, sobres...
Que de souvenirs...
En même temps j'imaginais ma mère, cherchant dans la boite, celles qu'elle mettrait dans l'album, celles qu'elles sélectionneraient : les photos, courts fragments de vie, figés pour une soit disant éternité
Qui survivent aux disparus... Qui restent pour ceux qui restent, qui sont restés, qui resteront
Je ne suis pas certaine que ma mère ait fait ça pour ça.... L'éternité ? Quel sens cela avait l'éternité pour elle... Elle vivait un présent figé dans le passé, un passé douloureux, une souffrance de n'avoir pu faire.... Vivre.... Décider....Etre.....
Et c'est ce passé là qui m'a sauté à la face, au visage . Ce passé peut-être encombrant ,
Le passé parasite le présent, le futur... Les souvenirs.... m'écrivait mon ami.
Souvenirs des larmes de ma mère, de son enfance, heureuse ! Incouciante, malgré la guerre... Mais une enfance avec des parents aimants, présents. Ce bonheur là, est là, dans ces photos, dans l'arrangement de ces photos, dans l'ordre de ces images couleur sépia...
Curieux et étranges ces tranches de vie...
Bribes de puzzle, morceau d'histoires,
Anecdoctes que personne ne pourra me transmettre en me montrant ces photos..
Je me surprends à appeler ma fille et lui montrer, lui dire, mettre des mots sur mes souvenirs à moi, sur ce que ces photos prises alors que je n'étais pas née... Dire "regarde ta grand mère.. ici c'est son mon oncle, sa cousine...Tu as vu la maison, comment c'était... Ca c'est la soeur de Papy, son mari... ici, je ne sais pas.. Ah si, c'est untel... Ah, là, non je ne vois vraiment pas..."
Personne pour mettre alors un nom sur un visage, qui restera inconnu
Qui ne sera plus nommé. Qui n'existera plus alors ?
Elle n'y a rangé ici qu'une seule partie, celle heureuse...Celle où sûrement elle est restée, celle qu'elle a regrétté, celle à laquelle elle a toujours pensé, celle qu'elle n'a jamais pu panser....
J'ai rencontré ma mère ce matin, sous un autre jour. J'ai vu une jeune fille, jolie, mince, élégante, insouciante, riant aux éclats, libre.....Heureuse...
J'aurai aimé être la fille de cette jeune fille là....!
J'aurai aimé parler avec elle de cette jeune fille là...
Puis les souvenirs encore, les miens cette fois... Oui, elle m'a parlé de cette jeune fille là, quand j'étais enfant...Elle parlait sans dire vraiment, elle parlait pour elle, je crois, elle se racontait à elle ce bonheur là. Je ne pouvais comprendre... Tout ?
Soupçonner, sûrement, lire à travers les mots, les lignes, au delà des mots..Outre le langage, celui des hommes...
Il y avait parfois cette jeune fille là, en cherchant bien, dans l'ombre de la femme, de la mère, sévère, rigoureuse, inflexible parfois qui a été la mienne....Parfois !
Maman me manque chaque jour, même si nous étions souvent étrangères l'une à l'autre, même si nous ne nous comprenions pas toujours, même si ce n'est que des années plus tard que j'ai compris son message à elle, celui qu'elle n'a jamais pu me dire, nommer, mettre en mots, parce que tout simplement cela ne se faisait pas, coincée dans un carcan éducatif, d'un siècle disparu, vestige d'une éducation où l'amour était sans tendresse, où on ne disait pas !
Alors elle a essayé de transmettre autrement, maladroitement... Sans dire, mais en faire !
Enfer ! ?
Pour que justement je ne reproduise pas son schéma à elle, que je ne m'enferme pas dans sa prison à elle, dans cet espace où l'adulte est adulte à tout jamais.
Elle a veillé sur mes pas, petit pas vers la liberté, cette liberté qu'Elle n'a pas su ou voulu s'offrir, pour ne pas déplaire, ne pas braver l'autorité, l'amour (?) de ses parents...
Elle m'a regardé, faire, m'éloigner, contester, et m'affranchir de cette autorité là, de ces injonctions là, de ces carcans là.
Elle a regardé ça souvent avec bienveillance...
Je me souviens de quelques mots, pour me donner raison, contre le reste de la famille. Elle qui ne disait rien, elle a dit ce jour là, pour moi !
Admirative et fière, elle me reprochait sûrement les libertés que je prenais, que je m'accordais, car elle aurait aimé...Elle aurait aussi voulu faire. Je n'ai pas compris tout, tout de suite, à ce moment là, comme ça, il m'a fallu des années. Aujourd'hui encore, son message est là, je le décode, le décrypte, et aurait tellement aimé que simplement elle dise.... Avec des mots.
A sa manière Maman m'a dit "Va, vis, et deviens.."
Alors je m'en suis allée, je vis et je deviens chaque jour... Moi,"
A mes filles, avec mon amour, ma confiance, mon admiration
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Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne
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Nota bene
Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.
Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.
Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.
3 commentaires:
Ouhaou!
J'aimerais une lignée de mères comme ça dans ma famille, comme la tienne, comme celle de tes filles.
C'est pourtant peut-être parfois compliqué de se sentir le devoir d'être libre?
Bel article!
Quel beau regard de femme sur une autre femme, d'une fille sur sa mère, d'une mère sur ses filles...
Merci
Christine
Merci à vous.
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