Ailleurs...
Ce n'est pas seulement une impression, mais presque une réalité.
Une sorte d'autre ailleurs
Une curieuse, étrange rencontre
Lorsque je travaillais à l'hôpital, je rencontrais souvent des personnes âgées, malades de l'âge le plus souvent "de vieilleries" me disaient-ils en souriant tristement
Et je rencontrais aussi ces patients atteints de ce mal de l'oubli, de ce mal qui ne guérit pas, qui plonge dans les ténèbres de l'oubli.
Eux et leurs familles... Je ne sais ce qui était le plus difficile, pour qui c'était le plus difficile, eux, ou leurs proches, eux si lointains de leurs proches. Leurs proches si désemparés, si loin !
Proches ?
Qui ne comprenaient pas.... Cet éloignement là.
L'oubli, des choses, présentes, l'oubli du présent. Des choses élèmentaires...
Ne plus savoir ce qu'il faut faire, comment manger, se laver, s'habiller...
Terrible que cela !
Mais terrible pour qui?
Un ailleurs alors, un monde étrange, étranger, pour nous, pour eux.
Quel monde ?
L'oubli de soi, des autres, de là, de la vie, ne plus être... En vie !
Yeux hagards, décharnés, teints blafards...Ils étaient là, allongés, sanglés sur un lit ou sur un fauteuil pour ne pas errer dans les couloirs, s'échapper, "se mettre en danger"
Vingt ans plus tôt ces mêmes patients étaient internés dans les services psychiatriques destinés aux "patients chroniques" car leur entourage ne pouvaient les garder à domicile. Ils auraient pu mettre le feu, faire "n'importe quoi....' qui les aurait mis en danger... eux et les autres
Je n'oublierai jamais ce vieux monsieur, que sa femme me confia, jeune stagiaire il m'appartenait alors de "faire l'admission"
"Démence précoce"... Détérioration temporo spatiale...
Comme cet entretien fut difficile pour moi, je devais ravaler mes larmes... Je n'oublierai jamais !
Le "vieux monsieur" parlait d'une manière incompréhensible, usait d'un langage inconnu, ne reconnaissait plus son épouse, était devenu agressif .
"lui, si gentil"...."si vite" me dit-elle... Démunie, tremblante, épuisée, elle ne savait plus. Le médecin de famille avait signé les papiers...
Et j'ai vu ce vieux, gentil monsieur se dégrader comme on disait alors, vite, vite, physiquement, psychiquement
J'ai écouté cet oubli, ce désarroi. Ecouté, car je ne pouvais rien, ni dire, ni faire
Impuissants que nous sommes devant cette misère là !
Vingt ans plus tard, le scénario est le même, on ne parle plus de démence précoce. La médecine dispose maintenant d'un terme plus savant, scientifique, un peu moins angoissant !
Pourtant....
Je reconnais les visages épuisés, tristes, vidés de ces proches harrassés par le conjoint qui "perd la tête'... Ils ont tout fait, pour "le garder à la maison" Mais ...
Il ne reste plus alors que l'hôpital, général, (car la psychiatrie, j'ai envie de dire malheureusement, en ce qui concerne le temps, la formation des personnels, plus à même de ces prises en charge là) s'il est souffrant...
Puis "une maison" disent-ils pudiquement, en s'excusant de ne pouvoir tenir, de ne pouvoir faire cet effort là, au détriment de leur santé, de leur vie, de leur existence à eux;..
Ils cherchent alors à se justifier, à s'excuser..
Comme si..
Pourtant ?
Qui pourrait se donner le droit de juger, de condamner...
S'engage alors souvent une lutte sans merci entre les services médicaux, sociaux, le psy, la famille...
Rendement, prix de journée, lit à vider, manque de place, pas de service à domicile disponible...
On fait quoi ?
Leurre que tout cela... Car on n'oublie presque le patient, lui, celui qui a oublié
Oublié l'oubli...
On oubli qu'il est toujours là, même si lui ne sait plus vraiment, ne sait plus non plus ce qui serait bien pour lui. Ce libre arbitre qui lui a été confisqué !
Peine capitale !
Il faut alors décider... Le "mettre quelque part" le placer, comme on place un objet dont on ne veut plus, qui ne sert plus.. A rien...
Placement ! Ce mot me faisait tellement horreur, que je le reprenais à chaque fois lors des réunions, entretiens....
Mais comment dire ?
Orientation ? Hébergement ?
Manier habilement l'euphémisme, se rassurer avec les mots, ne pas vraiment dire encore, une réalité affligeante, consternante, mais qui ne se peut être autre, autrement
Souvent, les soignants, je l'ai écris déjà, exigent des familles, des proches des attitudes invraisemblables, car il faut "faire une sortie" "vider les lits"... Les invitant alors à reprendre le patient au domicile
Ce qui ne s'avère pas possible, du moins durablement. Peu de choses, sinon rien n'est prévu pour ça, l'hospitalisation à domicile étant un mirage, si ce n'est une illusion
Ainsi, l'ailleurs, un autre lieu devient nécessaire, indispensable pour chacun. Pour le repos de chacun, la sécurité de chacun
Ailleurs... C'est aussi priver de ce qui reste, un peu, qui ne s'efface pas totalement, ce qui revient de temps en temps... Un bref instant.
Illusion encore, espoir pour cet autre, qui croit, qui se voit reconnu, un peu
Souvenir..
Et puis l'espoir s'évanouit comme la mémoire, les yeux embués de larmes on voit disparaitre dans cet endroit étrange et étranger celui ou celle qui fut le compagnon ou la compagne de ces années là.
Il ne reste plus rien, des souvenirs, et le regard. Le regard lointain, étrange, étranger à lui même et aux autres, vide, mais pas tout à fait, de celui qui a tout oublié ou presque...
Je est non seulement un autre, mais il est ailleurs...
All Zheimer !
A eux, qui sont, ont été, et seront encore....A leur famille, proches, amis..
L'Etre humain est unique, chaque rencontre est unique, c'est un éternel recommencement, une aventure nouvelle à chaque fois
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Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne
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Nota bene
Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.
Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.
Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.
1 commentaire:
Chère Castor
Encore une fois, je sors secouée par votre texte, que faire, ce que vous écrivez est vrai, juste, dur aussi, je suis souvent bouleversée par ce que vous dites.
En visite régulière sur votre site, je ne laisse pas de commentaires, de traces comme vous dites, pas par désinterêt, mais parce que parfois je ne trouve pas les mots, je n'ose pas aussi.
Mais sachez que je vous lis, que j'attends aussi vos articles qui traduisent souvent ce que je pense
Merci chère Castor
Laurianne E
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