Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

dimanche 29 septembre 2013

Le Pardon ?


Le pardon, de par le don, au delà du don, du don à soi, à l'autre, un concept simple au demeurant mais tellement complexe

J'écris ces lignes au lendemain de Kippour... "Le Grand Pardon"...
Un moment singulier, un moment de réflexion, de retour sur soi peut-être ? Qui ais-je offensé ? Qui m'a offensé ? Pardon ? Pardonner, aller au delà.. Mais au delà de quoi ?
S s'en amuse, il se dit "en mode Bettoun" ce jour là, paraphrasant la célèbre réplique du Parrain "aujourd'hui tout le monde pardonne sauf moi"... Il rit et nous en rions. Puis le ton de la conversation devient grave :" Tu pardonnes toi ? Peut-on pardonner ça ? Et ça ?"

Non, jamais '"qui est venu demander pardon aux miens ?"
Oui ? Qui ? personne.
Et s'ils me demandaient ce pardon, serais-je en mesure de l'accorder ?


Ces bourreaux ont-ils pris conscience de leur faute ? Ont-ils l'intention de ne pas recommencer ?
Pour pouvoir accorder le pardon ?

Si en France le devoir de mémoire est vif, la parole a longtemps été tenue scellée, interdite. Nous devons au Président Chirac la libération de cette parole, (et je l'en remercie) ce dit, ces mots, qui s'ils n'ont guère soulagé la douleur, les souffrances enfouies et le silence au fond des survivants et de leurs enfants, est néanmoins une reconnaissance, un témoignage, celui d'une existence. L'existence d'hommes, de femmes et d'enfants qui ont été rayés du monde de l'Humanité par des fous qui l'avaient décidé.

Des mots qui ont extirpé les fantômes, les ombres de ceux que le silence avait tué encore une fois.
Non, nous ne pouvons pardonner ça... Peut-on pardonner l'impensé, l'impensable ? L'indicible ?
Non, sûrement pas, "essayer d'expliquer ce qu'on ne peut pas comprendre"... Tenter, en effet, sans vraiment de résultat, car quelles explications peut-on proposer, apporter ?
Bien complexe encore une fois
Alors S ne pardonne pas, ne pardonnera jamais, pourtant de "la religion il s'en fout" ça ne le concerne pas "on ne va pas me dire ce que je dois manger ou pas, quand ou pas".
Nous en avons parlé tant et tant de fois !
"Petit fils de survivants, tu te rends compte, j'aurai pu ne jamais être là, et toi non plus... "
"c'est vrai j'y ai souvent pensé."
Enfants de survivants, pouvoir le dire c'est déjà beaucoup. Pouvoir se définir ainsi c'est déjà beaucoup, pouvoir se situer à cette place c'est déjà beaucoup.
Enfants de survivants, n'est pas une malédiction, mais c'est être vivant, au delà de, par dessus.. par, comme le pardon... !
C'est être resté là, malgré tout, car ce tout qui suit le malgré signifie que nous sommes là, n'en déplaise à ceux qui en avaient décidé autrement, à ces exterminateurs fous, à ces monstres sortis de l'Humanité, mais qui ne pourraient peut-être même pas retourner à la Horde !

C'est Kippour mais S. ne pardonne pas, car assène t-il encore il n'y a RIEN à pardonner, c'est trop, tellement trop que c'est ça l'impossible. L'impossible d'imaginer qu'on peut passer au delà de tout ça car ce "tout ça" perdure encore. Et S de citer toutes ces effractions, ces traumatismes, ces humiliations, ces insultes qui finalement n'intéressent personne. Il suffit de se pencher sur l'affaire de la pièce de théâtre de La Rochelle, immonde exemple s'il en fallait de la mise en acte en toute impunité d'une haine quasi atavique.

Je ne sais quoi te dire S. tu le sais, sauf que nous sommes en comptes, sûrement, toi, moi, et tous les nôtres, avec ceux qui ont trahi ce qui fonde le lien social, cette humanité dont nous n'arrivons pas à préserver la mesure, les limites, que nous n'arrivons pas à contenir, qui se laisse déborder par les pulsions meurtrières qui animent certains qui se disent des hommes !
Le chemin est long, pour certains il me semble impossible, fermé, cadenassé, une sorte de voie impénétrable. Mais qui sait ?
Il faut une force, un détachement, une grande sagesse, être en paix, peut-être pour pardonner, aller au delà de ce qui gît au fond de soi, qui n'est pas forcément de la haine, mais de l'incompréhension peut-être ? Une question qui restera toujours sans réponse : Pourquoi ? ou bien Comment ?
Qui peut le dire ?
Il suffit de lire tous ces noms, ceux de ces enfants, de leurs parents, de prendre les registres impeccablement tenus par les nazis administrant les camps de la mort pour se retrouver devant le gouffre et l'effroi, l'horreur et le vide.
Faut-il comprendre afin de pardonner, même si pardonner ne veut pas dire oublier ?

Brigitte Dusch psychanalysten historienne
Crédit photos @brigittedusch collection privée
A toi S. et aux autres...

..

2 commentaires:

Myriam Karsenty a dit…

À ceux que j'aime je pardonne. Je pardonne tout. Ils peuvent m'offenser, me blesser, me faire du mal. Je pardonne. A mon semblable, je pardonne. Mais une chose est certaine, à ceux qui ont imaginé et mis en œuvre la Shoah je ne pardonne pas. Je garde ma colère contre eux. Et je continue de m'interroger. Je ne veux pas comprendre. Je ne peux pas comprendre. Comprendre, c'est expliquer. Expliquer l'inexplicable c'est impossible. Alors je garde ma colére, elle me permet de rester vigilante pour que la mort pensée et ordonnée de 6 millions des miens ne tombe pas dans l'oubli. La douleur nous garde éveillés.

Brigitte Dusch a dit…

Tu as mis les mots Myriam et je t'en remercie.

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