Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

vendredi 15 janvier 2010

Frustration/Privation

Deux mots d'acception simple, presque banale mais pas tant que ça si on y regarde d'un peu plus près.
Pas si banal en effet, parceque bien souvent employés à tord, l'un pour l'autre, l'autre à la place de l'un.
Confondu, l'un dans l'autre. En matière d'éducation souvent..

Eduquer ! Une mission quasi impossible que celle là objectait Freud...

Eduquer, élever.. Des enfants, les enfants, ses enfants.

Elever, j'aime ce mot. Il me rappelle mon enfance, mon père, qui le plaçait au dessus de tout "élever disait-il c'est mettre au dessus, c'est faire grandir dans le sens de porter plus haut.." C'était ainsi qu'il concevait l'éducation, la nôtre...Quelle noble et ambitieuse mission..

Pourtant cette tâche n'est-elle pas celle des parents ? De tous les parents ?

Nos parents avaient cette "ambition" pour nous. Nous encourageaient à travailler à l'école pour acquérir des connaissances qui nous donneraient la liberté, celle de penser par nous mêmes, de devenir "je" d'avoir un métier, de gagner notre vie, d'être indépendants, autonomes... De respecter les autres..
L'éducation des enfants c'était ça, "élever, pas seulement nourrir !" ajoutait-il.
Pas seulement ! Et que cette éducation là, parraissait rude alors, injuste aux enfants que nous étions . Combien les parents nous semblaient inflexibles, durs...

Eduquer serait donc ça ? Pas tout à fait, ce serait simplissime et simpliste, il y a pourtant un peu de ça. Il y a le non, le non du père, de la mère, de l'adulte en charge de cette terrible et ingrate mission..
Dire non, refuser. Ce n'est pas simple, oh non ! Rien de plus difficile que de poser cet acte là, des sémininaires entiers y sont consacrés...

Laisser l'enfant à sa place, quitte à l'y remettre, s'il faut, et quand il faut. A chacun sa place. C'est essentiel cette notion de place au sein de la cellule familiale comme de n'importe qu'elle autre d'abord
Savoir qui on est, où on est. Qui est qui, parent, enfant, frère, soeur. S'inscrire d'abord dans cette dynamique pour pouvoir ensuite s'inscrire au sein d'une société.
Laisser l'enfant à sa place d'enfant, pas à celle d'un petit adulte à qui on demande avis et conseil parfois, à qui on demande de remplir un rôle qui n'est pas le sien, à qui on demande cette lourde responsabilité là.
Chacun à sa place, à table et pour le reste...

Simplissime ? Pas tant que ça, à en voir le nombre de consultations de demandes de parents éplorés, dépassés par ces attitudes "déplacées"
Le rôle des parents est ingrat ! Terriblement ingrat, être suffisamment bon, sans être mauvais, être suffisamment présents, sans être omniscients, être suffisamment absents, sans être défaillants !
Et puis..Il y a l'"et puis" ce qui apparait comme une évidence et pourtant ! Une béance !
L'acquisistion des compétences ou habiletés sociales... Qui forment le lien social... Essentiel pour vivre, avec les autres, et être bien avec soi, d'abord

la liste est longue... La politesse la plus élèmentaire, tenir une porte, dire bonjour, aurevoir, merci, s'il vous plait. Se tenir bien à table, savoir manger, prendre la parole..
Tout ces petits riens, ces petites choses qui font la différence, qui font "tout". Les régles de bienséance qui font du petit "pervers polymorphe" un 'animal social".
Qui permettent à l'enfant de grandir, de s'élever...De s'épanouir et de transmettre
Cet héritage là, cette transmission exonérée de tout impot est fondamentale ! Je crois

Certes, me direz vous la société a évolué.. Mais cela autorise t-il l'impolitesse, l'incorrection.... ?
Le lien social réclame quand même un certain mode d'emploi. Nous ne sommes plus au sein de la Horde, livides, hagards, au milieu des Tempêtes.
Le monde n'est pas le Radeau de la Méduse !
Dire bonjour, merci, respecter l'adulte, ses camarades, ses professeurs reste essentiel, et c'est aux parents de transmettre ces valeurs là, me semble t-il.
Et pourtant ! Je suis toujours surprise de ces demandes en consultations résultants de ces carences. Absence de transmission ? Dé mission ?
Surprise de constater que ce qui règle la vie quotidienne manque !
Quid alors de privation ? De frustration ?

Revenons à notre "non" à ce simple petit mot de trois lettres à l'origine de bien des maux..
Dire non. Refuser. C'est en effet s'engager sur un terrain miné.. Et c'est compliqué, car ça risque d'exploser... C'est prendre le risque "d'être méchant" quand la demande d'un enfant essuye un refus.
Pourtant !
Tout ? "On ne peut pas tout avoir.." disait ma grand mère, induisant pleine de bon sens la fameuse notion de manque...
Ce tout impossible !
Ce manque qui crée le désir.
Mais quid de ce manque, du manque dans une société d'ultra consommation, qui laisse croire, qui donne l'illusion que ce tout est possible, que rien ne manque, que ce qui manque, peut s'acquérir en un simple clic... Qui rend ce tout, accessible. Vite !
Leurre ? Mais
Frustation alors ? Elle aide au développement nous assénait-on en cours de pédo psychiatrie, d'ordre symbolique, elle nous apprend le manque, nous enseigne le non, le "on ne peut pas tout avoir" qui se confond avec la privation de l'ordre du réel. Etre privé de...
Se priver, être privé... Dans une société de sur consommation, de biens à profusion ? Comment peut-on manquer de ce jeux vidéo, de ce vétements.. ou autre marchandise ?
manque, justement qu'est-ce que ce manque là ?
Puisqu'il suffit d'un simple clic !
De tout on peut se répaître. De tout on peut obtenir, demander, recevoir... illusion ? Leurre ? Désir ?
Est-ce responsable que d'entretenir, de conforter dans cette illusion là, pour ne pas blesser, pour ne pas refuser,dire non, être méchant...?
Responsabilité de ce manque là ? Pour ce manque là ? Refuser pour conforter dans ce manque là ?

Lors d'un séminaire sur les troubles du comportement de l'enfant et de l'ado (ou la simple observation clinique objectait une intolérance à la frustration) étaient évoquées ces "demandes, ces réponses précédant parfois le désir, cet au delà du besoin". Etait évoquée la notion de récompense en réponse à un comportement agressif, voir violent de l'enfant devant un refus
Une chose pour... "Tu auras ce jeux si tu obtiens de bons résultats ce trimestre".. SI
A condition de; en échange de... Il faut que ceci explique cela ? Que cela pour ceci
Que pour avoir droit, il faut que.. Droit, devoir, devoir pour avoir droit
Droit ? Oui, sans doute, mais pas à Tout !
Si nous avons des droits, nous avons aussi des devoirs. Le savoir est primordial..

Dire à l'enfant : "Il faut que tu fournisses un effort pour obtenir..." Ce "on n'a rien sans rien, il faut que tu y mettes du tien, pour avoir, mériter car cela ne tombe pas du ciel, tout n'est pas permis.
Tout travail mérite salaire, tout salaire nécessite un travail.

Réintroduire parfois la notion d'effort, d'échange et de partage fait partie de la thérapie.
Réapprendre ou parfois apprendre la frustration... Remettre à plus tard un désir d'achat, de nourriture...Ressentir ce manque, nécessaire. Un peu comme cette sensation de faim que certains ont perdus...
Recevoir un refus.

Ce non essentiel, fondamental, car il fonde la société dans laquelle nous vivons, nous évoluons. Fondamental car il pose les interdits et nous oblige à nous soumettre à la Loi, celle que l'Interdit a instaurée, celle de notre espèce, ce" non" que chaque parent se doit d'opposer est, faut-il encore le souligner, ce rappel à la Loi dont on ne peut se soustraire.
A laquelle il convient de ne pas échapper, sous peine d'aller, d'être très mal.
L'éducation c'est donc ça, aussi, opposer un refus. Travail de longue haleine pour l'adulte, tâche qui consiste à ériger des barrières, les redresser, les adapter... Instaurer un cadre, poser des limites.

Un contenant pour contenir ce qui est nécessairement et socialement doit être contenu. Un contenant pour un contenu. Tenu, tenir.. Car c'est quand ça ne tient pas que ça va mal..
Un cadre qui permet de canaliser, les pulsions, la violence pulsionnelle du petit pervers polymorphe pour en faire un animal socialement acceptable. Retenir, contenir les débordements...
Essentiel pour l'enfant, pour le petit enfant, qui teste, qui pousse "pour voir" mais qui en même temps a besoin de sentir cette resistance de l'adulte, ce non là, qui le frustre et le sécurise, le rassure.
Un non au présent, pour assurer un cadre sécure qui lui permettra de se construire, de s'insérer dans le lien social et de transmettre...
A que ça ne tienne...!


Article publié sur la page Analyse et Thérapies animée par BD

2 commentaires:

Unknown a dit…

Bonjour
Je suis totalement en accord avec vos reflexions que je trouve tres pertinentes et interessantes.
Je reflechis actuellement a la notion de frustration autour du cas d'un enfant qui est "victime" de sa toute puissance et lequel -ne connaissant pas le manque- accede a son individuation (rattee) par le non. Un "non" symptome d'un mal d'etre, d'un ratage de la conscience de soi, d'une incapacite a symboliser le manque (puisqu'il n'y a pas de frustration), et d'une tres mauvaise autoregulation des etats anxieux et de la pulsion de mort.
Je suis a la recherche d'un media pour introduire la frustration en therapie et aider l'enfant (11 ans) a faire un travail autour du manque/ ou plein (suivant le point de vue qu'on adopte).
Je vous remercie d'avance de votre reponse

Brigitte Dusch a dit…

Merci de votre intérêt, il m'est difficile de répondre à votre question précisèment
vous pouvez, si vous le souhaitez, me contacter via mon mail..
Introduire la frustration, compte tenu des élèments que vous me donnez me semble en effet essentiel, quelles sont les conditions environnementales ? Et quels sont les points de l'anamnèse qui clochent..
Bien à vous
Brigitte Dusch

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