Les blessures invisibles
Tout semble normal, tout semble aller bien, elles ne se voient pas, elles sont tapies bien au fond de la crypte, c'est un bourdonnement incessant qui nous taraude à chaque instant, la cicatrice est mince, tenu, peut craquer au moindre sursaut de l'âme faisant resurgir la plaie béante qu'on ne veut peut-être pas vraiment guérir ?
Il y a la souffrance celle qui aide à vivre et saccage ce vivre, mais elle est là, elle fait mal, souffre, déchire, écartèle, le coeur est à vif, béant et saigne, presque sans répit. Cette souffrance nous rend vivant, encore de ce côté, même si un seul petit pas pourrait nous emmener ou nous emporter dans l'autre... Il faut le temps, du temps, un temps singulier, qui n'est pas linéaire, qui est ou pas, qui dure ou pas, le temps qu'il faut, qu'il nous est nécessaire...
Puis peu à peu, presque subrepticement vient le temps du chagrin.
A pas de loup....
Le temps du chagrin...
Une silhouette qui s'estompe..
Une voix qui se fond dans le silence
Des sons qui résonnent dans l'ombre...
Des images, un sourire, un regard
On s'accroche, on tente de retenir.
On espère
Mais quoi ?
Il y a la vie, mais pas l'oubli, il y a dans nos coeurs ces instants qui ont été et ne sont plus, une vie de nous, de notre vie d'un autre temps. Il n'y a pas d'oubli, même si l'image devient floue et la voix lointaine, un pâle écho, mais il est là, frèle et tenu. Il fait partie de nous, incorporé à jamais.
Et il faut vivre, reprendre la route, choisir un chemin, avancer, vivre avec la promesse de ne pas oublier tout en acceptant de semer sur sa route des bribes d'avant, petits cailloux coincés dans notre mémoire qui font venir les larmes, la tristesse, l'ennui ; ce je ne sais quoi qui fait que nous nous sentons fragiles, vulnérables, usés, épuisés, à bout de force et dans la non vie. Non envie.
Parfois l'orage éclate, terrible et soudain, c'est une volée de larmes et de cris terrifiants au beau milieu d'une nuit d'insomnie, une journée sans soleil qui crève les nuages. La plaie s'ouvre à nouveau, béante elle laisse s'échapper le sang de la douleur, et les larmes. Traces ineffaçables surgissant du passé qu'on croyait révolu.
Puis un jour on se tient debout, on tient de debout, on vacille un peu, mais on se redresse, on se sent fort, on retrouve le sang de l'énergie. Alors on se lève et on fait face à ses fantômes, sans bruit, sans heurts et sans pleurs, on les accueille en la demeure. Un jour on fait face à soi même à cette partie de soi malheureuse, ce moi abandonné, laissé pour compte au seuil de notre âme tant il nous faisait peur. A présent, il n'y a plus de peur, on accepte que c'est ainsi, de souffrir, avoir de la peine, du chagrin est légitime, que nous avons ce droit, et on s'autorise. On accepte de s'aimer comme ça. Car nous sommes aussi ça. Mais pas seulement ça.
Alors on retourne, on fait le voyage à l'envers
On retourne dans sa mémoire
Et là on regarde
On voit tout en face encore,
Comme une rafale
Mais cette fois c'est moi qui décide
De revivre, de revoir, de ne pas fuir.
Ce jour là arrive, il faut du temps, de la patience, des larmes, de la peur et des pleurs
Il faut attendre longtemps et parfois même cesser d'y croire
Se dire que c'est fichu, que c'est perdu
Se demander aussi pourquoi on est là ?
Mais on y est.
C'est le plus important.
On est arrivé là, alors il faut avancer, encore
Juste encore un peu.
Pour vivre encore, espérer encore...
Avec ça, peut-être, mais avec et ce n’est pas rien.
Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire