Sie sagt
"Je suis une solitaire, voyez vous, non que je l'ai souhaité mais la vie a choisi pour moi. C'est difficile la solitude, on s'habitue. Enfin non, pas vraiment, jamais.
Etre seul c'est n'avoir que soi, soi en face de soi chaque jour que nous offre l'Eternel qui nous a laissé là, seul avec notre chagrin.
Je crois en lui, mais il est injuste parfois... j'aurai aimé ne pas être seule, solitaire.
C'est un poids terrible que la solitude"
Il confie
"Je suis tout seul à présent, elle est partie trop vite ma femme, on n'a pas eu le temps de profiter, de vivre un peu. Alors je reste là dans cette maison que nous avons construite. C'est pas facile tous les jours, je m'habitue (silence) non, pas vraiment car je pense à notre vie à chaque fois que je mets la table, je ne la mets plus ; une assiette, ça ne ressemble à rien... La vie est courte, j'attends."
Entre deux sanglots
"J'ai perdu mes enfants, ensemble presque, je les ai élevé tout seule comme maman qui a perdu mes deux frères elle aussi d'un coup, ensemble, ma grand mère avait perdu ces 4 fils à la guerre 14, il y a leur nom sur le monument du village. Nous sommes maudits, cette famille ne doit plus avoir d'enfant. Je suis seule au monde, maintenant
Dites moi pourquoi"
Elle chuchote
"Mon bébé est mort, je ne sais pas pourquoi, mort subite du nourrisson ils m'ont dit, je n'ai pas compris, ça arrive il parait on ne sait pas pourquoi, tout allait bien il était si beau, mais il est mort, comme ça, tout petit, il n'a pas eu le temps de vivre, c'est injuste, je me sens si seule, je n'ai plus rien, je suis vide...
Vide de bras... il n'y a plus rien vous comprenez, plus personne à nourrir à endormir à embrasser, je voudrai mourir."
Il soupire
"J'aurai du rester là bas, d'ailleurs j'y suis toujours, vous, vous savez, on y va de temps en temps quand je peux vous raconter, je suis à moitié mort là bas dans ce merdier, et cette moitié que vous avez devant vous, c'est vide, c'est deux moitiés à moitié mortes, je dis des conneries... silence.
Je suis seul avec le manque, la peur les cauchemars, les odeurs, la mort, je suis la mort, je suis seul avec ma mort, on joue à la roulette russe, j'aimerai qu'elle m'emporte"
Elle parle
"Je suis seule, le matin lorsque je me réveille, puis quand je mange, quand je sors, quand je rentre, il n'y a personne, je suis seule, le soir, toujours et on recommence, cela fait cinq années que ça dure, que mon mari est mort, cinq ans que je ne vois plus personne, vous de temps en temps, pour parler de ma solitude, car avec les autres je suis polie, je ne dis rien, il faut aller bien pour croire que de temps en temps je ne suis pas seule. L'illusion pour vivre !'
Paroles de patients
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch