Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 4 mai 2024

Lettre à Gustave 1


Lettre écrite en 2018

Gustave,


Tu vas sans doute penser que j'en ai mis du temps : un peu plus d'un an maintenant, mais je suis longue, parfois, surtout quand je suis bouleversée, ébranlée, quand cela me tient à cœur, me prend toute l'âme, quand les larmes trahissent mon émotion, même si je te parle tous les jours, un peu comme Marguerite le faisait, dans son jardin, dans sa maison, partout, mais je n'arrivais pas à t'écrire, à mettre les mots, même si ces mots , ces phrases, dansaient et s'assemblaient dans ma tête, le soir, avant de m'endormir. 

Alors je me suis mise au travail, pour tenir ma promesse. Je suis de ceux pour qui la parole a un sens, comme toi, nous sommes des êtres de devoir. Cette promesse, que je t'ai faite, assise devant toi, dans ce chemin en cette fin de journée d'été. Tu te souviens n'est-ce pas, celle que je t'ai faite, là à Soupir où je suis allée te retrouver.

Là, en ce moment je peux prendre la plume, te parler, ça va à peu près, je ne pleure pas, pas encore. Je peux mettre les mots, te raconter, même si je suis certaine que tu le sais.

Sacha m'a demandé, où tu étais, comment c'était, je lui ai répondu, montré les photos. il était ému, comme moi. Je lui ai dit aussi que tu m'avais tenu la main, lorsque je suis descendue du plateau de Californie, moi qui ai le vertige, je n'y avais même pas pensé, mais je ne voulais pas te décevoir peut-être ? J'aurai eu honte de me plaindre. Tu étais là, prés de moi, et je n'ai pas eu peur. 

Voilà Gustave où nous en sommes, je reconstitue pour écrire l'histoire, la tienne et celle des tiens, je découvre et lorsque j'en saurai un peu plus je te tiendrai au courant. Je te dirai quoi comme on dit chez nous. Mes recherches sont chaotiques, parfois il m'est impossible d'aller plus loin, je suis obligée de laisser, là, en plan, je n'y arrive pas, quelque chose bloque, me bloque, une crainte, une peur, je ne sais pas exactement, comme si je voulais, je devais prendre mon temps. Mais le temps ne l'avons nous pas ? Maintenant, est-ce urgent ? Comme si je voulais bien faire, aussi, une recherche de perfection, mon plus grand défaut, ma plus grande qualité aussi quand j'arrive à trouver le juste milieu, le raisonnable. 

Je ne suis peut-être pas un excellent détective, mais j'ai de la chance, jusqu'ici ta main (ou celle de Marguerite, ou les vôtres) me guide encore, et m'arrête là où il faut lorsque j'erre dans ces liasses énormes de registres et de fiches. Il y a des manques, tu sais, car beaucoup de documents ont été détruits mais je ne désespère pas, je crois en la chance et en notre étoile. Elle brille tous les soirs dans le ciel. Je pense à toi. A ce moment là. Peut-être un peu plus.
Gustave tu occupes mes pensées souvent, je ne sais pas vraiment pourquoi, si loin tu m'es pourtant si proche. Je me pose tant de questions ? Ai-je le droit ? Dois-je faire ça ? De quel droit ? Est-ce à moi ? Mais qui d'autre le ferait ?

Tu as été un homme de devoir, je suis ainsi également, Marguerite m'a transmis ça : le sens du devoir, de l'honneur, de la parole donnée. Alors je poursuis le chemin qui me conduira au plus près de toi, nous y allons doucement Sacha et moi, à notre rythme, pas de la même manière, mais nous y allons, nous allons à ta rencontre, nous allons vers ton histoire pour l'écrire, la mettre en mots, pour que nul n'oublie. C'est notre devoir, bien maigre consolation… J'en conviens


Il me faut bien poster aujourd'hui cette lettre, écrite il y a longtemps, depuis tant de choses se sont passées, et tu le sais car tu en es sûrement à l'origine, rien de se perd dans l'Univers, rien ne se dilue vraiment.

Il me faut bien poster cette lettre, ces mots ont été les miens à cet instant.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch collection privée

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