Nous avons traversé tant de fleuves, de rivières et de torrents, nous avons tant et tant traversé de continents, de mers, apaisées et souvent agitées.
Ensemble.
Nous avons marché dans les forêts sombres et clairsemées, en hiver et en été, parcouru des chemins souvent de traverses, déserts, obscurs et sombres, choisi aux carrefours les mêmes routes, pris les mêmes directions, parfois aveuglés par le brouillard.
Ensemble.
Le soleil caché derrière les nuages sombres et lourds a quelque fois tardé à se montrer, il nous a fallu attendre des lendemains plus chantants, plus accueillants, pour avancer sereinement, dormir enfin sans faire de mauvais rêves.
Il ne fallait pas ni redouter, ni renoncer, aucun retour en arrière n'était possible, nous avions brûlé tous nos navires. Il ne restait rien, et tout était à faire, à construire, plutôt bien que mal.
Ensemble nous avons affronté la vie, ses bonheurs, ses joies, ses tristesses et ses chagrins, seuls à deux sur ce chemin. Une route pavée d'espoir, d'attente, de désir, de joie mais aussi de peine.
Nous avons du mieux qu'on peut tenu la barre, gardé le cap pour rester debout.
Il y a eu des jours, il y a eu des nuits.
Il y a eu la pluie, il y a eu le soleil.
Il y a eu l'été, il y a eu l'hiver.
Eternels recommencements, d'une saison à l'autre.
Et puis un jour, le temps est différent, il reste là, un temps long, comme une parenthèse, un arrêt sur image, et pourtant, tout le temps passé défile, les souvenirs et la mémoire, la vie. Ensemble.
Et puis un jour le temps s'arrête, il n'y aura pas de printemps demain, nous restons en hiver. Hiver terrible et à venir. Il faudra l'affronter ensemble.
Nous avons traversé le temps et accosté le même rivage. Voilà que nos chemins se séparent, le navire a coulé, il ne reste plus que quelques branches auxquelles s'accrocher ; curieux radeaux qui nous sauvent, mais nous séparent, le fleuve s'emporte, nos mains se lâchent : cette fois, c'est sûr, nous n'arriverons nous pas sur la berge ensemble, nous ne serons pas au rendez-vous ensemble, l'un de nous s'enfoncera dans les ténèbres de la rivière ou le gouffre du torrent, l'autre peut-être réussira à accoster, épuisé, vidé, presque mort, mais pas encore assez. Cette fois l'un abordera l'ultime rivage de ce territoire terrible et inconnu sans l'autre qui devra attendre, désespéré.
Un hiver éternel pour celui là.
Brigitte Dusch, psychanalyste historienne.
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