Personne n'a osé prendre sa place,
La place de l'absent
La place du disparu
La place du Mort?
Ils sont tous assis, là sans bruit autour de la grande table
Tous sauf lui.
Parti
Il y a au bout de la table
Une place sans personne
Une place sans Lui,
Une place vide.
Sur l'humble buffet de la cuisine, Il pose dans son habit du dimanche, fier, droit, le regard décidé, tout près de lui il y a les mariés, et lui, encore dans son habit de soldat, avant le grand départ.
Il y a la photo de l'absent, du disparu, du Mort enrubannée de noir
Pour dire le deuil, discret, on ne parle pas de ces choses là, on ne parle pas, on pleure dans le silence, on pleure le silence
On a sa dignité.
C'est le silence, de plomb, de mort.
En de jour de Victoire, les volets de la modeste demeure sont clos. Il fait silence et il fait noir, la couleur et le bruit du deuil.
En ce jour de la Victoire, la peine, la colère, le désespoir se réveillent, doucement.
Muet et sourd. Personne ne veut, ne peut entendre le son des cloches, le sermon du curé, les harangues des élus, les hommages aux sacrifiés. Qui connait vraiment le prix du Sang versé ?
En ce jour de Victoire, il n'y a pas de tombe, nul endroit pour pleurer, déposer quelques fleurs et verser des larmes. Il n'y a rien. Le Mort est disparu, quelque part on ne sait où, sur une cote avec un numéro, au fond d'une tranchée, où son corps écartelé et déchiqueté repose sous la terre avec ceux de ces camarades, gamins et pépères sacrifiés pour la Victoire!
Il est au Bois Belleau, si proche du But, lui qui pourtant avait jusque là vécu.
Il erre peut-être encore tel un fantôme que les bruits du feu d'artifice de ce jour de la Victoire réveille pour partir à la charge de l'ennemi ! Au feu, d'artifice ou de sacrifice.
Personne n'ose prendre sa place
Celle au bout de la grande table
Ou le dimanche à midi il cassait le pain
Fruit de son dur labeur
Pour le donner à ses fils.
Il a le vide au bout de la grande table au milieu de la cuisine
Celle d'un père parti, pour faire son devoir dans une guerre et des batailles qui n'étaient celles que des puissants
Lui humble paysan a donné sa vie en sacrifice et laissé ses enfants, sa femme, sa demeure et sa VIE
Il a donné tout ça en espérant
Qu'elle sera la dernière et que ses fils pourront vivre dans un monde meilleur et en paix.
En ce jour de Victoire je te salue et te rends Hommage à toi et tes camarades, valeureux Poilus. Que tu puisses trouver la Paix
Ce jour de Victoire n'est pas un jour de gloire, mais de peine et de deuil.
Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo @brigittedusch collection personnel Mémorial Chemin des Dames
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