Orthographe : déni de sens.
Cet article a été écrit le 6 février 2016, je n'ai pas changé un seul mot, déplacé une seule virgule.
Qu'en dirais-je aujourd'hui ?
Bien écrire les mots, mettre les lettres à la bonne place, respecter les accords et la ponctuation dans une phrase pour lui donner un sens.
Mettre tout un ordre. “Assembler façon puzzle”. Dire avec les mots, transmettre un message à l’autre. On écrit pour soi, parfois, mais aussi et surtout pour les autres, pour leur dire, les informer, leur demander. L’écriture est aussi une attente, celle de l’autre, de ses mots et de ses dires, de ses réponses ou de ses questions. Elle tisse, tricote ce lien indispensable à chacun. ll est donc question d’altérité, encore et toujours, d’où l’essentiel de se faire entendre et de se faire comprendre. Ainsi l’orthographe est une sorte de code, de contrat entre soi, la langue et l’autre. Une forme de civilité, de savoir être et de savoir vivre. Avec, l’autre, et soi. Nous faisons tous plus ou moins des fautes, la langue est truffée de pièges, d’astuces et de contradictions ; qui n’a jamais buté sur un accord ? un pluriel de nom composé. C’est l’occasion alors de vérifier, d’ouvrir un dictionnaire... A défaut un correcteur orthographique.
Simplifier l’orthographe : c’est à dire la manière d’écrire les mots pour les rendre... Comment au fait ? Les rendre plus légers ? Plus beaux ? Plus simples ? Plus faciles à écrire ? A prononcer ? Mais tous ces plus, entrainant des moins, fait l’affaire de qui ? Qui le demande ? Toucher à la langue, à la manière dont on la transcrit, dont on l’écrit n’est pas anodin.Les mots sont comme nous, ils ont des racines, et c’est ce qui coince et fait grincer les dents. Et pour cause. Pour illustrer je reprendrai l’exemple de mon ami Alain à propos de l’orthographe du mot “imbécillité” avec deux L me précise t-il , n’en déplaise aux imbéciles; avec un l ; ce mot en prenait deux jusqu’en 1790.
Cet exemple illustre bien la métaphore du sens. La rupture du contrat, en prenant la langue, le mot et son écriture en otage. La privation de ce qui fait et donne ce sens : le socle d’une société, ses valeurs, ses lois et ses codes, quelque chose de confortable car c’est un cadre, des limites posées et rassurantes, qui permettent de nous comprendre. Vouloir trop simplifier n’est certes pas la solution de l’excellence ! Encore moins celle d’encourager l’effort. Ne plus donner de place et jeter dans le désordre ces voyelles et consonnes pour que plus rien ne raisonne ni ne résonne, sonne faux. Une fausse note encore qui en fera une addition salée. Une mise à mort sans jugement, une condamnation sans appel, infecte et indigeste sonnant le glas de la civilisation et entrainant l’Homme vers le Chaos. ll s’agit donc bien d’un acte politique qui ne dit pas son nom et se cache derrière une bienveillance perverse, mais ce ON n’est plus à ça près... !
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine, crédit photo, @brigittedusch