"Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage"
Je ne suis pas certaine que ce voyage fut beau.
Ou que beau soit le bon mot.
Le mien ne le fut pas, ne l'est pas.
Ce n'est pas un voyage mais plutôt une errance, contrainte, subie et terriblement douloureuse
Quitter sa terre n'a rien de beau, de bon, on peut tout au mieux considérer cela comme un apprentissage, une leçon, voire une expérience.
On peut tout au mieux en attendre l'issue ; celle ci ne va pas de soi. Pire elle n'entre pas forcément dans le champ des possible.
Partir, être rejeté, devoir quitter, abandonner ses racines, sa vie, son identité parfois n'est pas simple.
C'est. Une réalité. Le Réel qui s'impose ; on s'y cogne, on se débat, on s'insurge, on se bat, on est KO, on se relève, on s'écroule, encore, encore et encore… On s'accommode, pour ne pas mourir… Complétement.
Errant nous sommes, se croire enraciné à une terre est une illusion, la pire des contrainte, une douce contrainte peut-être mais un lien toxique.
Etre sans attache, être seul au monde, est-ce la réalité, le réel auquel tout être humain est finalement confronté ? Le reste n'étant qu'un écran de fumée, un scénario et un film qu'il s'écrit pour que son passage sur la Terre ne reste pas vain ?
Pourquoi donc ce désir de laisser trace ? De se sentir faire partie de ? D'une terre, d'un pays ou d'un endroit dans celui ci ? D'une langue ? D'une histoire ?
Car au fond qui sommes nous vraiment ? Que faisons-nous ici ou ailleurs ? Qu'avons nous à faire ou à vivre ?
L'exil a parfois dans les yeux du poète ce côté romantique et nostalgique d'un paradis perdu qui n'était sans doute pas idyllique mais on se console comme on peut, c'est ce qui nous tient debout. L'heureux voyageur n'est somme toute qu'un douloureux exilé.
L'exil est d'être loin de ce qui nous est familier, tout comme Ulysse qui après une guerre qui n'est même pas la sienne, se perd à quelques kilomètres de sa terre, de son royaume et de son foyer, tellement proche qu'il en devient tellement loin ?
il y a dans ce mot toute l'acception des Anciens, la détresse, le malheur, le tourment… Oui, il y a tout ça… Et le bannissement. La relégation dans un ailleurs.
Ulysse banni des dieux pour avoir désobéi, déplu, puni pour les avoir défiés, condamné à errer sur un mer souvent déchainée, à vivre mille périples parfois effrayants. J'ai toujours aimé Ulysse, pas seulement pour son intelligence singulière, sa ruse et son sens particulier de la diplomatie, mais surtout pour son courage et son acharnement à ne jamais dévier de sa route. Suivre son chemin. C'est admirable non ? il y a chez lui une détermination à toute épreuve. Son exil est aussi intérieur. Mais est-ce cela ? L'exil n'est-il au fond qu'intérieur ? N'est-il qu'un cheminement vers soi ? Ne sommes-nous pas exilé à nous même ? Ce retrait est-il indispensable à la connaissance de soi ? L'exil ne serait-il pas une métaphore ?
Alors le retour à la Terre, à sa Terre et donc à soi pourra t-il se conclure par ces mots ?
"C'est de là que j'arrive à travers mille maux" ?*
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch
* Homère ; L'Odyssée
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch
* Homère ; L'Odyssée
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