Cet endroit ici pourrait être un endroit ailleurs, peu importe. Elle regarde les feuilles, un coin de ciel et les quelques rayons de soleil. Peu importe. Elle est là, même si elle aimerait être ailleurs. ll y a toujours un ailleurs qu'on imagine meilleur. ll faut bien !
Cet ailleurs est un refuge, un espoir, une illusion, sans lui elle ne peut rien, ni vivre ni penser.
Pourtant elle n'est pas dupe ! elle ne l'a jamais été
Pourtant elle ferme les yeux et voit une petite fille, dans un lointain pays, dans un lointain passé, il fait froid, le ciel est bleu et glacé.
Elle est ailleurs, dans son ici, ce coin caché au fond de son âme qu'elle convoque quand le mal de vivre refait surface.
Spleen ? Nostalgie ?
Peu importent les mots, ils sont de trop, ils ne font pas partie de ce monde de son monde à elle, ils sont en trop.
Son monde est peuplé de silence et d'émotions, de perceptions de ressentis et d'odeurs, de chaleur et de lueurs, fines, douces et tendres qui dansent devant ses yeux.
Elle n'imagine rien puisque tout est là à fleur de peau ; à fleur d'âme, il n'y a qu'à prendre et se laisser bercer.
C'est ce qui reste de l'enfance, ce qui n'a pas été volé, cassé, brisé, c'est ce qu'elle a su préserver malgré tout, malgré la souffrance et le malheur ! Elle a su.
C'est ce qui lui permet de tenir, d'être debout, malgré tout.
Mal gré bon gré, c'est aussi une question de choix ! renoncer, prendre le meilleur et laisser le pire, s'en délester ; L'oubli peut alors avoir du bon, mais oublie t-on. Oublier c'est un grand sac, un de ces fourre tout, où on jette pèle mêle ce qui nous encombre, ce dont on ne veut plus, pour l'instant, ce qui ne va plus, ne convient plus, est trop petit ou trop grand, trop usé ou trop vieux. On cache, on retire, hors vue, hors champ.
On cache certes tout ça mais que fait-on du sac ? C'est qu'il en prend de la place ! Un sac bien encombrant. Renoncer n'est pas non plus jeter ! Qu'il est difficile de jeter ! mais met-on vraiment ses souvenirs, bons ou mauvais au rebut . A la poubelle au destroyeur ! détruit-on, brule t-on pour ne plus avoir à voir ?
Sauf que ce "tout ça" là ne se consume pas tout à fait et laisse des traces ; cicatrices plus ou moins profondes qui s'ouvrent parfois et nous renvoient en pleine face tous ces objets balancés au fin fond de la déchetterie de notre mémoire !
Elle est là, assise contre cet arbre et lui parle, ils parlent tous deux de l'enfance, là ; leur peut -être tant pis si l'arbre n'est pas le même, ils sont tous reliés par la même chaleur, et peuvent tout entendre. lls peuvent tous s'entendre et l'entendre. ll n'y a pas de temps il n'y a pas d'espace, ce monde là si singulier n'a pas de frontières, pas de check-point c'est l'univers !
Tout est là, présent, à portée de main, un état de grâce où tout est possible, où tout est Tout. L'impossible n'est pas de ce langage, et d'ailleurs de langage
il n'est nul besoin.
Elle est assise là, adossée à cet arbre qui la protège et la libère de toutes ses peurs, elle est bien, elle ferme les yeux ; Elle est ailleurs.
Brigitte Dusch,psychanalyste, historienne
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire