La langue
ll y a la langue, la langue de la mère morte, celle de sa mère avant elle, et de la mère avant elle : la mère morte.
ll y a cette langue dont les bribes me parviennent et murmurent à mes oreilles, cette langue que je n'ai jamais apprise, puisqu'elle est là. La langue de la mère morte n'est pas morte, n'est jamais morte. Ne sera jamais morte car elle ne peut pas mourir.
Nous portons en nous la trace de la langue avec le souvenir de la mère morte et sommes garants de leur immortalité.
Passer et transmettre, la langue et le reste.
Nous portons la trace, immense cicatrice en creux de la vague de la mémoire. Cousue au fil du temps elle traverse les champs du souvenir et se grave au fond de notre âme.
Elle advient au monde en même temps que nous et revit avec notre premier cri, la langue de la mère morte.
Elle peut être enfouie au fond d'un inconscient qui nous joue des tours au détour de la langue de tous les jours. Alors elle revient par bribes, notes et sons, nous ne savons pas vraiment de que c'est, mais c'est, c'est là, profond et on baigne dedans, ça s'accroche, ça colle, et nous n'y pouvons rien.
Nous pouvons tenter de lutter, de comprendre, de raisonner, mais elle résonne tant et si bien qu'elle s'impose. Elle est là, et tout, ou presque tout revient
ll faut bien en faire quelque chose de la langue qu'on croyait morte comme la mère ! un fantôme ? non .Ombre qui plane, qui nous entoure et nous protège peut-être pour nous rappeler d'où on vient : de la mère morte et de sa mère morte et de toutes les mères mortes que portaient la langue et qui les portait.
Et nous sommes là, abandonnés sur la plage de ces mères mortes, nous sommes là avec cette petite voix qui à tous prix veut se faire entendre.
Même en faisant la sourde oreille, nous ne pouvons la faire taire, c'est le bruissement d'un ruisseau qui coule dans nos veines et nous nourrit avant que nous ne devenons la mère morte qui transmettra la langue
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Eternelle
Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste.
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