Présent de l'indicatif, présent de narration, pour dire, présent simple pour raconter.
Le présent n'a jamais autant pris de sens que maintenant, ce présent où nous sommes, figés, assignés sans vraiment savoir si demain sera et s'il est, comment il sera.
Le présent n'a jamais autant pris de sens que maintenant, ce présent où nous sommes, figés, assignés sans vraiment savoir si demain sera et s'il est, comment il sera.
Etre au présent, vivre ce présent n'a jamais été aussi essentiel.
Vivre comme si ce jour était le seul et l'unique. Le seul de notre vie, de notre humble existence.
C'est un instant, un présent celui d'une journée sans fin qui inlassablement se répète sans savoir quand il aura un jour différent.
Un présent incrusté dans un temps long, très long, sans fin peut-être, un présent permanent, une permanence de ce présent. Un temps sans parenthèse où la seule chose certaine est son incertitude
Il faut donc faire crédit. Mais crédit de quoi et à qui ?
Il faut donc vivre dans l'attente ? Mais quelle attente et pour quoi ?Il faut donc vivre dans l'espoir ? L'espoir que ça cesse? Mais comment ?
Nul d'entre nous n'avons de réponse, aucune, pas plus que de certitude sur demain. Eventuel, hypothétique, possible ou impossible demain.
Ainsi notre seul trésor est ce jour, ce moment de vie, là où nous sommes, maintenant où nous respirons, pas trop mal encore pour quelques uns, sans même savoir pour combien de temps ?Que faire alors de ce maintenant, ici ? Vivre, puisque c'est la seule possibilité qui se présente à nous ? Refuse t-on un tel cadeau ? Vivre ce temps long, sans perspective, sans véritable possibilité de se projeter, ou de s'illusionner, en pensant à ce que nous ferons, nous vivrons après ? Mais après quoi ? Y aura t-il un après, un après demain ? Et encore une fois comment sera t-il ? Et serons-nous encore là pour le voir, le déguster, le regretter ?
Le propre de l'Homme est de ne pas savoir vivre l'instant, le moment présent, celui là même qui est devant lui puis s'envole, fugace et bref qui donne et qui reprend dans le même geste.
Nous voilà figés dans ce moment, cet instant de temps long, interminable, pour une perpétuité, sans issue, sans remise de peine, avec une possible liberté, celle de faire le tour une heure durant, une heure seulement autour de notre geôle
Et là encore les inégalités se montrent à voir, explosent implacables et monstrueuses, prisons dorées pour certains, cul de basses fosses pour les autres ? Ainsi est la société. Certains rêvent à la liberté, à la fin de cette peine, d'autres pensent que la seule issue sera la mort, leur mort, seuls peut-être chez eux, puisque personne ne peut venir ? Ah cette solitude, cet abandon ! L'Humanité avance à grand pas et se saisit du futur, et peut-être même de ce présent, qu'il nous faut vivre à grand renfort de regrets.
Il convient pour quelques uns de remplir ce vide, de combler ce creux offert et imposé par des circonstances tragiques. Ce face à face terrible avec soi même, ce rendez-vous avec rien; cette abime qu'il faut absolument masquer, remplir et se mentir. Travestir la vérité, celle de sa solitude avec des activités, télé, internet, cuisine, lecture. Un mot d'ordre est lancé : ne pas s'ennuyer ! Car l'état surveille, il faut que ses prisonniers fassent du sport et s'activent, jusque dans nos cellules, ils violent notre intimité. Intrusion toujours, même, surtout dans le malheur. La proie blessée et à terre est toujours plus vulnérable, prête au coup de grâce. Car ces gens là ne font pas de quartiers.
Alors ? Vivre maintenant un présent simple, ne pas se retourner sur hier, qui était un autre jour, qui appartient désormais à un passé révolu, que les survivants qualifieront peut-être d'Age d'Or, eux qui ont tant incriminé ce passé, qu'ils n'ont pas su apprécier au présent. Alors tâchons de faire un effort et aimons ce présent, car demain pourra être meilleur, mais pourra aussi être pire.
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire