Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

jeudi 14 novembre 2024

Manipulateur/ manipulé histoire d'une rencontre



Histoire d'une rencontre singulière et pourtant inévitable le plus souvent;
C'est une histoire d'amour manquée, une histoire d'un manque d'amour, d'un manque et d'un amour qui ne savent où se loger car ils n'ont pas de place. 
C'est l'histoire d'un sujet qui ne sait pas ce que signifie aimer , qui ne l'a pas vraiment été et celle d'un autre, qui ne sait pas vraiment mais voudrait être aimé.
Alors il va aimer celui qui ne l'est pas et ne sait pas ce que c'est, il pense qu'en l'aimant ce dernier l'aimera en retour et apprendra ce qu'est l'amour.
La rencontre à lieu et se noue autour de cette imposture où ces deux êtres sont des imposteurs à eux mêmes et à l'autre.
Le manipulateur, ne sait pas qu'il l'est, il le devient peu à peu, car il comprend rapidement comment on peut obtenir de l'attention, être regardé pour être et advenir à l'existence. Un tant soit peu.
Une fois encore et surtout c'est une histoire de regard, et toutes les histoires d'amour ne peuvent passer que par là.
L'un n'a jamais été regardé l'autre désire plus que tout l'être.
L'un ne regarde pas celui qui voudrait tant l'être Il ne le voit même pas, sauf quand il a besoin de lui. Regarder ?
Il se regarde tout au plus mais ne s'aime pas, ne se supporte pas. 
Le regard de l'autre lui montre que pourtant il existe, qu'il est bien présent à ce monde où il a été jeté sans vraiment de précaution. 
Ce sont deux être intelligents et sensibles, une sensibilité anesthésiée chez l'un, exacerbée chez l'autre, et tous deux ne savent quoi en faire.
Une sensibilité qui s'exprime par le mal, la douleur, la souffrance voire la cruauté.
C'est là que se noue le drame de ces deux êtres en errance qui vont ce créer un monde et un espace fou. Un espace de non dupes, de dupés sans l'être, de consenti et de consentant, d'agresseur et de victime, de bourreau et de martyr. 
Ainsi se noue une des relations les plus toxiques entre deux êtres, ainsi se crée une addiction à la pire drogue celle de l'être existé et existant.
L'un ne peut plus se passer de l'autre, même s'il sait tout le mal qu'il lui fait, la souffrance qu'il génère, la douleur des plaies qui ne cicatrisent jamais.
Béantes, elles sont toujours, le ravaudage et les sutures ne tiennent jamais
L'un a besoin de l'autre pour tenir debout, et l'un ne peut vivre sans l'autre, je te vampirise, et je jouis, tu es vampirisé et tu as mal mais c'est dans cette plaie que je creuse à chaque seconde que se loge ta jouissance. Ils se connaissent par coeur, savent leurs failles et leurs limites. 
Le manipulé se rebiffe parfois et timidement menace, de partir, de quitter cet être qui le maltraite; Mais il ne peut pas, c'est plus fort que lui. Il y est attaché pieds et poings liés et malgré tout il aime ça; Cette maltraitance paradoxalement le rassure, et il trouve moultes raisons pour ne pas s'enfuir. 
Elles sont toutes bonnes, défendables entendables. " il a quand même de bons côtés" certes, un être ne peut pas à moins d'être un monstre complétement mauvais. "Mais quand je menace, on parle et il me dit qu'il comprend et va faire des efforts" Il les fait quelques heures, quelques jours au mieux, mais ce n'est pas dans sa nature car c'est un être égoiste dont seul son bien être est essentiel. "Il me fait sans cesse des reproches mais peut être que je n'en fais pas assez "vrai on peut toujours faire mieux.. "il m'a dit qu'il ne recommencerait plus, et m'a demandé pardon" comme l'enfant qui a volé des bonbons, mais son nez tourne. Qu'est ce que le pardon chez un être qui agit tout en sachant que ce qu'il fait n'est pas acceptable. "il me dit qu'il n'a pas menti, qu'il n'a pas voulu me faire de peine" Pourquoi a t-il commis cet acte qui vous aurait fait mal ? 
La liste est loin d'être exhausitive, il y a les mensonges, les tromperies, les infidélités, les humiliations, les insultes, les propos dégradants, les moqueries, les  dénigrements, les petits mots piquants devant les autres.. tout le temps ou presque. 
L'autre n'est rien qu'un objet "un paillasson sur lequel il n'a même pas le courage de s"essuyer les pieds " me confie une patiente maltraitée depuis des années mais qui n'avait pas le courage de partir de quitter son confort.. Mais lequel ? 
Objet, outil destiné à servir, utilisé mais pourquoi ? Où est l'amour, le regard ?
Imposture cruelle et tragique.
Et pourtant l'histoire continue, longtemps parfois, toute une vie "jusqu'à ce que la mort nous sépare... " mais quelle vie. 
Une vie de non duperie, mais subie sans mots dits mais maudis dés que l'imposture trop dure à digérer à supporter explose en pleine figure et ne peut plus être supportée, endurée, tolérée. 
Souffrance infernale et descente aux enfers,dans les ténèbres les plus sombres de la colère, de la haine de soi.
Car ce n'est pas l'autre que l'on déteste, on continue de l'aimer malgré tout, mais c'est bien de la haine de soi qu'il s'agit, ce soi qu'on n'a jamais vraiment aimé car on ne sait absolument rien de l'amour, de cet amour inconditionnel dont seul le regard peut rendre compte. Alors honte et culpabilité nourrissent la haine et la détestation de soi à tel point qu'on ne peut /veut plus vivre parfois "comment j'ai fait pour supporter tout ça ? "en effet ? Comment ?
Et c' est cette question là, cette question essentielle qu'il faut se poser.
Comment ? Comment ais je pu me laisser entrainer par ce courant tranquille sans vouloir ne rien voir pour ne rien faire
Seul le sujet peut y donner du sens, peut tenter de donner un sens à ce qui lui est arrivé.
Ce n'est que par cette prise de conscience, ce constat qu'il pourra enfin comprendre comment il a pu se laisser prendre dans les mailles de ce filet toxique, dans les fils de cette toile tissée lentement, mais savamment par son chasseur.
C'est une longue démarche qui mène à la confrontation à soi même, à l'acception de soi et de ses failles. Se trouver face à son vide, à ses manques et ses faiblesses
Doivent elles être comblées ? Par qui ? Pour quoi ? Comment ?
Qui peut répondre ? le sujet ? La victime ? Mais aussi l'agresseur... 

Brigitte Judit Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittejuditdusch

dimanche 27 octobre 2024

Manipulateur/ manipulé un couple singulier



Il ne s'agit pas ici de faire une recension et une réinterprétation de la littérature à ce sujet, mais d'essayer d'apporter un éclairage à travers la clinique, de son observation afin de comprendre les mécanismes et les enjeux de ce type de relation et de ses protagonistes.
Ainsi le premier volet.

Si le "manipulateur" a fait et fait toujours l'objet de nombreux articles on s'interroge peu sur le "manipulé" et surtout sur l'étrange couple que ces deux là forment non sans hasard.

Pervers narcissique, sentiment de toute puissance, égoïste, égocentriste, cruel.. de nombreux épithètes tentent de rendre compte du profil de celui qui utilise l'autre à son profit, pour satisfaire ses besoins (quand ceux ci se font pressants) pour simplement le défier ou l'humilier et renforcer en lui son sentiment d'existence, de force et de reconnaissance. Lui qui sans cet autre, n'existerait pas, sans qui l'humiliation de l'autre, la dépendance de l'autre ne serait pas et lui sont indispensable pour vivre.
Cet autre dont pourtant il ne reconnait pas l'altérité n'existe que pour ça : satisfaire sa pulsion, son envie, mais pas son désir, car c'est bien là que le bât blesse, car il n'a pas de Désir. Sa seule jouissance de l'autre se loge dans ce qu'il inflige à celui qu'il tient en cage, dans ses griffes, sous son emprise. Ce fameux Bemächtigungstrieb mis au jour par Freud, cette pulsion d'emprise dont l'unique objectif est de dominer l'objet extérieur par sa seule force. Et c'est là où l'équilibre est rompu au sein de la relation qui ne s'établit plus entre deux sujets mais où l'un des deux est objetisé, instrumentatilisé, ustensilisé. Ces notions sont particulièrement explicitées par Racamier.
Nous y reviendrons dans un prochain article. 
Quid de cet objet ? Pudiquement désigné par "victime" s'inscrivant ainsi dans une relation "victime / agresseur." 
Mais c'est bien plus complexe que ça. Et il est bien difficile de dénouer l'écheveau particulièrement bien ficelé de cette étrange situation que forme ce non moins étrange couple. Car il faut être deux, pour qu'elle se mette en place, qu'elle persiste parfois dans un temps étrangement long lui aussi. 
Pourquoi ? 
Ce n'est pas seulement l'histoire de personnes, de structures, de constructions de l'ego, de l'estime de soi, de la confiance en soi, de l'histoire personnelle et familiale mais aussi et surtout celle d'une rencontre entre deux individus différents à première vue mais paradoxalement très proches. Ils ont connus chacun la souffrance, des traumas de la petite enfance, de la violence introjectée et étouffée et une haine contenue pour soi et l'autre. Ce sont deux être mal traités qui vont se croiser et forger la relation qu'ils vont ensemble mettre en place, se mettre en place et évoluer au cours du temps.
Oui ils se ressemblent beaucoup plus qu'on ne pourrait le penser. Ils ont ainsi en commun le vide, le gouffre de la souffrance et du manque. Uh terrible manque, celui de l'amour, l'amour de soi et l'amour de l'autre, cet amour là, inconditionnel, cet amour qui passe par la reconnaissance, par le regard, le regard qu'on pose sur l'autre pour implicitement lui dire "tu es, je suis, je te vois, tu me vois, tu fais partie de mon paysage, de mon espace, et je fais partie du tien, tu es différent mais tu ne m'es pas indifférent car tu existes et je te reconnais comme mon ego, mon égaux, mon alter ego et je te respecte, je t'aime comme je m'aime". Tout cela est parfaitement résumé dans le fameux 
« Aime ton prochain comme toi-même » du Lévitique 
la règle d’or de Hillel : « Si tu n’aimerais pas qu’on te le fasse, ne le fais pas aux autres". Ainsi une relation inscrite dans l'altérité. Nous ne reviendrons pas sur la séduction ou victimisation mise en avant par l'agresseur pour s'emparer de sa proie, la toile qu'il tisse patiemment pour mieux l'emprisonner et nous concentrerons  davantage sur la "victime". Mais de qui ?
Pour que toute relation soit durable il faut que chacun y trouve son compte, ou à peu près, que chaque partie y ait des bénéfices secondaires qu'il ignore peut-être mais s'emploie volontairement à ignorer pour son confort.  C'est une négociation, une sorte de marchandage sordide entre le prédateur et se proie,  et celle ci toute déséquilibrée soit-elle est suffisamment bonne pour chacun, même si cela surprend. Ainsi pendant que l'agresseur jouit et jouit de sa proie, cette dernière comble son vide tout en souffrant et avec cette souffrance singulière. Car elle ne tarde pas à réaliser qu'elle est otage d'une emprise dont elle ne peut/veut sortir pour de multiples raisons qui ne lui sont toujours pas conscientes, mais elle sait au fond d'elle même qu'il y a quelque chose qui cloche. Alors bien sûr elle s'interroge, car cela ne peut venir que d'elle, et culpabilise d'être le "mauvais objet" concrétisant ainsi ce qu'elle est aux yeux de son agresseur qu'elle aime et dont elle ne se sent pas digne. Alors elle redouble d'effort pour lui plaire et qu'il l'aime. La peur s'installe, celle de perdre son amour. Car c'est une histoire d'amour, d'amour qui porte mal son nom, un amour tordu, distordu, toxique, car tous deux sont incapables d'aimer, mais surtout incapables de l'être et de s'y laisser aller car ils ne savent pas vraiment ce qu'est l'amour, je dirai même qu'ils n'en n'ont pas la moindre idée. Ce n'est pour eu qu'un vague espoir, une représentation floue, venant tant bien que mal combler ou colmater leur manque..
Le manque et le vide sont au coeur de cette souffrance.
C'est ainsi que cela nait, vit, dure et perdure, encore et longtemps en s'étouffant dans une plainte sourde qu'on ne sait à qui adresser, à quel autre ? Faire l'aveu de sa faiblesse, d'aimer un monstre, de se sacrifier, de se laisser instrumentaliser, de n'être qu'un objet manipulé par cet autre odieux qui siffle quand il a besoin et où on  accourt,  persuadé qu'il l'aime quand même Car c'est à cette illusion que toute cette tragédie tient, un fil mince, certes mais un fil de plomb qu'il n'est pas facile de trancher. Ce qui serait our la victime tout perdre et ce tout est tout ce qui lui reste pour être vue, du moins le pense t-elle, ce fil qui la fait exister, dans la souffrance et la douleur. Les humiliations, le mépris, les insultes et parfois les coups sont mérités car elle croit réellement qu'elle n'en fait pas assez pour mériter cet amour, qu'elle est incapable. Illusion, tout n'est qu'illusion hélas bien réelle, et la souffrance l'est tout autant ?
Alors est ce le seul bénéfice secondaire ?
Exister : ce n'est pas rien. Ëtre aux yeux d'un autre, le plus vil soit il c''est quand même exister et ne pas être transparent dans un monde où la solitude est la pire des épreuves. 
Les violences et les pires humiliations sont des preuves d'amour comme lorsque cet enfant disait de sa mère "elle m'aime car elle me bat pour que je devienne meilleur'
Et il faut plaire à ce vampire toujours plus avide.
D'où le silence, l'acceptation auxquels elle consent; Qui ne dit mot. Elle ferme les yeux, serre les dents et avance sur ce chemin pavé de cailloux et d'épines. Après tout elle mérite peut-être ce chemin de croix ? D'ailleurs elle a essayé à maintes reprises d'y mettre un terme, sans grand succès, quoi qu'elle fasse elle n'y parvient pas, elle se laisse attendrir, accepte les excuses, les promesses qui ne seront que mensonges, mais où elle gagne ou croit gagner une courte lune de miel. Alors elle se remet à rêver à l'amour, sauf qu'un monstre ne sait/peut pas aimer. Une victime ne sait pas ou ne sait plus ce qu'est l'amour, le vrai, l'inconditionnel et le sincère, alors elle se laisse emporter par l'illusion. Et vit dans cette temporalité trompeuse.
Un jour, pourtant elle va y mettre un terme car la plupart du temps il y va de sa vie. Ce moment est d'une violence inouïe car c'est d'un seul coup d'un seul ouvrir la porte et voir le ciel bleu, se confronter à tout ce qu'elle a inconsciemment mais paradoxalement de façon bien consciente tout ce qu'elle a caché, tout ce qu'elle s'est caché, pour survivre. Non à son agresseur, mais a elle même.
Ainsi arrivent à grand pas la honte et sa jumelle, la culpabilité. Ca fait mal c'est tragique, c'st un vide, une plaie béante, c'est son coeur, son äme, son corps qui d'un seul coup sont éventrés. Il va falloir survivre à tout ça, tenter de mettre de l'ordre, donner du sens afin d'accepter et continuer le chemin de notre vie autrement.

Musique écoutée durant l'écriture : Eyal Golan Mikan v'Ad Hanetsach - מכאן ועד הנצח
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
crédit photo @brigittedusch. 


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jeudi 17 octobre 2024

Le chemin à l'envers, le passé au présent

 


Il est venu me chercher sans me prévenir. 
"Viens je t'emmène, mets de bonnes chaussures"...
Je n'ai pas été vraiment surprise, Il a toujours été imprévisible. Je savais que ce jour viendrait, depuis toutes ces années. Il savait que j'étais là depuis le jour de mon arrivée.. Cela fait un an.
Il était temps.
J'ai mis de bonnes chaussures, et je l'ai suivi, sans savoir où il m'emmenait, et ça n'avait aucune importance.
Là où il voulait aller, j'irai.
Pas un mot durant le trajet, nous sommes restés dans le silence, un silence absolu, un silence de recueillement. Qu'aurions nous dit que nous ne savions déjà ? 
Et le temps n'est rien. Il ne compte pas. Il est ce qu'on veut en faire, il est notre Désir.
Puis il s'est arrêté..
Nous nous sommes regardé
Longuement
"Tu veux refaire le chemin à l'envers ? "
Il ne me répond pas. 
Je le suis.
Dans le silence. 
Toujours ce silence
Nous marchons
Lui d'un bon pas
Je lui dis : "Je ne peux pas aller aussi vite'
Il ne répond pas, et ralentit son pas
Je sais le chemin, malgré toutes ses années, il n'a guère changé. 
Je lui dis "je vais avoir besoin de temps... "
Alors il me répond en me regardant longuement
'Tu as tout le temps que tu veux, nous avons tout le temps que tu voudras"
Et nous reprenons le chemin
Dans le silence toujours.
Je sens toutefois son regard, il veille.. Il y a la tendresse. il est là.
Je suis là, le temps est aboli, il n'existe plus, nous sommes là aujourd'hui ou hier, peu importe.. NOUS sommes là, ensemble comme il y a bien longtemps.
Le chemin est de plus en plus accidenté, de plus en plus difficile, le terrain est glissant les rappels peu sûrs...
Il avance et se retourne
"Je n'y arrive pas"
Alors il s'approche et saisit ma main. Sa main est ferme, son bras, son corps ne faiblissent pas, je sens toute sa force, sa puissance, et je me laisse aller, je me laisse guider. Je suis bien, je suis en confiance, je n'ai pas peur, rien ne peut m'arriver, je ne peux pas tomber, je sais que je peux aller là où il me conduira, et que c'est bon !
Il ne dit rien, ne sourit pas, nos regards se croisent, il passe sa main dans mes cheveux doucement, rien n'a changé. 
Nous continuons la route toujours dans le silence
Je regarde, je contemple, dans le silence, un silence qui ne peut être brisé car nous sommes dans un sanctuaire, notre sanctuaire
Nos seules échanges passent par le regard et la confiance, celle que j'ai en lui, elle est totale et je lâche tout, je ne suis plus que moi, avec ma fragilité, ma vulnérabilité, mes faiblesses, ma douceur, et mes peurs, je suis retournée à l'Humanité, je n'ai plus peur de me voir, de me retrouver enfin et de revenir à moi.
Nous avons fait le chemin à l'envers, le chemin du Passé pour advenir au Présent
Si nous voulons, si nous pouvons
Il me dis "viens on va boire un chocolat chaud"
Je lui dis "Tu es sûr... ? 
Il me regarde et répond "Nous ne nous sommes jamais caché non ? Pourquoi on le ferait aujourd'hui ? Alors viens. Je suis là. Viens."
Oui en ce temps là on ne se cachait pas. Aujourd'hui tout a changé, mais il ne veut pas, il est fier et heureux d'être avec moi. Il me prend la main et on va boire un chocolat comme il y a si longtemps. Il demande de la chantilly , "Mit Sahne" pour moi. Il n'a rien oublié
Il garde sa main sur la mienne.
Il ne dit rien, je ne dis rien
Silence... 
Puis il m'a raccompagnée
Nous ne nous sommes pas dit aurevoir
Il m'a juste serrée dans ses bras. Longtemps. Très fort, et je m'y suis laissée aller.
J'ai fermé les yeux.
Un temps bien singulier qui s'inscrit dans une histoire singulière elle aussi
Nous avons refait le chemin à l'envers pour advenir au Présent.
Demain sera un autre jour. 
Et il nous appartient de décider comment il sera.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch.
 


jeudi 10 octobre 2024

Yom Kippour. Pardonner. Qu'est ce que le Pardon ?

 


A quelques heures de Kippourn le jour le plus saint de l’année – le jour durant lequel nous sommes le plus proches de D.ieu et de la quintessence de nos âmes

Car en ce jour, Il fera expiation pour vous purifier de toutes vos fautes, afin que vous soyez purifiés devant Dieu.” (Lévitique 16,30).

Pardonner. Le pardon. Qu'est ce que le pardon ? 

C'est surtout prendre conscience de son acte, de ses actes, du mal que nous avons pu faire, sans le vouloir ou en le voulant. Prendre acte de l’acte posé et des conséquences qui en découlent.

C’est le résultat d'une longue introspection, sans fard, sans essayer de se donner de bonnes raisons ou excuses,  de « recontextualiser » comme le souligne souvent l’historienne que je suis. C'est un face à face avec soi

La question du pardon n’est pas seulement spirituelle, religieuse ou philosophique, elle est éthique et morale. C’est une histoire entre soi et soi, soi et D.ieu. Et c’est à Lui Seul de nous l’accorder. Certes il est bon, il aime par dessus tout ses enfants, aussi turbulents soient-ils  et il suffit de lui demander. Hakadosh Baruch Hu attend qu'on lui demande, il n'attend que ça. Alors je lui demande je lui demanderai encore, comme chaque jour, comme toujours, et comme toujours j’essaierai de faire mieux, de faire de mon mieux, de faire Techouva. Encore et encore.

Mais s’il est facile d’obtenir son pardon, il ne peut pardonner à la place de ceux que nous avons offensé et c’est à nous et à nous seuls de leur demander. Ainsi dois je prendre conscience de ce que j’ai fait, « réveiller ma mémoire, être sincère et vraie ». Il s’agit là d’humilité mais aussi de reconnaissance non seulement des actes posés mais aussi de leurs conséquences. L'autre  offensé mais aussi ses proches qui en ont souffert eux aussi et ainsi de suite… Ce « résidu » qui se transmet de générations en générations. 

Il va de soi que c’est réciproque.

Pardonner, se pardonner à soi d'abord est nécessaire pour s’inscrire encore dans la vie, nous ne pouvons porter la culpabilité d’un acte que nous avons reconnu, toute notre vie. Ce serait nourrir de la colère contre soi et nous priver ainsi de l ‘élan vital et de nos relations aux autres et aux monde. Ainsi l’autre, les autres, cette fameuse altérité, celle dont on ne peut être dépourvu pour s'inscrire dans l’Humanité, être Humain, sujet de l’humanité qui considère l’autre comme lui même et qui ainsi ne lui fait pas ce qu’il n’aimerait qu’on lui fasse. Nulle question de religion ici, seulement de morale et d’éthique, de respect envers soi même. Ainsi appartient-il à cet autre, ces autres de se regarder aussi dans le miroir et de se repentir, prendre conscience que leurs actes, leurs silences, leur non reconnaissance nous ont blessés. Et nous demander pardon.
Encore faut-il être sincère, ce n’est pas à moi, à nous de juger. D. Eternel lui seul peut le faire.

Le pardon n’est pas l’oubli, cette différence éthique permet de relativiser, mais ne répond pas à la question sur le fond. Elle pose en revanche celle d’une possible conciliation, mais surtout d’une réconciliation incluant l’altérité, permettant une « compensation, une réparation » Cela me laisse perplexe. Est-il possible de réparer ce qui est irrémédiablement brisé ? Je ne le pense pas, encore moins quand ce pardon est le résultat d'une injonction émanant la plupart du temps d'une autorité, politique le plus souvent, désireuse de tout effacer pour mieux recommencer.  Ainsi, je ne dirai mot du fameux « devoir de mémoire ». encore moins de "l’amnistie", contrefaçon du pardon pour reprendre les mots de Catherine Chalier. Faut-il instituer, une loi un décret ? celui de pardonner à son bourreau, à son agresseur ?
Il faudrait alors tout pardonner, effacer les souffrances de la victime et pardonner car « ils ne savent pas ce qu’ils font » ? Notion qui m’est étrangère, qui ne ne s'inscrit pas dans la Culture que j’ai reçue et qui est Mienne, mon Identité la plus profonde. Ce serait ainsi à l'offensé de demande à l’offenseur de venir lui demander pardon pour les actes qu’il a commis et qui sont responsables de sa souffrance. C’est profondément humiliant. Ainsi elle serait coupable, coupable d'avoir souffert et de continuer à le faire ? Cette notion chrétienne est d’une violence absolue car il y a bien celui qui fait le mal et celui qui il l’a infligé.

Alors devons nous TOUT pardonner ? je ne saurai répondre, cela fait des décennies que je me pose la question sans me satisfaire des possibles réponses que je peux  apporter. Puis je pardonner toutes les souffrances reçues ? L’ingratitude ? La méchanceté ? La haine dont j’ai été l’objet ? Il m’appartient à moi seule d’en juger. C’est un dialogue entre Lui et moi. Mais puis je pardonner toutes les offenses qui m’ont été faites et qui ont fait, font encore souffrir ceux que j’aime, les Miens. Là c’est une autre histoire.
Le pardon n’est pas inconditionnel, je le crois intimement, et ce n’est pas à la victime d’en prendre l’initiative, je le pense aussi intimement. 

Je pense aussi qu’il y a des actes impardonnables, des deuils, des tragédies, des souffrances reçues, ceux qui survivent à tout ça ne peuvent être jugés ni blâmés s’ils ne le peuvent pas et j’en suis, j’implore la clémence de mon Créateur.

Mais on ne peut vivre dans la haine. Ce n’est pas tenable. Je fais de mon mieux chaque jour, et je sais qu’Il m’entend. Cette année encore, après m'être déliée des vœux de l’an passé, j’en formule de nouveaux. Nous les Juifs parlons du  tikkoun olam (la réparation du monde ) et cela me convient,  je fais du mieux que je peux, chaque jour que l'Eternel me donne en cadeau.

« Ne hais pas ton frère en ton coeur
Admoneste ton prochain
«  (Lévitique 19, 17)

Ainsi ne faut-il pas haîr, pour ne pas s’abîmer et se détruire. La parole peut nous y aider, sur le chemin de ce pardon nous pouvons peut-être engager le dialogue, dire à celui qui nous a blessé que nous en avons souffert. Il en va de nous, de notre esprit et de notre âme. Nous pouvons essayer d’éviter ou de délier ce nœud qui s’installe et se resserre de jours en jours, le nœud que forme l’emprise de la Haine qui nous conduit  vers une spirale infernale au fond de gouffre de la souffrance qui l’est tout autant.
Il faut du temps, celui ci est nôtre allié, et tant que nous pensons que nous en sommes pas prêts à pardonner, cela ne sert à rien. Il faut être sincère avec nous même. Il faut alors je crois, se pardonner de ne pas être prêts car ce n'est pas pour nous le moment. Alors il faut à nouveau explorer notre âme, notre Ego, notre Etre et faire le deuil de notre « perfection » Se souvenir pour Nous, Peuple de l'Exil, de l’Egypte où notre Peuple fut maintenu en esclavage, mai se souvenir aussi qu’il Nous a accueilli. C'est avoir la Mémoire vive » et ne jamais se laisser envahir par le Mal, le Satan. Se souvenir aussi des «bonnes choses » car il y en a eu. toujours. Pour ma part, encore une fois chaque jour j’essaie de retrouver ces bons moments, ces leçons dans les souffrances qui m’ont été infligées, certes j’ai appris, j’ai tiré leçon, j'éprouve même de la gratitude pour celui qui m'a fait mal, car grâce à lui j'apprends encore qu'on ne peut se fier, se confier, mais je ne lui pardonne pas, je n'oublie pas. Je ne suis pas dans la Haine et chaque fois que je suis à terre, je me relève, grâce à la Force que ne donne ma Foi et car il n'y a que Lui. Mais je ne suis pas non plus certaine de pouvoir pardonner, même si cela m’est demandé.
Encore une fois il m'est impossible de pardonner à ceux qui ne se sont jamais excusés. Et avec ceux là, je suis en compte depuis fort longtemps….

Brigitte Dusch historienne, psychanalyste, exploratrice urbaine
Crédit photo @SachaDusch, Maison Rachi (qu'il soit remercié)

samedi 28 septembre 2024

Le refuge intérieur


Il faut bien ça pour se retrouver, se lover au fond de soi, pour se ressourcer et même parfois renaitre, advenir une fois encore à la vie, une fois de plus ?


Va, vis, deviens et adviens à toi même aux autres et là Vie.
L'Haim.

Alors ?

Il faut bien un coin où se cacher où se terrer quand rien ne va plus, que les jeux sont fait !
D
ead man's hand ?

Il faut bien se mettre à l'abri des bris de la vie pour lécher ses plaies, tant et tant de fois pour les cicatriser, recommencer encore car la suture s'est déchirée, une fois encore.

Il faut bien ça pour se cacher, tout au fond de soi, à l'abri de son propre regard, son propre souffle.. ne plus s'entendre, ne plus se voir, pour se réparer, se séparer, se refaire, folder une bonne fois pour toute, remettre son titre en jeu, abattre ses cartes en une seule fois et rafler la mise

Refuge ? 

Se réfugier, s'isoler, dans l'entre soi, au coeur même de son âme et de son corps, se blottir contre soi, ne faire qu'un avec soi, se confondre
Se fondre en soi, au plus profond de soi, pour n'être qu'avec soi
C'est une profonde solitude, la solitude originelle et la solitude ultime
Sol, seul, soi
Nous sommes des Etres seuls, l'être seul à soi
Dans la réalité de l'irréel de soi

C'est l'ultime, le seul refuge. 
Celui qui nous permet de vivre, d'être au milieu de ce monde dans lequel nous avons été projeté avec une violence absolue, inouïe, terrible et parfois tragique
C'est un arrachement du Monde, une déchirure de l'Humanité, une blessure qui s'ouvre devant le vide de l'Infini, de l'infinitude qui nous arrache à la tiédeur du Soi, de l'Etre ailleurs ou pas

Refuge ?
Il ne peut être que là, dans cette sensualité mystérieuse, cette intimité de la douceur de l'Absolu.
C'est braver le Néant, le vide et le gouffre de l'Abîme
Pour ne jamais s'y abîmer et s'y abandonner à tout jamais

On se retrouve que soi dans ce Refuge là.
Et il faut s'offrir ça
Se donner ça
Au moins une fois
Afin de vivre et ne pas mourir.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch



mercredi 18 septembre 2024

L'irréel ?

 


Sie sagt :

"Je vis dans l'irréel, dans un espace hors temps, je ne peux le situer vraiment, il existe mais il n'est pas, pas dans ma réalité.
Ma réalité ? 
Je ne saurai dire ce qu'elle est et si j'y suis. Je ne sais d'ailleurs où je suis vraiment
Je sais que je suis, là, dans cet endroit, mais ne suis pas même certaine que ce soit moi. 

Déréalisation ? Déflagration ? Défragmentation d'un réel ? Mais lequel ?

Justement qu'est ce que le Réel, le vrai, le juste, celui que tout le monde, voit, perçoit, celui dans lequel le sujet s'inscrit ? 

Je suis là dans ce réel là et je vois quantité de sujets, petites marionnettes  en papier s'agitant au coeur d'un théâtre de chiffons. Et moi je suis là, spectatrice et actrice malgré moi d'une mauvais pièce que je n'ai pas écrite, dont je ne connais pas le scénario,  les répliques, le début ni même la fin.

Tout cela m'indiffère. Je me dis secrètement que ça va s'arrêter,  que ce n'est qu'un rêve, une illusion de l'irréalité,  que je vais rentrer, rejoindre mon monde, ma planète, ma galaxie. J'espère.

Je suis perdue, je me suis perdue dans un univers qui n'est pas le mien, qui m'est étranger, étrange et singulier, qui est sans être vraiment, fabriqué de toutes pièces mais par qui ? par cet autre moi ? une réalité qui n'est ni alter ni active.


Je suis tombée du ciel, sans parachute, larguée comme ça au mauvais endroit. 
Je vis dans l'irréalité, au coeur d'une faille temporelle, d'une gigantesque abîme, au fond d'un océan... Mais je ne sais plus ou je ne sais pas d'où je viens.
Je sais que je suis, que j'ai une histoire dans un ailleurs, sans savoir où il se situe. 
Déflagration de l'espace temps ? Temps linéaire ? Temps imaginaire ? 
J'ai perdu le tempo, le rythme, j'ai perdu la clé de Sol.

Pourtant j'imagine, je me projette, je rassemble des morceaux de souvenirs,  je crois que tout va rentrer dans l'ordre, que je vais retrouver ma place au coeur de mon monde. Reprendre ma place au coeur de cette vie, la mienne dont je suis dépossédée. 
Ma place.

Je suis perdue, je me suis perdue, égarée dans un univers presque parallèle, une autre dimension, un labyrinthe peuplé de fantômes errants, sans trouver la clé et la porte pour me libérer. Me libérer de quoi ? J'ai perdu le fil, le fil de mon histoire, le fil de toute l'histoire de mon monde. 

Ce monde est étrange, ma vie s'y inscrit pourtant, j'évolue sur la scène où se jouent les scènes et se posent les actes d'une vie qui n'est pas la mienne mais qui y ressemble. Elle et moi ? Défusionnée, défragmentée, déréalisée. Encore !
Nous parlons la même langue, mais pas tout à fait, il y a des sons qui ne raisonnent et ne résonnent pas de la même manière.
Tout est trompeur, cela lui ressemble mais ce n'est pas chez moi, ce n'est pas ma maison. Je ne m'y retrouve pas. 

Qu'est ce que ma maison ? C'est irréel là aussi, une réalité composite, composée d'impostures et de fuites successives, alternatives, sans lieu, ni commun, ni privés ni publics. Il n'y a plus d'intime, d'intimité, tout est là, sur la table, étalé au grand jour au seuil de la nuit. Une nuit sans lune et sans étoiles, noire et irréelle encore
Je vais me réveiller, sortir de cette illusion, de ce jeu maléfique où j'ai tiré les mauvaises cartes. Jamais je ne tire les mauvaises cartes !
Bad beat 
Bad run

Reine de coeur ? Reine de pique ? 
Roi de coeur ou imperator ? 
Jocker ? 
Je suis la Dame de Coeur, toujours, je suis née ainsi, IL m'a nommée ainsi,  je suis Elle et je veux entrer dans le jeu, coeur,  rouge jaune et noir. Freeroll ?
Poker !

Iréel ce monde est irréel je m'y suis égarée, et je veux rentrer !

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch

mardi 10 septembre 2024

Entre jour ? Entre nuit ?




L'entre jour, l'entre nuit ? Ces moments singuliers où l'esprit s'envole et se perd dans l'imaginaire à la quête d'un présent passé, qui n'existe plus que dans les souvenirs, mais s'inscrit toujours en creux sur la ligne du temps.
Celui qui passe sans toi.

Sans eux je ne survivrai pas. 
Alors je les laisse venir, m'envahir, me caresser, m'envelopper
Je les attends.

Combien de temps encore ? 
Combien de jours, de semaines, de mois, d'années ?
Combien d'attente dans l'antichambre de l'Eternité ?
Combien de temps au coeur de cette effroyable solitude ? 
Tragique sidération où le corps et le coeur semblent figés dans un temps révolu ?


Il a suffit d'un photo en noir et blanc tirée de l'oubli, enfouie au fond de ma mémoire. Elle a surgi là comme ça, par surprise, intrusion brutale, effraction violente lacérant ma chair, mon coeur, mettant à nu ce que j'ai de plus intime, ce que je garde secret au plus profond de mon âme l'offrant en une seconde à tous les tourments.

Pourtant ! 

D'un seul coup, d'un seul, j'ai pris conscience de ce temps qui nous séparait, de cette vie entière passée sans toi ? Pourquoi ? 


Je ne sais pas.
Brutal, violent, c'est une effraction terrible dans tous mon être, dans ma chair, dans mon âme, dans mon coeur, dans ma vie.

Cette vie que je t'ai donnée un jour pour l'éternité. 
Cette vie que tu m'as donnée un jour pour l'éternité
Cette vie, ta vie qui brutalement s'est arrêtée, volée, ta vie qui m'a été arrachée.

Je suis et serai jusqu'à ma mort déchirée, amputée d'une partie de mon être. à jamais. Je suis morte ce jour là. Une partie de moi est partie avec toi.

Je continue le chemin, je vis, j'aime, je chante et je danse encore, je fais de mon mieux, j'ai fais une promesse. 
Je me dois à ma parole
J'ai choisi la Vie
Mais.. 
Quel autre choix ?  tu sais comme moi que nous n'avons pas le droit.
Pourtant, j'y ai pensé souvent, j'y pense encore, souvent, toujours, je ne cesse pas, jusqu'à mon dernier souffle qui sera pour toi.

Mais je vis... encore !
Dévastée
Désespérée.

Il me plait de penser que tu es prés de moi, en moi, que tu veilles sur moi
Il parait que le temps n'existe pas, que c'est une invention de l'homme pour ne pas se perdre. Mais se perdre où ?
L'univers du temps ? Le temps de l'Univers ?
Alors je me perds... Je m'y perds. Je suis perdue.

Qu'il me semble long, ce temps, très long, trop long.
La vie est parfois un lourd fardeau à porter, insupportable !

Et tu me manques, à chaque seconde, à chaque souffle, à chaque battement de mon coeur qui bat parfois trop vite, trop fort, qui me fait mal, qui me déchire tant il est fatigué, usé. J'attends qu'il s'arrête enfin... 
Parfois je n'ai plus la force. 
Mais...
Je vis encore... !

Et le temps passe, s'écoule, à contre courant, j'aimerai m'y laisser couler, emporter
Mais ni le temps ni le courant n'ont de prise sur l'Amour. 
Il ne peut s'en emparer, les saisir, les retenir
Il ne peut  confisquer des promesses.

Entre jour entre nuit, entre temps : infime faille où je me glisse, ultime refuge où je te retrouve. Où je suis enfin ce que je suis, qui tu sais que je suis. 
Car toi seul sait. Nous seuls savons.

Etre enfin à soi !
S'abandonner enfin à soi, à nous.

Entre jour, entre nuit entre parenthèses, chuchotements, ne pas faire de bruit, être presque dans le silence, celui d'avant et d'après la mort. 

Entre la vie entre la mort, corridor de l'espoir d'un autre monde, d'un autre espace, qui me conduira à la lumière

Tu étais mon Soleil, j'étais ton Etoile. 
Pour toujours.

On se retrouvera dans ce Ciel que je regarde souvent, comme nous le faisions il y a si longtemps, il y a trop longtemps... Dans ce monde que nous voulions construire qui a accueilli notre amour, nos rêves et nos espoirs.

Je te parle souvent, je te vois, je nous vois, 

Pourquoi je dois vivre sans toi ?

J'aimerai tant que tu m'emporte loin de tout ça, tout prés de toi, doucement.
Pour toujours, pour l'Eternité, 
On se l'était promis
Je sais que tu m'attends. 

En ce jour si spécial en ce jour malgré toutes ces années passées, je te dis encore et encore, tant que je serai en vie avant que nous soyons enfin réunis pour l'Eternité. 

Ani lé Dodi vé dodi li  אני לדודי ודודי לי

J.BS

Brigitte Dusch, historienne psychanalyste, exploratrice urbaine
Crédit photo. @DJ... 


vendredi 6 septembre 2024

"Love affair"




"Liouba,  En me serrant sur ton coeur tu auras un peu mes mains dans tes cheveux, mes yeux dans les tiens, et mes lèvres sur ta bouche, pour toujours et même après"

"Love affair" C'est ce que tu disais en parlant de notre histoire, tu le disais avec tendresse et tout l'amour que tu as su m'offrir. Love affair. Rien ne nous destinait à une rencontre, le hasard ? Encore lui.

Au début ce fut un jeu, celui des mots et du hasard, nous étions différents, à l'opposé l'un de l'autre mais fascinés chacun par l'érudition, l'intelligence, la pertinence, de l'autre. Alors nous nous sommes engagés sur ce terrain ; excellents joueurs nous avons commencé une longue partie de poker, dont nous sommes sortis tous deux vainqueurs. 

Nous avons su des les premiers instants, qu'il se passerait quelque chose d'unique et de fort entre nous, mais nous n'étions pas pressés, le temps est intelligent. Nous nous étions promis que cela resterait un jeu, qu'il n'y aurait rien de sérieux. Que tout serait léger et vivant. 
Tu avais la sagesse et l'expérience de la vie, moi l'insolence de cette jeunesse qui pouvait tout se permettre, nous avions tous deux cette même soif de vivre, sachant que demain, dans un instant, tout pouvait s'arrêter. En sursis nous sommes tous en sursis de la vie. Alors vivons !

Il y avait cette soif de vivre, puis le désir. Le Désir. Tout se loge dans le Désir, surtout la pulsion de cette vie qui nous est offerte et qui ne demande qu'à être au monde pour mieux défier la mort. 

Nous nous étions promis que cela resterait un jeu.
Et puis.. 
Le désir, la tendresse, et puis l'amour. L'Amour s'il est un cadeau peut rapidement devenir un poison si on ne sait y prendre garde, surtout si on sait que cette "love affair" s'inscrit dans un temps court bref, et qu'il est compté.

Je n'aime pas être comptable de l'amour ni du temps qui m'est donné pour le vivre, mais nous avons décidé de faire vite, ne pas perdre ce temps précieux, le saisir au vol, de vivre ça vite et fort.
Je me souviens de ce long trajet en train, de la gare où tu m'attendais, de ces instants fébriles.. De ce petit train de banlieue de cette ville gigantesque, que nous avons pris tous les deux pour rejoindre avec ta vieille voiture ton refuge enfoui au milieu d'une campagne déserte, Un oasis, loin de tout et du monde qui s'enflammait de partout, Nous avions cet instant de répit rien que pour nous, avant ? De mourir peut-être ensevelis sous ce chaos.


"Love affair." Magique, magnifique, intense, torride, nous avons tout donné, nous nous sommes tout donné. Il fallait défier la mort et rester vivant. Encore, nous l'étions. Jusque quand ? Tu as pleuré tu aurais voulu que cela dure toute la vie, toute notre vie. Je te disais que si tout cela se passait entre nous c'était justement parce qu'il était impossible que ça dure une vie, et quelle vie ? Nous n'avions aucun avenir possible. Tu me parlais dans ta langue, puis en anglais je te répondais en allemand et en Yiddish, nous mélangions les langues, pour rire et s'amuser et quand cela t'énervait nous parlions français. 
On peut s'aimer dans toutes les langues, les mots sont parfois de trop.
 

"Love affair", brève histoire d'amour éternelle.. que nul n'oublie. Chance inouïe cadeau magnifique que la vie te donne, et lui dire merci.

Nous avons figé le temps.

On se lance parfois des bouteilles à la mer.. on n'a rien oublié, ni toi ni moi, je pense souvent à toi. Je revois le temps passé devant la cheminée, le thé fumant puis le champagne ! et les plats que tu me cuisinais, "c'est pas casher Douchka ça ira ?"' on riait, on s'aimait mais tu pleurais.. Car tu savais que tout allait se terminer... Je te disais "vis maintenant, pleinement demain on verra, après demain on sera peut-être mort !" Tu ne comprenais pas toujours comment je pouvais être ainsi. Nous ne nous sommes jamais raconté nos vies, cela n'avait aucune importance. Pourquoi faire ? Il n'y avait pas d'avant, il n'y aurait pas d'après, il n'y avait que l'instant présent, celui qui nous vivions, que nous engloutissions. 


Notre "love affair" est là dans ma mémoire, c'est une de mes plus belles histoires d'amour et je t'en remercie. Oui je t'ai aimé, je t'ai aimé très fort, et tu le sais. Cet amour n'a pu exister que parce qu'il est né et a grandi au milieu des décombres de nos vies, parmi les ruines et la laideur du monde que nous voulions changer. Cet amour a été la petite fleur au milieu de ces champs de mines...
Nous avons  attrapé au vol ce temps ce qui nous a été offert, que nous nous sommes offert, pour vivre, survivre je ne sais pas, pour vaincre la Mort sûrement, pour trop l'avoir vue ?

Je relis souvent cette lettre que tu m'as envoyée je la garde précieusement, si tu me lis, et je sais que tu me lis, sache qu'il me vient des larmes à chaque fois. je ferme les yeux et nous revoie, nous étions beaux, heureux, vivants. 

Je nous voie encore fermer doucement les volets de cette jolie maison qui a abrité la joie et le bonheur des amoureux que nous étions, je crois qu'à cet instant, je, nous, aurions voulu arrêter le temps, encore un peu.. Mais c'était déjà beaucoup ! Tu m'as accompagnée, nous avons fait toute cette route, dans un silence absolu, tu es venu avec moi sur le quai de la gare de cette belle ville si grande et je suis montée dans ce train... Il n'y avait plus rien à dire. On s'était promis de ne pas se retourner et de ne pas pleurer.

Lorsque tu m'as embrassée et serrée dans tes bras une dernière fois tu m'a fait promettre d'écrire notre histoire "Il faut écrire tout ça Liouba, je suis heureux, je ne pensais pas vivre un tel bonheur, je voudrai tellement te garder.. pour moi toujours" 

Immer, toujours.. 
"Quand j'aime c'est pour l'éternité"

A toi, pour toi. je sais que tu gardes sur ton coeur "ton icone". Je sais que tu es en vie, je le suis aussi. Nous nous sommes donné rendez vous au Paradis, le premier arrivé prévient l'autre.. On s'est dit ça ce jour là...
Je t'aime


Birgit (car c'est ainsi que tu disais) Dusch, historienne, psychanalyste, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch

vendredi 23 août 2024

Les couturières et moi.


"
Entre la fenêtre et le foyer, Emma cousait ; elle n’avait point de fichu, on voyait sur ses épaules nues de petites gouttes de sueur."*

Je suis l'héritière d'une longue lignée de "couturières" de métier, occasionnelles, familiales. Il y a aussi des "tailleurs d'habits". 

J'ai grandi au milieu des tissus, des fils de toutes les couleurs, des épingles, l'odeur de la craie, le bruit des ciseaux, de la machine à pédales de ma grand mère dont j'entends encore le ronronnement en fermant les yeux.
Je la revois, tout comme ma mère, assise derrière sa table en piquant les coutures des morceaux de tissus qui deviendraient une robe, une jupe, un vêtement pour moi souvent. Je rêvais et m'impatientais.


Elles cousaient, toutes les femmes de mon enfance cousaient et moi je les regardais. Je voyais peu à peu les morceaux s'assembler devenir des robes, des jupes, des chemises. C'était magique c
oudre, assembler, tisser, relier, donner vie et du sens à des morceaux de tissus afin d'en faire un vêtement : quelque chose qui habille et qu'on habite, qui nous recouvre, nous enveloppe.

Coudre un vêtement est toute une histoire, une histoire singulière, une aventure, ça demande du temps, de la patience, cent fois on remet sur le métier son ouvrage. Il faut assembler, surfiler, essayer, démonter, réajuster, recommencer. Jusqu'à ce que "ça tombe bien".  

Pourtant je ne sais pas coudre et elles ne m'ont jamais appris à le faire.
Je ne suis pas couturière. 
Je suis historienne et psychanalyste
Je ne sais pas coudre... Mais


Je sais rassembler, assembler, coller, relier et donner vie. 
Alors suis-je peut être une couturière à ma façon ? Singulière couture qui est d'assembler non des bouts de tissus mais des morceaux d'histoires ? Des histoires singulières dont ils manquent des morceaux parfois. Assembler du mieux que je peux afin de construire, reconstruire pour mettre en forme et donner du sens...

Etre historien c'est comprendre et partir à la quête de tout ce qui peut nous y aider, afin de tisser, relier, assembler pour mettre du sens et raconter une histoire, celle des hommes, des femmes, des enfants qui ont vécu avant nous. Tenter le plus fidèlement possible de dire, de ne pas les trahir. Tâche oh combien difficile ! Leur donner la parole. Donner la parole aux Morts, aux oubliés souvent, à tous ceux qui n'ont pas laissé de traces dans les livres d'histoire mais qui sont l'histoire. C'est la tâche que je me suis donnée, pour les femmes du XVII° d'abord, puis pour les Hommes de 14. Les sortir de l'oubli et montrer à voir qu'ils n'étaient pas que des soldats, mais des enfants, des maris, des parents, des frères, qu'ils ont aimé, pleuré, ri, souffert, puis pour ces femmes, hommes et enfants victimes de la barbarie nazie.. Reconstruire, rétablir et surtout pour ces derniers la filiation qu'ils ont tenté de détruire en les exterminant.

Historienne, je collecte, je rassemble et j'assemble autant que je peux avec ce que j'ai, le peu parfois, jamais le trop, puis j'essaie de coudre... Coudre, assembler, faire tenir les pièces entre elles les coudre de fils blancs, noirs, de toutes les couleurs. Singulier travail ! Parfois les pièces manquent pour assembler, ravauder, repriser...  laisser des blancs : L'historien n'invente pas. Il s'en tient à ce qu'il a.

Drôle de couturier. 

Analyste, je suis aussi couturière à ma manière, artisan de cet assemblage insolite et singulier que me livrent les analysants, en les aidant à mettre 
 du sens, là où il n'apparait pas instantanément, à réunir des pièces, des bribes, ne pas perdre le fil pour faire tenir ce qu'ils habitent ! pour que ça tombe bien, sans faux plis. Que ce soit précis, clair et net.

"Vous raccommodez les âmes" "vous remettez en ordre le bordel qu'il y a dans ma tête" "Vous faites tenir tout ça, tout ce qui était en vrac" me disent-ils

Tout cela est une histoire des histoires de l'Histoire, c'est pour cette raison que depuis des années j'ai entrepris toutes ces recherches. Pour comprendre et aussi pour me comprendre. Oui j'ai grandi au milieu des tissus,  de la couture, des habits, de la couture et des couturières, je me suis souvent demandé moi qui ne sait pas coudre où je me situais au sein de cette filiation. En avais je par ce manque de savoir rompu le fil ? Ce manque ? Le fil ? le fil de l'histoire ? Celles que j'entendais, enfant.. Je regrette de ne pas avoir posé assez de questions, pourquoi ? Pourquoi je n'ai pas demandé ? Qu'on me dise encore ? Qu'on m'apprenne à coudre ? Pourtant j'ai des souvenirs, ils reviennent s'enfilent dans le chas de l'aiguille et j'assemblent les bribes, je puise dans les archives, croise et reprise, je trouve, je retrouve je me trouve enfin ! C'est parfois terrible et tragique. Alors toutes les émotions surgissent on se demande quoi faire, quoi en faire  ? Comment les assembler ? avec quels fils  pour que ça tienne. Et l'enfance ramène comme la vague sur le sable les mots, ceux là même que tu ne comprenais pas lorsque tu étais enfant, mais qui te semblaient étranges, ces mots chuchotés à peine qu'un enfant ne comprend pas.. Pourtant l'enfant qui ne ressemblait à rien ni à personne  entendait et comprenait ces "secrets" que tout le monde savait sauf lui. Alors tu cherches, tu fais attention au moindre mot, au moindre regard, tu assembles les pièces et tu écoutes de que disent les gens, tu reconstruis le puzzle.. et tu deviens historienne et psychanalyste, tu te dis alors des décennies plus tard, qu'entre un tailleur d'habit, une couturière, un marchand de tissus, une historienne, une psychanalyste, il y a un bien un  lien, un lien solide, le fil que tu as tiré et avec lequel tu as cousu, recousu ta propre histoire, reconstruit la filiation. Tu es heureux car enfin tu sais d'où tu viens et qui tu es.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch.

* Gustave Flaubert "Madame Bovary"

lundi 5 août 2024

Nous ne vieillissons pas ensemble

 



Sie schreibt


"Il y a bien longtemps que nos chemins se sont séparés, sans s'en rendre vraiment compte, doucement, brutalement parfois. Nous ne nous sommes jamais vraiment rencontrés, une illusion peut-être, un désir d'y croire. Trop différents, trop étrangers, trop ou peu pour faire "ensemble".

Aujourd'hui le temps nous a usé, nous a épuisé et vampirisé. Il ne reste plus grand chose de l'envie, ni d'être en vie. Tout ne tient qu'à un fil et faire semblant devient de plus en plus difficile
La séparation est là, actée depuis longtemps mais est devenue effective, même si nous essayons de faire semblant et dans les moments aisés d'y croire un peu pour avancer.
Nos mots, nos paroles, nos discours raisonnent et résonnent faux, il n'y a plus d'harmonie, de connivence, de regard, mais seulement de la dissonance et de la discorde.
L'amour s'il a un peu existé s'en est allé, pour laisser place à la colère, la violence, le mépris, la haine, et parfois la pitié.
C'est une grande tristesse, celle d'un immense gâchis, de vies gâchés, d'espoirs déçus, brisés et avortés. 

Mais la vie c'est peut-être ça après tout ?


Ce serait facile d'avoir des regrets toutes ces années plus tard. Parfois il faut en effet éviter de penser. C'est évident que si on savait, on ne s'engagerait jamais dans un chemin boueux par peur de s'enliser, s'étouffer et mourir un petit peu. On ferait demi tout si on le pouvait.
Ce n'est pas de ne pas y avoir pensé mais il y a toujours une bonne raison. Un jour on grandit, on se dit que oui c'est fini et que pour le peu de temps qu'il nous reste, on va en rester là.


Nous ne vieillissons pas ensemble, depuis longtemps, depuis toujours peut-être ? Personne n'y a vraiment cru, persister pour se convaincre de ne pas se tromper. C'est la vie choisie, mais non rêvée. Rêve t-on sa vie ? La subit-on ? On tente de faire pour le mieux, et ce n'est pas simple
Il y a la colère surtout le désamour, le désintérêt, le désespoir, d'éprouver et de vivre tout ça. 
Le faire semblant devient une épreuve, une peine à perpétuité. On n'aspire plus qu'à se séparer, se déchirer, partir, laisser l'autre là, loin de soi. 
On se demande comment on a pu en arriver là ? Sans rien voir ? Entrevoir. Déni ? Confort ? 
Nous ne vieillissons pas ensemble peut-être parce que nous ne sommes justement plus en ensemble depuis longtemps, trop longtemps ? 
Alors ? on se demande dans les quelques instants de lucidité si l'amour éprouvé il y a si longtemps mérite de mourir dans la haine ? 
Alors ? On pourrait se quitter, bons ennemis ? 

"Il n'y a rien de pire que de ne plus s'aimer"

Sie sagt.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch

vendredi 14 juin 2024

Wieder leben lernen

 


Sie sagt

"Man muss alles neu lernen, alles neu beginnen, wenn man vom Tod zurückkehrt.

Vom Tod des anderen, vom Tod dieses Stücks Selbst, das mit dem anderen gegangen ist und das auch nicht mehr zurückkommt.

Man muss lernen, mit dem Mangel zu leben

Die Mängel

Der Mangel des anderen

Der Mangel an sich selbst.

Man muss wieder lernen zu gehen, zu gehen, zu kommen, wegzugehen, zu gehen, zurückzukehren, allein.

Man muss wieder lernen zu essen, zu schlafen, zu leben

Man muss die Gesten, die einfachen Gesten des Alltags wieder lernen, 

Man muss wieder lernen zu lieben und geliebt zu werden

Man muss wieder lernen, die Liebe zu nehmen, die einem gegeben wird, die Zärtlichkeit, die einem angeboten wird.

ES MUSS.

Aber ist das alles möglich?

Wollen wir es?

Kann man es? 

Ist es nur eine Frage des Wunsches? 

Aber welches Verlangen? 

Der Wunsch zu lieben und zu leben?

Wir sind also dazu verurteilt, ohne den anderen zu leben, ohne denjenigen, der uns ausgewählt hat, den wir ausgewählt haben, um auf ein Stück Ewigkeit zuzugehen, und der weggegangen ist? 

Das müssen wir überleben

Schon wieder? 

Und ich sehe nun schon seit zu vielen Jahren, wie die Menschen sterben, die mich geliebt haben und die ich geliebt habe.

Man glaubt zu sterben, immer. Ich habe oft geglaubt zu sterben.

Ich denke oft

Ein zerbrochenes Leben, Versprechungen auf ein Leben in einer anderen Welt, einem anderen Land, brutal, die Liebe wird durch den Tod, den Tod des anderen, weggerissen. 

Man steht da wie betäubt, zerrissen, mit dem Mangel. 

Dieser Mangel wohnt immer in uns. 


Aber wir sind da, immer noch und immer wieder.

Ich habe viele Gewitter, viele Stürme, viele Sonnen, Sommer und Winter vorbeiziehen sehen.

Ich bin hier, lebendig, immer noch, eine Überlebende, die auf ihren Tod wartet. 

Ich habe keine Angst, meine einzige Qual ist es, den Kummer zu kennen, den ich meinem Sohn bereiten werde. 

Man sagt sich, dass ich nie wieder aufstehen, essen, gehen und lieben kann,

Man gibt sich sogar der Erwartung hin. Die nicht kommt. 

Es ist nicht die Zeit, nicht die Stunde!

Dann eines Tages steht man auf, denn das Leben ist stärker als alles.

Eines Tages, an diesem Tag nach so vielen Tagen des Kummers, habe ich ein Versprechen gegeben, das Versprechen zu leben. Ich habe mein Wort gegeben. Und ich bin hier.

Ich habe mich für das Leben entschieden, und das ist nicht nichts.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch



mardi 11 juin 2024

Ich warte



Ich warte


Es ist ein langes Warten

Endlos, dessen Ende ich nicht sehe

Auch du hast auf mich gewartet

Ich bin gekommen


Wie lange soll ich noch warten

Diese unerträgliche Abwesenheit, dieses unerträgliche Schweigen, dieser Mangel an Worten, dieses Zuviel an Übel.


Qual und Folter

Das Warten oder das so tun als ob

Diese Eleganz des Schweigens,

Diese Maske des Anstands

Diese zermürbende Komödie jeden Morgen aufs Neue.


Ich warte

Es steht mir nicht zu, den Zeitpunkt zu bestimmen

Über das Ende oder den Anfang

Also gehe ich voran, ganz langsam

Ich schleiche oft umher


Es ist ein erzwungener Marsch, in der Dunkelheit, im Halbdunkel, im Schwarz.

Die Sonne ist sehr blass und der Himmel viel zu niedrig.

Wir haben uns nicht verabschiedet, sondern bis bald

Dieses Frühere lässt auf sich warten

Ich habe hier noch viel zu tun.


Also warte ich

Aber nicht zu lange


Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, exporatrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch



 

jeudi 6 juin 2024

Heute Abend





Heute Abend wie jeden Abend, aber vielleicht ein bisschen mehr als an jedem anderen Abend.

Ich vermisse dich


Die Zeit ist leer

Leer von dir

Und leer von uns

Ich muss das überleben


Heute Abend vermisse ich dich vielleicht ein bisschen mehr.

Ich weiß nicht


Heute Abend frage ich mich wie jeden Abend, was ich hier tue.

Wie ich es geschafft habe, hier zu sein

Es ergibt kaum einen Sinn

Ich weiß nicht


Heute Abend wie jeden Abend ist es ein Abend, der mich dir ein Stück näher bringt.

Ich bin leer

Leer von dir

Leer ohne dich

Leer von uns


Dieser Abend hat keine Bedeutung mehr

Ich liebe dich

Wie jeden Abend


Brigitte Dusch historienne, psychanalyste, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch




samedi 25 mai 2024

Mon dernier coup de poker ?




Je suis venue ici pour me réparer, réparer mon corps et mon âme. Tous deux mutilés et meurtris.
Je suis venue ici pour trouver un peu de paix et de calme
Je suis venue ici pour vivre


Ich bin hierher gekommen, um mich selbst zu reparieren, meinen Körper und meine Seele zu reparieren. Beide sind verstümmelt und verletzt.
Ich bin hierher gekommen, um ein wenig Frieden und Ruhe zu finden.Ich bin hierher gekommen, um zu leben

Un jour il faut partir pour penser et panser toutes ses blessures. 

Trouver asile, un havre de paix loin de la folie de son monde, d'un tsunami qui nous emporte aux portes de l'abime,  loin de ce qui fait mal, même si ce mal et cette douleur on les emporte avec soi dans ses bagages, dans ses cartons. On ne ressors jamais indemne de la guerre qu'on nous a mené et de celle qu'on se mène. Les cicatrices ne se ferment jamais vraiment, elles sont à fleur de peau et d'âme, il faut peu de choses pour qu'elles s'ouvrent et saignent encore. 

Il faut du temps, beaucoup de temps, pour décider, partir, aller, et s'arrêter du moins un peu, un peu longtemps le temps de ? d'aller un peu mieux, de reprendre les forces nécessaires pour une nouvelle route.

Il faut du temps, le temps est mon allié, il ne m'a jamais trahi, j'ai toujours misé sur le temps, et j'ai bien fait.

Die Zeit ist mein Verbündeter sie hat mich noch nie betrogen


Une étape ? pour la remission et non la guérison qui ne saurait survenir par miracle ! mais aller seulement un peu mieux c'est déjà ça. Si on ne peut venir à bout du Mal de la peine et du chagrin nous pouvons tout de même en alléger le poids du fardeau. 

Alors comment faire ?


Penser, méditer ? Eviter de ruminer, de se plonger encore en un passé qui fait encore mal ? S'en tenir à une distance suffisante pour reprendre les forces essentielles afin de les réparer. J'ai appris ça dans une autre vie, il y a bien longtemps. Je n'ai pas oublié.


Laisser là bas ce qui a fait effraction ? mais on ne laisse jamais tout, il y a toujours un peu de ce "malgré soi" qu'il faut bien affronter un jour ou l'autre pour pouvoir avancer, à petit pas, à tout petit pas. Il faut le temps, encore.


Rien ne sert de le ranger dans un tiroir fermé à double tour parce qu'on ne veut le plus voir sans se résoudre malgré tout à jeter.
Jeter ? Se délester ? Terrible ascèse que d'abandonner, de laisser là, détruire parfois ce qui a fait partie d'une vie mais qu'on ne veut ou ne peut emporter avec soi ?
Nous n'en garderons que le souvenir, parfois le regret, se dire que on n'aurait pas du, mais qu'il n'y avait pas assez de place. 
Mais quelle place ? Celle qu'on lui donne ou pas, à nous de faire ce choix aussi douloureux soit-il ?


Je suis une enfant de Survivants et une Survivante, de mon passé il ne reste que peu de choses, des ruines certes mais des fondations solides, celles qui ont fait ce que je suis. Ce n'est pas rien. C'est en elles que j'ai puisé alors chaque matin  la force nécessaire pour faire face et tenir à bout de bras ce qui pouvait l'être encore. Seule. 
Mais seule on ne peut pas se trahir, c'est toujours ça.


Alors je suis partie. Partir ; ce désir niché au fond de moi depuis tant d'années ; quitter ces lieux où j'étais en souffrance, de trop, pas à ma place, aller au delà de ce mal entendu où je n'entendais rien que des bribes d'un discours qui m'était étranger, moi l'étrangère qui envers et contre tout s'est évertuée à conserver cette différence, cette singularité pour ne pas perdre mon âme. 
Parce qu'il était temps de remettre les choses à leur place.

Weil die Zeit gekommen ist, endlich die Wahrheit zu sein. Aufhören zu lügen, sich selbst zu belügen und sich zu verstellen


Ce rêve est devenu un pari "mon dernier coup de poker" ais je souvent pensé et dit, jurant que c'était vraiment le dernier, que plus jamais je ne jouerai !

Quel joueur ne l'a pas dit ?

Des nuits d'angoisse, de frayeurs  et d'insomnies se sont ajoutées alors à celles qui depuis des années rongeaient ma vie, mais il le fallait. Il faut parfois abattre ses cartes sans connaitre vraiment le jeu de l'adversaire, il faut le deviner, l'anticiper, être attentif aux moindres signes et saisir l'instant, sur le vif. Rester impassible toujours.


il faut oser, il faut parier, il faut tenir, ne pas fléchir, il faut ; je dois car je n'ai pas le choix. 

Ich muss, weil ich keine andere Wahl habe


Je l'ai fait, car je n'avais pas grand chose à perdre, rien peut-être, si ce n'est ma vie, et ce n'est pas rien, alors mon instinct m'a dit encore une fois "Sauve toi !" je l'ai écouté comme souvent et c'est pour cela que je suis toujours là. Ce désir de vivre est si fort,  chevillé au corps depuis ma naissance, moi qui devais alors mourir.

Chaque matin je ressens le bonheur d'être ici, au bout du monde, dans ce monde qui est un peu le mien, moi qui suis de partout et de nulle part. Mais ici c'est un peu chez moi je crois. Chaque matin je vois les monts et les forêts, la rivière, les champs et le clocher, j'entends le son du carillon qui marque le temps et rythme à présent de ma vie. Qui marque mon présent. Pour le moment.

Chaque matin, je remercie la vie de m'avoir donné ça et je me remercie d'avoir osé.

Ich danke dem Leben, dass ich am Leben bin

Chaque jour je marche, longtemps, je marche et médite, pense, écris,  je m'en vais sur les chemins, les sentiers, au bord de cette rivière sauvage et indomptable qui me ressemble et qui enfant me terrifiait. Je l'ai apprivoisée.

Ich habe sie gezähmt und habe keine Angst mehr

Je découvre, explore, je vais à la rencontre de ces lieux abandonnés, oubliés, laissés là par l'homme qui n'en n'a plus besoin, je marche, je regarde, et parfois je contemple. Longuement, longtemps, lentement langsam

Mais c'est une autre histoire. 


Chaque jour je vais à la rencontre de ces ruines parfois, ces bâtiments, ces traces d'un passé pas si lointain qui se raconte à travers le lierre et les ronces. Et je me laisse aller à écouter ces histoires, les leurs.  C'est un bonheur infini, une source d'émerveillements quotidiens, et la joie d'un rayon de soleil, d'une fleur, d'un ciel et de nuages. 

La Vie, l'Haim. Merci.


Marcher, en solitaire, explorer en solitaire, le pas de l'homme est singulier, et chacun marche à son rythme. Prendre le temps encore, s'offrir ce temps long qui n'existe pas vraiment? C'est un temps de méditation, de face à face avec soi avec la nature pour seul témoin. C'est une communion. Merci.

Marcher c'est aussi sortir des sentiers balisés, c'est aller au delà de ce qui est montré à voir, c'est aller au devant de ce qui ne se voit pas, lentement, respectueusement, sans déranger, je ne suis que de passage et ne laisse pas de trace. C'est aller au devant de soi, de ses chemins noirs, ce ce continent obscur qu'on peut enfin accueillir sans crainte. Etre soi avec soi. 

Hors les murs, hors les chemins tracés c'est un peu l'histoire de ma vie, celle que j'ai choisie. Parfois sur le fil malgré le vertige je n'ai jamais flanché. Je n'en n'ai jamais eu le luxe.

Mon dernier coup de poker ?

Mein letztes Pokerspiel

La  vie n'est-elle pas un éternel pari sur l'avenir ? Ne faut-il pas oser pour sortir de sa souffrance ? faut-il du courage ? Je ne saurai savoir, ce que je sais intimement c'est qu'il faut avoir l'envie de rester en vie car la vie est le plus beau des cadeaux.

Le poker n'est pas la roulette russe, ni le casino, ce n'est pas un jeu de hasard

Es gibt keinen Zufall

Au poker, il faut faire preuve d'audace, de  concentration, d'une grande capacité d'analyse, savoir se remettre en question mais aussi être d'une rigueur implacable et malgré tout ce brouillard, ces ténèbres qui souvent m'envahissaient, j'ai conservé toutes ces qualités. Alors j'ai osé. 

  • Mon dernier coup de poker ? S'il fallait, il ne serait alors que l'avant dernier.
  • Mein letzter Poker? Wenn es sein müsste, wäre er dann nur der vorletzte.


Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste, exploratrice urbaine (Historikerin, Psychoanalytikerin urbex)
Crédit photo @brigittedusch


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Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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