Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

jeudi 10 septembre 2009

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Il n'aime pas qu'on le prenne en photo
Il ne veut pas être sur la photo
Les photos...
Il se cache derrière ses mains, il fait barrage à l'objectif. Il refuse ce rapt là, cette capture d'image.
Un ravissement....
Il ne veut pas qu'on se saisisse de cet instant, de l'instant, d'un instant, qui lui appartient, à lui, à lui seul.
Il ne veut pas partager ça, avec personne, pas même ses proches...
Il ne veut pas. C'est tout.
Pourquoi ? Il n'a pas à se justifier, c'est comme ça c'est tout.
L'image, le droit à l'image, le droit de l'image. l'image de soi.
La photo.
Capture d'image, d'un instant, d'un moment
Immortaliser de cet instant, pour un toujours éphémère, un toujours jamais. Pour quoi ? Pour qui ? Mémoire ? Mémoire du temps qui passe.. De ce temps qui échappe, qui nous échappe.
Maitriser alors cet instant de temps en le fixant sur un morceau de pellicule, puis sur une image, un écran, pour le voir, après, plus tard, bien plus tard
Pour se souvenir. Se souvenir de ces instants, de ces moments, de ce visage là à ce moment là
Regrets, nostalgie, passé...D'un passé qui n'est plus
Se souvenir des jours heureux et je pleure
Mais je pleure sur qui ? Sur quoi ? Sur ces jours là ? Sur soi ? sur l'image de soi ? L'image de soi à ce moment là ?
Figé. Fixé, pour l'éternité. Immortalité qui devrait subsister dans un au dela, un delà de soi, quand le soi ne sera plus là.
Capturer cet instant bref dans un présent qui ne dure pas, comme pour faire fi du temps, d'un futur à venir, d'un vieillissement inexorable, du travail du temps qui se fait, malgré tout, malgré la photo, qui malgré tout, jaunit.
"Pour avoir un souvenir, pour moi, s'il te plait, laisse moi te prendre en photo"
Mais il ne veut toujours pas : "je n'aime pas ça"
Comme si cette image fixée sur le papier permettait le souvenir..
Souvenir, mémoire, regrets, passé. Comme si les traits d'un visage aimé, pouvaient s'estomper dans la brume de l'oubli, des années qui passent et on ne se souvient plus très bien, c'était comme ci, c'était comme ça.. Je ne sais plus vraiment !
Une patiente m'expliquait avoir brulé un jour toutes les photos de sa jeunesse, sans regrets, justement pour ne plus en avoir
Cela lui était insupportable de voir, revoir encore sa "beauté fanée"
"A quoi bon, voir tout ça, ce visage lisse, ces yeux, ces cheveux.. A quoi bon avoir été belle, si belle alors qu'aujourdhui,,il n'en reste rien, plus rien, un visage vieilli, ridé, des cheveux blancs que je suis obligée de teindre, des yeux tristes d'avoir tant pleuré ceux qui m'ont quitté, les peines et les chagrins ont raison de tout..."
Alors elle a brulé, elle a fait un petit tas, de toutes ces photos là, de ces témoins d'un passé révolu, puis elle a immolé ce passé en buvant une coupe de champagne
"Belle cérémonie" poursuit-elle, je me suis enterrée moi même, du moins j'ai enterré cette femme là, celle du passé qui est morte, qui n'est plus, pour me permettre de vivre, d'être, moi la vieille !
Elle se sent soulagée à présent, plus de nostalgie, le temps passe, celui qûi est passé est révolu. Vivre avec ses souvenirs, dit elle est mauvais, "ça ne donne rien de bon"
L'image de soi qui insupporte parfois, mais aussi l'image de l'autre... Se demander si l'autre, enfants, petits enfants, n'auraient pas aimé savoir, voir qui était cette femme avant.. Avant d'être cette femme d'aujourdh'ui
Femme d'hier... Vestige du passé, d'une beauté fanée.
Prisonnière d'un passé, d'un moment figé, d'un instant que l'objectif a incarcéré pour un toujours à jamais insupportable. Une cage rouillée, étouffante dont il faut se liberer.
Mais la beauté est-elle la raison, la seule qui raisonne, qui fait qu'on ne veut plus voir, sa voir, re voir ?
J'ai toujours un petit pincement au coeur, une certaine émotion quand je feuillete l'album familial et que je vois mes grands parents, ma mère, mon père, jeunes....Comme je ne les ai jamais connu, vraiment, comme je n'en n'ai pas gardé le souvenir...Je ressens aussi un certain malaise devant cette intrusion, pénétrant une intimité à laquelle je ne suis pas conviée. Ces photos ne m'étant pas destinées. Se pose alors de l'adresse de celle ci ? Pour qui ? Pour quoi ?

La photographie de soi, l'image de soi. Qu'on voit de soi par le prisme de l'objectif. Cette image là est la confrontation de soi au réel de soi. L'expression de la représentation de soi dans le réel
Se voir sur la photo, se reconnaitre ou pas.
"C'est moi... C'est pas moi."
Confrontation au Réel, à la réalité de soi, de son existence. Voir, SE voir
Projection de l'image de soi dans une dimension autre, sur le papier, sur l'écran, dissociation...?
Un soi étranger à soi même, un soi qu'on découvre peut-être en même temps que les autres regardent. Un soi qui surprend, qui étonne, qui déçoit...Un soi qui n'est pas le moi ?
Soi est alors un autre ? Un autre moi, que ce moi n'imagine pas, ne voit pas.
L'image de la photographie est différente de l'image du miroir.
Finalement me dit une adolescente "On ne se voit pas, on ne voit jamais vraiment comment on est."
On ne verrait donc pas ce qu'on montre pourtant à voir à l'autre.
Quel est ce moi que je ne saurai voir ?

2 commentaires:

Anonyme a dit…

"Quel est ce moi que je ne saurai voir ?" demandez-vous. Bonne question en effet. La psychanalyse permet de tenter d'y répondre ...
On y découvre un moi rempli de lumière mais aussi d'ombre ... ce tout que l'on véhicule à travers notre corps, ce corps qui se reflète ds le miroir ou qui s'imprime sur une photo mais surtout qui se vit en permanence à chaque seconde et qui donne à se voir à l'autre, à être perçu par la vision intérieure de l'autre.
Un corps qui émet et réceptionne au milieu d'autres corps.
Bien à vous,
Cauderane

Brigitte Dusch a dit…

Merci pour ces jolis mots, chère Cauderane

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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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