Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

jeudi 10 avril 2008

Anorexie : réglementer l'inconscient ?

Décidèment quelle utopie que de croire que la Loi peut tout régler, réglementer, codifier !
S'agit-il de le croire ? Ou plus simplement de se rassurer ?
Mais rassurer qui ?

Utopie ? Rêve ? Mensonge ? Illusion ?
Que penser de tout cela ?
Que penser de cette intrusion là ? Encore ! Qui pourtant part d'un constat accablant...Tellement accablant qu'on se dit qu'il faudrait peut-être faire quelque chose, réagir. Donc légiférer, pour faire en sorte que ça n'arrive plus. Qu'on ne voit plus ça ! Plus jamais ça.

Nous le savons, l'enfer est pavé de bonnes intentions....

Une loi réglera t-elle le problème ?

Toutes ces questions, je me les pose à chaque fois que la loi intervient dans la psyché, dans la conduite, dans les comportements des individus que nous sommes.
Quand la loi se donne pour objectif de réglementer l'inconscient.

C'est un sujet complexe qui suscite de vastes débats, mais qui n'apporte pas vraiment de réponses, des élèments de réflexion seulement, mais ce n'est pas si mal !

Intrusion ? Certainement. Mais le point que personnellement je trouve positif, c'est qu'on parle de l'anorexie, enfin ! encore !
Que des élus se penchent sur une des facettes de cette maladie.
Car il s'agit bien de mal à dit. Ce n'est pas seulement un souci d'identification, de mode. Mais c'est surtout une maladie, un fléau, une souffrance qui touche, des enfants, des jeunes filles, des femmes, mais des hommes aussi, des jeunes garçons..

L'anorexie se voit. Elle se montre à voir. Et ce qui est montré à voir dans ce cas précis n'est pas supportable. N'est pas voyable ! N'est pas regardable !
Cachez se corps...Que je ne saurai voir....Que je ne pourrai voir...Que je ne peux voir. Que je ne veux pas voir...
Cachez ce corps... Interdisez ce corps... Interdisez pour que je n'ai plus à voir ce corps là, que je ne supporte pas de voir, que je ne souffre pas !

Pourquoi ?
Bonne question, sans réponse, ou suscitant trop de réponses.
A quoi nous renvoit une telle image du corps ? Quel imaginaire convoque t-elle ?
Qu'est ce qui nous insupporte dans cette vision, dans ce que nous voyons.
Les mannequins, les images (retouchées) les sites internet, la mode. Un monde qui n'est pas le quotidien, mais un monde qui pourtant s'introduit insidieusement dans le quotidien de chacun.

L'anorexie donne à voir, montre à voir un corps décharné, une maigreur terrible, insupportable.
Une maigreur..De famine...Dans un monde trop plein. Trop plein de nourriture, de biens d'équipements, de gadgets, trop plein de tout.
D'un monde qui a force de susciter du désir, n'offre que du vide, et du plaisir. Du plaisir, pas du bonheur..Car de la jouissance tout de suite, immédiate. Du tout et du rien.
Du tout pour du rien
Du tout pour combler du vide. Mais qui ne se comble pas, mais qui parfois rejette, vomit ce trop plein de tout !

Serait-ce alors un mal nouveau ? Non, bien sûr que non !

L'anorexie est plus complexe qu'un phénomène de mode. Il n'y a pas d'anorexie au singulier, mais des anorexies au pluriel. Elle se décline de différentes manières, à plusieurs niveaux.

Quel est ce rapport à la nourriture ? Ces troubles du comportement alimentaire pour reprendre les termes du DSM IV.
Comment comprendre ce refus de se nourrir. D'alimenter son corps ? Nourriture terrestre ? Céleste ? Aliments ? Mais quels sont réélement ces aliments dont on ne veut pas, dont on ne veut plus ? Pour son corps ?
Aliments qu'on absorbe... Nourrit ture Nourrit qui tue ! Nourrit torture... Nourriture.

Ce qui rentre par la bouche, mais qu'on fait ressortir par la bouche aussi parfois, en se faisant mal. Pour ne pas garder, pour ne pas avoir, pour ne pas profiter, pour jeter, pour vider, faire le vide, vider le corps, priver de vie le corps..
Faire le vide partout.

Puis ces aliments qui ne peuvent même plus passer, rentrer. Qu'on ne peut plus absorber. Ces douleurs, ce corps nié, gommé, effacé qui hurle de douleur.
La faim, la fin ? Mais la fin de quoi ?
Un appel ? un SOS ? Mayday ! M'aider....? Mais à qui cette balise de détresse est-elle destinée ?

Tout va bien, du moins on le croit, puis ça arrive comme ça, sans qu'on s'en apercoive, on ne sait pas trop comment c'est arrivé, mais c'est là !On mange peu, puis de moins en moins, puis plus du tout. On perd du poids.
C'est la soustraction. La régle des moins : moins de nourriture, moins de poids.
On se déleste du fardeau, comme pour faire prendre du lest à la mongolfière. On ne charge pas, puis après on crache, on recrache, on jete, on déleste, on se déleste....
Soustraction. Mais pourtant la régle algébrique veut que moins par moins, ça fasse plus. Alors où est le plus ?
Cherchons ce plus ! Il y est forcément.

Il faut pourtant continuer...
Alors on s'efforce de "faire bonne figure" et de donner le change. Puis on recrache, dans son mouchoir, dans les toilettes : "Vous n'imaginez pas les stratégies, les efforts qu'il faut déployer pour vivre avec les autres" me dit une patiente. "Lheure du repas est une torture". "je suis fatiguée d'avoir sans arrêt besoin d'inventer, pour que ça ne se voit pas, pour ne pas entendre, allez force toi un petit peu" soupire une autre.

la vie sociale devient une torture, être en realtion finit par devenir impossible. Conduisant à l'isolement.
Notre société repose sur la convivialité, et le repas en fait partie.
Un objecteur de conscience, faisant la grêve de la faim pour ne pas faire son service militaire m'a raconté comment il avait vécu ces épreuves... L'heure du repas ! Il n'avait jamais auparavant pris conscience de l'importance que ce rituel avait dans ses relations à l'autre.

"Donner le change, faire semblant, faire croire que tout va bien...."
Y mettre les formes, alors que des formes on n'en veut plus !
Pour ne pas inquiéter
Car cet état là, se voit. Il inquiéte l'entourage, qui ne sait pas. Qui ne sait pas quoi dire, qui ne sait pas quoi faire.
Qui assiste impuissant à la mort lente d'un corps qui s'efface, et qui malgré tout hurle qu'il veut vivre !

L'anorexie, n'est pas que la perte de l'appétit, elle est aussi la perte de l'autre, et des autres, elle est surtout la perte du désir. Une perte de l'en vie. Une perte de soi, une perte de vue, à perte de vue.
L'envie d'être, ou de ne plus être, de gommer une place peut-être déjà si tenue (mince) ou si peu tenue. Une place ? Mais quelle place ?
Une place, un manque de place, un peu de place, comme juste un peu de nourriture.
Alimenter quoi ? un corps en manque de place ?
Amincir encore un peu... Jusqu'à l'effaçage total ?
Ce refus de manger est-il le seul moyen de dire sa douleur, de rejeter sa souffrance ? De dire son mal aise, mal être ?

Une loi, un réglement, arriveront-ils à bout de ce processus ?
La loi a t-elle à faire dans cette aventure là ? Dans cette descente aux enfers ?
Que réglemente t-on au juste ? Sa propre conscience ? D'avoir fait ce qu'on pensait juste ?
Soigne t-on le mal ? Par la loi
Celle ci guérit-elle le mal de vivre ? Le mal de manger ?
Interdire de faire défiler, de montrer des filles "sous alimentée" va t-il venir à bout de ce fléau ?

Le croire est-il réaliste ? Vouloir le faire croire l'est-il davantage ?
Faut-il en passer par là, par la loi afin de mettre un terme ou de penser qu'on peut mettre un terme à l'insupportable ? A l'impensable ? A l'innomable ? A l'impossible ?
Est-il du ressort de la collectivité, des pouvoirs publics de s'introduire dans l'intime, dans l'intimité du sujet en souffrance ?
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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