Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

lundi 30 août 2021

Pour toi ; La haut


Pour toi


Je ne te dis pas adieu, nous ne nous sommes jamais dit au revoir, nous n’avions jamais jugé cet usage utile, car nous étions au dessus de ça, nous étions au dessus de tout, d’ailleurs en ce temps là.

Nous n’aurions jamais du nous rencontrer, pourtant nos routes se sont croisées, par hasard ?
Non sûrement pas, le hasard n’existe pas.

Nous partagions la même quête de savoir et de vérité, simplement, savoir qui nous étions et ce que nous avions dans le ventre aussi, dans l’âme
Un seul regard nous a suffit ; moi pour savoir qui tu étais et toi qui j’étais, je n’oublierai jamais le bleu de tes yeux, ce bleu de glace où baignait la tristesse et la mélancolie de tout un monde. Ce bleu où je me suis noyée.
Nous nous étions trouvés là dans ce lieu improbable, mais certain.
Lorsque nous nous sommes rencontrés j’étais dans la colère, j’avais cette colère au fond de moi, en moi, cette même colère qui sans doute m’a maintenue en vie, en survie. Tu m’as appris à en faire autre chose, à la sublimer.
Mais tu avais aussi appris la sagesse cette sophia que tu as essayé de m’enseigner, je n’ai pas été une bonne élève, tu as été patient, tu m’as aimée comme j’étais, avec ma rage et mon insouciance aussi.

Tout un temps qui me semble un monde, un siècle, une éternité

Tu m’as appris à ne pas avoir peur, à affronter mes démons, mes cauchemars, qui même s’ils me hantent encore presque chaque nuit ne me terrifient plus, du moins plus autant.

Sans le savoir, tu m’as appris beaucoup
Nous cherchions à savoir qui nous étions, nous nous sommes rencontrés au carrefour de cette quête… La même a ce moment là, je me souviens que tu parlais avec la musique, moi je n’avais que les mots.

Je n’oublierai jamais ta douceur, dans ton regard, ta musique, tes gestes, ton approche des autres, de la différence, ta douceur avec ces enfants restés au seuil du langage.
Tu savais leur parler, tu m’as appris aussi à le faire.
Une singulière tendresse.

Sans toi, je ne serai sûrement ce que je suis

Il y a de belles rencontres, et tu en es une, une de celle qu’on n’oublie pas. Un cadeau que te fais là vie, au milieu de l’Enfer parfois.
Tu savais aussi être rude, dur, inflexible, tu ne transigeais pas…

Nous avons fait un bout de chemin ensemble, chaotique parfois, de traverse souvent, heureux et douloureux. Nous savions que ce chemin serait court, mais c’est toujours mieux que rien, et c’est déjà beaucoup, nous savions aussi que nos routes se sépareraient, dans notre recherche de la vérité peut-être, mais aussi dans les lieux que nous aurions à choisir.

Je suis triste, sans l’être vraiment, nous ne nous sommes jamais quitté, jamais perdu. Il y a des rencontres qui n’ont pas besoin de lieux communs !
Je sais que tu prenais de mes nouvelles, comme j’en prenais des tiennes, une certaine manière peut-être de rester liés, de veiller l’un sur l’autre.
Tu as si souvent veillé sur moi, tu m’as si souvent protégée, de moi-même. Aussi.
Je suis heureuse car tu as trouvé ta voie, tu es allé au bout de tes rêves, de ton désir…. Comme je l’ai fait…

Au fond avons-nous peut-être trouvé ce que nous cherchions… La même chose.

Je ne sais pas ce qui me rend triste, je sais que tu n’avais pas peur de la mort, mais de la souffrance ? Je ne sais ? C’est ce qui me fait mal. « Une longue maladie » C’est ce qu’on m’a écrit…
Les larmes ont coulées le long de mes joues, mes yeux se sont brouillés lorsque j’ai lu… Mais sur qui je pleure ?
Sur moi, mon chagrin et ma peine, on pleure toujours sur soi, pour soi, on pleure d’être confrontée à ce vide immense que nous cause la perte, la perte de l’être qu’on a aimé, qu’on aime
On pleure parce que… !
Ton nom restera pour toujours attaché à l’Ecole que tu as crée, à l’Art que tu as inventé… Qui n’a sûrement plus rien de martial. Une danse.
Danse au milieu des étoiles car tu as trouvé la sagesse.

A dans un autre monde, si autre monde il y a ? Je ne sais toujours pas.
J’ai froid, terriblement froid.
Birgit.

dimanche 1 août 2021

Samedi 1 août 1914



Il fait chaud dans mes Ardennes.
C'est l'été, à Savigny. C'est le temps des moissons, 
Ils sont aux Champs, s'affairent sous le soleil écrasant, il y a tant à faire ! 
Les vanniers à leurs paniers pour les commandes des maisons de champagne,

C'est l'été, elles sont là, au lavoir, en bas du village frottant et battant le linge, sans rien dire, il fait lourd, trop lourd
D'autres sont à la maison préparant la gamelle qu'elles vont porter à leurs Hommes aux Champs.

Marie Eugénie, tu es devant ta maison au bord de l'Aisne, c'est l'été. Il fait lourd, le temps est lourd, il va faire de l'orage, peut-être, sûrement.
Madeleine est encore bien jeune, mais elle aide ses soeurs, Augustine et Stéphanie

et tes fils tressent l'osier.. Gustave, Emile, Lucien, Antoine

C'est l'été, les enfants, jouent, à l'abri du soleil, c'est les vacances... il fait lourd, très lourd.

Je suis au milieu de vous, je vous vois mais vous ne me voyez pas, je ferme les yeux et toutes les odeurs du soleil de l'herbe fauchée, de l'osier mouillé, de la terre et des bêtes... j'entends le bruit des sabots... j'entends le silence.

C'est l'été et c'est un village, c'est mon village.
Tout le monde sait tout de tout le monde, les gens s'aiment et se détestent sans parfois ne plus savoir pourquoi, c'est un village de l'Ardenne. Au creux de l'Argonne, au bord de l'Aisne. C'est mon village.

Soudain un bruit terrible, assourdissant vient rompre le silence, l'harmonie et le labeur.
Les cloches.
Lugubre.
Le monde bascule

"Ce n'est peut-être que la fin du monde en avançant" Oh combien l'enfant de Roche avait été visionnaire une fois encore !

Chez moi on parle encore de 70 de Sedan et de Bazeilles, des morts pour rien ; pour le roi de Prusse. Combien de familles ont pleuré leurs morts ? Combien de familles en parlent encore ? La Mémoire chez Nous elle est tenace, chevillée au corps et au ventre, elle est en nous. Nous n'oublions pas.

Ces histoires de Uhlans, sans cesse rabâchées lors des tablés appartenaient à un autre monde : et voilà que !


Le monde s'emballe, le village perd ses hommes, jeunes et moins jeunes, tout ceux qui ont l'âge d'aller mourir une fois encore pour rien.
Le village se saigne, le village saigne

On laisse la moisson, les faux et les faucilles.
Il est temps,
Pour combien de temps ?
Le temps s'arrête et le temps s'emballe, il ne ressemble plus à rien
On ne se promet rien ?
On se promet de revenir ,
On se regarde sans rien dire
Il y a les larmes ravalées pour ne pas faiblir
Il y a...
Il va falloir vivre !
Il va falloir souffrir !
Il va falloir attendre…


Et la peur gagne, car on se souvient, ma Terre d'Ardenne est une terre de douleur, sans cesse occupée, sans cesse malmenée, elle est souvent exsangue, la trace du passé, des ravages est vive et vivace, alors il faut ! On connait l'ennemi il ne fait pas de quartier, et personne n'a oublié les pillages des occupants. La Terre d'Ardenne a tenu. Les Miens y sont nés, y sont restés et reposent en sa terre.


1 août 1914 : débute une "saison en Enfer" Une si longue, interminable saison où plus rien jamais ne sera comme avant.

Longue, interminable et meurtrière. Même si on ne le sait pas, l'ombre de la mort, plane et vient chercher son dû. Elle est et sera insatiable.

Requiem

A toi Gustave, pas un seul jour sans que nous pensions à toi, tu es là parmi nous... tu  le sais.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste
Crédit photo, @brigittedusch
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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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