Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

dimanche 27 mai 2018

La peau d'Anna

A l'occasion de sa réédition, c'est avec plaisir que je partage à nouveau cet article, ce coup de coeur, un livre qui m'a particulièrement touchée.

Encore un livre, lu d'une seule traite ou presque celui là...Encore !
Je n'avais pas envie de le lacher ce livre, il me fallait aller jusqu'au bout...

Peau d'Anna, une sorte de "Peau d'Ane moderne", revisitée, une relecture, quelque chose comme ça, mais qui nous emmène sur ce chemin là.
D'ailleurs le conte apparait, en filigrane, puis explicitement tout au long du roman, c'est avec l'histoire de cette "princesse" (qui est aussi le surnom d'Anna enfant) que se construit et ne se construit pas l'histoire de l'héroïne

Encore une quête d'identité, une recherche de soi...
Comme quoi ? Le hasard ? Un livre pris au hasard sur le présentoir de la Bibliothèque... Un roman qui pourtant a à faire avec la psychanalyse.

Une jeune femme retrouve son père, malgré elle, des années après l'avoir quitté, laissé, un père "mort" pour elle, qui pourtant vivait là, à quelques rues, dans la même ville depuis des années, depuis toujours... Une jeune femme qui renoue à travers des lettres, grâce à l'écriture d'un père qui adresse un message, un dernier message, un ultime message...
Un père qu'elle ne voulait plus voir, mais qu'elle revoit malgré elle, malgré son choix, malgré sa décision, malgré son désir.. Mais où se situe vraiment le désir ? Ici ?
Quel est le désir ?
Anna se retrouve plongée au coeur de son histoire, de l'histoire, celle d'une famille, de sa famille.
Une histoire, la sienne, celle qu'on lui a raconté, celle qui doit être sienne, puisque on le lui a dit..
Des souvenirs, d'une histoire qu'elle voudrait enfouir, ne pas se souvenir.
Qu'elle a essayé d'oublier, de ne plus se rappeler, une vie de trous, avec des manques, des souvenirs....
Mais quels souvenirs ?
Les siens, ceux de sa grand-mère, si bonne, si bienveillante, si prévenante pourtant ?
Des impressions, des paroles, Peau d'Ane...Une famille...
Anna se souvient...Anna part à la rencontre d'elle même, alors qu'elle croyait l'avoir fait, déjà, des années plus tôt, pendant des années, sur le divan, dans le cabinet de psy de toutes sortes, qui lui avaient dit, qui avaient interprétés, qui lui avaient fait croire, laissé croire, qui avaient avec elle, malgré elle fabriqué des souvenirs, recollé les pièces d'un puzzle....
Son histoire a elle, qui la rend si malheureuse, si mal dans le monde, si mal en elle, si mal dans sa peau, dans la peau d'Anna !
Un père qui lui écrit, parce que sa mémoire s'en va, ça et là, de temps en temps, puis souvent, encore plus souvent, peut-être pour toujours ? Dans combien de temps. Il semble compter ce temps ce temps dont il dispose pour lui conter, conter son histoire, leur histoire...;

Atteint de ce mal qui prend tout ce qui nous reste, quand on vieillit, qui prend sans jamais rendre, qui laisse quand même des moments où la mémoire vient, revient, une mémoire douloureuse. Alors il veut dire, il veut raconter, il veut témoigner, ultime témoin de cette histoire, de cette rencontre là qui ne s'est pas vraiment terminée, mais qui semble s'être arrêtée interminablement sur "pause". Il voudrait mettre des mots, des mots pour dire avant que la maladie ne gagne..
Avant qu'il ne sache plus.
Avant que plus personne ne sache, quoi que ce soit
Une vérité ? Mais qu'est ce que la vérité ici ?
Encore une fois la vérité.
C'est peut-être la question justement de ce roman : Quelle vérité ? Pour qui ? Pour quoi ?
Combien la vérité est singulière, comment elle s'arrange, se déguise, se travestit, à l'insu parfois du conscient, et peut-être de l'inconscient
Comment elle devient acceptable pour vivre sûrement pas, mais pour survivre peut-être
Chacun en a sa lecture, comme chacun aura sa lecture de ce roman....
Quête de vérité et de soi....Presque identique, la vérité est-elle essentielle pour se trouver se rencontrer ?
Est-elle indispensable pour se libérer ? Se sortir du carcan du mensonge qui nous emprisonne, qui nous empêche finalement de vivre, de respirer, d'être la cause de nos maux?
La vérité qui permet de mettre des mots ?
C'est un peu de tout ça "la Peau d'Anna "
Une enquête qui mène l'héroïne à la rencontre de soi, à la rencontre des mensonges qu'elle croyait vrais, et sur lesquels elle a construit sa vie, une vie si misérable ! une vie de solitude...
Mensonges ? Mais qu'est ce que le mensonge, si ce n'est une autre vérité, un arrangement, un autre agencement des événements, qui peut être entendable, tolérable, mentir c'est ne pas perdre, ne pas mettre en danger, se rassurer, peut-être, laisser ou faire croire d'abord à soi même puis aux autres, leur dire ce qu'ils croient être, pour ne pas les perdre peut-être, ni les décevoir, c'est donner une image de soi...Un faux soi. Mais un soi à donner à voir, à regarder, à plaindre
Cesser de mentir pour aller au delà d'une vérité peut s'avérer parfois périlleux, ne servir peut-être à rien, ne pas être nécessaire, mais où se situe la contingence ? Si toutefois contingence il y a ? Cesser de mentir pour aller à la recherche de soi même, peut-être un acte courageux, ou insensé !
C'est aussi aller jusqu'au bout de soi même, et de son histoire, ce rendez vous là, ici et pas forcément maintenant... Demain peut-être, ou après demain ou jamais..
Est-ce utile ? Essentiel ?
Dans le cas d'Anna, c'est sa peau qui était en jeu, au delà de la métaphore, il s'agissait ici de sauver sa peau...
La peau d'Ane du conte, l'heure pour Anne de faire les comptes, l'heure du conte, qui n'a pas d'heure, mais qui doit se faire... Car c'est une question d'heure. Solder un passé avec lequel on est en compte, peut-être parce qu'on nous en a trop conté, justement, rendre compte pour approcher le conte, et aimer, peut-être sans compter et sans s'en laisser conter encore.....
Etre libre de tout compte, pour ne plus se ressasser le conte, le conte de fée qui est en fait celui d' une sorcière, méchante sorcière et gentille fée, ni tout blanc ni tout noir, ni tout gentil ni tout méchant.
Libre de conter, sans plus compter, de ne plus conter pour enfin aimer, laisser les histoires à l'histoire cesser d'être le personnage, le figurant d'un conte écrit par un narrateur tout puissant qui instrumentalise au gré de sa fantaisie pour donner sens à sa propre existence. Ustensilisant les protagonistes qui viennent servir sa propre histoire, rassurer son égo en souffance.
Solder enfin, une fois pour toute, affronter le passé pour affronter son destin, pour être acteur enfin de sa propre histoire. Construire demain, enfin !

Nathalie Gendreau La Peau d'Anna
Editions Dacres mai 2018.

samedi 26 mai 2018

La perte



Faire l'expérience de la perte, perdre...
Mais quid de la perte et de perdre, perdre un pari, perdre au jeu, perdre l'usage de ses jambes, de la parole, un amour, un être, un ami ; perdre la vie... ?
Perdre quelque chose ou quelqu'un ?
En tous cas, perdre n'est pas gagner, il y a du moins, du manque... de ce qui était et n'est plus
Passé, présent.
Perdre ou renoncer ?
Choisir aussi : car c'est accepter de perdre ce qu'on ne choisira pas, ce qu'on laissera de côté car on ne peut "tout avoir". Renoncer alors volontairement à l'objet, à la situation ; faire un choix, qui parfois n'en n'est pas tout à fait un, mais il faut laisser pour. Donc abandonner. Laisser à la marge.

Est-ce alors une question d'acception, perdre, renoncer, laisser .
Qu'est ce que la perte ?
Mais quelle qu'elle soit, nous devons faire face à la perte, ou lui tourner le dos, ce qui ne revient pas au même. Acceptée ou non, elle est là, présente, absente dans la présence, présente dans l'absence. Qu'on le veuille ou non la perte fait partie de soi, du manque en soi, mais aussi du trop que ce manque finit par créer.
Un trop perçu qui nous laisse en compte avec nous même, une balance non équilibrée, branlante, une faille devenant parfois un gouffre, celui de l'ennui, du chagrin, de la souffrance.
Un manque qui se greffe sur l'être, qui profite de cette faille et de la défaillance, de ce manque de défense car le sujet a quelque peu baissé la garde, laissant aller les larmes et le désespoir tragique de la perte de l'aimé, de l'âme sœur, de l'enfant, de l'impensé impensable.
La perte ? Nous perdons toujours quelque chose, notre temps parfois, il est perdu et ne se retrouve plus, ne se remplace pas, ne se rattrape plus.
Il nous faut perdre pour advenir au langage, accepter cette perte pour ne pas rester au seuil ou même pas pouvoir le franchir, accéder au lien social ou faire semblant, donner l'illusion peut-être un court instant que même si on n'est pas là, on n'y est quand même un peu...
Perdre à tout jamais, la mort ! la pire des pertes ? Mais qu'est-ce que le mort ? La sienne ou celle de l'autre ? Qu'en est-il au juste de cette mort, attendue et redoutée, attendue et espérée ? La fin, la perte finale sans retour et quand il s'agit de soi, ne pas même pouvoir l'éprouver ?
Perdre l'espoir et l'illusion, la mort psychique. Etre emprisonné dans un corps perdu, ne plus exister pour l'autre, la perte de soi ? L'oubli ?
Mais quel oubli ? Celui ci est-il une perte ? Ou bien LA perte ?

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.
Crédit photo : @brigittedusch

mercredi 16 mai 2018

La parenthèse

Une ile au loin dans le ciel entre les nuages.

Il y a le jardin secret, cet espace intime niché au cœur de soi, dans un coin secret de soi, dans les replis de sa mémoire.
La parenthèse irréelle qui nous maintient dans le réel, car il le faut bien. Malgré tout.
L'espace nécessaire entre soi et soi, pour survivre au monde, pour advenir là où on ne se reconnaît pas forcément, où l'on n'est pas reconnu.
L'espace hors du temps, hors du monde, un monde parallèle, un lieu dit et tenu secret au fond de l'oubli, des hommes, une maison sans clé car nous en sommes le seul gardien.
le lieu qui sauve de l'exil, de l'expatriation de soi, car il n'y a de patrie que soi, son "intérieur" son espace psychique auquel nous ne sommes pas toujours fidèle. Est-ce possible ? Toujours ?
Cette loyauté ne va pas de soi, nous sommes tiraillés, écartelés le plus souvent, déchirés entre ce qu'on est et ce qu'on attend de soi.
Un lieu où on ne fait pas semblant mais où l'on joue à faire semblant, où le rôle qu'on se donne est le meilleur, où l'on devient le héros, où l'on fabrique le masque.
Le masque. Celui que la société, le monde des autres dans lequel nous sommes, impose, la condition pour en être, alors qu'en fait une partie de soi est à la marge.
L'antre de soi, entre soi, l'on fixe les règles du jeu, les règles du Je.
A la marge : du réel, de la réalité, du monde des vivants, des trop vivants, des débordements.
Il faut le silence, le bruissement du vide, le vertige du tout possible. Impossible.
La parenthèse.
Ce qui nous permet de survivre, de nager dans ces eaux troubles, cette possibilité de laisser un espace, une faille infime pour que l'intime puisse se loger puis survenir, surgir, et nous permettre d'être encore en vie.
La parenthèse
Asile, refuge, cabane dans les arbres, niche, repaire, où l'enfant se cache et donne rendez-vous à l'adulte devenu. Un instant, bref, court mais cet instant est essentiel
Il faut savoir lâcher prise, laisser l'adulte pour retrouver l'enfant, le rêve, la petite histoire qu'on se raconte parfois avant de s'endormir qui nous emmène loin près des étoiles.
Capacité de rêverie, d'élaborer une autre vie, un autre scénario, faire des tours de magie, retrouver les fées et les princesses, retrouver l'innocence où il n'y a pas de mensonge, de méchanceté et de violence
la parenthèse magique, le jardin secret, le rêve éveillé.
La parenthèse n'est jamais complétement fermée, il y a cette fenêtre de chaque côté qui laisse les rêves aller et venir au gré du vent, de nos envies, de nos désirs, de nos histoires, de nos infinis.
Une ile dans le ciel entre les nuages.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
crédit photo @Brigittedusch collection personnelle.

mardi 8 mai 2018

La maison de Savigny





La maison de Savigny
Es war ein mal
……………………………………………………………………….



Souvent j’y pense, je l’imagine, je la vois, elle est.
Elle est là et elle m’attend
Pas très grande, il n’y a que moi et depuis longtemps je n’ai plus de visite.
Qui pourrait bien venir ?
Devenus inutiles
Ne sommes nous pas relégués au fond de l’oubli ?
Oubli, oublier, oubliette…. Devinette ?


Une sorte de rêve éveillé, bien vivant cependant.
elle ne peut être que là

Pas ailleurs
C’est là que je voudrai finir ma vie.
Aucune tristesse, mais de la joie
A être là où je suis bien
Je m’y vois seule avec un chat peut-être, ou un petit chien

La compagnie des Hommes m’ennuie, je leur préfère les animaux, leur amour est inconditionnel, sans attente, sans mensonge, sans trahison
ll n’y aura pas de bruit ; le chant des oiseaux le vol des insectes dans les fleurs…
Ecouter, entendre, fermer les yeux : Humer le bonheur.

C’est là que seront mon automne et mon hiver
Là je ne serai pas seule, j’y emmènerai mes fantômes, ceux qui sont près de moi depuis toujours, nous rentrerons de l’exil, enfin !
Nous poserons notre sac, allégé du poids des souffrances, des chagrins et des peines.
Exit.
ll y aura des livres et le silence.
Des livres à lire et à relire, à découvrir et à écrire
Rien que pour le plaisir
J’irai marcher sur le chemin, cueillir les mures et caresser les fleurs des églantiers, musarder sur les bords de rivière.
Un automne et un hiver aux couleurs de l’été
C’est bon d’y penser.

Brigitte Dusch, psychanalyste historienne ...
in "Des Nouvelles d'Arsel"
crédit photo ; @brigitte Dusch, collection personnelle.



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