Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

dimanche 27 avril 2008

Pourquoi la douleur ?

"Mais pourquoi j'ai mal ? Pourquoi cette douleur ? pourquoi je souffre ? "
Ces questions je les ai entendues souvent, je les entends encore, je me les pose aussi, quand je ne sais pas comment faire face à des douleurs rebelles. Face aux douleurs, aux plaintes du corps
Je n'ai pas de réponses !

"J'ai mal ! Pourquoi ? "
On peut expliquer d'où ça vient, pourquoi aussi en termes techniques. Il s'agit de la loi de cause à effet. Tout le processus de la douleur est maintenant connu en partie, on sait aussi un peu soulager, si peu !


Cela ne fait que peu de temps qu'on s'y interresse à soulager le mal, la douleur, celle qui fait si mal...Celle qui fait que le corps se manifeste, que le corps crie, que le corps hurle
Qu'il pousse des cris tellement fort qu'il n'en peut plus ni d'avoir mal ni de crier
Qu'il gémisse tellement longtemps qu'il n'en peut plus car ça lui fait mal depuis si longtemps et pendant si longtemps.
Quand le corps ne sait plus parler autrement, qu'il semble qu'il ait abandonné, relégué, oublié un autre langage, une autre langue que celle là


Soigner, apaiser, guérir le "avoir mal " ?
Nous ne sommes pas encore très au point pour ça d'ailleurs !
Cela fait peu de temps qu'on prend en compte la douleur de l'enfant et celle du nourrisson... Sensé encore, il y a quelques décennies ne pas ressentir la douleur.

J'ai vu et entendu bien des médecins expliquer à leur patient le mécanisme induisant leurs souffrances physiques, et , navrés leur dire qu'ils faisaient du mieux qu'ils pouvaient pour soulager. Ce qui était vrai.

Mais la question, la véritable question, celle qui taraude ceux qui ont mal, au fond d'eux même, ce n'est pas vraiment de savoir quelle est la cause mécanique de ce qui leur douleur,(le savoir n'apaise pas la douleur) mais de savoir pour quoi ?
Et c'est ce Pour Quoi ?
Pour quelle chose ?
Et quelle est cette chose ?
Cette chose qui fait que j'ai mal ?
La maladie oui, sans aucun doute ! Le traumatisme oui, certainement !
la cause physiologique n'est pas niée. Non elle explique, une cause qui produit un effet.
Mais la question, l'interrogation véritable se situe au delà et donne justement naissance à une réflexion plus intense, plus complexe, plus intime.
Plus intime, car plus profonde, comme si la réponse ou un élèment d'un semblant de celle ci pouvait se loger en nous, se lover dans un creux de nous, dans une faille, un petit vide qu'on aurait pas comblé. Et qu'on ne pourrait combler
Alors se met en place le long monologue...Un monologue intérieur. Une foule de pensées, parasites, automatiques. Ca n'arrête plus !

Mais qu'ais je fait ?
Pourquoi moi ? Que faut-il faire pour que ça cesse ?
Comme s'il s'agissait d'une malediction, d'u mauvais sort jeté, d'une punition divine ou pas.
mais dans tous les cas, cette douleur affligeante a une cause plus ou moins magique. Comme s'il fallait par là, payer une dette. Mais une dette dont on ne connait pas vraiment l'origine, ou alors celle ci se perd dans la nuit des temps !
Une dette qui ne se réglera peut-être même jamais.
Cette douleur là ne céde pas... Elle résiste aux traitements, à tous les antalgiques !
Elle résiste à tout !
On la traine alors comme un fardeau, un boulet qui devient chaque jour un peu plus lourd !

Mais cette douleur nous l'avons fait nôtre. Sans même sans apercevoir, sans s'en rendre compte, malgré notre volonté. Elle s'est installée, comme une tension musculaire qui chaque jour gagne du terrain et réduit notre mobilité.
Elle a pris possession de notre corps, l'a envahie, intrusé, elle s'est faite lui.
Corps étranger, c'est une lutte sans merci qu'elle livre avec ce corps intime. Pour le déposseder de son essence, et prendre possession, s'installer au sein de cette enveloppe.
Le corps et la douleur, la douleur et le corps
Une histoire d'amour qui finit mal, mais qui n'est pas non plus une histoire de haine
Une histoire tout court, un rendez vous malsain, toxique, un rendez vous avec un hôte pervers, qui s'installe sans prévenir, et qui ne s'en va pas. Qui se trouve bien là, et dont on ne peut plus se défaire
Et c'est là, à cet instant, à ce point que tout ce joue !
Que se joue la relation perverse avec la douleur et la souffrance qu'elle génére
Jamais je n'ai entendu de mots aussi guerrier pour en parler, les patients engagent une véritable lutte, un combat sans merci, parfois à mort
Un combat où les forces peuvent paraitre inégales, mais nous savons tous, que sur les champs de bataille rien n'est jamais joué d'avance
On lutte, on use de stratégie, de stratégème, on la soudoie, on la calme, on l'endort, on la drogue, on la caresse, on discute, on négocie, on promet, on lutte encore, puis on baisse les bras, si on n'en sort pas vainqueur.
Elle met KO, et parfois on ne se reléve pas. Mais au bout de combien de rounds ?

La douleur fait souffrir, fatigue, lasse, tue !

Mais le "J'ai mal". Signifie t-il que nous nous sommes approprié celle ci ? qu'Elle est nôtre à présent. Le je a mal...
On aimerait dans ce cas, vraiment que Je soit un autre.
Qu'est ce qui a mal ? Qui souffre ?
Je ? Mais ce je là qui est-ce ? Est-ce bien moi, ce je qui a mal ?
Qui suis-je moi qui ai mal ?
Je ne suis qu'un alors moi et la douleur ?

Mais c'est mon corps qui a mal, c'est lui qui souffre, qui ressent la douleur
Mon corps est alors ce Je ?
Je est une somme : Celle du corps et de l'âme. Mais aussi de l'esprit
Pour être plus pragmatique, nous dirons que nous sommes fait d'un corps, d'une enveloppe corporelle, et aussi d'un cerveau. Qui fait partie du corps lui aussi, mais qui en régle le fonctionnement !
La douleur est-elle le parfait exemple de la réunion de tous ces élèments ?
J'ai mal, je souffre.. En est-il l'indicateur ?
Faut-il le croire ? Le faire croire ? Le laisser croire ?

La douleur rappelle que le corps est bien là, qu'il nous enveloppe, mais il ne fait pas que nous protéger. Indicateur que quelque chose se passe la douleur est un symptôme, qui mise bout à bout avec d'autres signes cliniques constituera un syndrôme. Organique.
Mais le psychisme. Que fait-il de ce mal ? De cette souffrance du corps ? Cette souffrance qui n'est pas création de l'esprit. Elle est bien réelle, et n'est pas uniquement l'expression d'un mal de l'âme.
Et encore que : "J'ai mal à mon âme, et pour le dire, je ne peux que dire j'ai mal à mon corps"
C'est déjà pas mal ? On dit quelque chose au moins !
On s'adresse à l'autre "ça va pas, j'ai mal là"
Sous entendant peut-être "je suis là, j'existe, tu me vois, tu m'entends"

A quelle négociation sommes nous alors parvenu ? Comment pouvons nous extirper cet hôte indésirable, qui tue peu à peu tout désir, jusqu'à celui de désirer, mais qui est désirant par dessus tout ?
Exorciser ! Sortir dehors !
Chamanisme ? Cannibalisme ?
La douleur incorporée au corps est de trop, elle est trop, elle est en trop et nous n'en voulons pas, pourtant elle est là,
Apprendre à vivre avec ? Certains patients me disent que c'est possible, qu'ils n'ont pas d'autres choix ?
En lien alors avec le "tu dois souffrir"
Sotte injonction dont on se croit devoir être fidéle
Une douleur rédemptrice nous offrant un billet d'entrée au Paradis
Sommes nous ou désirons nous donc tant à être des VIP ?
Quel est le prix à payer ?
Sommes nous alors décidé à mettre ce prix fort ?
Ou sommes nous enfin prêt à franchir le pas, à s'affranchir du pas, et ne rien devoir, ne pas y voir de prix, d'honneur ni d'excellence et à refuser de souffrir pour avoir enfin le droit de vivre ?

mercredi 23 avril 2008

Le roi du temps gris

Elle est vient de loin cette histoire, de très loin dans mon enfance
J'avais 10 ans je crois, et je m'en souviens encore, je m'en souviendrai toujours.
Notre professeur de français nous avait fait lire un texte "Le roi du temps gris", je ne sais plus de quel ouvrage il est extrait, mais ce texte et l'histoire qu'il racontait je me la rappelle fort bien, encore aujourd'hui.
Ce conte m'avait en effet profondément marquée ! interpellée ! questionnée, troublée aussi ! Je l'ai lu et relu...Encore et encore !

En réalité j'étais fascinée par ce roi, par sa manière d'appréhender la réalité, une réalité qu'il avait fait sienne. Mais était-ce la réalité ? Et si non, qu'en était-il de la réalité..

Je m'imaginais les scénes, le roi. Je le voyais sombre, le visage fermé, sur son cheval, l'anti Don Quichotte, mais jeune pourtant, alors que l'Homme de la Mancha, je me l'imaginais vieux, très vieux...Et je ne comprenais pas vraiment.
L'âge ? Non ? Alors quoi ? Qu'est ce qui fait que l'on peut être comme ce roi ?

Des questions sans réponses. On ne m'en demandait pas d'ailleurs, les questions ne portant que sur des élèments grammaticaux, éthymologiques ou d'analyse logique.
Mais moi ce qui m'interressait c'était le personnage, le roi, la personnalité de celui ci. Son caractère...Il était inquiétant, dérangeant, mais aussi terriblement attachant.
J'avais envie d'intervenir dans le texte, lui dire "Regarde", lui expliquer
Je compris la notion de "libre arbitre"

Ce n'est que beaucoup plus tard, que je sus, du moins que je pus émettre des hypothéses.
Il illustre en tous cas parfaitement le modèle de Séligman, celui de Beck aussi...

Je ne sais plus non plus s'il commençait par "il était une fois" ?
Once upon a time !

C'est l'histoire d'un roi, roi d'un pays où il ne fait jamais de soleil, il y pleut souvent, il y fait toujours gris. Le roi était triste, tout le temps, mais ce jour là il l'était encore plus, car la reine était morte.
Il devait aller chercher une autre épouse, une princesse qui vivait dans un autre royaume.

Le texte portait sur ce voyage

Aprés nombre d'aternoiments, le roi du temps gris, se décide enfin à aller chercher cette jeune fille pour en faire sa reine. Il ne sait pas si cela est vraiment utile... Il hésite et il est triste ! Toujours triste, et il pleut, et il fait gris, et il n'y a pas de soleil, le ciel n'est jamais bleu, mais gris comme le temps, comme le roi !


Il prend enfin un cheval, triste et sombre lui aussi... Puis il s'en va pensif et affligé sur sa monture vers ce royaume où l'attend sa jeune fiançée..
Il traverse une forêt, où il n'y a rien, les arbres sont noirs, il pleut encore ! Il fait de l'orage, c'est lugubre ! Le roi ne voit pas ce décor, c'est le sien depuis et pour toujours...
Et il pense, et devise avec son cheval....
Il se demande s'il a bien fait de partir, de laisser son royaume... Que va t-il devenir sans lui ?

Et d'imaginer celui ci assailli par des ennemis, des barbares, le château et les terres dévastés, la ruine et la famine s'installent, et le temps toujours plus gris !
Il se demande s'il a bien fait de partir ! Pourquoi faire ? aAller vers ce royaune iconnu, inconnu de lui à l'autre bout de la terre.. L'inconnu ? C'est terrifiant ! Et pourquoi aller si loin ?

Si le temps là bas n'était pas gris ?


Il se demande comment sera sa fiançée... Elle sera vieille est laide ? Peut-être morte ? Peut-être mariée à un autre prince ou fiancé. Elle ne l'aura peut-être pas attendu, pourquoi aurait-elle attendu ? Qui est-il lui, pauvre roi triste pour qu'on puisse l'attendre ? Ou même penser à lui ? Lui qui ne se décidait pas à entreptrendre ce voyage ?

Il se demande s'il a bien fait de partir !

Il se demande pourquoi il est là, dans cette forêt lugubre où les chouettes hululent, où les oiseaux de nuits crient dans un ciel sombre, sans étoile, où son cheval renacle et où il pleut toujours, le ciel est couvert, les nuages sont épais, le temps est gris..
Alors le roi sedit que ça ne sert à rien,
Alors le roi fait demi tour


Alors le roi repart
Et s'en retourne vers son royaume. Au pays du temps gris.

Très loin là bas à l'autre bout de la terre, au fond d'une vallée, dans un écrin de verdure, se trouve un royaume merveilleux, fleuri, où les oiseaux chantent et les filles dansent ! Dans un royaume où tout est bleu, jaune vert, rose, où le soleil brille, où la terre est féconde, une jeune fille d'une beauté éclatante Se penche à la fenêtre du château, elle attend et elle regarde.
Elle regarde et elle attend....


Elle attend l'arrivée de son fiancé !
De ce roi, qui doit venir la chercher pour l'emmener dans son royaume.....

vendredi 18 avril 2008

Sculpture

C'est l'émission diffusée sur la Cinq, et consacrée aux oeuvres de Camille Claudel qui m'inspire ces lignes...

Ses oeuvres ! Son oeuvre ! Ses sculptures !

Mais comment peut-on parvenir à une telle perfection ?
A une telle sensibilité ? A exprimer aussi fort ce qu'il y a au fond de son son âme, de son coeur ? De crier aussi fort son amour, sa souffrance et sa tendresse ?
Des oeuvres de d'onyx, de bronze ?
De la pierre, du métal... Froid ? Dur ?

Non des corps saisis, dans la réalité du mouvement, mais aussi de la pensée.

Pompeï ! Des corps saisis ! des corps capturés, des corps pris dans la pierre, coulés dans le métal froid. Mais des corps si chauds !
Des corps qui bougent encore, ou qui vont bouger.. Qui valsent ! Qui dansent !
Merveille !
On reste sans mot, bouche bée comme la "petite chatelaine" à contempler, à regarder, à ressentir, à vibrer, à aimer...
Car on ne peut rester indifférent.
On est ému, transporté !
Ravi, comme Lol V Stein !

De la tendresse, oui ! Il y a de la tendresse...
De la sensualité.
On a envie de toucher, de s'attarder, de caresser..

Malgré ce mouvement viril, précis, ce geste d'homme dans l'outil, dans le geste, on sent, on découvre la tendresse de la femme !
Seule une femme peut accoucher de ça !
Une maïeutique précise, nette, presque chirurgicale, mais l'oeuvre est humaine ! sur humaine ! in humaine aussi parfois !
Seule une femme peut exprimer aussi bien ça !
Des sentiments à fleur de peau, des courbures et des formes, de la délicatesse et de la rudesse.
On peut lire sa vie à travers son oeuvre, son bonheur et ses souffrances !

Lui a t-il fallu souffrir autant, aimer avec autant de forces pour accoucher de tout cela ?
Le corps est dans tout ses états, nu ou drapé, jeune ou vieux, lisse ou ridé ! Droit ou courbé !

Le corps !
Tout est là en effet ! Le corps !
Qui d'autre qu'une femme peut montrer ainsi le corps, peut montrer à voir le corps, peut le montrer à regarder ! peut le montrer à l'admirer, le découvrir, le craindre aussi...?
Une femme ?
Comment a t-elle pu sortir tout ça ? D'un coup d'un seul de son corps à elle ?
Comment son âme a t-elle pu expluser tout ça ?
Tout. Tout ! C'est bien ça !

Il y a dans l'oeuvre ce tout, ce tout que peut savent donner, ce tout, qui n'est pas seulement de la générosité, mais qui est le tout qui se loge à l'intérieur, le tout qui parfois déborde, dépasse, ce tout qui malgré tout, ne comble pas le vide, le tout de l'âme mais aussi des tripes !

Spiritualité, mais aussi réalité, réalisme et réverie, fantasme. Il y a le corps, l'esprit... Ensemble !

Artiste géniale ! Artiste maudite ! Artiste folle ?
Mais où se logent le génie et la folie ?
Sont-ils maudits à ce point ?
Sont -ils nécessaires ?

J'admire l'oeuvre et la femme. J'admire l'artiste et la femme. J'admire le génie et la femme !
Mais cette folie ?
J'admire sa puissance et sa tendresse. Sa volonté d'être une femme dans un monde d'hommes, son désir de ne dépendre de personne. Son désir d'être libre, dans sa vie, dans son coeur, dans son oeuvre !
Pauvre Camille, elle en paya le prix fort, elle qui aimait tant cette liberté, vécut et mourut enchainée.
J'ai appris qu'un musée lui serait bientôt entièrement consacré. Pour elle ! Pour elle seule..........
Il était temps enfin !

Les oeuvres de Camille sont exposées au musée Rodin jusqu'au 20 juillet...Une exposition à ne pas manquer !

dimanche 13 avril 2008

Mythes, spiritualité et psychanalyse.

Mythologie, mythes, spiritualité, des mots qui reviennent souvent ? Des mots qui interrogent et qui questionnent.
Ils questionnent notre compréhension, notre acception, nos théories, nos "faire avec"
Non seulement ils interpellent mais ils agacent parfois. J'ai tenté de comprendre dans un précédent article le rapprochement de la spiritualité et de la psychanalyse.
Je suis pour ma part, convaincue de la laïcité de la démarche psychanalytique. De cette nécessité là. Nul besoin de s'embarasser de dieu, de Dieu, de maître, de croyances, de fables, de mythes !

Nous y voilà :

Freud lui même reconnaissait sa dette, il se sentait redevable. Il a largement puisé dans la mythologie, dans les croyances, dans ce qu'avaient inventé les hommes pour tenter de comprendre la vie, ce qui leur arrivait, ce qui advenait.
Ainsi la mythologie, la religion, les écrits, l'épigraphie, les graffitis....
Comprendre déjà ?
Comprendre est une notion ancienne, une démarche aussi vieille que les hommes, aussi ancienne que l'humanité. Comprendre ce qu'on fait là, pourquoi ? et pour quoi faire ?

Freud s'est inspiré, mais a adapté, il s'est réapproprié ces histoires pour en écrire d'aussi merveilleuses ou terrifiantes, pas tout à fait fidéles à l'origine, à leurs auteurs, mais fidéles à ses théories naissantes.
L'inverse du chercheur. Celui ci cherche, fouille, parfois trouve, mais pas toujours ce qu'il cherche. Il fouille et découvre ce qu'il ne cherche pas. Ce qu'il n'avait pas prévu. Ce qui peut-être infirme toutes sa ou ses théories. Ce qui va démolir sa belle construction.
Son édifice s'éffrondre ou s'effrite, et à la lumière des nouvelles découvertes, trouvailles, il va devoir reconstruire, rebâtir....Pour parfois recommencer à l'infini.
Nulle certitude donc ! Tout est à recommencer un jour !

Il faut vivre avec cette idée !

Pour le maître de la psychanalyse il n'en n'est pas tout à fait comme ça. Les mythes sont mis à son service. Il a lui même convoqué et n'a retenu que ce qui pouvait affirmer ses hypothéses quittent à reformuler, arranger, bricoler. Mettre au goût du jour.
Il en va ainsi d'Oedipe, de la Horde, de ce pauvre Moïse, de Jocaste...
A notre grand bonheur tout de même, car ces livres (romans ? ) sont parfois jubilatoires !
Et puis Freud n'est pas historien, il ne se targue pas d'écrire l'histoire ! Il est le découvreur, et il a à ce titre là, tous les droits, ceux de réécrire, d'inventer, de réinventer à notre plus grande joie !
Il s'est approprié et a revisité ces histoires, historiettes et anecdotes, intelligemment, mais on se rend compte quand même que tout ne "tient pas" !

Les mythes représentent pour moi une grille de lecture, une possibilté de compréhension du monde, de la sociéte, des relations interpersonnelles, du lien social.
Ce sont des modèles ! Comme les fables, qui permettent aux hommes de s'identifier, de faire comme... Mais aussi de tirer des leçons.
Il y a toujours une morale à la fable, au conte, à l'histoire !
Une morale ou une moralité...Comme quoi !
Un fin. Mais qui nous laisse sur notre faim !
"Voici une histoire que je vous relate là, écoutez la Bonnes gens, écoutez bien !"

Et de raconter les aventures, d'un bucheron, de rois et reines, d'une princesse, d'une méchante sorcière (elle ne peut être que forcément méchante) d'une gentille fée (forcément gentille), de nains...

"Il leur est arrivé ceci et cela...Ils ont parcouru le monde, franchi des obstacles, fait des miracles... Bref, ils ont vécu, plus ou moins bien. Mais la morale est :

"Il vous faut Bonnes gens, en tirer une morale" ce qui peut s'entendre par "ne pas faire, ou faire comme.."


Mais la mythologie ? Qu'en est-il de la mythologie ? Elle raconte des histoires, celles de dieux, demi dieux, héros, mais finalement hormis leur immortalité (ce qui n'est quand même pas rien ! chance ou terrible fardeau ?) ces histoires sont sommes toutes banales.
Tueries, tromperies, beuveries, trahisons, amitiés, haines, honneurs, lachetés

Tout ce que l'homme vit dans la réalité.
Les Anciens se sont finalement bien amusés, et à leurs dépends bien souvent. Pourtant à travers ces récits "fabuleux" ils avaient l'intention de délivrer un message, de tirer des conclusions, de prendre du recul, d'attribuer à d'autres, qu'ils dotaient de pouvoirs supra humains, les mêmes aventures qu'ils vivaient...
Pour voir comment ils s'en sortaient ?
Alors la mythologie ne serait qu'un gigantesque laboratoire ?
Un champ expérimental ?
On y multiplie les expériences, on change la fin parfois.... Parce qu'elle ne convient pas ? On y rajoute des obstacles...
Pourtant ce sont bien les dieux qui regardent les hommes du haut de l'Olympe. Ce sont eux qui comptent les points sur les champs de batailles. Qui se battent, soutiennent les camps, font des hommes leurs marionnettes pour régler leurs propres comptes. Leur propres contes ?
Ce sont eux qui pour combler le vide de leur vie, où il n'arrive plus rien, se mèlent aux hommes, leur font des enfants (ces fameux demi dieux) car malgré les déesses, ils convoitent les mortelles.
Comme quoi nous ne sommes jamais satisfaits de notre sort ?

Alors que signifie cette gigantesque mascarade ? Pourquoi les hommes ont-ils besoin de s'inventer un théatre, un théatre dans l'au delà, d'où les dieux, créatures issues de l'imagination débordante de l'homme s'amusent à tirer les ficelles, (et à les couper par la même occasion) des misèrables pantins qui les ont eux même crées. Ils se jouent de leurs créateurs ! Mais arrivent-ils à ceux là même de se révolter ? De leur demander des comptes ? Des contes ?

Pourquoi donc ce besoin d'un être supérieur, différent, magique, omniprésent, omniscient...
Pourquoi ce besoin de mettre en place une telle machination ?
Pourquoi faire ? Pour qu'en faire ?

C'est amorcer là, le concept de la spiritualité...
Et les mythes sont immortels !

jeudi 10 avril 2008

Anorexie : réglementer l'inconscient ?

Décidèment quelle utopie que de croire que la Loi peut tout régler, réglementer, codifier !
S'agit-il de le croire ? Ou plus simplement de se rassurer ?
Mais rassurer qui ?

Utopie ? Rêve ? Mensonge ? Illusion ?
Que penser de tout cela ?
Que penser de cette intrusion là ? Encore ! Qui pourtant part d'un constat accablant...Tellement accablant qu'on se dit qu'il faudrait peut-être faire quelque chose, réagir. Donc légiférer, pour faire en sorte que ça n'arrive plus. Qu'on ne voit plus ça ! Plus jamais ça.

Nous le savons, l'enfer est pavé de bonnes intentions....

Une loi réglera t-elle le problème ?

Toutes ces questions, je me les pose à chaque fois que la loi intervient dans la psyché, dans la conduite, dans les comportements des individus que nous sommes.
Quand la loi se donne pour objectif de réglementer l'inconscient.

C'est un sujet complexe qui suscite de vastes débats, mais qui n'apporte pas vraiment de réponses, des élèments de réflexion seulement, mais ce n'est pas si mal !

Intrusion ? Certainement. Mais le point que personnellement je trouve positif, c'est qu'on parle de l'anorexie, enfin ! encore !
Que des élus se penchent sur une des facettes de cette maladie.
Car il s'agit bien de mal à dit. Ce n'est pas seulement un souci d'identification, de mode. Mais c'est surtout une maladie, un fléau, une souffrance qui touche, des enfants, des jeunes filles, des femmes, mais des hommes aussi, des jeunes garçons..

L'anorexie se voit. Elle se montre à voir. Et ce qui est montré à voir dans ce cas précis n'est pas supportable. N'est pas voyable ! N'est pas regardable !
Cachez se corps...Que je ne saurai voir....Que je ne pourrai voir...Que je ne peux voir. Que je ne veux pas voir...
Cachez ce corps... Interdisez ce corps... Interdisez pour que je n'ai plus à voir ce corps là, que je ne supporte pas de voir, que je ne souffre pas !

Pourquoi ?
Bonne question, sans réponse, ou suscitant trop de réponses.
A quoi nous renvoit une telle image du corps ? Quel imaginaire convoque t-elle ?
Qu'est ce qui nous insupporte dans cette vision, dans ce que nous voyons.
Les mannequins, les images (retouchées) les sites internet, la mode. Un monde qui n'est pas le quotidien, mais un monde qui pourtant s'introduit insidieusement dans le quotidien de chacun.

L'anorexie donne à voir, montre à voir un corps décharné, une maigreur terrible, insupportable.
Une maigreur..De famine...Dans un monde trop plein. Trop plein de nourriture, de biens d'équipements, de gadgets, trop plein de tout.
D'un monde qui a force de susciter du désir, n'offre que du vide, et du plaisir. Du plaisir, pas du bonheur..Car de la jouissance tout de suite, immédiate. Du tout et du rien.
Du tout pour du rien
Du tout pour combler du vide. Mais qui ne se comble pas, mais qui parfois rejette, vomit ce trop plein de tout !

Serait-ce alors un mal nouveau ? Non, bien sûr que non !

L'anorexie est plus complexe qu'un phénomène de mode. Il n'y a pas d'anorexie au singulier, mais des anorexies au pluriel. Elle se décline de différentes manières, à plusieurs niveaux.

Quel est ce rapport à la nourriture ? Ces troubles du comportement alimentaire pour reprendre les termes du DSM IV.
Comment comprendre ce refus de se nourrir. D'alimenter son corps ? Nourriture terrestre ? Céleste ? Aliments ? Mais quels sont réélement ces aliments dont on ne veut pas, dont on ne veut plus ? Pour son corps ?
Aliments qu'on absorbe... Nourrit ture Nourrit qui tue ! Nourrit torture... Nourriture.

Ce qui rentre par la bouche, mais qu'on fait ressortir par la bouche aussi parfois, en se faisant mal. Pour ne pas garder, pour ne pas avoir, pour ne pas profiter, pour jeter, pour vider, faire le vide, vider le corps, priver de vie le corps..
Faire le vide partout.

Puis ces aliments qui ne peuvent même plus passer, rentrer. Qu'on ne peut plus absorber. Ces douleurs, ce corps nié, gommé, effacé qui hurle de douleur.
La faim, la fin ? Mais la fin de quoi ?
Un appel ? un SOS ? Mayday ! M'aider....? Mais à qui cette balise de détresse est-elle destinée ?

Tout va bien, du moins on le croit, puis ça arrive comme ça, sans qu'on s'en apercoive, on ne sait pas trop comment c'est arrivé, mais c'est là !On mange peu, puis de moins en moins, puis plus du tout. On perd du poids.
C'est la soustraction. La régle des moins : moins de nourriture, moins de poids.
On se déleste du fardeau, comme pour faire prendre du lest à la mongolfière. On ne charge pas, puis après on crache, on recrache, on jete, on déleste, on se déleste....
Soustraction. Mais pourtant la régle algébrique veut que moins par moins, ça fasse plus. Alors où est le plus ?
Cherchons ce plus ! Il y est forcément.

Il faut pourtant continuer...
Alors on s'efforce de "faire bonne figure" et de donner le change. Puis on recrache, dans son mouchoir, dans les toilettes : "Vous n'imaginez pas les stratégies, les efforts qu'il faut déployer pour vivre avec les autres" me dit une patiente. "Lheure du repas est une torture". "je suis fatiguée d'avoir sans arrêt besoin d'inventer, pour que ça ne se voit pas, pour ne pas entendre, allez force toi un petit peu" soupire une autre.

la vie sociale devient une torture, être en realtion finit par devenir impossible. Conduisant à l'isolement.
Notre société repose sur la convivialité, et le repas en fait partie.
Un objecteur de conscience, faisant la grêve de la faim pour ne pas faire son service militaire m'a raconté comment il avait vécu ces épreuves... L'heure du repas ! Il n'avait jamais auparavant pris conscience de l'importance que ce rituel avait dans ses relations à l'autre.

"Donner le change, faire semblant, faire croire que tout va bien...."
Y mettre les formes, alors que des formes on n'en veut plus !
Pour ne pas inquiéter
Car cet état là, se voit. Il inquiéte l'entourage, qui ne sait pas. Qui ne sait pas quoi dire, qui ne sait pas quoi faire.
Qui assiste impuissant à la mort lente d'un corps qui s'efface, et qui malgré tout hurle qu'il veut vivre !

L'anorexie, n'est pas que la perte de l'appétit, elle est aussi la perte de l'autre, et des autres, elle est surtout la perte du désir. Une perte de l'en vie. Une perte de soi, une perte de vue, à perte de vue.
L'envie d'être, ou de ne plus être, de gommer une place peut-être déjà si tenue (mince) ou si peu tenue. Une place ? Mais quelle place ?
Une place, un manque de place, un peu de place, comme juste un peu de nourriture.
Alimenter quoi ? un corps en manque de place ?
Amincir encore un peu... Jusqu'à l'effaçage total ?
Ce refus de manger est-il le seul moyen de dire sa douleur, de rejeter sa souffrance ? De dire son mal aise, mal être ?

Une loi, un réglement, arriveront-ils à bout de ce processus ?
La loi a t-elle à faire dans cette aventure là ? Dans cette descente aux enfers ?
Que réglemente t-on au juste ? Sa propre conscience ? D'avoir fait ce qu'on pensait juste ?
Soigne t-on le mal ? Par la loi
Celle ci guérit-elle le mal de vivre ? Le mal de manger ?
Interdire de faire défiler, de montrer des filles "sous alimentée" va t-il venir à bout de ce fléau ?

Le croire est-il réaliste ? Vouloir le faire croire l'est-il davantage ?
Faut-il en passer par là, par la loi afin de mettre un terme ou de penser qu'on peut mettre un terme à l'insupportable ? A l'impensable ? A l'innomable ? A l'impossible ?
Est-il du ressort de la collectivité, des pouvoirs publics de s'introduire dans l'intime, dans l'intimité du sujet en souffrance ?

mardi 8 avril 2008

Bienveillance.

C'est le titre de ce best seller, maintenant paru aux "éditions de poches" et que je n'ai pas lu, qui me fait réflechir à cette notion ou à ce concept

Je n'ai pas lu le livre. Je n'en n'ai lu et entendu seulement que des extraits. J'ai regardé les émissions sur le sujet, lu les articles qui en parlaient... Mais je ne l'ai pas lu... Pas encore ! Je ne sais si je le lirai..

Mais le titre "les bienveillantes" me surprend ! m'interpelle aussi .

Il semblerait qu'il ait été donné en référence à la tragédie d'Eschyle, les Euménides....
En effet, tueries, vengeances, persécutions, culpabilités...Mais je ne vois ni Athéna, ni d'Erynes ?

Ce titre me laisse songeuse. Vraiment

D'ailleurs il n'a pas été traduit en allemand. Le livre portera un autre titre. Cette traduction littérale là était absolument impensable.

Impensable ! C'est peut-être ça !

Bienveillantes?
Cela me mène inévitablement vers la bienveillance, la neutralité bienveillante, soit disant bien veillante...
Pourrait -elle cette écoute, cette neutralité être alors mal veillante ?
Quel sens ? Pourquoi ?



Je réalise alors que cet adjectif m'interpelle depuis longtemps, et qu'il y a quelque chose qui cloche dans son acception. Dans l'acception que j'en ai. Dans sa représentation aussi sûrement. Etre bienveillant ! Il s'en dégage une sorte de condescendance, un rapport qui ne semble pas d'égalité... C'est peut-être ça aussi ?

Les orientaux insistent sur la volonté du bien et du bonheur d'autrui, le christianisme également, tout en soulignant qu'elle ne suppose pas la réciprocité, et n'instaure pas de liens durables avec l'autre. Il s'agit de veiller à son bien, de "veiller"
Bien veillance ; veiller au bien de.

Accepter l'autre, sans jugement, sans critique. C'est le sens analytique, qui ne signifie pas non plus d'avoir une attitude passive, froide, distante..
Pourtant, le recul nécessaire, la distance sont essentiels.
Dans la cure, l'analyste n'accompagne pas le sujet, s'il le fait il devient thérapeute.
Il lui permet. Et lui permet seulement. Il lui permet d'associer librement, les mots, phrases, idées...
Pas n'importe comment, mais librement. Pas si libre que ça en fait, car si ce n'est volontaires, ces paroles le sont cependant dictées par des mécanismes indépendants de ce qui est conscient.
C'est l'inconscient qui parle.
Le sujet entre en relation avec ce qu'il ne connait pas, ce qu'il ne sait pas de lui. De son "moi" . De ce qu'il a de plus intime, mais paradoxalement de plus "inconnu", ce qu'il ne soupçonne pas.

L'analyste n'a pas à intervenir dans ce "dialogue " là, pas plus qu'à donner son avis, encore moins des conseils...
Alors où se place, où se loge la bien veillance là dedans ?

Quelle place a t-elle dans la communication des inconscients ?

L'analyste n'aide pas. Puisque tout se passe au niveau du transfert.
Comment peut-il être bienveillant ?
Peut-on à la lumière de ces élèments tenter de rédéfinir la notion de neutralité bienveillante ?

Un paradoxe ? La neutralité signifiant un apparent détachement ou pire encore la passivité et l'adjectif le contraire ....
Que croire, que penser alors ?
Un leurre ?
Faire ou laisser croire que tout arrive comme ça, rêve, parole, silence... Tout ce matériau amené par le sujet à l'analyste qui n'en fait rien, qui laisse venir...sans dire et faire ?
Ou bien laisser croire à l'annulation du sens du premier par le deuxième, ou son atténuation ?
L'analyste est neutre ; il n'intervient pas.... Mais cependant veut le bien de son analysant ?

Pas très probant tout ça.... Bricolage, arrangement, ajustement ?
Qu'à voulu signifier Freud ?

Devons nous préférer à ce terme qui pourtant lui était si cher, celui "d'acte psychanalytique" rendant davantage compte de la responsabilité du psychanalyste dans le manièment de la cure ?

lundi 7 avril 2008

La plainte et le silence.

La plainte du patient

Le silence de l'analyste.

Et on parle (!) d'une rencontre possible, d'un rendez vous qui ne peut, ne doit être manqué !

Les analystes dans la pure tradition lacanienne (qui pourtant se réclame du Maitre alors que Freud parlait, commentait, conseillait, bref était actif dans la cure) se targuent de ne dire mot !
Ils écoutent en silence, du moins ils le prétendent.
Ils écoutent la plainte, celle du sujet en souffrance qui s'allonge là, et qui parle, ou ne parle pas. Mais ce silence là est souvent plus éloquent que la parole.
Ils parlent ou ne parlent pas de leur douleur psychique, de leur mal, de leur souffrance, de ce qui les hantent, les empêche de vivre et qui grâce à un sursaut de vie, une pulsion de survie, quand même, les mène vers le cabinet d'un thérapeute.

Alors de cette plainte on en fait quoi ?
A quoi sert-elle ?
Se plaindre est humain, on souffre, s'inquiéte et on fait partager ce sentiment, cet affect, cette émotion à l'autre. Un autre semblable, son collègue, son conjoint, son voisin, un ami... un inconnu. Une personne à qui on ne se confie pas vraiment mais à qui "l'on dit". On dépose alors un petit peu de son fardeau, pensant qu'ensuite il sera peut-être un peu moins lourd... On entend ou on n'entend pas les paroles gentilles, compatissantes, de cet autre vraiment bienveillant.

Nous connaissons tous ces situations, de temps à autres.

Mais quand il s'agit de sujets en souffrance psychique, de mal de vivre, à la douleur d'un événement de vie, deuil, maladie, rupture, abandon... S'en sortir seul ou avec l'aide d'un proche n'est pas de l'ordre du possible, et le recours au tiers extérieur s'impose : D'où les rendez vous avec le thérapeute.
Oui, mais voila. Que va dire le thérapeute ?
Et surtout que ne va t-il pas dire ?
Et que se passe t-il s'il ne dit rien ?

Certains sujets n'attendent rien. Le thérapeute, n'est que le miroir, le double qui entend ou qui n'entend pas, sa simple présence suffit. Il n'a pas besoin de renvoyer, Le feed back n'est pas nécessaire, il serait presque inutile, incongru. Ces sujets là n'en veulent surtout pas.
Dire simplement... Dire seulement !
Attitude oh combien lourde de sens et qui mériterait qu'on s'y arréte plus longuement...

Mais d'autres sujets, pourtant avertis des pratiques de l'analyse, sont surpris, ne comprennent pas, ne gérent pas ces silences, ne les supportent pas...
Ils leur sont insupportables et générent de la plainte. Une plainte qui s'ajoute aux autres plaintes.

Ne comprennent pas que leur plainte ne renvoit rien...Du moins le pensent-ils, le supposent-ils.
Ne serait-elle pas alors entendue ?
N'y aurait-il rien à en faire ?

Toutes ces années passées dans les services hospitaliers m'ont appris que la souffrance physique et psychique demandent une réponse de la part de l'autre.
Une réponse qui est attendue, voire sollicité, verbalement ou non. Explicitement ou non.
Cette réponse ne passe pas forcément par des mots. Il y a, et nous le savons tous, d'autres formes de langage. D'autres manières de marquer son intéret.. De dire, de montrer qu'on a entendu.
Qu'on n'est pas sourd au langage de l'autre. A ses mots et à ses maux !

La douleur est actuellement considérée, du moins, elle l'est davantage. Si dans les années passées les médecins répugnaient à donner des antalgiques et encore moins de la morphine, il n'en n'est plus ainsi, et c'est tant mieux ! A quoi bon souffrir inutilement alors qu'on peut abaisser le seuil de la douleur, et rétablir un certain confort pour le malade. Un relatif bien-être.

Alors pourquoi tant de questions, tant de recul, tant de craintes, tant de réticences vis à vis de "l'antalgique psychique" ?
Cette peur, encore ! Cette angoisse, devant ce territoire inconnu que constitue la maladie mentale, ou simplement le mal d'être ? devant le "ce que je ne comprends pas" et "ce qui pourrait être le pire qui pourrait arriver"
Les maladies de l'âme ne méritent-elles pas compassion ? Empathie ? Et réponse ?

Pourquoi ne pas panser ces maux là... Des maux penser par les mots, mais qui doivent aussi être pansés par des gestes, par des regards, ou s'il le faut par l'absorbtion de substances...

Pour ma part, je ne suis jamais restée sourde devant la plainte. Cela n'a pour moi aucun sens.
Cette plainte adressée à l'autre, soignant ou non exige une réponse appropriée. C'est le travail du thérapeute !
Laisser le patient se répandre dans la plainte, ne peut rien lui apporter, si ce n'est que de tourner en rond, et de passer en boucle sa souffrance...De laisser cette plainte et ce mal aise s'incruster, se greffer, s'insérer dans le plus profond de l'être. De faire de la plainte l'essence de son moi.
La plainte alimente la plainte..
Et il est bon de s'en défaire...
Si elle est dans certains cas adaptée, nécessaire au changement, elle peut à la longue, si elle est entretenue...par le sujet....et par le thérapeute, devenir toxique.
Elle finit par donner une vision erronée des événements, des choses et du monde.
C'est loin d'être le but d'une thérapie que d'accompagner le sujet sur ce chemin là... L'objectif étant au contraire de le rendre libre et autonome. Acteur de sa situation et de sa vie. Dans la mesure du possible... Des possibles, mais en aucun cas, le maintenir dans une situation de "victime".

Mais s'il ne faut pas rester sourd, faut-il rester muet ?

samedi 5 avril 2008

Jamais sans maquillage !

C'est au hasard d'un magazine féminin exhortant ses lectrices de ne jamais sortir sans mascara, rouge à lèvres, ou autre fard, que me reviennent l'image et les paroles d'une patiente rencontrée au sein d'un service de soins intensif en cardiologie.

"Vous ne me verrez jamais sans maquillage, sans poudre, sans vétements corrects.. Même sur mon lit d'hôpital...C'est une question de politesse, d'éducation"
Me dit-elle, en souriant, faisant suite à mon étonnement de la voir si élégamment pomponnée alors qu'elle venait d'être hospitalisée pour un malaise grave !

Ce n'est pas tant le titre de l'article, ni le discours de cette dame qui m'interpelle, mais le message non verbal qui se cache derrière tout ça. La lecture que nous pouvons en faire, du moins tenter de faire.

Maquillage, masque... Travestir la réalité, masquer la réalité... Pour donner une image, renvoyer une image à soi, à l'autre.

Mais quelle image ? Une image de soi ? Pas l'image de soi, mais UNE image, une parmi tant d'autres peut-être... Un assortiment d'images....Un soi qu'on peut travestir, transformer, déguiser, maquiller selon...
Selon quoi ?
Selon l'image qu'on veut donner, qu'on voudrait que l'autre perçoive, l'image qu'on pense être et qu'on espère renvoyer à l'autre, pour qu'il nous trouve acceptable, voire aimable !


Mais ne peut-on pas l'être sans tout ces artifices ? Sont-ils nécessaires, indispensables, essentiels pour qu'on puisse se montrer à voir sans craintes ? Ou simplement se montrer à voir à l'autre ?

Nudité ? Serait-ce alors de se montrer sans tout ça. Nu ? Naturel ? Mais faussement naturel aussi, car le maquillage tendance se veut aussi "nude"....

Que cache t-on derrière ce masque, pourquoi ce besoin de grimer son moi. Ce maquillage là, donne t-il de l'assurance (celle d'être un autre, le moi caché par l'autre moi qui peut non seulement être montré, mais qui protége le moi, celui que ne le peut pas ?), une autre personnalité...
Pour se cacher et ne pas se dévoiler. Garder alors secret ce "territoire inconnu" et inviolé que ce moi là.
Pour au contraire s'exposer... Car le vrai moi, le moi intime n'est pas jugé digne d'être montré, d'être estimé, aimé ?

Pour suivre la mode ? Mais quelle mode ? On se maquille depuis la nuit des temps. Sensé embellir, protéger, masquer les imperfections (oh !).
Pour être présentable... ? Même sur leur lit de mort, on maquille, on arrange le corps.

Nous avançons alors tous masqués, cachés derrière des poudres et des onguents, des couleurs qui nous donnent bonne mine..
Dupes et dupent...
Traces effacables ! gommables ! Lavables ! On rentre et on retire tout ! On se retrouve face à face avec soi devant la glace "et c'est pas joli joli" me clame en riant une jeune patiente !
On maquille, se maquille, démaquille, se démaquille..
Que reste t-il ?


L'expression "maquillée comme une voiture volée" lancée par une jeune adolescente "gothique" m'a profondément interpellée..
Une voiture volée... Pas tant la voiture que volée... ! Qui ne nous appartient pas donc, et qu'on cherche à camoufler... Mais pour se l'approprier.
Ici la fonction du maquillage serait de masquer la véritable, la réalité, afin de lui donner l'allure d'une autre, qui ne sera pas reconnaissable, mais qui pourra avoir une "nouvelle vie".
Volée, raptée, kidnappée, subtilisée, désappropriée....

Je ne peux cependant m'empêcher de me détacher de la représentation que j'ai de ce mot... Qui correspond à son éthymologie et à sa définition : Une opération qui a pour but de modifier frauduleusement l'aspect d'une chose.

D'où la "voiture volée".
Mais aussi toute la terminologie associée : se grimer, se farder, modifier, truquer, falsifier, fausser....

Cette piste reste ouverte...

jeudi 3 avril 2008

Le mal d'être.

Barbara a chanté le mal de vivre, sobrement, si joliment... Mais le mal d'être !

Etre, verbe d'état. Etre ! Etre là, au milieu de là...d'....?

Mes patients évoquent bien souvent le mal d'être. D'être ?

Ce n'est pas seulement le mal être, mais le mal d'...Ce "d'" qui fait toute la différence, qui se rapporte directement au sujet, qui dit que c'est lui, qui est concerné par ce mal là.
Que ce mal le touche directement dans son être. Mal lié au moi.. Mal du moi. Que la cible c'est pas l'être, seulement mais le "d" !

Faut-il se référer pour tenter de comprendre ce qui arrive au spleen évoqués et décrit abondamment par les romantiques du XIX° siècle, et plus précisément encore le romantisme allemand ?
A tous ces poétes, écrivains en mal d'être justement, mais qui ont su transcender et sublimer leur douleur en l'écrivant.
Si ce mal n'avait été, auraient-ils pu écrire ?
Quel héritage aussi que celui là ?
Héritage et transmission à travers les générations mais aussi les inconscients.

Freud s'en disait redevable... Quel imaginaire ces écrits, ces larmes, ces souffrances ont-ils crées ? suggérés ? Développés ? convoqués ?
Jung parle d'un inconscient collectif ? Ce spleen là, y serait-il inscrit ? Pourrions nous alors nous y servir encore et encore à profusion ?
Le Banquet ?

Mais dans ce cas précis, aujourd'hui, qu'est ce que ce mal d'être ?
Nous ne pouvons guère évoquer ce spleen, du moins sous cette forme là. Il ne correspond plus. Il n'a plus le même sens, le même rythme, le même tempo. Les temps ont changés, le temps n'a plus la même notion, le regard sur soi aussi....

Comment ce mal là, qui finalement ne trouve pas trop de mots pour le définir se manifste t-il ?
Des plaintes, diffuses, diverses, somatiques et autres, on dort mal ou pas bien. On rêve mal ou pas bien. On vit mal ou pas bien.
Mais ce serait plutôt le "pas trop bien"
Une sorte de mal aise, indéfinissable... Impalpable.
Non que les choses soient vraiment désagréables, mais pas vraiment agréables, avec une interrogation et surtout une grande incompréhension :

"Pourquoi ? Je ne comprends pas, je n'ai rien vraiment qui peut provoquer ça"
"Qu'est-ce qui m'arrive à moi, là ?"

Après avoir passé en revue, une vie somme toute "possible et vivable" s'insalle non seulement le questionnnement, le doute, mais aussi et surtout la culpabilité...
"Je sais, je ne devrai pas.... Quand même ? j'exagère.... Je me plains alors que...."
Pour conclure :
"Mais je n'y peux rien !"

C'est justement ce "je n'y peux rien" qui cloche, car le sujet en mal d'être, aimerait bien y pouvoir quelque chese. S'il le pouvait ça changerait tout. Du moins il le croit, le pense. Et surtout il ne souffrirait pas de ce mal là. Il pense ça aussi.

Aucun remède me dit-on !
"Je ne suis pas malade...C'est mon médecin qui l'a dit" Affirmation qui ne le rassure pas après une batterie d'explorations cherchant à valider ou invalider un cortège de symptômes, malaises, douleurs "un peu partout" sans "trop savoir pourquoi".
Pas même un petit soupçon de conversion ? une bonne névrose..

Pas même dépressif... Car la dépréssion, c'est "une vraie maladie"... Avec des symptômes reconnaissables, identifiables, repérables, mesurables. Bref, une maladie diagnosticable.
Mais là, le "mal d'être" ?

"Non je devrai aller bien, mais je ne vais pas bien, j'ai tout pour être heureux, mais ce n'est pas ça, il faudrait peut-être que je me secoue un peu, mais je ne peux pas...."

C'est comme s'il manquait quelque chose. Mais ce quelque chose on ne sait pas quoi. On ne sait pas de quoi il s'agit. Peut être meme qu'il ne manque rien.
Ce n'est peut-êtr e qu'une vue de l'esprit ?
Une occupation de quelqu'un qui n'a rien d'autre à faire....Que de se dire qu'il lui manque peut-être quelque chose ? Qui n'a pas vraiment de soucis ? Les vrais soucis....Ceux qui occupent vraiment, qui font mal...
Un simple caprice ? Celui, d'un sujet qui a tout, ou presque, mais qui pense qu'il lui faut encore plus, mais ne sait pas vraiment quoi au juste...Il manque toujours quelque chose.
Il y aura toujours un vide à combler. On remplit le trou, mais un autre apparait à côté, on remplit et ça continue............Pourquoi ?..............J'y arrive pas ?
Il manque et ça manque...

Et ce manque là, la société se charge de le lui marteler. Il manque toujours quelque chose dans notre société libérale et capitaliste. Il manque toujours quelque choise pour faire notre bonheur. Sans ce quelque chose que personne ne sait définir, et pour cause, notre bonheur ne peut pas être complet, il peut parfois même, ne pas être !

Le bonheur ! Le mot est laché ! Pour être heureux...
Mais que veut dire bonheur et heureux ?

Crise existencielle ? Regard sur sa vie ? accomplie mais pas vraiment comme on le voudrait, comme on l'aurait voulu ?comme on l'avait voulu ?
Un regard en arrière....? Un regard vers hier ? Avant hier ?
Faut-il vraiment se retourner ?
Regrets ? Remords ? non, ce n'est pas encore vraiment ça, mais c'est quand même un peu tout ça... Un peu de tout, et de rien, mais ce tout là, on ne peut pas dire ce que c'est vraiment, mais on s'approche un peu, ça commence un peu à chauffer..

C'est physique aussi, ça vous reste dans la gorge, ça remue, mais ça inhibe aussi.. Ca oppresse, et ça comprime, opprime aussi..On se dit, c'est un ulcére, une crise d'angor ! de panique alors puisque le médecin a dit que ce n'était rien... Mais non, c'est pas encore ça.. C'est angoissant, mais pas vraiment... C'est ambiant, on est ainsi, dans cet état là. Coincé entre.. Ca et Ca !
On aimerai bient que ça sorte, mas non ça reste coincé là. En soi, une sorte de poids, de boulet.... De brouillard aussi...

"Je suis pas bien, pas vraiment bien, je ne sais pas ce que c'est ? je me sens barbouillé dans ma tête "

Souchon chantait qu'il "marchait tout seul le long de la ligne de chemin de fer'" décrivait "dans ma tête y a rien à faire"
Il disait Son "mal en campagne, son mal en ville" pour conclure qu'il "était peut-être un peu trop fragile" !

C'est peut-être CA :
Etre fragile ! Mais de quoi ? et en quoi ? et pour quoi ?
Se serait donc ça cette impression "d'être pas bien," nulle part et partout, mais surtout en soi.

Le mal d'être, non soi, mais en soi.
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