Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mardi 6 juillet 2021

Exil



Je suis née étrange, étrangère dans un ailleurs inconnu. 
Enfant étrange, étrangère là où que j'aille, là où le vent me porte et m'emporte

L'exil est ma Terre et ma Patrie. Longtemps en exil de moi même, il m'a fallu du temps pour en trouver le chemin. Il fut ardu et complexe, semé d'embûches mais m'a permis d'affronter mon être seul, ma solitude, seule compagne solide et d'être un peu au monde et à moi même

Le Chemin, mon histoire ! c'est une histoire de routes, de sentiers de traverses, de boulevards et d'avenues, de tranchées parfois, mais toujours d'ailleurs, d'ici et de là,  de partout, de nulle part. Je suis une nomade en perpétuelle errance, mêlant les mots de toutes les langues pour dire plus vite ma pensée, mon coeur et mon âme. Je suis tout ça, je suis construite de et par toutes ces histoires.

Je suis d'ailleurs, jamais vraiment d'ici, mais pas non plus de là bas mais toujours d'un autre ailleurs que celui que j'habite, et c'est l'histoire de ma vie. 


Il y a la Terre des Miens, au moins d'une partie, la terre de mes ancêtres, celles où ils sont enterrés depuis des siècles. Suis-je d'ici ? 
Je le crois dans le meilleur des cas, cela m'apaise parfois, seulement un peu, me donne l'illusion de la continuité, d'être attachée à quelque chose, à eux sûrement, d'être de cette lignée, d'être de là et non plus de nulle part
D'être issue d'Hommes et de Femmes dont l'histoire n'a pas été simple, mais qui ont vécu sur leurs Terres. Sans jamais la quitter, se sont battus pour elle, ont refusés de s'exiler. Cette idée me fait vibrer parfois pleurer quand je lis leur nom, que je tente d'écrire leur vie et que je les imagine, quand je leur parle dans des conversations imaginaires et qu'ils me guident souvent dans les méandres des registres d'état civils, et quand je ressens leur présence à mes côtés, une présence si forte, un parfum, un bruit. Je les aime, j'ai une profonde tendresse pour certains comme ils en ont sûrement pour moi. C'est la plus belle des histoires d'amour, l'histoire de Nous.


J'ai cette terre au fond de mon coeur, et dans mes moments de profonde détresse c'est vers elle que je me tourne, je veux croire encore que j'y retournerai, qu'un carré de terre sous les arbres à l'ombre du village m'attend et que je pourrai ainsi reposer en paix. Je veux croire encore, moi qui ne crois en rien ou presque qu'il me restera encore quelque force pour faire ce chemin dans l'autre sens. Un aller sans retour.


Illusion, croire pour ne pas mourir complètement ? Car de la mort parfois il y a, mais ce n'est plus un combat, vie et mort, ces désirs là ont réussi à cohabiter pacifiquement, paisiblement même. Et c'est bien. Je ne suis plus en lutte, j'ai baissé les armes. Et c'est bien

Mais ? 

Je suis en exil de l'exil,  penser retourner sur la terre quittée est un mensonge, la pire trahison qu'on se fait à soi même. On se ment pour croire encore qu'on n'est pas seul, qu'on pourra en retournant là bas retrouver les souvenirs d'avant
Foutaise, mensonges, espoir déçus sans nul doute. Car il n'y a plus rien.
Mais comment vivre en exil sans l'espoir de retrouver son chez soi ?

Devoir de mémoire, de fidélité familiale, mais essayer par là de rester un peu fidèle à soi : conserver son accent, les expressions de ce lieu abandonné, aimé, adulé, embelli mais qui ne ressemble plus aux photos jaunies que discrètement nous regardons et qui lentement nous font pleurer. 
Plus rien n'est comme avant comme cet avant de nos souvenirs, qui ne sont que des images, représentations d'un passé souvent idéalisé pour ne pas sombrer
Nous sommes partis, en espérant revenir, en sachant que ce retour ne se fera sûrement jamais, mais il faut... Rêver, pour survivre à l'agonie de l'abandon, de laisser là une partie de sa vie, qui coûte que coûte restera la meilleure. 

Exil, je suis en exil ailleurs que sur ma terre, mais je le suis chez moi
Où est chez moi ? Je suis étrangère, je me sens étrangère, là où que j'aille. Née étrange et étrangère, je n'aurai eu de cesse de chercher une terre d'accueil mais sommes nous vraiment d'ici ? 

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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