Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mardi 18 mars 2008

Etre malade sur le net !

Sous ce titre, je souhaite analyser et tenter de comprendre les rapports qui se mettent en place entre le malade et la maladie.

Curieusement, c'est sur le net, en lisant les messages de divers forums où les malades atteints d'une pathologie similaire se regroupent pour en parler, que cette idée m'est venue.

Elle m'est venue, parce que ces forums là, justement m'ont interpellée. Ainsi de longues listes mentionnant toutes les maladies, ou les grandes formes pathologiques dont nous pourrions être amenées à souffrir..
Vous avez un cancer, une parkinson... Venez en parler sur nos forums...

Parler fait du bien. Nous le savons tous. Parler entre patients peut-être thérapeutique, nous le savons aussi, c'est le but des groupes de paroles (animés par des thérapeutes) des groupes organisés par des associations d'anciens malades (qui encadrent et accompagnent). Mais cette parole là, libéréé sur le net, à l'intention et l'attention d'anonymes ou de personnes sensées mieux comprendre parce que souffrant elles aussi ou de personne !
Quid de cette parole ?

Tout est conçu pour que les forumeurs se sentent "chez eux". Ils peuvent établir un profil, mettre des photos, des petites phrases, signatures, avatars... Ils ont même sur certains forums des statuts particuliers selon le nombre de messages postés.

Que se disent-ils ?


Il se racontent, racontent leur maladie, leur souffrance, leur parcours du combattant au quotidien, l'angoisse de l'attente du diagnostic, leur peur de la maladie, de la mort, de celle d'un mari, d'un enfant, l'incompréhension de leurs proches, la nullité de leur médecin, des psys qui ne comprenent rien, l'inhumanité des institutions, ils parlent aussi d'eux mêmes donnent des détails intimes, plaisantent... Bref, il se tisse une véritable communauté sur la toile. Une communauté de pseudos amis qui ne se connaissent pas, mais qui arrivent parfois à se rencontrer.


Ils échangent sur tout, mais principalement sur les informations médicales, partagent les renseignements sur les traitements, leurs effets secondaires, comment ils réagissent à tel ou tel médicaments, demandent des conseils...Transmettent des liens, recommandent des sites parlant encore de leur maladie.
Ils tentent par tous les moyens de capter, de capturer de l'info, du savoir, de la connaissance, ils essaient de comprendre par eux mêmes, de décoder le langage médical obscur, de traduire la dernière consultation médicale. Persuadés souvent à tord ou à raison, qu'on ne leur dit pas tout, qu'il existe d'autres solutions...Peut-être....Qu'ils peuvent guérir ?

Ils attendent de l'autre cette attente là....


Parfois, les discussions sont animées, l'intrus ou l'indésirable est délogé sans grand ménagement.

Il ya le ton forumement correct. On dit tout, mais d'une façon acceptable, les habitués y veillent... Il y a des malades quand même... Et qui esperent !


Cela fonctionne finalement comme au sein d'un groupe. Avec des régles et une dynamique propres.

Ceux qui se connaissent, qui sont là depuis longtemps... Un peu les piliers, qui rassurent, qui répondent, qui ont l'expérience "les experts". Il y a le plaisantin, celui qui vient pour "rire un peu malgré nos souffrances" clown triste essayant d'apporter un "rayon de soleil" dans cet univers effrayant. Il y a celui qui vient "voir" qui visite, qui n'écrit pas, ou peu, qui met quelques smileys pour dire qu'il est bien là, ou un message laconique, car finalement il n'a pas grand chose à dire, ou n'est pas trop sûr, de lui. Refusant de s'engager davantage, mais profitant au passage des infos données par les autres. Il y a celui qui passe et qui ne laisse rien. Parasite du système, ou trop timide pour se lancer ?
Ce n'est pas facile que d'écrire ! Quelques personnes ont l'honnéteté de dire qu'elles viennent là depuis plusieurs jours, ou semaines, lisent.... n'osent pas, et que cette fois, elles osent poster. "Je me jette à l'eau". Et se présentent maladroitement... Attendent une réponse qui tarde parfois à venir, s'impatientent.


La qualité des messages est variable. De pertinentes informations cotoient des posts insignifiants, un langage choisi un charabia SMS...

Tout le monde semble y trouver son compte, puiqu'ils reviennent dans ce lieu virtuel qui semble convivial. Tout semble simple, on se tutoie ! c'est la règle, toutes les barrières tombent. Un monde qui semble sans limite, même si un modérateur est censé réguler et empécher tout éventuel débordement. Un simple clic suffit pour l'avertir !
Simple, facile, le malade n'est plus seul ! il y toujours sur le forum, un autre malade pour lui répondre à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit... Tous les jours. On répond ! Mais pas forcément à la question posée, seulement pour lui dire que quelqu'un "qui sait, qui a la même saloperie" viendra sûrement très vite lui donner la réponse attendue ! Qu'il ne s'inquiéte pas.
Si la solidarité est de mise, les disputes, propos violents et noms d'oiseaux fusent parfois, et on s'étripe sur les bienfaits d'un régime alimentaire, de l'incidence d'un vaccin, d'un traitement altérnatif....

On pourrait en rire ou en sourire.
Si ce n'était point de maladie dont on parlait.

Ma première remarque face à cette profusion de forum, de questions anonymes, face à tant de bouteilles à la mer pourrait être que le système médical et paramédical avait terriblement failli. failli pour ne pas avoir pu, ni su offrir l'écoute, la bienveillance, la compassion, l'empathie, le réassurement. Bref, n'avait pas accompli sa mission

Que le net jouait alors le rôle du tiers. Ce fameux tiers : Nous. Sencés mettre à distance le malade de sa maladie. Censés lui apporter au moins un peu de soutien à défaut d'un espace de parole et d'un peu de chaleur humaine... Censé l'écouter. Censé être là dans ces cas là !

Ainsi, nous sommes absents ! Ou pire sourds et muets ! Nous ne remplissons donc pas ou plus les rôles qui nous sont assignés. Les sujets malades ne trouvent donc pas chez les professionnels l'écoute, le retour qu'ils sont en droit d'attendre. Ou bien nous ne sommes pas à la place qu'ils souhaitent ! Comme si la donne avait changé. Que nous ne connaissions pas les nouvelles règles du jeu. Que celles ci avaient changées à notre insu et qu'on n'aurait pas pris la peine de nous en avertir !

Le malade et la maladie s'en étaient alors allés avec leur solitude sur la toile. Où, désespèrement ils tentent de tisser des liens, avec d'autres "supposés savoir" ce qu'ils ne savent pas au sujet de leur maladie.
Quelle détresse dans tous ces messages, que de SOS !
Quelle cruauté des services ! des personnels !
Quelle vide devant ces chiffres, pourcentages, que sont les examens sanguins, les termes techniques et barbares des résultats d'une imagerie ou d'une biopsie !
Quelle stupeur devant la réthorique déployée à grand frais pour masquer le nom terrible de la maladie !
De la peur, de l'angoisse, de la stupeur, de la frayeur, de la colère, du désespoir ....

Alors on vient, inquiet, apeuré, effrayé, avec ses questions, sa solitude et sa maladie pour tout bagage, on vient timidement frapper à la porte. A une porte virtuelle, où son "même" qui est arrivé avant viendra l'acceuillir et lui dispenser quelques mots d'encouragement, un peu de cette chaleur humaine qu'il ne toruve pas auprès des siens. Un peu comme Saint Pierre à la Porte du Paradis, sauf que la maladie n'est pas ce dont on a rêvé !

C'est effrayant de lire ces posts, ce desespoir étalé là, dans les colonnes anonyme sur un écran. De voir des vies livrées à des anonymes parce que les proches ne peuvent être là, ne peuvent offrir et dire les mots, qu'on aimerait entendre, qu'on espére entendre, qu'on attend en vain....Car ils ne viendront jamais ! Car ils ne savent pas ! Car ils ne peuvent pas !

Mais ce qui est plus effrayant encore c'est de lire les pseudos choisis. Ils s'agit parfois du nom de la maladie associé au numéro de leur département, du nom du médicament, du traitement.
Il parle de "leur cancer", de "leur SEP", ils sont LA maladie. Ils se présentent ainsi, je suis parkinson, ma mère est Alzheimer..
Malade et maladie fusionne, ne font plus qu'un. Ne sont plus qu'un. Cette fusion est leur raison d'être là, sur ce forum, auprès d'autres malades. Elle leur donne l'illusion de ne pas être seul, alors que la réalité leur impose cette solitude à chaque seconde. Cette fusion devient leur raison d'être !

Ils attendent derrière leur clavier, derrière leur écran la réponse, la venue d'un autre, d'un ami virtuel... Seul lien à une réalité irréelle, mais qui pourtant concrétise une chose particulièrement réelle : la maladie
La maladie qui devient alors le seul lien social.
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...

Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

Vous étes venus

compteur visite blog

map