Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mercredi 31 octobre 2012

L'A mère

A mère...Ce préfixe, petit a, cette voyelle, première lettre de l'alphabet, préfixe privatif qui désigne le manque, le vide, ce qui fait défaut.
A mère, pour désigner la mère qui manque, qui fait défaut, qui n'est pas, qui n'a pas été, qui n'a pas joué ce rôle, qui ne l'a pas offert à son enfant, cet enfant qui au fond n'a jamais été vraiment sien;
Et la souffrance de ce manque, pour cet enfant là, la souffrance qui s'est introduit dans cette faille, la faille de cette mère défaillante.
A mère..

Quand il n'y a pas de mère, quand elle n'est pas là, pas seulement physiquement mais aussi et surtout psychiquement, affectivement, émotionnellement
Quand la mère ne se montre pas, ne montre pas, mais devient parfois un monstre.
Quand la mère défaille, refuse, dénie et nie l'enfant qu'elle a pourtant mis au monde.
Nie à l'enfant d'être le sien, d'être un être sujet aimable.

Nombreux sont ceux qui souffrent de ça, de ce manque là, du manque de mère, de l'a mère. Il en résulte une a mertume, une douleur, une souffrance parfois indicible, une plaie toujours béante, même si ce n'est qu'un petit peu, car ce petit peu là est un poison, qui mine, qui ruine et qui tue lentement à tout petit feu.

Elle "est née par hasard " dit-elle, d'une mère qui ne voulait pas d'elle, en tout cas qui ne l'a pas désirée. Elle est le fruit de l'envie de l'en vie et non du désir, du désir d'amour, du désir de vie.
Fruit d'une rencontre peut-être, mais celle ci ne s'est jamais faite. Entre elle et elle, elle se sent vide, amère.
Sa mère ne voulait pas du père, mais sa mère à elle ne voulait pas de ça, car en ces temps là ça ne se faisait pas, une histoire de mère encore.
A mère ou trop de mère ?
Elle voulait bien garder l'enfant puisqu'il était là, arrivé là alors qu'on ne l'attendait pas, mais ne voulait pas du père, qu'elle n'aimait peut-être pas, mais qui lui a donner l'envie de se sentir en vie après tout ce silence...
Mais elle a obéi à sa mère sorte d'ogresse vengeresse, toute puissante et omnisciente régentant un monde qui n'avait plus alors raison d'être, mais s'accrochant quand même à ce triste privilège ! Matriarche !
Alors elle a épousé le père, avant la naissance de cet enfant, de la honte ou presque...
Mais elle n'a pas reconnu cet enfant, ne l'a sûrement pas regardé, porté, aimé !  Une fois jeté en pâture au monde hostile elle en a fait l'offrande à l'ogresse qui l'a élevé, gardé, nourri aussi...
Une histoire de mère, amère... Sans aucun doute !
Ce n'est qu'à l'âge de devenir mère elle aussi peut-être que cette a mertume lui revient en mémoire. Elle a grandi tant bien que mal, entre des femmes qui ne s'aiment pas, qui se reprochaient un passé dont elles n'assumaient ni l'une ni l'autre la responsabilité.
Vilain petit canard responsable désigné de cette dispute, elle est brinquebalée comme un colis qu'on aimerait déposer sans savoir vraiment où, car il n'y a pas de place, aucun endroit pour l'accueillir.

A mère ! Qui est-elle cette absence qui n'a pas même su la nommer et qui n'a pas même essayé de l'aimer.
Qui à chaque regard posé sur elle ne voyait que la faute, l'erreur commise pour avoir eu cette envie de vie !
Elle était ça, l'erreur, la cause, responsable désignée d'une vie gâchée, d'un avenir raté, celui d'une mère qui n'a pas eu la délicatesse de s'éclipser, de l'abandonner vraiment !
Elle n'a pas pleuré quand cette mère qui ne l'était que sur le registre de l'état civil est morte, elle n'a pas versé une seule larme sur la perte de celle qui l'a déposée au monde. "On ne pleure pas ce qui n'existe pas"
A mère.

lundi 22 octobre 2012

Mémoire vive

Ce blog n'accueille que très rarement des billets d'humeur, des réactions un peu à chaud à l'actualité mais l'article que je viens de lire suscite tant et tant d'interrogations que ces quelques lignes s'imposent

Le voici en lien :

http://www.atlantico.fr/decryptage/shoah-ces-jeunes-israeliens-qui-se-font-tatouer-numeros-deportes-pour-ne-pas-oublier-510259.html

Le titre a première vue semble clair :

Shoah : ces jeunes Israéliens qui se font tatouer des numéros de déportés pour ne pas oublierMais il faut se méfier des apparences, tenter de comprendre et déchiffrer ce qu'elles masquent..Cette clarté m'interpelle, une clarté pourtant bien obscure...Et c'est peut-être cette obscurité là, cette part d'ombre qui vient questionner, déranger.

En Israel des jeunes gens se font tatouer le matricule de leurs grands parents sur l'avant bras, pour ne pas oublier et leur rendre hommage.
Une mise en acte singulière qui, souligne l'auteur de l'article suscite de vives réactions au sein de la population. En conséquence. Un acte en entraine un autre, obligeant cet autre,  l'inter pellant.

C'est cette singularité là qui nous oblige à nous demander : Pourquoi ? Qu'avons-nous manqué ? Que s'est-il passé au creux de cette histoire là ?
Pourquoi cette génération là et non leur parents ? Ce sont les petits enfants, ce sont eux qui vont au devant de l'histoire avant qu'elle ne s'oublie, qu'elle ne sombre dans le Néant. Encore une fois. L'histoire et le destin tragique de leurs grands parents, des leurs, et la leur. Faire en sorte qu'elle ne deviennent pas un simple détail au détour d'un livre d'histoire.

Si la plupart d'entre nous savons que ce n'est pas possible et que la société, l'humanité toute entière ne peut plus être pensée comme avant la Shoah.. il se peut hélas qu'il en devienne ainsi dans peu de temps !
Ainsi veulent-ils transmettre, porter au delà cette histoire pour l'empêcher de s'éteindre. Que restera t-il après la mort des derniers survivants ? Qui sera encore là pour témoigner de l'impensable jamais pensé mais pourtant mis en acte ? Qui sera là ? Quel être sujet humain pourra encore raconter, dire l'indicible ?
Nous serons alors confrontés au Néant, au Vide et au gouffre immense de l'oubli. Nous n'aurons pour nous souvenir que les seuls mémoriaux, bâtiments érigés en conscience pour rappeler au vivant que s'il est là il le doit aux survivants !

Cela suffit-il ? Non, il semble que non. C'est peut-être ça que ces jeunes disent et nous disent, car il n'y a pas de message sans adresse. Ils nous disent, nous, car il ne s'agit pas seulement de leurs aïeux, du peuple de l'état d'Israël, il s'agit de la communauté des Hommes ceux qui se sont inscrits par leurs actes dans l'Humanité... Ce que nous avons manqué ces dernières années, peut être trop occupés à construire ce qui avait été défait, nié, gommé, trop occupé à oublier... Pour vivre , du moins tenter.
C'est peut-être ça ?
Nous savons tous les liens singuliers qui unissent les grands parents à leurs petits enfants. Ceux là même qui attendent qu'ils leurs racontent des histoires. Et c'est peut-être aussi cette histoire si particulière et si douloureuse dont ils sont porteurs dans leur chair qu'ils ont consciemment et inconsciemment transmis. Car il reste, il reste ce quelque chose d'enfoui au fond de l'âme mais que le regard ne peut cacher à celui qui sait vraiment regarder !
Cet article m'a profondément troublée à plus d'un titre, je l'ai mis en lien sur un réseau social afin d'en débattre, afin de comprendre pourquoi ce désir d'inscrire en sa chair une histoire et une identité qui n'est pas la sienne, mais celle d'un autre, de son grand père ou de sa grand mère une histoire où ils s'inscrit, où il a sa place mais qui n'est pas la sienne.
Ainsi ce numéro, ce matricule lui donne le droit, celui d'accéder à la mémoire, des siens mais aussi de tout un peuple, mais aussi un devoir, lourde charge pour de si frêles épaules, s'infliger le poids de ce lourd passé pour dire aux générations futures, l'injonction terrible : "'N'oubliez jamais"

Transmettre ainsi, incorporer, tatouer, garder pour toujours la trace de ceux qui vont partir...qui ont été témoins et sont revenus pour dire l'enfer, la haine, la cruauté et l'inhumanité. Je disais à mon ami Emile que cet été, lorsque je me suis rendue à Buchenwald, j'aurai voulu accrocher  une étoile jaune sur mon tee shirt  tant j'étais révoltée ! J'ai refusé de parler allemand, de le comprendre, tant cette langue me semblait déplacée, insultante en ce lieu. Emile me fit simplement remarquer que l' étoile à un moment donné on peut l'enlever le tatouage non...Il avait en ce seul mot résumer toute la gravité et la portée du geste.

Non justement non ! Cette inscription ne s'efface pas, elle reste gravée à tout jamais, pour toujours, c'est porter la trace indélébile de l'histoire d'un soi qui n'est pas je, c'est accepter cette lourde charge, s'impliquer, se l'infliger.. Ultime manière peut-être de dire et d'avertir ! Porter en soi, faire sien de la trace, de la cicatrice,  de la marque dans le corps...Sur le corps, montré à voir à l'autre, au regard de l'autre qui malgré tout ne peut y échapper.
C'est essayer de faire avec cette histoire là, qui plane sans cesse, qui surgit des ténèbres toujours, qui rode comme un fantôme et avec laquelle il faut faire, il faut être. . Sans le vouloir soit nous la faisons notre, en l'incorporant (ici au sens propre, puisque ces jeunes en portent la marque et la montrent à voir)ou en la rejetant, la déniant. Il est difficile de trouver le juste milieu parce qu'il n'y en a pas, nous sommes face à l'intenable, l'impensé et l'impensable.
Ce n'est pas un devoir de mémoire, car la mémoire je l'ai dit déjà ne suppose pas de devoir, d'injonction, une phrase du Rabbi Loubavitch nous invite à y songer "le but du souvenir est de lier l'homme à sa mémoire ce qui doit exercer une influence sur lui"...
La trace en est le lien, maintenir la mémoire, la mémoire vive, pour que la mémoire puisse vivre sans oublier pourquoi.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste.





samedi 20 octobre 2012

Anti ?Sémite ? Sioniste ?

J'ai écrit cet article il y a quelques mois, je ne l'avais pas mis en ligne. Aujourd'hui j'ai décidé de le publier car une fois encore je suis en colère ! Colère est bien le mot qui convient... Cela fait maintenant presque une semaine qu'un réseau qui se dit et se veut social a laissé se diffuser comme une trainée de poudre des messages d'une violence inouïe, insultes non seulement à une communauté, mais à l'Humanité toute entière, à la communauté des hommes, de ceux qui se disent être des hommes, qui se revendiquent tels ! Mais sont-ils réellement advenus à l'Humanité ? Je n'en suis pas certaine... Ces propos sont mollement condamnés, j'ai même lu, pas plus tard que ce matin, qu'il s'agissait de liberté d'expression, qu'au nom de ce droit, tous les coups sont permis, même (et surtout) les plus bas ! Honte.. Mais pour cela, pour éprouver ce sentiment encore faut-il faire preuve de remords, faut-il prendre la peine de penser, de projeter et d'envisager la conséquence de ses actes, paroles. Et c'est là que ça coince, que le bât blesse... !
Ceux là ne se cachent pas, mais on assiste aussi à des comportements plus pervers, ainsi cette nouvelle tendance à l'euphémisme, afin d'échapper à la sanction il semble plus confortable, politiquement, socialement correct de se dire antisionistes... Car qui attaque t-on ainsi ? Que dénonce t-on de cette manière insidieuse, perverse et sournoise ? Un état que ces mêmes qualifient de tous les noms et lui imputent toutes les dérives liberticides ? Vraiment ? Vous croyez ? Vous en êtes bien sûrs ?
Allons ! Soyons réalistes et cessons d'être frileux.. ! Ouvrons bien grands les yeux afin de voir le monde tel qu'il se montre à voir ! Même si la réalité n'est pas celle qu'on souhaiterait y trouver.



"On n'a pas déporté que les juifs" : Vrai
"Il n'y avait pas que les juifs dans les camps" : Vrai
"On n'arrêtait pas que les juifs" : Vrai....

Sauf que souvent l'antisémitisme commence souvent par ces propos là, ces mots là...
Insidieusement, ces mots, ces quelques mots qui dans la bouche de certains n'ont rien d'anodins
Ces quelques remarques s'appuyant sur une vérité historique, mais qui à l'issue d'un article d'une réflexion, d'une émission marquent parfois l'agacement... envers les juifs !
L'antisémitisme...
Il n'y a pas que les juifs !
Ces commentaires qui ne semblent être qu'un détail ! Et justement le détail... Est ce qui est de trop !Vraiment de trop, trop souvent !

Il serait bien sûr indécent d'oublier, de ne pas parler de  tous ces morts victimes de la barbarie et de la folie de quelques uns, d'un régime composé d'hommes bien ordinaires sûrement mais qui par là on pu trouver la manière d'assouvir impunément leur désir de haine, leur pulsion de mort, leur volonté de détruire l'autre !

Alors pourquoi ?

J'ai écris souvent à propos de l'antisémitisme, je m'interroge sur cette haine là, précisément, sur cet autre détesté, autre qui cependant n'est plus n'importe quel autre, mais un autre précis, désigné et détesté à tel point qu'on veut le détruire, le réduire à néant, au néant.
Ce qui a été mis en actes avec la complicité des populations qui ont assistées sans mot dire, sans maudire aux arrestations, déportations, qui ont vu,entendu. Ces témoins de l'indicible, de l'impensé et l'impensable, mais qui pourtant ont été là...
Qui ne dit mot consent ?
Ce n'est qu'une question mais qui convoquée dans ce cadre prend ou perd tout son sens, si sens il peut y avoir !

Juif ? Alors ?
Peuple maudit qu'il fallait à tout prix, par tous les moyens exterminer, rayer de la terre, en effacer toute trace encore et encore.
Ré écrire presque l'histoire où ils ne seraient pas ! Où ils n'auraient pas de place, eux qui sont là depuis le début des Temps...
Effacer même leur existence, la nier, la dénier la renier.
Pourquoi le Juif ?
Je n'ai pas de réponse, peut-être qu'il n'y a pas de réponse... De réponses
Le Juif !
L'antisémitisme aujourd'hui n'a plus le même visage, ne s'affiche plus aussi clairement, encore que !
Il y a à présent des moyens plus élégants, plus discrets et plus pervers aussi pour le dire, ou ne pas le dire, le suggérer tout au moins, "je ne suis pas raciste, mais les juifs quand même... ils commencent à nous fatiguer avec leur Shoah, génocide, Holocauste... Ce n'est plus possible à la télé on ne nous montrent que çà, les camps, les juifs.. "

"Les juifs encore eux et toujours eux ! comme le dit si bien Herbert Pagani dans son admirable "Plaidoyer pour ma terre" Ils sont partout, et cela "fait des siècles qu'ils emmerdent le monde "

L'antisémitisme est à nos portes comme il l'a toujours été ! Malgré tout. Surtout, il guette, il rode, prêt à bondir quand le moment sera favorable !

Les juifs dérangent eux qui ne demandent rien, qui n'exigent ni lieux de prières ni traitement particulier. Pourtant ils gênent et génèrent un malaise, un mal être...Un peu comme s'ils étaient en trop, de trop, une sorte de détail encore....!

Alors oui, c'est vrai il n'y a pas que les juifs qui ont été exterminés dans les camps de la mort et il ne viendrait à l'idée de personne d'honnête et de sensé de dire le contraire. Sont morts là bas communistes, opposants au régime, tziganes, malades mentaux, malades en phase terminale, homosexuels...Tous ces hommes femmes et enfants victimes de ce ravage fou ! Victimes de la perversité d'autres hommes et femmes qui au nom d'une idéologie les ont mis à mort, les ont déclarés indignes d'être sur Terre, indignes d'Etre !
Etre tout simplement !

Pourtant dois je rappeler que ... juifs périrent pendant ces années de ténèbres ! Dans ce monde soit disant civilisé au nom de la pureté de la race !
Est-il donc si difficile de regarder ! De voir en face, d'assumer ?
Mais voir et assumer quoi ? Le Mal ? Qu'est-ce que le Mal ?
Qui en est capable ? Tous sûrement, certainement, tout homme le porte en lui, serait-ce alors ça, ce point précis, ce détail qui coince ?
L'homme n'est pas contrairement à ce qui est admis n'est pas advenu à l'humanité, vraiment, ce pas en avant s'annule souvent par deux pas en arrière pour s'adonner à une danse macabre, valse wagnérienne et baroque qui saccage ce qu'il a bâtit
Est-ce alors ce Mal là qui s'infiltre dans la faille ? Ce Mal si malin que l'homme accueille pour laisser aller enfin ses pulsions de mort et d'emprise qu'il n'en peut plus de contenir ?
Une curieuse histoire, et une effarante rencontre, l'homme et le mal ? Histoire d'amour et de désamour..Un lien pervers et singulier qui si tenu soit-il s'interdit de mourir ! Pacte diabolique et peu banal...
Banalité du mal ?

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste.






dimanche 14 octobre 2012

La mort douce

Encore une réflexion sur la mort... Me direz-vous
Mais réfléchit-on vraiment sur la mort ? Nous questionnons, interrogeons, sans jamais apporter de réponse, car nous ne savons pas, personne ne sait ce qu'est la mort. En réalité.
Tout ce que nous pouvons en dire se résume en une lapalissade : c'est quand on ne vit plus.
Mourir. Disparaître pour de bon, partir pour ne plus revenir, jamais.
Alors la mort dans tout ça ? La manière, la façon de mourir ?
Je l'ai souligné déjà, je ne pense pas qu'il existe une belle mort, une mort douce pour reprendre les termes de Simone de Beauvoir.
Il y a certes des morts plus violentes, plus terribles, plus atroces que d'autres, même là, même en ces circonstances nous ne sommes pas égaux.
On meurt sur le champ de bataille, dans la rue, chez soi,  dans les camps d'extermination, à l'hôpital, à la guerre, sous les bombes, sous les mains d'un assassin, dans son lit, étouffé, étranglé,  torturé... On meurt de tant et tant de manières !
La mort est-elle douce ? Même dans son lit ? Même dans son sommeil ? Une sorte de mort volée peut-être..En ne se réveillant pas...Plus ?
Pourtant l'homme réclame une mort digne, une mort douce, certains demandent ce droit, celui de mourir quand il le souhaite, pour abréger ses souffrances, mettre un terme à une vie, la sienne, qu'il trouve indigne, impossible. Une vie dont il ne veut plus. Car il n'en peut plus.
Une mort qu'il se donnerait en quelque sorte... Lui ? Se donnerait à lui, s'offrirait ? Mais encore faut-il pouvoir se faire ce cadeau là, être en mesure de poser cet acte. D'en être certain mais aussi d'en avoir la force, physique, mentale, d'être en capacité de dire "je veux mourir là maintenant, cela suffit".
Est-ce possible ?
A t-on le droit de se faire justice ?
Faut-il alors dans le cas d'impossibilité faire appel à l'autre ? Mais quel autre ? Et qui déciderait comment, de quoi, et de quel droit ?
Le droit justement, demander à la Loi de s'introduire, de dire, de poser, ce qui doit être fait, mais de quel droit le droit peut-il se substituer pour tuer en toute connaissance de cause ?

Il ne s'agit pas ici de porter un jugement, de condamner ou au contraire d'approuver, car qui peut dire, qui peut affirmer aujourd'hui qu'il veut ou non mourir là, à ces moments là ?
Qui peut dire qu'il sera heureux de vivre longtemps, mais malade et dépendant... Car qu'en savons nous ? Que savons-nous de demain ?
Ce droit de mourir, de disposer de sa vie et par conséquent de sa mort, de choisir ce moment ultime de mettre un terme et de dire qu'on est arrivé au bout du chemin est discuté, discutable aussi... Il est demandé à la Loi, c'est à dire à l'autre de dire ce qui doit être fait, d'inscrire dans le code qui régit le lien social celui là même qui lie et relie les membres de la communauté comment l'un des siens peut ou/et doit mourir.
Il y aurait alors des circonstances exceptionnelles, une sorte de dérogation permettant au sujet de dire stop et de s'en aller, comme ça en douce  ? D'une mort douce ?
C'est une affaire intime, la mort, un peu comme la vie d'ailleurs, une histoire entre soi et soi.. Quid de cette intrusion de la loi qui une fois encore devrait dire ce qui est bon pour..
Celui qui souffre en l'occurrence, mais qui souffre comment ? Car la souffrance tout comme le sujet est singulière..Alors comment décider du moment, du bon moment où le mal est devenu douleur...Invivable ?
Il ne s'agit pas non plus de faire le procès de quoi que ce soit, du droit à mourir dans la dignité ? Mais qu'est ce que la dignité justement ?
Il ne s'agit pas non plus de blâmer ceux qui critiquent ou choisissent cette voie. De quel droit ?
Simplement d'esquisser peut-être un questionnement sur ce qui fait si peur,sur ce qui est terrifiant, sur la mort, inconnue et inattendue, justement là, car elle ne prévient pas, d'ordinaire, ne donne pas de rendez vous, elle prend, ravit, confisque. Elle ne s'annonce pas vraiment !
Elle sur prend.

lundi 1 octobre 2012

Le père volé

Il a toujours senti planer une ombre, quelque chose d'indicible, mais présent, parfois lourd, mais toujours sourd.
Le silence enveloppait toujours ce quelque chose dont on ne parlait jamais devant lui.
Enfant il ne savait pas, ne comprenait guère, il était seul avec sa mère... Loin de leur famille, loin de leur village aussi. Mais enfant il ne posait pas de questions, d'ailleurs il n'avait pas vraiment de questions
C'était la guerre, mais ça non plus il ne le savait pas. Il nait pendant la guerre, dans un pays en guerre.
C'est plus tard, beaucoup plus tard que les questions se posèrent, un peu d'abord puis elles le taraudèrent tellement qu'il en perdait le sommeil parfois
Il voulait comprendre, trop de choses ne "collaient pas".
Père, nom du père, un père dans lequel il ne se reconnaissait pas, à qui il ne ressemblait pas. Et surtout ce silence, ce silence pesant, lourd, obscur, ce silence qui l'enveloppait et le terrifiait
Parfois il posait des questions essayaient de comprendre...Pourquoi ce père, son père n'était pas là ? On lui répondait qu'il était à la guerre, parti, mais il ne comprenait toujours pas pourquoi il ne revenait pas.
Il se souvenait qu'un jour, il y eut un homme auprès de sa mère, on lui dit qu'il serait son père, qu'il était son père, il ne sait plus.
Un jour il eut un père...
Ce n'est que bien plus tard quand la question de devenir père à son tour se posa. Il voulut savoir qui il était, qui était son père, et le père de son père.
Des questions qui restèrent sans réponse.
Le désespoir succéda au silence pour l'envelopper à son tour, sa mère ne disait rien et ce père qui pendant les années d'adolescence fut le sien était mort.
Qui détenait la clé, le secret, qui pouvait, pourrait dévoiler le mystère, révéler le secret ?
Ce secret qu'il sent, qui le tue aussi, car il l'empêche de vivre pleinement, ce secret, cette chose en plus est son manque à lui, ce savoir que les autres taisent et lui cachent, cette choses dont malgré lui il est l'objet mais aussi et surtout le sujet.
Mais comment savoir et à qui demander, c'est aussi à ça que tient le secret. La demande, la demande de réponse à la question impossible, qui ne peut amener de réponse car celle ci sera la trahison de l'histoire, d'une histoire familiale cultivée par le secret. Celui ci qui souvent est scellé à jamais, perdu, oublié, relégué aux oubliettes de la mémoire. Tellement tu qu'il en est tué.
Mais comment vivre sans savoir, sans savoir d'où on vient et qui on est. Lorsqu'on a le sentiment que tout repose sur un mensonge et que sa vie est une imposture. Comment transmettre ça ? Comment transmettre un nom qui n'est pas le sien, qui lui a été donné certes, mais qui n'est pas "le vrai nom" qui est surtout le "vrai non", la négation de son identité, de son être et de sa véritable filiation.
De ce père volé, ravit, tu et tué parce qu'impossible, de ce père qui n'avait pas le droit d'être un père, de donner la vie à un enfant parce qu'il était un ennemi.
Mais l'ennemi de qui ? Et qui est-il cet ennemi.. Reparti vers ses contrées lointaine, dans un pays étranger dont il ne connait ni le nom exact ni la langue. Qui suis-je ? Et comment le savoir se dit-il ?
Comment advenir à ma vie, alors qu'un morceau entier m'est caché, ravi, volé. Il veut savoir ?
Mais savoir quoi ? Le nom du père... L'histoire de ce père qui peut-être n'a jamais su son existence, car ce père là, ce géniteur s'en est allé. De passage simplement, seulement, il est parti contre son gré peut-être ? Mais comment savoir
Et qu'en est-il du désir ? Du désir de son être là à lui, de l'amour peut-être, ou simplement du désir ? Il ne sait pas, et ne saura sans doute pas, jamais.
L'histoire mal partie ne trouvera peut-être jamais d'issue, à ce non s'oppose ce nom, inconnu, étranger qui lui donne à lui ce sentiment étrange d'être d'ailleurs, de naitre pas d'ici...
Silence pesant, obscur et lourd, qui n'en finira jamais, qui ne pourra ceder que si et seulement la parole est dite. La parole
Mais qui détient cette parole là, le nom de père, du père absent, du père tué du père volé ?
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