Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 15 mars 2008

Avoir mal au travail

Le harcélement, le malaise, la souffrance au travail....Pas un seul jour sans qu'on en parle.
A la télé, dans les journaux, des ouvrages en la matière sont devenus des classiques.

A l'hôpital, ma fonction n'était pas de recueillir la parole des soignants, ou des personnels. Pourtant nombre d'entre eux me demandait parfois un rendez-vous : "Ce ne sera pas long, on aurait juste besoin d'un conseil, vous parlez un peu, quand vous aurez cinq minutes..."
Cela durait rarement cinq minutes.

Puis, une fois assis "On souhaiterait, s'il vous plait que ça reste entre nous....qu'on ne sache pas qu'on est venu vous voir"Comme si la parole dite pouvait être dite à d'autres, ailleurs...

D'emblée le décor est planté. Avant même les premiers mots lachés, la souffrance transpire, du regard, des gestes, de l'attitude...

Que de douleur ! Que de souffrance ais-je entendu. Une souffrance identifiée, comprise, supportée par ces personnes jusqu'à l'extrème ! Mais quel extrême !

Dans le meilleur des cas, celui où elles trouvaient encore, où elles pouvaient encore puiser en elle, la force et les ressources nécessaires pour dire enfin ! Mettre en mots, mettre des mots, en sachant que ça ne changerait pas grand chose sur un plan concret.

Car dans le pire des cas, on ne dit rien, on n'ose dire, on culpabilise tant, on a tellement honte ! et on glisse lentement jusqu'à l'autre extrême, celui de mettre un terme à tout ça, car on ne peut rien, et surtout on ne peut plus.

Le nombre de suicides au travail est de plus en plus important. La justice reconnait elle aussi certaines notions, la médecine aussi, en prescrivant non plus de simples arrêts maladies, mais des "accidents de travail" et des "maladies professionnelles". Ce qui n'est pas rien, non seulement dans le versement des prestations, mais aussi et surtout pour les personnes elles mêmes victimes de ces agissements, qui se sentent enfin entendues, reconnues et comprises.

Car ces agissements, on les rencontre partout. Ici pour une fois, pas d'opposition public/privé, l'agissement prevers, la perversité institutionnelle est partout.

Ces agissements prennent toutes les formes possibles et imaginables... La perversité posséde en la matière un registre illimité, qui me surprendra toujours.

Elle va du rejet, au harcelement, à l'abaissement de l'autre. C'est une véritable mise à mort ! une mort psychique !

Il en résulte de véritables blessures narcissiques et de la souffrance. Car l'agresseur (c'est bien de cela qu'il s'agit, et souvent celui ci a un visage d'ange, c'est un bon agent au dessus de tout soupçons) ne s'attaque pas au travail, ne critique pas la prestation, mais la personne "tu es un nul !"
Ce n'est pas rien !
Tout salarié est un sujet qui a au sein de l'entreprise une fonction, des tâches à assumer, un rôle à jouer.... Il le fait, bien ou moins bien... Il peut recevoir des félicitations, encouragements (ce qui malheureusement est rare) et des critiques (les négatives sont faites à foison !) qui portent sur la qualité de son travail. Du rôle de M. x, salarié.

Mais nullement sur ce qu'il est lui. Sur sa qualité de sujet. Sur sa qualité d'homme ou de femme...

Et c'est là que le bât blesse ! L'agresseur, qui ne sait pas que les limites existent, ou que des limites en dehors des siennes existent, mélange tout ! mixe tout ! la personne, le travail, la fonction. Tout cela ne fait qu'un. Un bon/un mauvais. Et l'autre est forcément mauvais.

Et il en retire un plaisir intense. Je n'oserai dire une jouissance.

On peut en analyser les causes, le pourquoi il en arrive là.

On peut penser qu'il fonctionne tout simplement sur un mode pervers, mais qu'il peut le mettre aussi en route pour se protéger. Car contrairement à l'idée reçue l'agresseur, n'est pas un" sur homme". Il a des failles, et de nombreuses !

On peut aussi passer en revue, les nombreuses motivations qui le poussent à "casser sa victime" : la jalousie, la peur de perdre sa place, les peurs diverses....

La peur explique et permet de comprendre beaucoup de choses. Cela se joue souvent sur les registres de la peur, ou plutôt des peur. Peur de soi même. Peur de l'autre, de ce que représente l'autre, de ce qu'il pourrait représenter.. La peur que l'autre soit meilleur. Tout cela se joue aussi dans l'inconscient.
L'agresseur a une faible estime de lui même, peu ou pas de confiance en lui. Il ne peut s'exprimer que sur un mode violent et agressif, blessant l'autre, de peur d'être blessé lui même

Il applique de façon erroné le sage "si vis pacem, pare bellum" !

Il s'en suit une sorte de chasse, un jeu malsain du chat et de la souris, ou l'agresseur se transforme peu à peu en un redoutable tueur !

Mais il y a aussi, pire, je crois que l'agressivité, l'agression directe, les insultes, la violence verbale, les humiliations. Car celles ci se voient, s'entendent. Elles peuvent constituer des preuves. Il peut y avoir des témoins.

Comme je l'ai souligné plus haut, le pervers a plus d'un tour dans son sac...(et quel sac !)

Il y a l'ignorance. Ignorer l'autre, le collègue, faire comme s'il n'existait pas.
L'indifférence ! Ne rien témoigner, de témoigner de rien ! Ne rien manifester. Aucun affect, aucune émotion. L'autre n'est pas ! Il n'a pas d'être ! De substance. Il n'y a rien, l'autre est ce rien. L'autre est rien. Ground zéro !

"Je suis transparent !"
Cette impression (qui est réellement vrai, donc qui n'en n'est pas une) est intolérable pour l'autre, qui est littéralement zappé de l'espace vital de l'autre. Qui ne le voit pas, qui ne l'entend pas, qui ne lui parle pas, qui ne lui répond pas.
Une sorte d'isolement sensoriel... Mais plus pervers encore puisque cela ne se joue pas in vitro, mais in vivo, avec la présence de l'autre ou des autres qui ignorent leur victime. Qui font comme si elle n'était pas là. Alors qu'elle est là, en chair et en os !

Etre transparent ! un fantasme qui devient dans ce cas une terrible et insupportable réalité.

L'être en entier est nié. Sa personne, sa fonction, ses compétences, son savoir, son savoir faire, son expérience. LUI.
Il ne sert à rien, il est inutile, il n'apporte rien, il n'existe pas.

Il n'a pas de place.
On fait en sorte qu'il n'ait pas de place..........................

C'est insoutenable, invivable, les victimes de la "transparence" préféreraient encore être maltraitées comme l'enfant battu par ses parents 'ils m'aiment puisqu'ils me battent".

Ignorer l'autre, le gommer de son environnement est la pire blessure narcissique qu'on puisse infliger à l'autre.
Qui ne peut même pas se défendre. Il n'y a ni faute, ni délit...
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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