Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mardi 2 février 2010

Sans visage et sans nom

"Sans visage et sans nom"

Ou le ravage des thérapies...
Je viens de terminer l'impressionnant ouvrage de Clémentine Séverin, Sans visage et sans nom.
Sans visage et sans nom...Sans. Privatif, privation... Ce qui résulte de ces années d'incompréhensions, de ravages, de tumultes, de souffrances, de douleurs, de ces années vécues par l'auteur..
Sans... Pourtant le résultat de ces années là, de ces années de thérapies n'est pas rien, n'est pas sans... S'il prive le sujet de son identité, de son image, il lui offre un monstrueux cadeaux, le pire de tous: La souffrance, cette douleur justement qui lui colle à la peau, qui envahit son esprit, qui obscurcit sa vie, qui la touche dans ce qu'elle a de plus précieux.
Le désir, la soif, de vivre...

L'enfer des thérapies, la longue descente dans ces abîmes, la spirale infernale, le piège qui se referme lentement, sûrement, fermement. Le piège, la prison, l'enfer... Dont il faudra pourtant sortir, mais à quel prix....
Ce pourrait être simplement l'histoire d'une rencontre ratée, d'un rendez vous manqué... Seulement ça, une rencontre qui ne s'est pas faite, qui s'est mal faite, sur de mauvaises bases..Une sorte d'incompréhension entre deux sujets... Ca...
Mais s'il y a un peu de ça, il n'y a pas que ça. Pas seulement que ça !

Clémentine courageusement écrit, mais elle écrit depuis toujours, c'est peut-être ça. Elle noirçit des cahiers, elle dit, elle se confie, leur parle. Pendant toutes ces années, presque au jour le jour, elle écrit, elle partage avec un cahier, tout. C'est peut-être ça, peut-être ça qui la maintient en vie, la tête hors des flots...
La sur vie !

Pour écrire ce livre elle ouvre à nouveau ses cahiers, témoins de son désespoir, de son malheur d'alors, de ces jours pendant ces thérapies, ses thérapies à Elle. Ses, ces rencontres avec ce (ces) tiers, qui nous apparaissent sous un jour monstrueux.
Elle nous décrit, sans concession, avec des mots simples, justes, percutants, touchants, ces rendez vous, ces entretiens, ces espoirs, déçus, cassés, brisés....Cette vie alors en miettes !
Elle se replonge dans cet enfer pour dire, témoigner, dénoncer, mettre en garde...
Alors on se demande : Pourquoi ? Pourquoi cette mayonnaise là, ne prend pas, n'a t-elle pas pris. Jamais ?

A chaque page, on s'écrie, mais pourquoi ne leur claque t-elle pas la porte aux nez ! Pourquoi ne les en voie t-elle pas promener !
On se demande...
Pourquoi ?
Ce Warum qui n'appelle qu'un Darum comme seule réponse !

Des rendez vous manqués, comme si les montres des protagonistes n'étaient pas réglées sur la même heure, ne pouvaient l'être.
Comme si la langue n'était pas la même. Une langue que l'autre ne comprend pas, n'entend pas, des mots qui ne sonnent pas de la même manière. Des mots qui n'ont pas la même représentation, la même acception, la même symbolisation
Ce même là qui fait toute la différence, celle qui fait, qui pose la singularité de l'autre...

Pas au diapason, l'un en attente de l'autre, l'un en espoir de l'autre
Et l'autre, ce tiers, qui se dit analyste, qui se dit thérapeute sans attente, sans espoir sûrement... Mais où ?
L'autre qui se dit, faute d'être plaçé, qui semble jouer, non une, mais jouer à l'analyste, au thérapeute
Et qui interpréte, qui dit.. Ceci ou cela, C'est comme ça !
C'est ainsi, vous...Et de plonger l'autre dans ce questionnement sans réponse,
L'autre supposé savoir, mais qui ne sait rien, cet autre qui semble ne pas comprendre que le sujet en souffrance a au fond de lui cette réponse, sa réponse, celle qui est sienne, qui lui est singulière, sa vérité
Mais non, ce tiers non responsable lui plaque sa vérité à lui, une espèce de vérité qu'il travestit au gré de sa fantaisie toxique et perverse...Ce tiers... Qui l'embarque pour une traversée dans des eaux troubles et sombres, sans lui donner la lumière, ce mince rayon que tout être se doit d'entrevoir pour poursuivre, continuer sa route.. Mais qui use

Qui profite de la souffrance, de l'inexpérience, de l'attente immense, d'un sujet en souffrance, (peut-etre pas d'ailleurs au début)
C'est peut-être ça qui cloche.. la question de la souffrance et du désir du sujet, de son propre désir de l'analyse, de la thérapie...De la nécessité, du besoin de la thérapie...
De ces sujets qui poussent notre porte pour nous demander une thérapie... Car le médecin, ou untel leur a dit que peut-être cela serait pas mal, les aiderait...
De ces sujets qui finalement ne vont pas si mal... Qui ne sont demandeurs pas plus que ça, car comme ça va plutôt bien que mal.. A quoi servirait une thérapie ? A fortiori une analyse ?
C'est peut être ça...

L'auteur nous explique qu'elle prend ce rendez vous sur les conseils d'un cadre pédagogique qui pense que...
De quel droit pense t-il ça ? De quel droit prend t-il ce droit, cette liberté de prodiguer un tel conseil ? De quel droit s'autorise t-il à engager une personne sur une telle voie.. Une élève de surcroit...
Une étudiante qui aime son travail, qui s'investit dans l'étude, qui dévore des livres, qui étudie, qui a cette soif de connaissance, de culture... Cette soif, cette faim, que ce cadre ne comprend pas, qu'il qualifie de "pathologique" ?
Et après ? Même s'il en était...
Et d'orienter son étudiante vers "le meilleur psy de la région parisienne" Quid du meilleur ? De l'excellence d'un psychanalyste ? Qui peut dire cela ? Quel sens a cela ? Qu'est ce que cela
Comment un psychanalyste peut-il être excellent ? le meilleur ?....
Puis se met en route peu à peu la machine, une toile perverse se tisse, une sorte d'incestualité entre l'école, ce cadre, ces psy...
Injonction à la thérapie ! Engagez vous... Vous verrez du pays... Sauf que ce pays, c'est l'inconscient, que pour cette rencontre il faut être volontaire, en avoir envie, le désir, profond.
Sauf que pour ce rendez vous, il faut savoir... Que ça peut bouleverser, que ça peut ramener des souvenirs, des... Et que...
Mais que l'analyste, justement est là, une sorte de filet... Pour le funambule...
Sauf que dans le récit de Clémentine, le voyage est hors piste, pas de filet... Mais un analyste pourtant, soit disant le meilleur sur la place que... Aie !
Sauf que parfois le funambule, même le meilleur sur sa corde raide, peut vaciller, sombrer, tomber... Et que l'analyste, le thérapeute...
Sauf
Et le funambule, anonyme, étranger à lui même, sans visage et sans nom, ne comprend pas, ne comprend plus. Ne sait pas pourquoi ce qui lui paraissait simple est devenu complexe et compliqué. Que la thérapie lui enfonce la tête sous l'eau, de plus en plus... Toxique, dangereuse, perverse. La liaison devient dangereuse, de jour en jour de semaine en semaine, de mois en mois
On ne lui donne pas le mode d'emploi à Clémentine, on ne lui énonce pas les règles. Ce "on" n'est pas clair, ne sait pas vraiment, semble pourtant jouir du désarroi de sa patiente, qu'il insulte, méprise et dénigre au mépris non seulement de l'éthique mais aussi et surtout du respect qu'il doit à son semblable
Une sorte de ronde infernale où s'est crée le manque... le manque de celui ou de celle qui fait mal... parce que si l'analysant ne comprend pas, ne va pas bien (et c'est un euphémisme) c'est forcément parce qu'il en a envie, envie de se faire mal, de se détruire, sous les yeux imperturbables de ce thérapeute sadique !
Un analyste, qui n'entend pas, qui ne voient pas les symptômes, pas ceux de la souffrance physique, qui heureusement seront objectivés, mais ceux que n'importe quel médecin, psychologue, psy... peuvent identifier, peuvent reconnaitre, se doit de nommer.. pour éviter le pire !
On pourrait alors croire qu'il s'agit de praticien non formé, ou quelque peu formé après quelques stages de "thérapies choses ou autre" qui leur donne un soit disant statut... Mais non, il s'agit de praticiens chevronnés... Les meilleurs soit disant !
Et de ce pire là, ils ne voient rien...
Mais ce pire là justement... Ce pire redoutable, redouté, l'envisagent-ils ?
Une thérapie... Alliance thérapeutique ! Terribles que ces mots là, fétichisés par les cognitivistes pour préciser à quel point les deux parties doivent travailler ensemble autour d'un problème (celui du patient, cela va de soi) afin de trouver une solution, la meilleure pour le patient, cela va de soi également...
Mais le transfert ? Quid de ce transfert ? De ces libres associations ?
Quid ?
Mais de l'interprétation ils ne se privent guère, de l'affirmation non plus... De l'abus, de l'assènement de vérité, la leur, celle qu'ils croient être ? Quelle vérité ? Et pour qui ? Et pour quoi ?
Que savent ces gens, analystes soit disant de l'amour ? De cet amour là dont ils tentent de parler.. De ces sentiments là dont ils semblent dénués, n'ayant ni compassion, ni empathie... Ni...
Alors comment l'alliance, (mot si fort) transfert ou simplement relation peut naître de cette rencontre là ?
Une relation qui ne se tisse pas, qui se lie et se noue, de ces noeuds difficilement extricables... Rien ne se tricote, ne se répare au contraire.
Au fil du récit, tout part, tout s'éffrite, s'effondre...
Mais rien ne s'édifie, ne se reconstruit, ne s'élabore...
Pourtant Clémentine a écrit, elle a su trouver en elle cette force, cette force que peu d'entres nous possèdent, celle qu'il faut aller chercher loin au plus profond de notre âme peut-être, pour dire qu'il nous faut rester en vie pour dire, raconter, témoigner
ne pas laisse ça là, comme ça !
Pour se pardonner aussi, pardonner d'exister, d'être là, malgré tout, malgré ça, malgré tout ça,
D'avoir survecu à ce séisme, ce terrible tremblement de terre... Qui a failli coûter la vie, mais la vie n'a pas de prix, elle est hors de prix.
Alors ce livre c'est peut-être ça aussi, car il y a l'espoir, celui d'une rencontre qui se fait, enfin ! Enfin...
Une rencontre qui permet, qui laisse la place à un espace de se mettre en place, pour réparer, enfin...
Pour retricoter, tisser, ravauder, et aimer.
Une histoire d'amour pourtant, celle de l'auteur et de la vie...

Publié par Brigitte Dusch, psychanalyste, psychothérapeute, historienne, animatrice d'ateliers d'écriture sur la page facebook "Analyse et thérapies aujourd'hui"

A lire absolument....Bouleversant...!
Sans visage de sans nom par Clémentine Séverin aux éditions @teliers de presse
Ce livre peut être commandé directement auprès de son auteur
par mail cerise3333@aol.com ou via le blog des livres.

http://clem28.vip-blog.com/
Blog de clem28 - sans visage et sans nom - convocation
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