Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 21 novembre 2015

Lire ?

Lire serait-il devenu difficile ? Une pratique tellement complexe qu'elle relègue celui ou celle qui s'y adonne dans un espace singulier, un espace un peu désuet ?
Lire : Livre.

C'est de cette rencontre là qu'il s'agit. Une rencontre singulière et rare à ce qu'il parait.


Aujourd'hui il faut voir, montrer à voir, à entendre. Montrer... !
Accrocher l'oeil, le regard, l'oreille. L 'accroche !

Audio visuel, voir et entendre.... Regarder, capter, être capté par l'image le son. Etre spectateur. Consommateur. Vu et être vu.
Mettre en évidence, en avant, pour...

Curieuse entre vue ! Entre deux. Entre soi et ?

Lire ? Alors quid de la lecture ? Cette lecture que certains subissent comme une épreuve, un parcours du combattant, qui ne garde pas ces lectures imposées au collège et au lycée, ces livres dont on comptaient les pages, qui ne "disaient rien, qui ne parlaient pas" qui étaient pourtant au programme, qu'il fallait résumer, mettre en fiches, en exposés... ?
Cette lecture là qui en a dégouté plus d'un, pourtant... !
Ces bibliographies balancées du haut d'une chaire d'amphi aux étudiants pour compléter des connaissances, combler des lacunes ? Livres poussiéreux au fond d'une bibliothèque universitaire qui l'est tout autant. Livre ? Lire.
Toutes ces heures passées à comprendre, synthétiser, analyser des textes ardus, incompréhensibles parfois pour saisir une pensée, celle d'un auteur disparu depuis des siècles qui ne pourra même pas nous dire ce qu'il a vraiment voulu nous dire.

Aujourd'hui, les BU sont lumineuses, bien équipées, propres et design, les professeurs ont un ordinateur et commentent leur "power point". Les conférences sont en ligne, il n'y a qu'à se brancher, se connecter, depuis chez soi et écouter... Passif ? Attentif ?
Les livres aussi sont en ligne... Parfois.

On ne lit presque plus de livres... ! Lire est-il encore à la mode ? Fashion tendance dans ce monde où un simple clic vous donne accès à l'autre bout du monde, sans effort ?
Et lire demande un effort, un effort d'attention mais pas seulement : Lire demande du désir.
Le Désir...
Lire relèverait donc du désir ?
Lire est une envie, être et avoir...Mais pas seulement, le lecteur est un acteur, il va au devant de l'autre, il part à sa rencontre, il y a de l'aller, de l'avant, de la venue, du trajet. Il y va de l'en vie.
De l'envie de s'ouvrir, d'ouvrir une autre porte qui conduit vers un autre espace, une autre dimension, car chaque livre est magique, chaque livre délivre un message, celui de l'autre, mais aussi celui de l'autre qui est en soi et qu'on n'entend peut-être pas. Il y a alors de l'entente ? De la mésentente... Mais il y a quelque chose qui relève du mystère, du singulier, de l'étrange, de l'inquiétante peut-être étrangeté qui est chez l'autre
Ainsi lire c'est quitter aussi, laisser et lâcher, soi, ses certitudes pour découvrir le temps d'un livre celles de l'autre. Une sorte de va et vient, d'aller et retour, donner et recevoir, recevoir pour donner aussi, mais où irait l'un sans l'autre. Le livre implique, lire implique, met dans le bain, dans le coup, c'est prendre les mots ; ceux de l'autre, ses idées, son histoire et les faire siens, un peu, ce juste suffisant qui fait que le partage est. L'identification, la compréhension, le mode d'emploi de soi qui passe par l'autre aussi peut-être cet autre qui permet de se connaitre, de devenir et d'être soi.
Une rencontre singulière, magique, parfois magnifique, souvent bouleversante, qui ravage aussi, qui laisse les émotions déferler, envahir et submerger le sujet.
Lire n'est pas anodin, lire est un acte de vie, politique et subversif !

Attention danger ? On brule les livres.. Autodafé des idées, de celles qui pourraient bouleverser les hommes et les sociétés, censure et propagande. Depuis combien de temps on use et abuse de ces mots qui pourraient formuler, bouleverser, manipuler.
Lire alors ? Et désir ?
Désirer quoi ?

Brigitte Dusch psychanalyste, historienne

jeudi 19 novembre 2015

Dis l'avion qui passe c'est la guerre ?

Dis l'avion qui passe c'est la guerre ?


Je n'imaginais pas entendre pareille question, ici !
Un jour.
Pourtant depuis ce vendredi 13, même ici où il ne s'est rien passé. Ces questions sont là, bien présentes. Nous savons, je l'ai souvent souligné que le traumatisme (encore lui) n'est pas forcément lié à un évènement vu réellement, vécu, dans sa chair, il peut être seulement entendu, suggéré... relayé par l'autre.  Nous en avons hélas la preuve. La télévision, la radio, les médias n'ont cessé de relayer ces épouvantables tragédies, le mot "guerre" a été prononcé, à juste titre
Mais que représente ce mot, qu'est ce que veut dire ce mot pour un enfant vivant dans un pays où justement il n'y a pas de guerre...Du moins avec le visage, la représentation qu'on se fait de la guerre.La guerre !
Deux jours plus tôt cette même télévision nous montre la commémoration de cette Grande Guerre, les professeurs, instituteurs ont sensibilisés, expliqués aux écoliers ce qu'était 14-18. Des images de combats, des films des documentaires ont été diffusés.

C'est ça la guerre.

Et celle des films "tu sais les gens ils meurent, mais c'est pas pour de vrai, c'est des acteurs, ils ne sont pas morts" m'expliquent mes petits patients. Oui la mort, c'est quand on ne bouge plus, on ne respire plus, on ne parle plus, on ne revient plus... on est mort pour de vrai

'"mon grand père il est mort pour de vrai, je ne le reverrai plus". La mort c'est pas du cinéma, de la télévision un jeu "on joue à je te tue, tu es mort, et après c'est moi qui suis mort"...Vendredi 13 la mort n'a pas été un jeu. L'effraction dans le réel, dans la quiétude du réel à été terrible, terrifiante. L'impensable, l'impensé à eu lieu et a été mis en acte.

"L'avion qui passe dans le ciel c'est la guerre ?"

Alors oui, l'avion qui vole dans le ciel et survole la ville c'est la guerre... Peut-être ?
Comment dire autrement ? Comment dire les choses, c'est pour surveiller, protéger, car nous avons vécu, à Paris une tragédie et des gens sont morts... Vraiment morts, alors que ce n'était pas la guerre, mais une simple veille de week-end où les gens allaient boire un verre, diner, voir un match, entendre un concert. Des assassins ont déclaré la guerre à la joie de vivre, au bonheur, à la vie

Comment expliquer, dire cela à des enfants ?Comment dire l'horreur, la violence, la haine et le mal il n'y a pas de recettes, pas de mode d'emploi, chacun doit et peut trouver les mots justes pour expliquer et dire la vérité et le réel de ce qui a eu lieu ce vendredi 13. Le pire serait de ne rien dire ou pire de dire qu'il ne s'est rien passé.

Brigitte Dusch, psychanalyste historienne 

mardi 10 novembre 2015

De l'esthétique du monument ? "14-18 des Hommes"

Monuments.. Aux morts... Commémoration... Souvenirs... Devoir de mémoire...
Etc...

Mes recherches sur les traumatismes de guerre me conduisent en 14 puis en 70, puis aux guerres napoléoniennes puis... ! Je remonte le temps, celui jalonné par les guerres, pas un siècle, parfois à peine une décennie. Je cherche à retracer ce traumatisme si particulier qu'est celui qu'inflige la guerre... Cette souffrance dont on ne parle pas, mais qui mine et détruit l'homme sans jamais lui permettre de retrouver la paix.

La guerre, on en parle ou pas, on se souvient ou pas, 100 ans maintenant... La première guerre mondiale, si proche et si lointaine pourtant c'était hier ou presque. Mais avant ?
Qui se souvient...
On se souvient des victoires, on ne commémore pas les défaites.

1870... Si loin, plus loin encore. Défaite, débandade, destruction, terrible humiliation... Dommages de guerre !
1870 que reste t-il ? De quoi se souvient-on ?
Quelques bribes encore peut-être dans les mémoires de ceux qui ont entendus parler ceux qui en ont entendu parler...
Ultimes traces...
Mais la mémoire collective ? Qu'a t-elle collectée, qu'à t-elle voulu transmettre de cette infâme défaite qui a nourri la haine jusqu'en 1914, prochaine guerre, pauvre victoire, combien de morts ? Combien de pertes ? D'hommes et de mémoire ?

Un long et douloureux chemin que nous parcourons mon fils et moi, des rencontres avec des histoires de soldats, hommes tués sur les champs de bataille sous le feu de l'ennemi, dans les ambulances de fortune suite à leurs blessures, éclats d'obus, de mortier ou autres grenailles, crachant leur poumons d'avoir respiré ces gaz toxiques.
Nous marchons sur ce parcours du combattant...
Nous avançons petit à petit, à reculons parfois dans les tranchées de l'horreur et du souvenir. C'est ce désir là, celui de ne pas oublier, de rendre l'identité et la vie à ces hommes pour que leurs noms ne soient pas oubliés.
Des noms gravés sur la pierre. Aussi... Nom, prénom une date et parfois un lieu.

Aujourd'hui devant nous se dressent à leur gloire des monuments, en France, en Allemagne, ailleurs, dans ces pays que la guerre, les guerres n'ont pas épargnés.. Mais elles n'épargnent personne !
Surgissant au milieu des places des villages, jouxtant les églises, ils changent à jamais le paysage.

"Passant arrête toi, prends un instant pour lire le nom de ces hommes tombés aux Champs de l'Horreur. Passant, souviens toi ! N'oublie pas !"

Terribles injonctions que celles ci, prenant à témoin le présent et le futur.
Mais quel message ce "monument" nous transmet-il ? Au delà du commerce lucratif qu'il représentait alors, qu'est ce qu'il voulait dire ?
Mais aussi à travers sa représentation esthétique.
Que veulent-ils dire ? Transmettre, enseigner, léguer.
Destinés aux vivants ils témoignent des morts. De ceux de ces villages qui sont partis et ne sont pas revenus. De ces jeunes, tout juste sortis de l'enfance, de ces pères de famille, de ces frères, fils à qui on a pris la vie pour rien. Qui avant de mourir on vécu et on vu l'enfer de si près.
Monument pour ce dénuement, pour ce sacrifice tout à fait inutile, ultime trace de leur bref passage et de leur ravissement qui laisse leur famille dans le plus profond désarroi pour tant et tant d'années.
Car il faut vivre après
Car il faut vivre encore.
Passant t'arrêtes-tu ? Prends-tu encore ce temps, celui de regarder, de lire, de comprendre, de te dire que sur cette pierre levée ces noms sont ceux d'hommes comme toi, d'hommes ravagés, d'hommes confisqués à la vie ?

L'esthétique du monument ? Pour montrer à voir aussi et surtout. Apprendre à décoder ce que ce monument nous raconte au delà de la transmission. Cette esthétique là qui fait du surgissement un langage; Ainsi le monument du Nord de la France sera différent de celui du sud, ainsi celui du petit village occupé montrera au passant la souffrance de cette occupation là, de l'effort de guerre, des denrées réquisitionnées par l'ennemi, le travail des femmes. Oui, il faut être attentif au détail, à l'
inscription, aux médailles, aux épis de blés ou d'orge...

"Passant arrête toi et regarde !Vois, médite... Aussi"

S'il est important d'en comprendre le langage symbolique, la sacralisation de la mort, le croisement de tradition républicaine et religieuse (ce qui fera l'objet d'un article suivant) il est essentiel d'en comprendre le message transmis aux vivants. Ne pas oublier certes, mais prendre conscience aussi du sacrifice de ces hommes... Prendre conscience de la guerre et de ses ravages, de la tragédie qu'elle représente pour l'Humanité. ll n'y a pas de héros, personne ne demande à l'être, il y a du malheur... Simplement du malheur. De la souffrance et de la douleur.

Brigitte Dusch, psychanalyste historienne
Sacha Dusch, étudiant.

Ce texte est un fragment de l'essai que nous réalisons mon fils et moi à la mémoire des Hommes de 14-18 hommes de tous les pays, car dans la mort il n'y a plus d'ennemis, il n'y a plus de vie, il n'y a plus que le vide et le néant.


jeudi 5 novembre 2015

Dire, dé lire, des dires

"Le printemps arrive et je n'aime pas ça, c'est curieux, mais je n'aime pas le beau temps, cette douceur, ce soleil aussi, je n'aime pas les beaux jours, car je ne vois rien de beau venir. Ces jours sucrés, doucereux, ces gens dehors, qui revivent, je n'aime pas le bonheur, il n'y a rien à dire du bonheur, on ne tire rien du bonheur, on n'apprend rien... !
On n'en n'apprend que dans le malheur !

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C'est bizarre ! Peut-être mais je préfère l'hiver ou l'automne quand le quand le temps se couvre, les jours raccourcissent, la nuit arrive vite, nous prend et nous enveloppe. La tempête, les rafales, les vagues qui claquent, je pense à Chateaubriand..
A lui aussi on avait infligé la vie...
Sa mère peut-être
Je n'ai jamais aimé la mienne, la mienne de mère. Mais on n'est pas obligé de l'aimer ! Elle ne l'est pas non plus, pas plus que de nous ravager.

Ce ravage là est comme les vagues qui viennent en beuglant crever contre les rochers !

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J'aime entendre hurler le vent, la pluie s'affaler sur le macadam, ça fait du bruit, pas ce flic flac insipide, il faut que ça claque et que ça fasse mal, mal à l'âme
Ame bleue, puis noire, hématomes colorés, décolorés qui crèvent l'ennui.
Je me sens presque en harmonie...

C'est indécent ce soleil, ces jours qui brillent, cette lumière qui m'aveugle, qui trouble mon chagrin, ma douleur, et n'assèche pas ma cicatrice. Horrible balafre qui défigure mon coeur, et que mon âme tient cachée tout au chaud, tout derrière ces gros pulls et cette avalanche de lainages, ces cuirasses
infinies pour ne pas affronter le gel, le vent et la neige, pourtant ! Paradoxe sans fin, il faut ce froid glacial pour accompagner la douleur.

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Non, ma souffrance ne va pas avec, pas avec ce soleil, ces cris d'enfants, cette joie de vivre, ces parties de campagnes,!
C'est avec la mort que j'ai rendez vous, et je pense qu'il n'est pas très poli de mourir au soleil, en été, ces rencontres là se font plutôt en hiver, sous le ciel bas de décembre dans la neige et le froid, pour partir dignement, sans faire de bruit mais en laissant dans la neige quelques traces de mon passage
Que le neige ensuite va effacer à tout jamais. Briser la glace !
Oui, je vais mieux avec l'hiver, je me sens moins en dissonance....
Harmonie ? Cassée

Je chasse alors le Jour à grand peine pour retrouver la nuit, une nuit sombre, glaciale et sans étoile pour recouvrir mon âme et mon coeur, vides d'amour et de haine, vides de tout et de tous.
La mort m'attend tout comme je l'attends...
La mort en h
iver, car ce serait indécent et insultant de mourir au soleil"

.......... "Bribes en vrac, délires de vivre" 
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne 
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