Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

lundi 31 décembre 2012

Causes perdues ; histoire d'un Zek

Ce jour là je ne l'attends pas c'est lui qui m'attend, comme les matins où quelque chose de grave est arrivé. La veille, la nuit.
Il est là, ils sont là devant la porte fermée.. Ils attendent mon arrivée et s'engouffrent dans la petite pièce, ils  m'expliquent qu'il faut que je fasse quelque chose, absolument...
Ce matin là, il m'attend mais n'attend rien de moi
Il est venu me dire au revoir.
Il est venu me dire qu'il part... Pour combien de temps ? Il ne sait pas
Aujourd'hui il est grave...
Il part à la guerre, m'explique t-il, il parle doucement, lentement, pour que je comprenne bien, les mots pourtant se mélangent, français, allemand russe..
Mais nous nous comprenons, c'est l'essentiel
Il sort des papiers, me les montrent.. Me dit qu'il part là bas, qu'il y a une guerre à faire, encore une et que son métier, c'est ça...
Il me l'avait dit déjà...
Cette fois c'est définitif, il s'en va.. Au loin.
Mais il reviendra, il revient toujours..  "Sibérie" me dit-il !
Nous buvons un café, ses amis attendent un peu plus loin.
Il sort de sa poche une photo, celle du temps où dit-il en riant il était zek.
Mama dit il.. Il me montre une vieille femme... Et me montre le chat
Il m'explique alors que sa mère, venue là sans doute pour le suivre dans cette contrée lointaine et froide, n'en n'est jamais partie, elle est restée.. Pour lui..
Elle donne du lait au chat..Il m'explique.
Il sait que j'aime les chats, nous en avons parlé déjà... Et il est heureux de me montrer ça..
L'image du bonheur... Le sien, les siens
Nous nous sommes vus souvent, quelques temps, un long temps.
Il venait pour parler, raconter, dire, mettre des mots, des mots colorés, rythmés, je l'écoutais.
Une histoire, la sienne, qu'il voulait raconter, la violence, souvent.
Il protégeait les siens, ceux qui ne savaient pas se battre. Survivre, dans le froid hostile et rude il savait trouver les refuges, les endroits, la chaleur, l'humanité aussi.
Violence, sourire, cris, rires ! Il parlait fort et souvent faisait peur. Je me souviens de ce collègue qu'il manqua d'étrangler car il voulait lui faire une injection avant de le soigner...Pour qu'il ait moins mal...
Mal !
Il est venu me dire au revoir, il ne pouvait pas partir sans me dire au revoir...
C'était comme ça..
Il partait se battre, pour qui ? Pour quoi ? Peu importe la guerre...
Il enverrait des sous à sa mère, comme les mandats qu'il adressait déjà... Il me montrait les reçus..
Des adieux difficiles...
Des larmes
Il me serra dans ses bras... me serra très fort, me remercia...

Je ne l'oublierai pas, jamais....
Peu avant mon départ, quelques années plus tard,  un compatriote me donna de ses nouvelles...Il me donnait le bonjour, voulait venir me voir.. Il avait donné mon adresse, il savait que j'étais là, encore,  même si ce n'était plus au même endroit
Il était revenu et attendait à nouveau de partir encore... De repartir encore pour une contrée lointaine
Pour une cause perdue..
A Guennadi... Aux autres..

vendredi 14 décembre 2012

Le non de l'enfant.

Samedi en revenant de la bibliothèque j'assistais à une curieuse scène
Comme toujours lorsque je veux éviter le centre ville je passe par les petites rues de la vieille ville, ruelles sombres mais somme toute très sympathiques.
C'est alors que je vois une petite fille seule au milieu de la placette qui mène directement aux rues piétonnes de la ville. Plus loin à l'entrée d'une ruelle, des adultes qui la regardent et s'éloignent. Un de ces adultes lui lance "tu devrais venir, sinon un méchant monsieur va venir te prendre"
La fillette ne bronche pas, puis elle continue à s'éloigner.
"Il va te prendre et te faire du mal si tu ne viens pas.." poursuivent les grands tout en s'éloignant.
J'avance et je dépasse à la sortie des ruelles une femme tenant à la main une poussette vide... Fumant une cigarette.
Je ne connais pas la suite de l'histoire, ne sait s'ils sont allés la chercher ou si la fillette les a rejoint.
Ce n'est pas là que ce situe le questionnement, encore que... !
Et ce n'est finalement pas l'issue de la scène qui m'a interpellée.
Voilà une fillette qui décide d'aller vers des rues animées, bruyantes, éclairées, où les piétons se promènent ...Où il y a du monde, le monde. Puis des adultes qui préfèrent prendre un raccourci éviter ce bruit, ou voir simplement des ruelles d'une vieille ville, trouver un peu de fraîcheur...?
Deux décisions, deux actes posés. Une fillette qui manifeste son opposition, son désir d'ailleurs, de curiosité peut-être, désir d'explorer ce qui est vivant, l'endroit où il y a de la lumière,des gens, du bruit, un endroit animé... Une fillette qui dit non.
Des adultes qui pour faire revenir cette enfant "dans le droit chemin" le plus court peut-être lui oppose une menace, terrifiante. Celle de ce "méchant monsieur qui va venir la prendre pour lui faire du mal"
mettant en mots des fantasmes, des peurs... mettant en scène les terribles faits divers que les journaux nous servent chaque jour... Mettant en scène un réel possible.
Mais ?
Est-ce vraiment le message ?
Que voulaient-ils dire ? Lui dire ?
Ecoute tes parents, écoute l'adulte, tu dois lui obéir... ?
Alors pourquoi cette menace ?
Pourquoi ne pas expliquer clairement les choses à une fillette qui visiblement ne voulait pas les suivre ?
Quel est le rôle de l'adulte ? Alors
Pourquoi avoir lâché la main de cette enfant ? Ce "'laisser faire" constituant ici un "laisser aller" pour justement découvrir et explorer n'est-il pas non plus une possibilité de non, de poser un acte différent, de faire un choix ?
L'enfant doit faire des choix, et par là s'opposer à l'injonction parentale. La transgresser... Mais quand et comment ?
C'est tout le problème du non, de ce non que l'enfant se doit d'opposer pour marquer sa singularité, sa différence, son être autre, qui n'est plus en symbiose avec le parent, l'adulte.
L'enfant se détache pour vivre sa vie, découvrir, explorer... Mais comment doit-il le faire, comment peut-il le faire ? Sans les yeux, sans le regard de cet adulte ?
Sous le regard de cet adulte qui se doit de laisser faire, tout en gardant "un oeil" sur ce laisser aller, ce laisser faire, qu'il se doit de laisser transgresser afin que l'enfant puisse accéder à une progressive autonomie, puisse partir à la conquête de son "moi" ?
Aller explorer d'autres territoires, découvrir d'autres lieux, sachant qu'il existe et qu'il y a le lieu sècure où nous attend l'adulte tout aussi sècure. Ulysse a fait un beau voyage...
Mais comme nous le savons tous il fut très heureux de retrouver sa maison !
L'adulte se doit d'encourager l'enfant de le laisser aller, tout en étant à ses côtés, il se doit tout autant de l'avertir des dangers de tous ces territoires inconnus, car l'inexploré peut-être hostile, mais pas de l'en effrayer, de l'en décourager, de le menacer des pires scénarios. Comment l'enfant alors, curieux et avide d'expériences pourra t-il explorer le monde qui l'entoure ? Comment pourra t-il avoir confiance, en lui et en les autres ?
Il ne s'agit pas de laisser l'enfant aller, faire, sans surveillance, au contraire, et c'est là que tout est complexe, difficile voir presque impossible. Laisser sans tout permettre, laisser aller sans tout abandonner. Car c'est bien de perte encore dont il est question dans cette histoire
Qui s'avance sur un territoire étranger s'il découvre perd aussi, fait le deuil, le deuil d'une méconnaissance pour accueillir un savoir et une expérience. Deuil aussi pour le parent, d'un enfant qui se détache qui s'éloigne et qui dit non, Qui affirme sa singularité, et sa vie propre !
Cette histoire m'a interpellée vivement, l'attitude détachée et la menace de ses adultes ne sachant ocomment faire obéir leur enfantN'osant dire non,  et n'ayant pas trouvé d'autre solution que de la mettre en garde contre un éventuel autre, "méchant,qui lui ferait du mal".. Evoquant alors le danger et aéglement leur impossibiltié à l'en protéger... Ne sachant pas comment construire ce cadre de confiance, éducatif,ni mettre les limites nécessaires à chacuen des parties pour que la relation puisse s'y construire et s'y épanouir, ce fameux cadre sécure.
Nous savons le mot de Freud, lorsqu'il répondit à une mère désireuse de bien éduquer son enfant :
" Faites comme vous voudrez : de toute façon vous ferez mal"
Est ce encore vrai ? Ne pouvons nous pas tenter de faire "good enough" ? seulement.


samedi 8 décembre 2012

Soin de soi.

Prendre soin de soi.
Prenez soin de vous, prends soin de toi !
Une phrase qui ponctue une conversation, qui la termine, mais qui devient parfois une injonction;
Prendre soin de soi...
L'un à l'autre, l'un et l'autre dans la relation, de bienveillance, de souci, d'interrogation.. L'un pour l'autre.
Prends soin de toi !
Expression devenue courante.
Galvaudée parfois comme tant et tant de mots, verbes, expressions...
Sans qu'on sache ce que ça signifie vraiment, ce que l'autre veut dire, sans que celui qui l'entend et le dit en saisisse tout le sens, toute l'essence.
Le sens ?
Prendre soin de soi.
Soin... voilà un mot qui a lui tout seul fait encore couler beaucoup d'encre, impliquant la maladie, le mal aise qui réclame un acte précis, déterminé : le soin, qui nécessite d'être soigné pour aller, être, faire mieux
Une sorte d'exhortation à aller mieux, ne pas aller mal ?
Mais pourquoi ? Pourquoi demander à l'autre de se prendre lui même en charge ?
Quid de cette prescription là ?
Faut-il simplement que cet autre là soit simplement gentil avec lui même et j'insiste sur le pronom réfléchi qui prend ici toute sa valeur symbolique, cet "himself "!
Gentil ? Bienveillant ? Chaleureux ? Amical ? Aimant...
Aimant nous y voilà peut-être...
Car il y a de l'amour la dessous, l'amour de l'autre qui passe par l'amour de lui même, et par conséquent et projectivement peut-être aussi de soi même
Ne faut-il pas s'aimer juste un petit peu soi même  pour être en capacité d'aimer juste un petit peu aussi l'autre ? Celui là même à qui on demande de prendre soin de lui...
Une amour "suffisamment bon" ? "'Good enough" ? Encore ?
Parce que quoi ? Nous ne pouvons pas prendre soin de lui ? Tout entier ? Il faut qu'il y mette un peu du sien pour que ça prenne ? Il faut qu'il prenne un peu le temps de regarder, de regarder sa vie, et son self, son je .. Qu'il apprenne à l'aimer et à le trouver beau.
Qu'il prenne soin, qu'il enveloppe son "Je" d'un hâlo de douceur, de gentillesse, de tendresse et d'amour
Qu'il prenne soin de ce je comme et en même temps qu'il prend soin de son corps, cette enveloppe montrée à voir à l'autre sous le plus beau jour qui soit.
Montré à voir, car de cela aussi il est question. L'image donnée, offerte au regard de cet autre...
Quelle image ? Quelle image donnée, quelle image veut-on, doit-on donner ?

Ainsi ce temps pris chaque jour au soin de soi... Ce temps pour se vêtir, s'apprêter, passé au choix de la couleur de l'habit qui fait celui que nous serons ce jour là, le maquillage, la coiffure, toute cette mise en scène destinée à produire une image soumise au regard de l'autre, qui renvoie en miroir une image aimable ou détestable ? Est-ce bien de cela dont il s'agit ?
Ce montré à voir, ce je extérieur, cette carapace, ce costume endossé pour le rôle? A jouer ? A mettre en actes pour la journée où il sera peut-être mis en pièces ?

Ou est-ce autre chose ?
Un autre chose plus intime ? Plus secret ?
Un lieu infime où se joue la rencontre de je avec soi ?
Une invitation alors pour cette rencontre ? Ce rendez-vous  singulier ?
Peut-être...
Comme toute expression devenue 'fourre tout" on peut y mettre ce qu'on veut, répétée à tort et à travers elle perd son sens et sa puissance. Et pourtant si on y prend garde le poids des mots nous enseigne
Pour prendre soin de soi, au pied de la lettre peut-il faut-il aussi s'écouter, prendre ce temps là. S'écouter vivre, aimer, souffrir, rire, prendre conscience de son existence, de sa vie, de son souffle.. Avoir envie d'être, mais être en vie.
Se sentir vivant, aimable et fragile, fort et aimant.
Poser un regard bienveillant sur ce "Je" qui parfois est en souffrance, n'en peut plus de toutes les injonctions auxquelles il doit non seulement répondre mais aussi et surtout se conformer pour être, exister et faire partie de ce lien social, espace devenu étriqué et sans concession.
Sujet tiraillé, toujours aux prises avec une singularité devant trouver sa place au sein de la Cité, sans trop y laisser de plumes, sans trop lui concéder, tout en gardant son âme !
Déchirement, renoncement... Un prix parfois fort à payer !
Alors il faut prendre soin de soi... Prendre soin à ne pas trop perdre, laisser un peu trop de soi pour ?
Mais pour quoi ?
"Prends soin de toi" Cela peut-être tout ou presque, banalité, politesse, injonction, invitation, prescription, bienveillance, compassion, empathie, sympathie...
A nous seul appartient ce choix.
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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