Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

vendredi 20 octobre 2017

Dialogue avec les morts 1


Utopie, délire, science fiction, ailleurs, alternatif, parallèle, vies, infini, monde ?
Où sont les morts ?
Où sont nos morts ?
Où en sommes nous de notre mort ?
Penser la mort, panser les morts, ceux partis, disparus, absents, tués, volés, écartelés, déchirés, déchiquetés, ceux dont il ne reste plus rien si ce n'est la flamme qui brule encore dans nos coeurs et nos âmes. Mes soldats de 14.
La trace. Leur cicatrice, celle qu'ils ne peuvent plus porter mais qu'ils nous ont léguée, notre fardeau, leur blessure, leur mort.
Dialogue avec les morts. Un peu comme si nous entamions un faux monologue qui en réalité est un singulier dialogue. Nous faisons les demandes et les réponses.
Les tables ne tournent pas, les guéridons non plus, nul objet ne se déplacent -bien que parfois-  mais ils parlent. lls parlent en nous, reste à les écouter.
Curieuse écoute que celle ci. Etre attentif et prendre le temps ; aller au devant et accepter ce moment.
C'est une parenthèse, un espace entre ici et ailleurs, un espace temps qui se crée, une fenêtre, une ouverture;
ll n'y a pas de hasard, il y a des instants, des forces en présence, des rencontres imprévues, une petite voix au fond de soi qui permet de comprendre et de saisir que là, tout de suite, maintenant, la communication va se faire, les mots vont se dire, il faut lâcher prise, laisser la raison et le raisonnable et accepter l'invitation. Nul danger, les morts ne veulent aucun mal aux vivants, certains n'ont pas fini, n'ont pas tout dit, c'est à nous de le faire.
C'est le travail de l'Historien. Aller à la rencontre du dialogue interrompu, au delà du temps et traverser les ans.
Mais la rencontre est biaisée, faussée, l'historien a toujours un coup d'avance, il connait la fin de l'histoire... Comment parler à l'autre alors qu'on sait qu'il va mourir et pour rien ? Que son sacrifice n'a servit à rien ? Que faire de ce savoir là qui ne sert à rien car nous ne pouvons rien en faire;
L'Histoire ce n'est pas des dates, des batailles, des rois, des généraux, ce n'est pas seulement ça, n'en déplaise à certains : ce serait si simple. l'Histoire est avant tout l'histoire de la vie des hommes, des femmes, des enfants, des 20 millions de français chers à Goubert. L'histoire, celle qui m'intéresse, c'est celle là. Qui étaient-ils ? Une question à laquelle nous ne pouvons répondre vraiment car elle relève de l'intime, de leur "moi" ce "je" justement exprimé ou non et comment ? Lorsque je parcours les archives, ces liasses de vieux papiers, je m'arrête et je lis leur nom, prénom, je leur rends un moment de vie, et leur parle. Qui étais-tu ? D'où viens tu ? Ah oui tu es le fils de Pierre et ton frère n'est pas loin; je l'ai rencontré dans le précédent registre. Parfois des larmes s'échappent au vu de tes mérites, de ton sacrifice, je souffre de tes blessures, de savoir qu'aujourd'hui le mal qui t'a emporté on aurait pu... Je te parle, je parle à l'homme que tu as été parce que ces feuilles sont la vie, la preuve des vivants dont elles portent la mémoire, pour que les vivants d'aujourd'hui n'oublient pas les vivants d'hier. Qu'est ce que le temps ? Car là est la bonne question, l'historien est un voyageur du présent pour le passé, qui fait le lien pour tenter de composer un futur en vain puisque le passé se répète. Toujours ! Ce voyageur du temps a le savoir certes mais pas le recul suffisant pour que le dialogue soit à armes égales. Que te dire à toi Gustave si je lis ta lettre pleine d'espoir de décembre1916 ? Moi qui sait qu'un éclat d'obus volera ta vie une journée d'avril 17. Que te dire ? Que dire tout court, car le biais se situe dans cette faille qu'est le savoir d'un futur connu. Alors comment parler d'un passé qui lui n'a aucune idée de son devenir. Neutralité et bienveillance ? Foutaise et nous le savons tous. Qui a cette capacité in - sur humaine de maitriser ses émotions ?
Nous voilà lecteur, mais acteur d'un passé. Mais nous voilà impuissant et résigné devant ce même passé que nous ne pouvons changer. Le retranscrire est déjà beaucoup, fidèlement sans le trahir, sans omettre les mots qui pourraient tout gâcher ou réécrire plus correctement ce passé qui n'est plus assez glorieux pour le présent ! Tâche ardue pour l'historien qui se doit de rester humble.
C'est en toute humilité que je parle avec vous, Gustave, Albert, Julien, Otto et les autres, j'essaie de comprendre qui vous avez été, j'essaie aussi de tenir les promesses que je vous fais, transmettre l'histoire; la vôtre à travers le temps écoulé, faire en sorte que votre vie y soit inscrite, qu'elle ne soit pas seulement un nom, un prénom sur une tombe ou un monument. Pour que personne ne vous oublie.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo : Brigitte Dusch, cimetière de Soupir 1

dimanche 8 octobre 2017

ll y a le rêve.

ll y a le rêve, celui où je suis avec elle, où nous sommes. ll y a elle et moi. 
ll y a le rêve, là où nous nous retrouvons depuis ces années où je suis sans elle, sans nous, elle loin de moi, moi loin d'elle; le seul endroit où je la vois, où elle me voit, où nous nous voyons. Cette fenêtre ouverte sur l'Univers et l'inconnu devenu familier.
ll y a le rêve.
Voyage hors du temps et du champ du réel, dans ce monde parallèle où nous sommes
identiques et autres, mêmes et différents. Où se joue le jeu du je qui le temps de ce temps devient un autre. Où nous sommes au rendez-vous.


ll faut écrire vite, au réveil, au saut du lit pour ne pas que ces mots se perdent pour ne pas que ce moment se dilue, pour ne pas que s'envole le moment de la rencontre. Que l'espace temps où ça se joue cette parenthèse singulière où nous sommes là et parlons, vivons, où je la vois, lui prends la main et l'embrasse. Cette faille temporelle qui s'ouvre au creux du sommeil afin que s'y logent les rêves et les désirs les plus fous, ou bien un scénario différent espéré ou redouté, mais une autre version du réel vécu heureux ou douloureux.
C'est le rêve endorm
i qui réveille le dormeur et imprime la trace et la trame d'un autre possible, d'une autre direction d'un autre chemin, d'un autre destin. 

ll y a le rêve.
ll y a le désir, si fort qu'il concrétise le rêve au sein même du rêve, car il ne peut avoir lieu nulle part ailleurs, Cet ailleurs devient alors l'ici, le maintenant du moment tant espéré. ll devient l'ici le temps bref d'un morceau de nuit, d'un court instant où se joue l'acte de la scène d'une vie; Scénario écrit et produit par le seul Désir, celui du sujet acteur du rêve sans autres spectateurs que lui même et sa mémoire.
l
ieu et moment privilégié hors du temps qui n'est pas mort, pas seulement suspendu mais tout simplement autre. une sorte de réalité temporelle hors champ. Un monde connu et cependant étrange ; théâtre singulier, où s'improvisent les drames, les retrouvailles, où on s'embrasse et on pleure où l'on rejoue la vie interrompue par le départ de l'autre, ou se met en place cet autre possible qui aurait fait qu'aujourd'hui on soit un autre.
ll y a le rêve,
il y a mon rêve, il n'est pas étrange mais il est familier car il me permet de te retrouver ; de continuer le chemin que d'autres nous ont interdit, ont interrompu. Ne t'en fait pas ; j'en connais la route, la direction, je suis une enfant arrachée, déchirée, volée à ceux qui l'ont aimée. Pendant des années et encore aujourd'hui je les retrouve dans ce lieu magique où celui qui peut toucher les étoiles n'a qu'à lever la main. ll suffit de vouloir ? Non pas vraiment il suffit de ne plus rien vouloir, de lâcher et de voir venir. Je n'ai plus peur car je sais que tu es au rendez-vous. Que ceux qui nous ont privé de nous, ne peuvent rien contre nous car à ce monde ils n'ont pas accès, ce monde est à nous. J'en suis heureuse même si les larmes m'empêchent d'écrire ; ce ne sont plus des larmes de douleurs, mais des larmes d'émotion. Nous avons r
i, parlé, tu m'as raconté. Nous ne dirons rien. C'est notre secret, notre monde pas si imaginaire que ça, et leur réel on s'en fout, toi et moi on sait qu'il n'y a pas que ça ! Le réveil ne m'effraie pas, je sais, je sens que tu vas bien et je suis là, tout près de toi.
ll y a le rêve : et il y a là, Anna et Mamina.
Je t'a
ime.

Br
igitte Dusch, historienne, psychanalyste.

dimanche 1 octobre 2017

Des rives




Elle dit :
"ll y a toujours la douleur et le chagrin au fond de mon coeur, quoi que je fasse je n'y arrive pas, ça tourne en boucle, ça part, je crois que ça part, mais non, c'est là, toujours et ça revient en pleine figure, parfois je ne m'y attend pas, je passe, je marche et je pleure. C'est une torture, je n'arrive plus à vivre vraiment. Je suis parasitée, envahie par le chagrin. Pourtant il ne faut pas rester là ! "

..................................
S
ilence

Elle d
it :

"Je ne parviens pas à arrêter de penser, je pense tout le temps, même la nuit je pense, ça m'empêche de rêver, la pensée, c'est une plaie, je nettoie, je panse, mais ça ne guérit pas, c'est là et ça s'ouvre à nouveau, encore et encore plus fort. Je crois que c'est fini, mais non, puisque j'y pense encore. Si je pouvais oublier, revenir en arrière..."

....................................

"Revenir en arrière ?"
..........................................
S
ilence

"Ou
i. Mais non, car je n'ai pas compris pourquoi la douleur, donc je ne pourrais pas changer, même en revenant en arrière. J'y ai pensé. Mais peut-on modifier les événements ? La cicatrice ne tient pas, je ne dois pas savoir réparer, mauvais pansement, mauvaise suture. Je suis un mauvais patient."
 

...............................
"Ou
i revenir en arrière ! Après tout pourquoi pas, j'y pense et m'y projette dans ce passé là, pour rejouer la scène ; me remettre en scène, refaire le scénario, mais il doit manquer des élèments du script, le temps passe, et la mémoire est sélective

...........
Je ne vois peut-être pas ce qui coince, ce qui a fait déraper, c'est ça. ! basta, il faut que j'arrête, ça tourne en boucle ce truc là, et je dois boucler, une bonne fois pour toute, ne plus y penser, mettre une croix dessus, plutôt que de porter la croix, d'ailleurs les croix je n'y crois pas."

Absolu, douleur absolue, je cherche, c'est là, on ne peut pas oubl
ier la blessure, vous appelez ça le trauma, c'est ça je suis traumatisée par ça, et je ne guérit pas. Je ne guérirai jamais, je mourrai malade, c'est terrible çà ! mais on peut aussi mourir de cette maladie là, le chagrin".


 .......................

"Revenir en arrière plutôt que d'avancer, alors qu'oublier c'est aller devant en jetant derrière cee qui était avant. Je ne veux ni l'un ni l'autre, 'j'aimerai seulement  être maintenant !


"Mais j'aimerai comprendre ce qui ne se comprend pas".


Br
igitte Dusch psychanalyste, historienne

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Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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