Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 13 mars 2010

Accompagner... La mort.

Cette idée d'accompagner la mort apparait quelque peu choquante, voire incongrue, déplacée.
C'est peut-être le mot "accompagner" ? Peut-être ?
Accompagner ? On imagine une sympathique promenade, un aller et retour, un cheminement paisible...
Mais là ?
Je lis dans un article du monde (en lien) "la mort pourrait être mieux accompagnée en France"
Et ailleurs ? Mais ce n'est pas ici l'objet, la question.
C'est sûrement la formulation, car il y a bien quelque chose qui cloche !
Mais au delà de la forme, de la syntaxe, c'est peut-être un autre ordre, ou désordre
La mort, c'est sûrement ça, tout simplement, l'idée de la mort, à l'hôpital ou ailleurs. La mort. Car si elle est la seule chose, le seul devenir dont nous pouvons être absolument certains, elle est aussi le seul avenir qui effraie à ce point.
L'inconnu, la fin... L'ultime voyage.
La mort, aucun retour possible.
Mourir avec un seul "r" corrigeait ma mère, "car on ne meurt qu'une fois !"
"On est mort pour de vrai", comme disent les enfants. Et pour répondre à la question d'un petit garçon "dis le mort il va revenir ?" seul le non, un non définitif, sans appel convient !
J'ai souvent écrit sur la mort, la mienne un jour, celle de mes proches, celle que j'ai rencontrée, souvent, trop souvent, dans ma vie, personnelle, et professionnelle. La mort, celle qui hante, la mort de voir mourir trop, trop souvent…
J'y ai été confrontée très jeune, très tôt, trop peut-être. Cette froideur, cette solitude....La perte de la vie, la perte de l’autre, la perte. Pour toujours, pour jamais.
Alors peut-on l'accompagner ?. Question mal posée. Peut-on accompagner le mort, enfin le futur mort, puisque pour ac compagner, faire ce bout de chemin là plus ou moins long, il faut qu'il soit encore vivant. Pas encore mort...
La partie est faussée d'avance, je le sais, je l'ai trop vu. Du côté le vivant, le bon vivant et de l'autre le mort-vivant qui va bientôt être un mort mort, un défunt...Qui va bientôt partir définitivement, quitter la partie pour de bon pour ne plus jamais y revenir.
End game !
Etre là tout près, pour que l’autre, qui va mourir, se sente moins seul, moins seul avant de passer, moins seul pour passer, tout seul finalement, de l’autre côté, dans cet ailleurs inconnu, d’où personne n’est jamais revenu.
Etre présent à ce moment là. Où celui qui reste est quitté, à tout jamais.
Etre présent, près de cet autre qui passe pour ne pas se sentir seul
Seul, le mot est làché ! C’est là, seul, car on est toujours seul, avec les autres, avec soi même. Le propre de l’homme est d’être seul, face à lui-même, encore, face à son être seul, et ce n’est pas simple, c’est douloureux parfois, et ce jour là, peut-être davantage
Alors accompagner : Illusion ?l
Car c'est bien là que ça coince "l'accompagnement".
Deux compagnons ou plusieurs accompagne (nt) un autre compagnon, quelle drôle d’accompagnement que celui là !
Si on se joint à l'autre pour aller là où il va..en même temps que lui.
Un des deux n'y va pas....Un des deux y va, l'autre pas.
Il y en a qui y va, l’autre pas. Et celui qui n’y va pas, le sait dés le début. Trucage ?
Celui qui accompagne n’ira pas de l’autre côté, du moins cette fois, il lui faudra attendre encore un peu, un autre l’accompagnera peut-être ? Qui sait ?

C'est bien en ce sens que la partie est truquée. Qu'il y a mal donne, qu'il y a méprise
C'est là ce quelque chose qui cloche. Cet abus de langage.
C’est plutôt la mort qui nous accompagne à chaque instant. Compagne invisible, elle ne nous quitte pas, nous mène inéxorablement vers l’ultime moment, elle est là, toujours, jusqu’au bout. La plus fidèle des compagnes ! Celle qui nous trahit le moins ?

Voir mourir n'est pas simple, surtout quand on est l'unique et le dernier témoin. Voir mourir laisse des traces, qu'on le veuille ou non, qu'on se le dise ou pas !
Voir et laisser mourir, c'est peut-être ça ?
Mais il parait que l'homme tient à la vie, à sa vie ? Mais celle de l'autre ? La vie de l'autre ?
Y tient, un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout ?
Vivre et laisser mourir l'autre, dans la dignité ? Meurt-on dignement ?
C'est quoi être digne devant la mort, peut-on être lâche enfin pour tout lacher une bonne fois pour toutes ?
Voir une vie s'achever dans la douleur, la souffrance, l'acharnement des machines qui maintient cet autre là dans un semblant de vie, pour que cet autre, accompagne, reste là. Encore un peu, encore... Un bref instant, le dernier, s'il a la chance d'être là. L'autre reste..
Et restera une fois que... L'autre sera parti, enfin ! Pour lui. Qui sait ?
Car là est bien la question : Qui sait ?
Et qui sait quoi ? Qu'y a t-il à savoir...
Qui sait s'il veut mourir et comment ? Et quand ?
Laisser mourir alors ? Ce n'est pas dans la culture, dans cette culture où tout doit être mis en place pour faire "tout ce qu'on peut' au risque de laisser vivre parfois
Accompagner, l'autre,
Pour qu'il ne meurt pas tout seul, qu'il parte avec quelqu'un à ses côtés, plus rassurant ?
La belle affaire !
Comme on accompagnera au cimetière, sa dépouille, son cercueil, jusqu'à sa dernière demeure comme "ils disent"
Famille et amis seront là...Pour qu'il ne soit pas seul, encore une fois, ça ne se fait pas.
Pourtant combien de morts dans la solitude ? Dans la solitude des hôpitaux, des services de soins spécialisés, palliatifs, cliniques, de morts seuls à domicile, aux portes des centres hospitaliers, dans la rue, "comme un chien" me dit un jour un de mes patients à propos d'un de ses compagnons d'infortune
La mort accompagnée ?
Alors on accompagne, on essaie de rendre la mort plus douce (comme s'il y avait de la douceur dans la souffrance, dans les états semi comateux et morphinesques) on triche, on tente de rendre la mort plus humaine, plus acceptable, plus présentable.
Mais pour qui ?
Car là est bien la question, la question essentielle, cruciale, fondamentale...
Pour celui qui part ?
Pour celui qui reste ?

B.D. psychanalyste, psychothérapeute, historienne

* Pendant de longues années j'ai exercé mes fonctions auprès de mourants, de leurs familles. J'ai été là, présente, offrant un espace de paroles, de mises en mots ou en silence, de mises en pleurs.
J’ai rencontré trop souvent celle-ci, au hasard des couloirs de la vie, la mienne et celle des autres, elle m’a pris, et m’apprit tant !.
La mort n'est ni douce ni belle. Pourtant elle est.
Mon unique souci pendant toutes ces années et encore aujourd'hui est de comprendre cette relation singulière que nous avons à la mort, à cette fin, ou à cet autre commencement pour certains
Je ne suis pas croyante, personnellement je pense qu'après il n'y a rien... Mais je n'en sais rien, alors ? Qui sait ?
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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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