Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mardi 7 avril 2009

A deux...

Vieillir à deux..
Rester à deux....
Devenir vieux à deux...
Rester ensemble !

Combien de fois j'ai entendu cette demande, cet appel, ce cri.. Ce SOS !
Quand la vieillesse sépare, la maladie sépare, que l'autre ne peut plus, garder l'autre, auprès de lui, son autre à lui....
C'est que "nous n'avons jamais été séparés"
"Cela fait plus de cinquante ans que nous vivons ensemble, on ne s'est jamais quitté..."
Vivre seul, sans l'autre, sans ce compagnon, cette compagne des bons et des mauvais jours est impossible, inenvisageable
On n'envisage jamais de vieillir, on y pense, le moins possible, on oubie, on n'y pense pas trop, cela viendra bien assez vite....On verra bien...Il sera toujours temps...
Malgré tout, on prépare quand même sa vieillesse, en mettant de l'argent de côté, au cas où, en se rapprochant des enfants, on ne sait jamais.... En allant dans une région plus chaude, celle des vacances..Où on ne connait personne, et ne connaitra jamais personne,
Cruel exil que celui là ! Déception suprême, solitude extrème !
On y pense, on voyagera, on ira...Là, ailleurs, dans ces endroits qu'on a jamais eu le temps de voir, qu'on aimerait visiter, le jour où "on aura le temps"
Mais vieillir n'est pas si simple...
On imagine la vie, à deux, comme elle a toujours été, il en a toujours été ainsi, pour certains....
On vieillira ensemble... On fera ensemble....On ira ensemble....
Ensemble, puisqu'il en a toujours été ainsi... Ensemble, car autrement n'est pas imaginable...
Et puis la vie, le destin en décident autrement...
La vie ! un jour, un matin, c'est brutal, ou alors plus lent, insidieux, ce n'est plus tout à fait comme avant...

L'un est malade, l'autre, pas.
L'un ne va plus si bien, l'autre pas
L'un ne peut plus marcher, manger, ne se souvient plus, ne peut plus faire tout seul, ne sait plus, n'y arrive plus tout seul. L'autre fait ce qu'il peut, vient en appui, en aide, supplée, fait pour, fait avec...
Ensemble ils continuent, encore, ils avancent, encore, jusque quand ?
Jusqu'au bout.... C'est ce qu'ils espèrent, souhaitent, voudraient bien...
C'est terrible, la vieillesse et la maladie, ensemble, la maladie de la veillesse, car vieillir, même si ce n'est pas une maladie peut le devenir. Malade d'être vieux, vieux d'être malade !
Longtemps, l'autre aide, sans rien dire, en fait un peu plus qu'avant, ou alors fait, car avant il ne faisait rien, il ne veut pas laisser l'autre seul, et être seul.

Un part, l'autre reste, restera.....ce sera bien assez tôt, il faut s'y préparer, sans trop y penser, toujours, mais là... Si on pouvait aller au bout du chemin ensemble, au bout de cette route.... Cela fait tant de temps, déjà !
Tant d'années que cette route là, pas toujours facile, il la parcourt ensemble...Tous les deux, ils ont affrontés les soucis, les difficultés, les chagrins, les peines, les larmes, mais aussi les joies, les rires, les bonheurs....
Le meilleur et le pire, le pire et le meilleur
Ensemble
Déchirant ! Toujours....
Cela fait tant d'années pourtant ! Pourtant !
Pourtant un jour, ce n'est plus aussi simple, facile....Tout est remis en question
Un ne va pas, l'autre, n'en peut plus, et il s'en veut tellement, de ne plus en pouvoir....
Cette culpabilité de ne pouvoir aider l'autre, le coucher, le laver, le nourrir...Parce qu'on n'en peut plus, et qu'on est vieux, si vieux aussi... Qu'on est usé, fatigué....Qu'on ne peut plus bien vraiment marcher, parce que le conjoint est tellement lourd, qu'on a peur s'il tombe de ne pouvoir le relever, de ne pouvoir se relever !
Il y a bien des aides qui passent.... Mais ce n'est pas suffisant
Et puis tout ces étrangers dans la maison, dans l'univers, dans l'intimité
Intrusion terrible ! Mais on ne peut faire autrement....
Terrible que cette vieillesse là cette maladie là qui arrive, qui ne partira pas, qu'il faut prendre avec les ans, par dessus les ans, en plus, le bonus en quelque sorte

Si on n'était pas si vieux !
L'autre, l'aidant, le proche, n'en peut plus, il arrive souvent épuisé.... Quand son "autre" est hospitalisé...
Si l'aidant, celui qui supplée, qui fait pour, avec est malade lui aussi, c'est catastrophique, le monde s'écroule alors, leur monde s'écroule
"Comment je vais faire, ma femme ne peut pas rester seule, à la maison, la nuit... Elle n'a plus toute sa tête.... Ne peut plus se lever seule" me confie en pleurant un patient de 85 ans... Pourtant il ne pouvait plus marcher, jusqu'au bout, il a fait, mais la douleur était tellement forte qu'il ne pouvait plus, ni marcher, ni se lever....
C'est bouleversant ces larmes ! terrifiant aussi.... Laisser pleurer, laisser les larmes couler.... Assister impuissant à ce désespoir...
Laisser dire la peine et la souffrance, prendre la main, rassurer, être là, une présence chaleureuse, empathique.... Etre ici avec...
Ne rien dire, faire silence, les larmes parlent, écouter les larmes, être là, près des larmes, les entendre, non seulement couler, mais parler, si fort. Exprimer si fort la peine, la douleur, le chagrin, la souffrance, la detresse, le désespoir.....L'impuissance !
Etre là...
Avec cet autre si seul, avec sa peine, sa souffrance et ses larmes.. Contenues tellement, depuis tellement longtemps, qu'il n'en peut plus et les laisse aller
"Ca fait du bien.... "
Puis de me dire le souci qu'il se fait, pas pour lui, mais pour celui qu'il cause, dont il est responsable...
Comme s'il n'avait pas le droit, le droit d'avoir mal, d'être malade.... D'avoir besoin lui aussi, besoin de l'autre, besoin des autres
Cette confrontation à sa détresse, à sa solitude, à son être seul, ce face à face terrible, impossible à affronter, seul, avec l'autre, ce n'est pas simple, mais on n'est pas seul.. Vraiment
On partage à deux cette souffrance, la veilliesse, la solitude et le devenir vieux, le devenir invalide, handicapé, dépendant..
On voit l'autre devenir, perdre, laisser le peu de jeunesse, le reste de dynamisme, on le voit sous ses yeux, devenir vieux, on se voit à travers l'autre, à travers le regard de ce même autre, devenir soi même un autre, un vieux.
La vieillesse est un monstre impitoyable qui n'épargne personne, qui tue à petit feu, lentement en prenant son temps, qui ne fait aucun cadeau, mais au contraire, fait que petit à petit la vie s'éteint dans ce corps qui vieillit, qui se courbe, qui se ride et qui se fane, ce corps qui n'est plus montrable, tellement plus désirable que ce corps objet n'est plus l'objet du désir, du désir de l'autre
Le corps est malmené... Le corps est lavé, habillé, comme une masse lourde, informe, un objet qu'on ne cache, même plus, qu'on ne soustrait plus au regard de l'autre, car il n'est plus un corps, comme si le sexe, le sexuel avait quitté le corps du vieux ou de la vieille... L'âge fait que le sujet n'aurait plus ni imtime ni sexe.
Neutralité de ce corps impudique et laid, ridé et vieux.. Objet de répulsion, de dégout..
un corps malade, oublié au fond d'un lit, d'un fauteuil où lui même s'oublie, se laisse aller, aller à tout...
C'est ce que l'autre, un peu moins malade de cette vieillesse meutrière voit, regarde, contemple, cette décrépitude, cette décadence indécente et triviale... Miroir impitoyable qui lui renvoit son image, sa propre image en écho de celui de la femme ou de l'homme aimé, désiré...
Aller encore un peu, jusqu'au bout, de ce chemin de croix, de ce chemin de fer, ce chemin de vie, ce chemin de mort !
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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