Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

lundi 27 septembre 2010

Elle a faim

Elle a faim, encore faim, comme elle dit elle "crève de faim"!
Elle a faim, mais ne mange pas, n'ose pas manger, de peur que ...
Parce que si elle mange, rien qu'un peu "ça se voit tout de suite"
Alors elle a faim, pourtant elle a faim...
Dés qu'elle mange, elle se demande comment faire pour éliminer ce qu'elle a mangé, absorbé, ce qui est dans son corps
Alors elle bouge, fait du sport, des excercices, des abdos, de la gym à n'en plus finir
Elle absorbe parfois des diurétiques.. Des laxatifs

Il faut maigrir
"Maigrir" ?
Oui, ne pas prendre de poids.. Au moins..
Elle n'a aucunement besoin de maigrir, son poids "est dans la norme"
Pourtant...
Tout le monde le lui dit, lui montre, sur des photos, dans la glace..
Même la balance..
Pourtant
Elle n'entend pas, ne le croit pas...
Elle ne reconnait pas la silhouette que lui renvoie le miroir.... Comme sienne..
Une image déformée aperçue à travers un prisme déformant...

Elle est persuadée d'avoir des kilos en trop, d'être serrée, ballonnée, dés qu'elle mange un "tout petit quelque chose"
Alors elle se prive, et "crève de faim"
A défaut de crever, d'autre chose, de crever tout court ! Dit-elle
Elle ne se voit pas comme les autres la voit, ou les autres ne la voit pas, telle qu'elle se voit, donc telle qu'elle est...
Elle est persuadée que son corps n'est pas parfait, qu'il est trop... Trop gros...
Alors elle ne mange pas, elle a faim...

Elle voit les filles sur les magazines, voudrait leur ressembler, avoir le même corps
Elle voudrait mettre des vêtements de femme mais dans une taille de petite fille
Elle souffre...
Elle n'écoute pas ses proches qui s'inquiétent pour elle...

Elle se regarde encore dans la glace : se trouve des défauts, du trop, toujours, un trop qu'il faut gommer, zapper, effacer
Effacer....
Elle a faim, personne ne sait à quel point elle a faim, personne ne sait quels sont les efforts qu'elle fait chaque jour... Explique t-elle..
Chaque jour, des privations, des renoncements...

Mais un corps qui ne lui dictera pas sa loi, qui doit au contraire se discipliner, se plier à ses exigences à elle et surtout cesser de réclamer, de crier, de gémir, d'avoir besoin...
Alors elle mange un peu, quand même.. Il faut bien, mais pas plus, ce qu'il faut...

Elle ne fait pas semblant, semblant de manger, "comme ces filles qui vomissent après", elle ne mange pas, pas vraiment, elle picore quelques aliments, un peu, et pas plus, sinon..
Ca se voit, ses vétements la serre, elle ne se sent pas bien...

Elle mangerait bien, des sucreries, des gâteaux, des chocolats, elle en a envie, mais ....
Il ne faut pas, alors elle ne mange pas, ou un peu.. Juste un tout petit peu...
Ce juste un tout petit peu lui permet de survivre, mais ne lui permet pas de s'aimer, car elle ne s'aime pas comme ça, il manque quelque chose, ce quelque chose en trop qui fait que ça ne va pas, ni dans sa tête ni dans son corps
Elle ne veut rien entendre, et continue d'avoir faim, car manger n'est pas une fin en soi, manger pour apaiser une faim qui fait que ce corps à mal,que ce corps fait mal, que ce corps crie et réclame... Une faim pour apaiser, mettre un terme à cette souffrance, que cette douleur ait une fin
C'est peut-être juste un problème de fin ?

vendredi 24 septembre 2010

Elle est ailleurs

Elle est ailleurs
Où, je n'en sais rien, mais elle n'est pas là…

Cela fait un petit moment que je me dis que ça ne va pas, que j'essaie d'en parler autour de moi, mais...
Personne n'entend vraiment !

On me dit que je dramatise, que je vois toujours la maladie, partout, là où elle n'est pas forcément, que c'est une déformation professionnelle...
Que ....
A quoi je réponds "quand même, je ne vois pas des fous partout !"
Pourtant

Non, elle n'est pas folle, loin de là, mais il semble qu'elle oublie... Qu'elle ne se souvient plus...

Nous ne nous voyons pas, plus, depuis longtemps, c'est comme ça, nous ne nous sommes jamais beaucoup vues.
Mais nous nous téléphonons
Je lui téléphone plus tôt
Souvent... Quelquefois
A chaque fois, je dois passer du temps, à expliquer, lui dire qui je suis, les enfants, lui expliquer, leur prénom..
Puis ça revient
Elle me parle de sa vie, pas de ce qu'elle a fait hier, ce matin, aujourd'hui, mais de celle d'avant, de bien avant, quand elle était avec ses parents, son frère...
Elle rit. C'était bien !
C'était à Paris !

Elle ne parle pas d'aujourd'hui
J'essaie de lui demander comment elle va, savoir ce qu'elle fait
Elle est loin et je m'inquiéte parfois, mais elle ne veut pas que je vienne la voir,
Elle ne veut voir personne, elle veut être seule, la solitude ne l'ennuie pas
Les autres l'ennuient ....
Je crois
Elle a choisi de s’emmurer dans le silence, qui la protège, qui l’isole de la souffrance, de sa souffrance, de ces non dits, d’une vie qu’elle n’a pas entièrement choisie, peut-être…
Solitude, silence…
Elle vit seule, comment ? Je ne sais pas trop
J'ai quelques nouvelles en téléphonant au voisin, un peu moins vieux, un peu plus valide, qui va la voir, qui l'aide à nourrir les chats, qui l'aide, qui rapporte le pain
Et puis il y a les "aides", qui viennent pour le ménage, pour l'aider à rester là, dans sa maison, là où elle se sent bien
Elle ne monte plus dans sa chambre, les escaliers sont trop dangereux, alors elle (ou quelqu'un ?) a déplié le canapé dans le salon pour qu'elle puisse dormir sans trop de danger, sans risquer de tomber..
Le médecin est scandalisé ! Comment peut-on la laisser là ? Chez elle ? Comme ça ! Alors qu'il y a des maisons...
Des maisons, elle n'en veut pas ! Elle veut sa maison, vivre dans sa maison, celle où je suis née,
Cette maison me disait elle, quand elle allait encore bien, je la connais par coeur, je connais chaque mur, chaque pierre, chaque endroit. C'est chez moi !
Elle ne voulait pas en partir, même pour les vacances, même pour venir nous voir, elle ne venait presque jamais nous voir, et n'aimait pas nous voir, elle voulait être tranquille
Comme si elle ne voulait pas que nous voyions, que nous la voyions... Vieillir peut-être ?

Elle a toujours été coquette, angoissée par la vieillesse, ne voulait dépendre de personne
Seule, solitude, ne pas ennuyer les autres
Rester seule avec elle même
Sa petite chienne est morte, personne n'a osé lui dire, on lui a menti, on lui cache la vérité, quand elle demande où elle est, ils répondent qu'elle est encore chez le vétérinaire, qu'elle va revenir
Elle ne dit rien, puis n'y pense plus...
Elle est entourée de ses chats, d'une multitude de chats, qui vont qui viennent, elle a toujours aimé les chats, elle m'a transmise sa passion des chats, des livres, de la connaissance, du savoir, de la discussion, elle m'a tant donné, sans le savoir peut-être...
Elle m'a donné tout ça, tout ce qu'elle savait.. Et maintenant elle ne sait plus rien !
Elle ne sait plus si elle s'est lavée, si elle a mangé..
Elle mange n'importe quoi, s'habille n'importe comment elle qui aimait tant la mode, les bijoux, décorer sa maison, se parfumer, être élégante...

Elle tient des propos inconvenants ! Elle qui avait tant de retenue, usait de beaux mots....
Puis elle est tombée, un jour, en voulant aller.... ?
Le médecin la fait hospitaliser
Le voisin est navré "Je ne pouvais faire autrement tu sais ! Elle ne peut plus rester là, ce n'est plus possible
Rassurer le voisin lui dire qu'il a bien fait.. Téléphoner à l'hôpital...

Elle est infernale, se sauve et insulte le personnel ! Elle veut rentrer chez elle
Je pleure doucement, je sais que c'est fini que je ne la reverrai pas
Je ne lui ai pas dit aurevoir..

Cette nuit là, elle est venue, me voir dans mon sommeil, me dire... me parler, me rassurer..
Le matin l'hôpital m'informe de sa mort
Doucement elle s'en est allée, ailleurs...
Au revoir Maman !

A Sarah.
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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