Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 11 novembre 2023

La fiancée de Georges


"C’est une histoire qui se raconte encore au Pays de Jonzac. C’est une histoire d’amour et de guerre touchante et tragique, celle de deux jeunes gens de 20 ans qui s’étaient fait des promesses."*


C'est qu'ils s'aimaient ces deux là
L'amour, qu'il soit d'aujourd'hui ou d'hier reste l'amour, ils s'étaient fait des promesses. Il y a si longtemps maintenant.

Ils avaient 20 ans ou presque, ils étaient jeunes et la vie était belle. Tout pour être heureux, avoir des enfants, se laisser vivre paisiblement chez eux, dans leur terroir à eux, ceux de leurs ancêtres, ceux des leurs depuis toujours.
Destin !

Il est parti un jour Georges, comme ses camarades, faire son service militaire et en ce temps là, c'est qu'il durait longtemps. Trois ans… 1910.... 1913.
Une si longue absence, des lettres et des cartes postales pour lui dire qu'il l'aime mais qu'il n'aime pas être soldat, il rêve de sa Bonne Amie… Il voudrait tant que ce soit fini, "ce maudit service". Il n'est pas soldat Georges. Il fait des sabots, des souliers pour les gens de son village et de la ville, il les fait avec amour, il lui écrit, combien il aime ce bois qu'il polit, qu'il répare dans la petite boutique non loin de la place. Il n'est pas un soldat ! non il est sabotier.

Il attend la permission pour venir embrasser sa Belle, faire des projets, car ils vont se marier. Il ne pense qu'à ça. Etre heureux ! Peut-on penser à autre chose quand on a 20 ans ? Même en 1913 ? Et puis les permissions sont suspendues, pour plein de raisons, puis elles sont supprimées, et Georges d'écrire sa tristesse et son malheur. Et… Le 2 août 1914 c'est la mobilisation, c'est la guerre, et plus question de rentrer, ne serait-ce que pour épouser celle qu'il aime et qui l'aime.

Pourtant il prend le train, ce train qui devrait le ramener au pays, ce train passe devant la ville, sa pe, celle de celle qui l'attend, mais le train ne s'arrête pas !

Et c'est le début d'une longue attente "de longues fiançailles"

 Août 1914, c'est la fin d'un monde, la fin de tout, la fin de l'amour. Alors elle attend sagement la petite fiancée, elle guette fébrilement le facteur, elle attend son amoureux, en septembre 1915, elle lui écrit et lit ses projets pour eux, pour eux deux quand l'enfer sera fini, il lui dit qu'il l'aime et qu'il repense encore et encore à cette dernière soirée passée ensemble lors de la fête au village, il ne pense qu'à ça et à leur amour.
 Elle lit et relit les lettres la petite fiancée, celle de son sabotier qui rêve de rentrer, qui est sûr de rentrer, de l'épouser et d'être heureux, tous les deux, ensemble tous les deux. Car ils s'aiment, et c'est ça l'amour.
 Elle attend, des semaines, Noël et ils ne sont toujours pas là, les Hommes, on leur avait promis pourtant que ce serait fini, ce n'était pas compliqué il suffisait de leur mettre une bonne raclée aux Boches, et le tour était joué, ils rentraient à la maison. La vie reprendrait comme avant, avant qu'il ne parte là bas dans ces contrées lointaines, où il fait froid, loin de sa terre, loin de son amoureuse, de sa vie et de son destin?

Elle attend encore, des mois, un an. Elle n'a plus de nouvelles, elle cherche, elle demande…. Elle remue ciel et terre. Où est Georges ? Prisonnier ? Blessé ?

Rien. 

Ce n'est qu'au mois de mai, en ce joli mois de mai 1916 qu'elle saura que Georges ne reviendra pas, il ne reviendra plus ; il est tombé à la ferme de Beauséjour à 4h 30 du matin, le 26 septembre 1915 peu après avoir écrit sa dernière carte : "Je penserai toujours à vous jusqu'au dernier moment". Peut-on se douter jamais ce qu'est le dernier moment ?

Alors la Fiancée de Georges enferma son chagrin sous une longue robe noire et un voile de deuil, toute sa vie elle restera la "veuve de Guerre". Petite Fiancée du Sabotier, tu n'a pas voulu d'autre mari. Il n'a aimé que toi, tu n'as aimé que lui.
La guerre est une connerie, Prévert nous l'a dit, elle sépare ceux qui s'aiment et ravage tout sur son passage, et surtout les plus belles choses. La guerre se fout de l'amour, elle n'aime que la haine, elle fait des hommes des monstres, des femmes et des enfants des montagnes de peine.

A la mémoire de Georges, de sa fiancée, des jeunes gars tombés au champ de l'horreur, aux veuves de guerre, aux Orphelins, à tous ceux que la guerre a privé de l'amour.


Sacha Dusch, historien de la Grande Guerre, archiviste, auteur
Le Pays de Jonzac de l’Armistice aux Années Folles 1918-1924 mémoire M2 (Stéphane Tison).
 - Vivre l’épreuve de la Grande Guerre sur le front de l’arrière, le pays de Jonzac, expérience et bouleversement 1914 – 1918 mémoire M 1(direction Stéphane Tison) pp. 322-323
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, "Les Femmes de 14"
Crédit photo @brigittedusch
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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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