Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mercredi 27 avril 2011

Histoire d'L 1

Histoire d'L

Elle, Elles, L...
Des histoires d'elles, de ces femmes, nées, mises au monde, venues au monde, jetées au monde parfois.
Elles souffrent, ont souffert, puis un jour, lasse de cette souffrance, L, elles, sont venues pour entreprendre une quête, longue, douloureuse parfois quand il faut se replonger dans les affres de leur douleur...
Des histoires, une histoire de vies, d'en vie de vie et de naissances, de re venue au monde....Laissons leur la parole !

Lorsque B vint me voir pour la première fois, c'était pour comprendre.
Comprendre !
"Vaste programme" dit-elle en souriant

Elégante et mince cette femme d'une cinquantaine d'années avec déjà effectué plusieurs thérapies.
"De surface" souligne t-elle en riant !
"De surface, oui, sinon je ne serai pas là, prés de vous, pour vous demander de m'aider à faire le grand ménage".
Silence
"Je vais mourir et je veux comprendre, avant ! Je veux comprendre pourquoi je suis passée à côté de ma vie, à côté de moi, sans même me voir, sans jamais me rencontrer"

...Silencieuse, elle baisse les yeux et semble perdue dans ses pensées.
Puis elle poursuit, insiste sur ce besoin vital de comprendre une vie "pas ratée, mais pas réussie non plus ! Une vie de peur, d'angoisse, de regrets, je ne veux plus avoir peur, peur de vivre, pour pouvoir partir"
B vient pour parler "une cure de paroles, moi qui parle tout le temps, pour ne rien dire, ou dire des banalités, je viens vous dire ma vie, je viens me la dire aussi, ici, car je n'ai nul autre endroit où aller, je n'ai nul autre lieu pour répandre ces mots qui sont les miens et qui portent ma douleur, celle d'être née, celle d'être en vie"
Silence
"En vie, mais je n'ai pas envie d'être en vie ! Je n'en n'ai jamais eu envie, je me dis que j'aimerai être morte, pour me reposer, pour être tranquille, enfin, mais ça viendra, il me suffit d'attendre. Mais je vis ! Et quelle vie, une vie qui ne m'appartient pas vraiment, que je n 'ai jamais vraiment choisie..."
Silence"
Une vie comme ça, un peu de çi un peu de ça, du va comme je te pousse, du pas trop mal ou pas trop mauvais... Cahin cahas, ha ha !"
Silence"
Je crois que je n'ai jamais rien choisi, pas de venir au monde en tous cas, pas même mes maris, si le premier peut-être en sachant que je faisais une erreur, ou pour ne pas rester seule !"
Elle sourit.
"Une vie qu'on n'a pas choisi pour moi non plus, une vie qui s'est presque traçée toute seule, au gré du vent et des événements, au gré de tout, des autres, au gré ? Bon gré ! Mal gré, malgré moi souvent..."
Silence"
Pas si mauvaise que ça, mais si bonne non plus, si c'était à refaire j'effacerai tout et recommencerai à zéro... Zéro, nul, match nul, tabula rasa, rien..."
Silence
"Pour faire comment ? je n 'en sais rien, j'y ai souvent pensé, mais finalement ... Est ce important ?"
Silence"
Je suis un accident, un accident de la vie des autres, de mes parents, plutôt de ma mère, je suis arrivée comme ça, par hasard ou accident comme on dit, pas un enfant de l'amour oh ça non, mais un enfant de la vie peut-être de l'envie de vivre après la guerre, après tout ça !
Je suis née d'un moment passé à faire l'amour ou faire semblant, je n'en sais rien, je ne crois pas que mes parents s'aimaient, j'ai toujours cru qu'ils se prouvaient qu'ils étaient en vie, encore en vie.
Pas mort ou pas tout à fait mort, comme s'il avait encore un peu de vie après l'horreur. L'amour sans en avoir vraiment envie, mais qui pourtant m'a donné vie"
Silence
" Donné, non, pas vraiment, infligé comme Chateaubriand, infligé, imposé c'est ça, on ne m'a pas demandé mon avis, j'étais là, la graine a germé... Eux ? Je ne sais pas, Je ne sais rien de tout cela, ces gens là n'en parlaient pas, mais qui parlaient de ça ?Je suis née quand même "
Silence
"Et puis je vais vous dire, oh ne riez pas, c'est lamentable, mais pour me comprendre il y a bien longtemps j'ai souvent pensé que ma mère ne voulait pas de moi, de ce bébé encombrant, et qu'elle a tout fait pour s'en débarasser, se débarrasser de moi, qui n'était pas encore née, pas encore en vie, mais dont elle n'avait pas envie, pas là encore, pas au monde mais pourtant niée, pas désirée, pas aimée, pas voulue
Ma vie c'est ça, pas !Pas ! Pas de place, pas d'amour, pas de ... Rien..
J'en porte encore les marques dans mon corps de ce refus là, ce corps que je n'aime pas, qui me fait mal toujours, qui me blesse, qui me trahit aujourd'hui....Qui va mourir enfin !"
Silence
"C'est cela, c'est le fruit de ses efforts à elle pour me dire de partir, me mettre dehors, m'expluser avant l'heure, me dire dégage !
Dégage, va t-en ! Pourtant je suis restée.Fardeau, boulet, je suis restée, je me suis accrochée fragile, je me suis accrochée comme le cancer qui étend ses tentacules, c'est ça je suis son cancer, sa tumeur, son excroissance, qui s'est maintenue, tenue, tenue mais tenace à ce ventre qui ne me voulait pas, qui me vomissait, qui me rejettait, frêle radeau j'ai tenu bon jusqu'à la rive...
Mais pourquoi donc ?"

jeudi 14 avril 2011

"La musique"

Je viens d'achever la lecture de" La musique" de Yuko Mishima
Un livre découvert chez une amie...Le hasard encore ?
J'ai lu il y a plusieurs années "L'école de la chair" et les "Amours interdites". L'auteur, son écriture m'avaient fascinés.
Je ne connaissais pas ce livre ! Comme toujours les quelques lignes prisent "au hasard" en feuilletant l'ouvrage m'ont décidées.

Une autre facette du talent de Mishima, qui nous entraine dans les méandres d'un monde surprenant.

Fascinant !
Comme son nom ne l'indique pas, c'est de psychanalyse qu'il s'agit
Et de psychanalyse "appliquée"
Une histoire "vraie", une "étude de cas clinique".

Pas question de vous raconter l'histoire, je vous laisse la curiosité et le plaisir de la découvir, mais plutôt de partager les impressions étranges et les questionnements singuliers que celui ci pose au lecteur.

La psychanalyse au Japon...! (le livre a été écrit en 1965)

L'auteur avertit son lecteur dés les premières pages : il s'agit "d'un compte rendu relatif à un cas de frigidité féminine" présenté par un psychanalyste de renom.

Une "histoire vraie" en quelque sorte. "seul le nom des personnages à été modifié" précise t-il...

D'ailleurs le "roman" (mais en est-ce bien un) est sous titré

"Un cas de frigidité féminine observé en psychanalyse"

Nous voila dés les premières pages plongés dans l'univers du docteur Shiomi... Un psychanalyste célébre et jusque là sans histoire, une vie tranquille à l'image de son cabinet.

Puis survient dans cet univers Reiko : Elle n'entend pas la musique !
Curieuse et jolie métaphore ! En effet, l'analyste comprend peu à peu que c'est ainsi que sa patiente exprime sa frigidité ! Reiko n'entend pas la musique.

Elle parle, parle,assemble, se tait, tricite et détricote, analyse,interpréte, questionne parle encore, raconte et se raconte !
Au fil des mots on s'enfonce encore un peu plus, comme le Dr Shiomi dans les méandres obscurs de la personnalité féminine, vaste continent noir, inexploré, mystérieux et secret.

Cette femme qui d'aprés son analyse "souffre d'hystérie" associe les mots, librement, les rêves, les mensonges, les fantasmes.
Réel ? Réalité ? Rêves ? Mensonges ? Fantasmes ? Histoire ? Histoires ? Désir ? Amour ? Peur ? Angoisse ? Haine ? Désir encore...

Elle parle et elle écrit de longues lettes à son analyste, qui lit, associe les mots, tente des interprétations, tente de comprendre pourquoi cette "musique là" ne vient pas... n'est pas entendue par sa patiente...N'est plus entendue..

Le lecteur est mené par le bout du nez, car le roman revêt souvent des allures de policier
Le psychanalyste occidental s'etonne, s'interroge, s'insurge... Au fil des pages pour être complétement dérouté par la clinique de son confrère japonais !
Celui ci cherche, et n'hésite pas à s'investir tel un cognitiviste ! Intrusion dans le Réel pour comprendre le symbolique l'imaginaire et le fantasme....

Entre amour de transfert et fascination pour son énigmatique analysante, le docteur Shiomi entraine son lecteur au coeur de l'analyse où parfois le discours est pris au pied de la lettre. Reiko sublime et troublante, ment, souffre, parle, écrit, met des mots pour exprimer ce mal qui la ronge. Elle joue, manipule, car elle aussi "en connait un rayon sur la psychanalyse"

Et l'analyste occidental, et l'analyste d'aujourd'hui (le livre a été publié en 1965) de se demander si... ? Car ce n'est pas un jeu de la vérité, car qu'est-ce que la vérité, et y a t-il une vérité dans l'analyse ? C'est aussi la question !

L'auteur s'amuse, à nos dépends peut-être, mais aussi à notre plus grande joie, on sent derrière ses mots, le rire ! C'est jubilatoire...
Il nous emmène et nous promène du cabinet feutré de l'analyste aux bas fond de Tokyio où tel un" ttciste" anglo saxon il accompagne sa patienet et son petit ami flanqué de sa fidèle secrétaire ! Jubilatoire, oui parfois, aussi !

Quid ? Exposition ? Catharsis ?

On ne s'ennuie pas à la lecture de "La musique" et le lecteur se fait avoir par l'intrigue, il veut la déméler et se place dans la peau de l'analyste, détective, enquêteur... Il veut savoir et aussi comprendre, connaître la fin de l'histoire. Si fin il ya ?

A lire : en livre de poche, folio 3765 Yukio Mishima "La musique"
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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